II. LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Les rapporteurs spéciaux formulent trois séries d'observations à propos de l'exécution du budget de la mission RCT en 2024 : une concernant le niveau général d'exécution de la mission, deux concernant le programme 119, marqué par la résorption des dispositifs liés à la situation sanitaire et le plan Marseille en grand. La dernière souligne l'impact budgétaire, proportionnellement important, des tempêtes « Alex » et Ciaran sur le programme 122.

A. UNE PONCTION UNILATÉRALE DE L'EXÉCUTIF SUR L'ENVELOPPE DÉDIÉE À L'ENTRETIEN DE LA VOIRIE

Le programme 119 comprend l'essentiel des crédits de la mission et affiche un bon niveau d'exécution. Avec 3,8 milliards d'euros en AE et 3,7 milliards d'euros en CP, il représente respectivement 93 % et 94 % des crédits ouverts en loi de finance initiale. Ces crédits sont certes en baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2023, mais ce recul s'explique principalement pour des raisons techniques (création en 2024 d'un vecteur de compensation unique de la compétence des régions en matière de formation - cf. supra).

En revanche, le faible niveau des crédits reportés peut être relevé (2 millions d'euros en AE sur 126 millions d'euros disponibles fin 2023 - cf. supra). Et si le taux de consommation des crédits ouverts est bon (94,6 % en AE, 97,8 % en CP), il se dégrade néanmoins par rapport à 2023 (97,1 % en AE, 99,5 % en CP). Ainsi, l'écart entre crédits ouverts et crédits consommés se chiffre pour le programme 119 à 202 millions d'euros en 2024 contre 125,5 millions d'euros en 2023. Cet écart reflète les efforts budgétaires réalisés sur la mission.

Quant au programme 122, si la sous-consommation des crédits est plus marquée, avec un taux de consommation des crédits ouverts de 70,8 % en AE et 61,6 % en CP, cette sous-consommation est pour une large part due à la nature exceptionnelle des événements couverts par ces crédits (cf. analyses ci-après). Le tableau suivant détaille les gels et annulations sur la mission :

Mises en réserve et annulations

(en millions d'euros)

 

Programme 119

Programme 122

Total

mission

AE

AE

AE

CP

AE

CP

Mise en réserve initiale

208,9

16,4

16,4

13,7

225,3

217,9

Surgels

62,7

53,8

53,8

81,0

116,5

142,2

Dégels

 

- 47,1

- 47,1

- 11,6

- 47,1

- 11,6

Réserve disponible avant mise en place du schéma de fin de gestion

271,6

23,1

23,1

83,0

294,7

348,4

Réserve libérée en fin de gestion

166,6

     

166,6

188,7

Enveloppe exceptionnelle voirie

70,0

     

70,0

70,0

Annulations en fin de gestion

35,0

23,1

23,1

83,0

58,1

89,7

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le montant de la réserve initiale, sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales », représentait 5,5 % des crédits votés en LFI pour 2024, en AE (225 millions d'euros) et en CP (218 millions d'euros), conformément à la circulaire budgétaire du 21 novembre 2023 fixant le taux de mise en réserve des crédits hors dépenses de personnel. Si les crédits de la mission n'ont pas été réduits par le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits, la mission a en revanche fait l'objet de mesures de « surgel », dont 60 millions d'euros portant sur les crédits de soutien à l'entretien du réseau routier local.

Certes, une part non-négligeable de ces mouvements budgétaires n'a pas eu d'impact financier : la mise en réserve a de nouveau porté en 2024, pour une part importante, sur des crédits constitutionnellement dus aux collectivités sur le programme 119 (crédits de la DGD) comme sur le programme 122 (crédits des dotations outre-mer). En effet, l'article 72-2 de la Constitution impose une compensation intégrale par l'État de tout transfert de compétences et cette mise en réserve n'était pas pleinement mobilisable. L'ensemble des crédits indument mis en réserve a été libéré, tant sur le programme 119 que sur le programme 1229(*).

Toutefois, s'agissant du programme 119, l'écart entre la réserve disponible et la réserve libérée s'élève à 105 millions d'euros. 35 millions d'euros ont été annulés en fin de gestion : le reste correspond à une enveloppe exceptionnelle ouverte en fin de gestion au sein de l'action n° 1, de 70 millions d'euros en AE = CP pour soutenir les collectivités territoriales dans leurs actions d'entretien du réseau routier local, introduite grâce à un amendement de la commission des finances du Sénat. Le gel puis la suppression de ces crédits s'opposait en effet directement à la volonté formulée explicitement par le législateur en 2022 et en 202310(*).

Le rapport annuel de performances de la mission pour l'exercice 2024 note néanmoins que « ces crédits n'ont pas pu être exécutés en 2024 et 10 millions d'euros en AE = CP ont été reportés et gelés sur la gestion 2025. » Les annulations sur le programme 119 s'élèvent donc à 95 millions d'euros, 105 millions d'euros si les crédits gelés sont finalement annulés en fin d'année 2025.

Les rapporteurs constatent qu'une fois de plus, l'intention du législateur a été bafouée sur cette question, conduisant à une détérioration de notre réseau routier pour un effet limité sur les finances de l'État. Ils seront vigilants à ce que des crédits suffisants soient consacrés à cette mission.


* 9 Au mois de juillet 2024, 11 millions d'euros en AE et CP ont été dégelés sur le programme 122 afin de permettre le versement du reliquat de DGF des provinces de Nouvelle-Calédonie dans le contexte de la crise débutée en mai 2024.

En novembre 2024, à la suite des arbitrages de fin de gestion, 189 millions d'euros € en CP ont été dégelés sur le programme 119, dont l'intégralité des crédits de DGD mis en réserve (120 millions d'euros).

* 10 Cf. loi n° 2022-1499 du 1er décembre 2022 de finances rectificative pour 2022 et loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023.

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