B. LA HAUSSE TENDANCIELLE DES DÉPENSES D'INTERVENTION DE LA MISSION FRAGILISE LA TRAJECTOIRE PLURIANNUELLE ADOPTÉE EN LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES (LPFP)
Les crédits de la mission « Économie », qui abondent plusieurs dispositifs d'aide aux entreprises pour garantir leur compétitivité et protéger les consommateurs, financent un montant croissant de dépenses d'intervention, c'est-à-dire de transferts directs aux acteurs économiques qui constituent des dépenses non pilotables pour les responsables de programme.
Les dépenses d'intervention à destination des entreprises ont fortement augmenté lors des derniers exercices exécutés, puisqu'elles sont passées de 1,1 milliard d'euros en 2021 à 3,57 milliards d'euros en 2024 (+ 219,2 %). Hors aides exceptionnelles liées aux crises sanitaire, énergétique et inflationniste, ces dépenses sont passées de 1,7 milliard d'euros en 2022 à 2,4 milliards d'euros en 202411(*) (+ 41,1 %).
Dépenses d'intervention de la mission « Économie »
(en millions d'euros et en CP)
Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire
Les différents programmes de la mission « Économie » financent plusieurs types de guichet d'aide aux entreprises dont les principaux sont abondés par les crédits du programme 134 « Développement des entreprises et régulation ».
La compensation carbone des entreprises électro-intensives demeure la dépense la plus dynamique de la mission. Elle a été quasiment multipliée par trois en 3 ans, passant de 318 millions d'euros en 2022 à 914 millions d'euros en 2024 (+ 187,4 %). Cette dynamique est amenée à se poursuivre en 2025, puisque la LFI a prévu 1,051 milliard d'euros sur cette enveloppe.
La deuxième dépense la plus importante en termes de montant de crédits exécutés en 2024 est le guichet « gaz et électricité ». Ce dispositif, créé en 2022 dans le contexte du déclenchement de la guerre en Ukraine, vise à compenser les surcoûts de dépenses de gaz ou d'électricité des entreprises très consommatrices d'énergie. Le montant des crédits consommés sur cette enveloppe s'élève à 953,1 millions d'euros en 2024, contre 1,1 milliard d'euros en 2023. Financé par le report de crédits de 2023, le coût de cette aide n'avait pas été intégré dans la LFI 2024. Elle n'a pas toutefois vocation à être prolongée en 2025.
Enfin, la compensation versée au groupe La Poste pour ses quatre missions de service public12(*), constitue également une des principales dépenses d'intervention de la mission. Elle s'élevait à 949,813(*) millions d'euros en 2024, en baisse de 1,9 % par rapport à 2023.
Les rapporteurs spéciaux relèvent que la progression dynamique des dépenses d'intervention de la mission est amenée à se poursuivre dans les prochaines années, au regard notamment de la hausse à venir du prix des quotas carbone sur le marché européen et de la création par la LFI pour 2025 d'un dispositif de soutien à la décarbonation de l'industrie.
Des dépenses supplémentaires de 1,5 milliard d'euros concernant la décarbonation de l'industrie pour les années à venir
La LFI pour 2025 a prévu 1,6 milliard d'euros en AE pour le financement d'un dispositif de soutien à la décarbonation de l'industrie. La mise en place d'autorisations d'engagement sans crédits de paiement en 2025 est motivée par la nature du dispositif, reposant sur des appels à projet qui ne sont pas encore formalisés, et par sa temporalité, avec un délai moyen estimé à trois ans entre la décision d'investissement et le démarrage du projet correspondant.
La recherche de cofinancements européens aura également des effets sur le calendrier des projets. La trajectoire de décaissement des crédits de paiement correspondants présentera ainsi un enjeu important pour le pilotage pluriannuel des dépenses de la mission durant les années à venir.
Source : Cour des comptes, Note d'analyse sur l'exécution budgétaire 2024 - Mission « Économie ».
Par conséquent, ils seront particulièrement attentifs à ce que la place croissante occupée par les dépenses d'intervention de la mission soit compatible, d'une part, avec la trajectoire pluriannuelle de la mission adoptée en loi de programmation des finances publiques14(*) (LPFP) 2023-2027 qui prévoit un léger recul des crédits de la mission entre 2024 et 2026 et, d'autre part, avec le maintien d'un niveau de crédits suffisant pour assurer l'ensemble des politiques publiques financées par la mission, notamment en matière de répression des fraudes et de soutien à l'exportation.
* 11 Cour des comptes, Note d'analyse sur l'exécution budgétaire 2024 - Mission « Économie ».
* 12 Service universel postal, transport de presse, aménagement du territoire et accessibilité bancaire.
* 13 Dont 287 millions d'euros portés par le programme 305 « Stratégies économiques » pour la mission « accessibilité bancaire ».
* 14 Loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.