B. L'IGN EST ENGLUÉ DANS UNE CRISE BUDGÉTAIRE À L'ISSUE TOUJOURS INCERTAINE
Dans un rapport d'information qu'il avait présenté au mois de novembre 202218(*), le rapporteur s'était notamment penché sur les perspectives financières de l'IGN à l'aune de son nouveau modèle économique le rendant très dépendant de grands programmes principalement financés par des directions d'administrations centrales. Il s'était alors ému de la fragilité financière de ce modèle et craignait la survenance d'un phénomène de « trou d'air », c'est-à-dire l'insuffisance de grands programmes commandés par les directions et des financements qui vont avec. Dans cette hypothèse, la viabilité économique de l'opérateur se trouverait remise en cause à brève échéance.
Il a eu la mauvaise surprise de constater que l'impasse financière est même survenue plus rapidement qu'il ne l'avait envisagée. En effet, dès la fin de l'année 2023, l'établissement s'est retrouvé confronté à une situation de très forte tension budgétaire. En raison d'une prévision de trésorerie négative à horizon de la fin de l'année 2024, l'opérateur se retrouvait dans l'incapacité de faire adopter un budget par son conseil d'administration pour cet exercice. À l'époque, l'établissement estimait encore que ses difficultés n'étaient que conjoncturelles, résultant de difficultés à percevoir des promesses de financements faites par certaines directions centrales.
Pour sortir de cette impasse, à l'initiative du rapporteur, la loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023 avait prévu une réévaluation de 4 millions d'euros de la SCSP de l'IGN, un montant par la suite intégré de façon pérenne, via une opération de rebasage, dans la dotation annuelle versée à l'établissement.
Cependant, la situation constatée à la fin de l'année 2023 s'est révélée en réalité n'être que « l'arbre qui cachait la forêt ». Un rapport de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) de juillet 2024 a en effet dressé le constat d'une situation financière plus alarmante encore et d'une impasse financière, non pas seulement conjoncturelle mais structurelle.
Selon un phénomène de « cavalerie budgétaire », les ressources perçues en avance à partir de 2021 pour financer de grands projets et le volume de trésorerie exceptionnel qui en a temporairement résulté ont masqué un déficit structurel du financement des activités de base de l'établissement. Ce déficit s'est même fortement aggravé à partir de 2022, notamment depuis la mise à disposition gratuite des données publiques produites par l'établissement et la diminution de recettes qui en a résulté. Il a également été amplifié par l'augmentation substantielle des coûts de production des activités de base de l'IGN ces dernières années. Ainsi, en 2024, l'IGEDD évaluait-elle à 15 millions d'euros le déficit structurel de financement des missions de base de l'IGN.
Cette situation d'impasse, reconnue et admise par l'ensemble des acteurs, compromettait gravement le vote par son conseil d'administration et l'exécution d'un budget en 2025. Dans ces conditions, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2025 et des contraintes budgétaires considérables qui lui étaient inhérentes, le rapporteur a multiplié les contacts avec l'ensemble des parties prenantes de ce dossier, notamment la direction de l'IGN et ses tutelles ainsi que les cabinets ministériels concernés. Cependant, il a été au regret de constater que, malgré le constat partagé d'une impasse, la dilution des responsabilités ne permettrait pas de faire émerger une solution, même temporaire, pour assurer la survie financière de l'opérateur à court-terme.
Aussi, par souci de responsabilité, en concertation avec sa collègue Christine Lavarde, le rapporteur a-t-il pris l'initiative d'un amendement visant à réévaluer de 5 millions d'euros la SCSP de l'IGN en 2025 en contrepartie de la réalisation d'une économie budgétaire équivalente sur le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Cet amendement a été retenu dans le texte final de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.
Pour autant, la situation de l'opérateur est encore loin d'être stabilisée et une réflexion plus structurelle sur la viabilité économique à long terme de son modèle doit absolument être conduite avec ses tutelles. Le rapporteur regrette vivement qu'une telle initiative n'ait pas été prise plus tôt. Il n'est pas acceptable que sur ce dossier, chaque année, jusqu'aux ultimes discussions relatives à l'examen de la loi de finances, tous les acteurs se retrouvent « au pied du mur » à se regarder « en chiens de faïence ».
* 18 Acteur de référence de la donnée géolocalisée souveraine, l'IGN avance sur un chemin à baliser, rapport d'information n° 17 (2022-2023) de M. Vincent Capo-Canellas, fait au nom de la commission des finances, novembre 2022.