F. LES DERNIÈRES MANIFESTATIONS DE LA CRISE DES PRIX DE L'ÉNERGIE ONT ENCORE AFFECTÉ L'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE 2024 DU PROGRAMME 345 « SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE »

En 2024, les dépenses exécutées sur le programme 345 se sont élevées à 5,7 milliards d'euros, soit une baisse de 14,5 milliards d'euros par rapport à 2023. Cette diminution spectaculaire s'explique par l'expiration des principaux dispositifs de soutien aux consommateurs finals d'énergie qui avaient été mis en place dans le cadre de la crise des prix de l'énergie.

Ce montant de 5,7 milliards apparaît en revanche nettement supérieur (de 17 %) aux crédits qui avaient été prévus en LFI. Ce phénomène s'explique par le coût des dispositifs de soutien aux installations de production d'électricité à partir d'énergies renouvelables. L'évolution de ce coût est une fonction décroissante de celle des prix de l'électricité sur les marchés de gros. Plus les prix de marchés baissent, plus les compensations versées aux producteurs sont élevées. Les prix de gros de l'électricité ayant diminué de façon plus significative qu'anticipé, la charge pour l'État représentée par ses obligations contractuelles s'est révélée plus importante que prévue.

Durant la période de crise des prix de l'énergie, c'est-à-dire principalement au cours des années 2022 et 2023, le fonctionnement habituel des compensations de charges de service public de l'énergie (CSPE) a été profondément bouleversé. En effet, en raison de l'augmentation très sensible et inédite des prix de l'électricité sur les marchés de gros, les mécanismes de soutien à la production d'électricité au moyen d'énergies renouvelables (EnR) sont devenus en pratique des dispositifs de prélèvement automatique de revenus exceptionnels qui auraient pu être perçus par les producteurs du fait de cette hausse des prix historique. Aussi, pour la première fois depuis la création du mécanisme des compensations de CSPE, les sommes habituellement versées par l'État aux producteurs s'étaient transformées en recettes publiques prélevées sur les rémunérations exceptionnelles perçus par ces mêmes producteurs au titre de la vente de leurs volumes d'électricité sur les marchés.

Alors que dans sa délibération n° 2023-293 du 21 septembre 2023, la commission de régulation de l'énergie (CRE) estimait que les CSPE relatives au soutien à la production d'électricité d'origine renouvelable en métropole seraient encore négatives en 2024, générant ainsi des recettes pour l'État, la baisse plus rapide qu'anticipé des prix de l'électricité sur les marchés de gros a produit un basculement par lequel les dispositifs de soutien à la production d'électricité d'origine renouvelable sont redevenus coûteux pour l'État. Cette nouvelle réalité a été traduite dans les délibérations n° 2024-139 du 11 juillet 2024 et n° 2024-216 du 5 décembre 2024 de la CRE.

Exécution des crédits votés du programme 345 « Service public de l'énergie »
en 2024 (CP)

(en millions d'euros)

 

2023

(exécuté)

2024

(LFI)

2024

(exécuté)

Exécution 2024 / exécution 2023

(en %)

Exécution 20 234
/ LFI 2024

(en %)

09- Soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole

1 375,9

0,0

1 367,8

- 0,6 %

+ 100 %

10- Soutien à l'injection de biométhane

44,2

875,5

1 037,6

+ 2247,5 %

+ 18,5 %

11- Soutien dans les zones non interconnectées (ZNI) au réseau métropolitain

3 166,1

2 236,4

2 135,8

- 32,5 %

- 4,5 %

12- Soutien à la cogénération au gaz naturel et autres moyens thermiques

214,1

80,5

260,0

+ 21,4 %

+ 223,0 %

13- Soutien aux effacements de consommation

63,0

63,0

162,3

+ 157,6 %

+ 157,6 %

14- Dispositions sociales pour les consommateurs en situation de précarité

51,0

44,9

32,9

- 35,5 %

- 26,7 %

15- Frais divers

87,7

0,4

24,0

- 72,6 %

+ 5900,0 %

17- Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs

15 169,1

1 558,3

681,4

- 95,5 %

- 56,3 %

18- Soutien hydrogène

0,0

25,0

0,0

-

- 100,0 %

Total programme

20 170,2

4 884,0

5 701,9

- 71,7 %

+ 16,7 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La consommation de crédits sur l'action 09 « Soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole » s'est élevée à 1,4 milliard d'euros alors que la LFI n'avait pas prévu de crédits pour cette action en raison d'anticipations de niveaux de prix de marchés plus élevés qu'ils ne l'ont été en réalité. Toutefois, dans sa délibération n° 2024-139 du 11 juillet 2024, la CRE avait réévalué les CSPE relatives au soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole à 3,2 milliards d'euros.

