II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT EN DÉPIT D'UNE AUGMENTATION SIGNIFICATIVE DES DÉPENSES DE PERSONNEL

Alors que l'exercice 2024 confirme une hausse tendancielle des dépenses de personnel, accrue du fait de la mobilisation des forces de sécurité lors des JOP et des évènements en Nouvelle-Calédonie, la sécurité civile souffre de difficultés dans le recrutement et la fidélisation de ses personnels.

Plusieurs exemples abondent en ce sens.

Tout d'abord, les indicateurs de performance du programme 161 mettent à nouveau en évidence le retard constaté dans le déploiement de NexSIS 18-112, projet de mutualisation des systèmes d'information des services d'incendie et de secours (SIS), dont la conception, le déploiement et la maintenance sont assurés par l'Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC).

Depuis son lancement, le déploiement du programme a été fortement perturbé pour des raisons endogènes (manque de moyens, complexité technique) et exogènes (crise sanitaire). Si 2024 marque un tournant encourageant, avec un déploiement opérationnel de NexSIS dans trois premiers Services d'incendie et de Secours (SIS) et la réalisation de mises à l'épreuve de réel dans plus d'une vingtaine d'autres, l'objectif cible de déploiement dans 24 SIS est très loin d'être atteint.

Surtout, le rapporteur s'inquiète d'un déploiement opérationnel qui pourrait être à nouveau ralenti en raison d'un manque de moyens humains.

Entre 2018 et 2024, l'ANSC est passée d'un statut d'établissement naissant à un opérateur de l'État en charge de la réalisation d'un programme national critique de 300 millions d'euros (montant prévisionnel actualisé sur la période 2018 à 2031 lors du PLF 2025). L'agence doit mettre en oeuvre le déploiement de l'outil vers 99 SIS, assurer son maintien en condition opérationnelle 24h/24 pour les premiers SIS équipés (Corse du Sud, Var, Indre-et-Loire) et assumer la poursuite des évolutions nécessaires.

L'agence disposait jusqu'à fin 2022 d'un plafond d'emplois à 12 ETP, ce qui a contraint à une importante externalisation des missions.

Dans le cadre de la LOPMI, l'ANSC a pu bénéficier en 2023 (année de mise en production de NexSIS 18-112 dans le premier SIS de Corse du Sud) d'une première augmentation de son plafond d'emplois de + 2 ETP. En 2024, celui-ci s'est accru significativement de + 8 ETP, atteignant alors 22 ETP auxquels s'ajoutaient 2 apprentis hors plafond d'emplois.

Cependant, le rapport annuel de performance pour 2024 démontre que le plafond d'emplois de l'ANSC n'a pas été atteint, avec seulement 15 ETP sous plafond et le recrutement d'un unique apprenti hors plafond. Cela traduit des difficultés de recrutement liées à un défaut d'attractivité pour des profils spécialisés.

En 2021, le rapport d'information n° 658 (2020-2021) de M. Jean Pierre Vogel, relatif au projet NexSIS, soulignait déjà « la difficulté d'attirer des profils sur certains postes, réservés à des emplois d'informaticiens qualifiés et de haute technicité ».

En 2024, le défaut d'attractivité de l'agence apparait toujours prégnant. Les autorités de direction de l'ANSC regrettent en effet que les opérations de recrutement soient rendues plus complexes pour des profils numériques spécialisés parfois rares sur le marché de l'emploi. Ces derniers peuvent en effet être peu enclins à rejoindre une agence de taille modeste et en suractivité.

Par ailleurs, la situation de la BSPP témoigne également des problématiques RH rencontrées par les forces de sécurité civile.

Dans son récent rapport sur les exercices 2018 à 2022 de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris3(*), la Cour des comptes constate que malgré une politique volontariste, la brigade peine à saturer son plafond d'emplois tout en voyant sa masse salariale évoluer de + 9,8 % entre 2018 et 2022. Si la subvention d'un montant de 112,8 millions en 2024 versée par l'État en 2024 ne participe pas directement aux dépenses de personnel (titre 2), le cas de la BSPP doit néanmoins alerter sur le hiatus entre l'augmentation des rémunérations et les difficultés de recrutement, et permet d'en comprendre certains facteurs.

Le rapport de la Cour des comptes souligne en effet des conditions d'exercices du métier de sapeur-pompier qui se dégradent, en raison notamment d'un climat d'insécurité qui s'ajoute à une suractivité : en moyenne un pompier par jour est agressé. La Cour des comptes pointe également du doigt le manque de visibilité sur l'avenir professionnel, la problématique du logement ou encore le célibat géographique.


* 3 Cour des comptes, La brigade de sapeurs-pompiers de Paris Exercices 2018-2022, 12 février 2025.

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