II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. UNE HAUSSE DES CRÉDITS LIÉS AUX REVALORISATIONS SALARIALES

1. Une sous-consommation persistante du plafond d'emplois révélant le manque d'attractivité de la profession...

En 2024, le plafond d'emplois global de la mission a progressé, pour la quatrième année consécutive, de 3,4 % représentant 34 973 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Cette hausse est principalement due au programme 230 « Vie de l'élève », le nombre d'emplois prévu sur ce programme augmentant de 45 % entre 2023 et 2024, soit une hausse de 32 930 ETPT. En effet, la LFI pour 2024 anticipait le transfert prévisionnel sur le titre 2 de 21 322 ETPT d'AESH, qui étaient jusqu'alors rémunérés sur les crédits d'intervention du programme. La hausse du plafond d'emplois en LFI 2024 correspond à une création nette de postes de 1 594 ETPT.

Évolution de la consommation des emplois par rapport aux plafonds fixés
en lois de finances initiales et rectificatives

(en ETPT)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Le niveau des emplois est pourtant sous-consommé, avec un taux de 99,5 % des prévisions en LFI 2024, représentant une sous-consommation de 5 690 ETPT, dont 2 201 ETPT sur le programme 140 « Enseignement public du premier degré » et 1 585 ETPT sur le programme 141 « Enseignement public du second degré ». Le niveau des emplois réellement consommés augmente par rapport à 2023, où seul 98,2 % du plafond d'emplois avait été consommé.

Décomposition de la sous-exécution des ETPT
par rapport à la prévision en LFI 2024

(en ETPT)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Cette sous-exécution est liée au manque d'attractivité de la filière enseignante et de la filière des AESH, même si les difficultés de recrutement des enseignants s'atténuent ainsi légèrement en 2024 par rapport à 2023. Le nombre d'inscriptions et d'admissions aux concours d'enseignement demeure inférieur aux chiffres de la session 2021, malgré une hausse par rapport à la session 2022. Pour pallier ce déficit d'emplois, la part des enseignants contractuels augmente structurellement de 4,3 % des enseignants en 2015 à 6,8 % en 2024.

2. ... malgré une hausse significative des crédits dédiés aux salaires

L'augmentation des dépenses de personnel, s'élevant à 8,3 % entre 2023 et 2024, se décompose en plusieurs facteurs. La majeure partie est portée par les mesures catégorielles de revalorisation des personnels, qui impliquent une hausse des dépenses de 2,45 milliards d'euros. En effet, des revalorisations des enseignants et des assistants d'élèves en situation de handicap (AESH) ont été décidées en septembre 2023. Cette mesure intègre également la hausse du taux de promotion à la hors classe des enseignants à la rentrée 2024 (pour un total de 0,8 million d'euros).

Facteurs d'évolution de la dépense de personnel en 2024

(en millions d'euros et en CP)

GVT : glissement vieillesse-technicité. La contribution au CAS « Pensions » n'est pas prise en compte.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Ainsi sont comprises dans les mesures catégorielles :

- la revalorisation des enseignants décidée en septembre 2023, qui comprend un doublement des primes statutaires, en particulier de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves et de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves, portant leur montant annuel brut à 2 550 euros. Elle se traduit aussi par l'ouverture de la prime d'attractivité aux enseignants stagiaires et par la hausse significative des montants pour les professeurs relevant des échelons 2 à 7 de la classe normale, ainsi que par des mesures d'accélération de carrière (meilleure reprise de l'expérience antérieure lors de la nomination dans le corps, hausse du taux de promotion à la hors classe en 2023 et 2024 etc.). La revalorisation des enseignants couvre un coût de 1,241 milliard d'euros pour 2024. En année pleine, la revalorisation des enseignants aura représenté un coût de 1,856 milliard d'euros ;

- la revalorisation décidée en septembre 2023 des AESH a représenté un coût de 126,7 millions d'euros. La grille indiciaire des AESH a été revue et une indemnité de fonction a été créée, représentant 1 529 euros bruts annuels. Les AESH référents bénéficient également d'une hausse de 10 % de leur indemnité de référence. Au total, entre juin et septembre 2023, la rémunération des AESH progresse de 10 % ;

l'octroi de 5 points d'indice majoré brut au 1er janvier 2024 par décret6(*) du 23 juin 2023 a représenté un coût pour la mission « Enseignement scolaire » de 349 millions d'euros ;

- le Pacte enseignant représente 542 millions d'euros de dépenses en 2024, soit une consommation de 84 % des crédits initialement prévus s'élevant à 627 millions d'euros. Le dispositif a en effet été gelé en avril 2024, suite au décret d'annulation. Le Pacte enseignant n'a par ailleurs pas suscité l'adhésion espérée par le ministère de l'éducation nationale : ainsi, seuls 30 % des enseignants auraient adhéré à une « brique » du Pacte (au lieu de 30 % d'adhésion à l'ensemble des « briques », comme anticipé par le Gouvernement).

Enfin, les mesures générales comprennent essentiellement la hausse du point de la fonction publique de 1,5 % décidée en juillet 2023 par le décret du 23 juin 2023 précité.

Si ces hausses de salaire sont bienvenues pour renforcer l'attractivité des professions de l'enseignement scolaire, elles représentent toutefois un coût sensible pour les finances publiques de 4,48 milliards d'euros en un an, soit un montant particulièrement élevé dans un cadre budgétaire contraint.


* 6 Décret n° 2023-519 du 28 juin 2023 portant majoration de la rémunération des personnels civils et militaires de l'État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d'hospitalisation.

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