Cet écart entre les crédits effectivement exécutés sur l'action 09 et les CSPE évaluées par la CRE a trois origines qui nuisent à la lisibilité budgétaire du programme :

- le versement en janvier 2025 de la dernière mensualité des CSPE dues au titre de l'année 2024 selon la procédure prévue par le code de l'énergie ;

le calibrage des versements effectués à EDF entre la fin de l'année 2024 et le début d'année 2025 qui répond à un pur souci d'opportunité visant à piloter l'atterrissage budgétaire du programme en évitant d'avoir à solliciter du Parlement l'ouverture de nouveau crédits en fin de gestion ;

une déduction appliquée au volume des crédits consommés sur l'action à hauteur d'une partie des recettes liées aux régularisations a posteriori, résultant de la baisse des prix de l'énergie18(*), des dispositifs de soutien aux consommateurs finals d'énergie mis en oeuvre en 2022 et en 2023, au premier rang desquels les boucliers tarifaires et l'amortisseur des prix de l'électricité.

Le rapporteur regrette que ces phénomènes, dont l'incidence cumulée avoisine les 2 milliards d'euros, ne soient pas présentés de façon plus claire dans le rapport annuel de performances du programme.

Extrêmement dynamiques, les dépenses visant à soutenir l'injection de biométhane (action 10 « Soutien à l'injection de biométhane ») se sont quant à elles élevées à 1 milliard d'euros.

Par ailleurs, les mécanismes de péréquation tarifaire au profit des zones non interconnectées (ZNI)19(*) ont coûté 2,1 milliards d'euros à l'État en 2024. À compter du 1er août 2025, le financement de ces dispositifs sera assuré par l'affectation d'une fraction du produit des accises perçues sur la consommation de combustibles. Par exception cependant, la péréquation tarifaire bénéficiant à Saint-Martin et à Saint-Barthélémy restera financée par des crédits budgétaires du programme 345.

Le décret précité du 21 février 2024 ainsi que la loi de finances de fin de gestion (LFFG) pour 2024 ont respectivement annulé 196,5 millions d'euros et 470,4 millions d'euros d'autorisations d'engagement qui avaient été prévues pour le lancement de l'appel d'offres dédié à soutenir la production d'hydrogène décarboné20(*). En effet, maintes fois reporté, cet appel d'offres n'a finalement été lancé qu'à la fin du mois de décembre 2024. Compte-tenu des délais incompressibles liés à ce type de procédures, cette date tardive a même conduit le rapporteur à s'interroger sur la consommation effective d'autorisations d'engagements au titre de ce dispositif en 2025. En toute hypothèse aucun crédit de paiement ne pourra être exécutés pendant l'année en cours. Aussi, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, dans un souci de sincérité budgétaire, a-t-elle pris l'initiative de réduire les crédits prévus sur l'action 18 « Soutien hydrogène » à hauteur de 200 millions d'euros d'AE et de 25 millions d'euros de CP.

Enfin, alors qu'en 2023 les dépenses liées aux dispositifs de soutien exceptionnels aux consommateurs mis en place dans le cadre de la crise des prix de l'énergie représentaient 15,2 milliards d'euros et 75 % du total des crédits exécutés sur le programme 345, l'expiration des principaux dispositifs d'aide en raison de la baisse des prix de marché ainsi que des contractions de crédits résultant de régularisations a posteriori du coût des dispositifs mis en oeuvre en 2022 et en 202321(*) a considérablement réduit le montant consacré à ces dispositifs en 2024. Au cours de cet exercice 681,4 millions d'euros22(*) (soit 12 % des crédits consommés sur le programme) ont ainsi été consacrés à financer ces dispositifs.

Ce niveau « net » de consommation de crédits s'explique par la somme du solde (versé en janvier 2024) de compensations dues aux opérateurs au titre des dispositifs de soutien qui étaient en vigueur en 2023 (608,6 millions d'euros) et des compensations dues au titre des quelques dispositifs maintenus en 202423(*) (722,4 millions d'euros) de laquelle ont été déduits une part24(*) des régularisations a posteriori relatives aux dispositifs mis en oeuvre en 2022 et en 2023 (681,7 millions d'euros).


* 18 Et par voie de conséquence, du coût de ces dispositifs de soutien pour les finances publiques.

* 19 Crédits suivis sur l'action 11 « Soutien dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain ».

* 20 Crédits retracés sur l'action 18 « Soutien hydrogène ».

* 21 Pour un total de 2,5 milliards d'euros.

* 22 Crédits retracés sur l'action 17 « Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs ».

* 23 Les boucliers tarifaires collectifs gaz et électricité pour les contrats d'approvisionnement pluriannuel qui avaient été conclus à des prix élevés ainsi qu'une version révisée de l'amortisseur des prix de l'électricité destiné aux professionnels.

* 24 Une part plus significative de ces régularisations ont été affectées en déduction des crédits relatifs au soutien à la production d'électricité solaire retracés sur la sous-action 03 « Solaire photovoltaïque » de l'action 09 du programme (voir supra).

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