D. LA POLITIQUE DE LA VILLE CONDUITE PAR LE PROGRAMME 147 A SOUFFERT D'UN DÉSINVESTISSEMENT PROGRESSIF DE L'ÉTAT TOUT AU LONG DE L'EXERCICE
Le programme 147 « Politique de la ville » porte des crédits relatifs à la politique de la ville. Ils n'incluent toutefois qu'une faible part du financement des opérations de renouvellement urbain, dont les crédits proviennent à titre principal d'Action Logement et des bailleurs sociaux, ainsi que des collectivités locales qui lancent les projets.
Les crédits consommés par le programme 147 en 2024 sont de 523,9 millions d'euros en autorisations d'engagement, en baisse de 115,6 millions d'euros (- 18,1 %) et de 524,1 millions d'euros en crédits de paiement, en baisse de 115,4 millions d'euros (- 18,0 %), par rapport à la prévision.
Le programme 147 comprend quatre actions d'importance très inégale.
L'action 01 « Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville » regroupe les crédits à destination des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), dans le cadre des contrats de ville ou de dispositifs spécifiques tels que le programme de réussite éducative et les adultes-relais. Elle comprend 92 % des crédits du programme.
L'action 02 « Revitalisation économique et emploi » apporte la subvention de l'Établissement public d'insertion de la défense (EPIDe) et les crédits dédiés à la compensation auprès des régimes de sécurité sociale des exonérations de charges sociales en zones franches urbaines (ZFU).
Les crédits de personnel, limités à la masse salariale des délégués des préfets, sont retracés dans l'action 03 « Stratégie, ressources et évaluation ».
Enfin l'action 04 « Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie » retrace la contribution de l'État au financement du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).
Évolution des crédits du programme 147 par action
(en millions d'euros et en %)
2023 |
2024 |
Exécution / prévision 2024 |
Exécution 2024 / 2023 |
|||||
Exécution |
LFI |
Exécution |
en volume |
en % |
en volume |
en % |
||
01 - Actions territorialisées et Dispositifs spécifiques de la politique de la ville |
AE |
508,6 |
530,5 |
482,1 |
- 48,4 |
- 9,1 % |
- 26,5 |
- 5,2 % |
CP |
508,7 |
530,5 |
482,4 |
- 48,1 |
- 9,1 % |
- 26,3 |
- 5,2 % |
|
02 - Revitalisation économique et emploi |
AE |
39,8 |
40,2 |
38,8 |
- 1,4 |
- 3,6 % |
- 1,0 |
- 2,5 % |
CP |
39,8 |
40,2 |
38,8 |
- 1,4 |
- 3,6 % |
- 1,0 |
- 2,5 % |
|
03 - Stratégie, ressources et évaluation |
AE |
2,7 |
18,9 |
3,0 |
- 15,8 |
- 83,9 % |
+ 0,3 |
+ 11,9 % |
CP |
2,8 |
18,9 |
2,9 |
- 15,9 |
- 84,4 % |
+ 0,1 |
+ 4,8 % |
|
04 - Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie |
AE |
14,3 |
50,0 |
0,0 |
- 50,0 |
- 100,0 % |
- 14,3 |
- 100,0 % |
CP |
14,3 |
50,0 |
0,0 |
- 50,0 |
- 100,0 % |
- 14,3 |
- 100,0 % |
|
Total programme |
AE |
565,4 |
639,5 |
523,9 |
- 115,6 |
- 18,1 % |
- 41,5 |
- 7,3 % |
CP |
565,5 |
639,5 |
524,1 |
- 115,4 |
- 18,0 % |
- 41,4 |
- 7,3 % |
Note : LFI : loi de finances initiale. La prévision en LFI inclut les prévisions de fonds de concours (FDC) et d'attribution de produits (ADP), ce qui n'est pas le cas des crédits votés en LFI. L'exécution constatée dans le projet de loi de règlement inclut les FDC et ADP constatés.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Les crédits du programme 147 enregistrent un taux d'exécution réduit à 81,9 % en autorisation d'engagement et à 82,0 % en crédits de paiement. Cette faible exécution est liée à l'annulation d'un nombre important de crédits pourtant votés en loi de finances initiale, notamment la participation de l'État au Nouveau programme national de renouvellement urbain qui s'élevait à 50 millions d'euros.
Comme chaque année, des crédits ont été transférés ou virés, à hauteur de 14,4 millions d'euros, pour rembourser à différents ministères les salaires des délégués du préfet, qui représentent l'État dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et proviennent d'autres administrations ou organismes divers.
1. Les moyens réels de la politique de la ville demeurent difficiles à évaluer
Les crédits budgétaires du programme 147 ne constituent qu'une part de ceux réellement consacrés à la politique de la ville.
S'y ajoutent des dépenses fiscales, d'un montant estimé à 245 millions d'euros en 2024, résultant pour l'essentiel de deux dispositifs :
- l'exonération plafonnée à 50 000 euros du bénéfice réalisé par les entreprises qui exercent une activité dans une zone franche urbaine (ZFU) de troisième génération ou qui ont créé une activité dans une zone franche urbaine-territoire entrepreneur entre 2006 et 2023 (115 millions d'euros) ;
- l'abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) en faveur des immeubles en zone urbaine sensible (ZUS, jusqu'en 2015) puis dans les QPV (126 millions d'euros).
Ces politiques sont également cofinancées par d'autres acteurs, en premier lieu les collectivités territoriales, mais aussi l'Union européenne et, pour ce qui concerne le renouvellement urbain, Action Logement (voir infra).
Enfin et surtout, la politique de la ville doit coordonner sur certains territoires l'action de plusieurs ministères sectoriels. Les crédits de droit commun doivent être mobilisés en premier lieu, mais, comme le reconnaissent les documents budgétaires8(*), le chiffrage de ces moyens est difficile car les ministères n'adoptent pas toujours une approche territorialisée de leur action, de sorte qu'il n'est souvent pas possible d'indiquer avec précision le montant des crédits mis en oeuvre dans les QPV et de les comparer avec l'action menée dans les autres quartiers.
2. Une budgétisation initiale fortement amputée en cours de gestion
Si l'ouverture en loi de finances initiale pour 2024 était en augmentation de 42 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2023, la consommation des crédits est moins élevée de 7,3 %.
En effet, le programme a connu des mouvements de baisse de crédits conséquentes en cours d'exécution, à commencer par le décret du 21 février 2024 qui a annulé 49,1 millions d'euros comprenant la mise en réserve initiale de 33,3 millions d'euros et les crédits suivants :
- 10,5 millions d'euros pour les cités éducatives ;
- 4,3 millions d'euros pour les adultes-relais ;
- 1 million d'euros pour le complément jeux Olympiques et Paralympiques de la sous-action quartiers d'été en Île-de-France.
En outre, un surgel de 50 millions d'euros s'est porté sur les crédits destinés à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) pour le financement du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) le 17 juillet 2024. Ces crédits ont ensuite été annulés en loi de finances de fin de gestion.
Évolution des crédits en cours d'exercice
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir des données fournies par la direction du budget
Le rapporteur regrette ainsi cette gestion peu sincère des crédits de la politique de la ville, qui converge avec l'absence d'ambition pour l'amélioration à long-terme de la vie dans les quartiers concernés.
3. L'absence de participation de l'État au financement du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU) rend patent son manque d'investissement
S'agissant en particulier du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU), l'État n'a finalement apporté aucune contribution en 2024, les 50 millions d'euros prévus ayant été annulés en cours de gestion. Ceci s'ajoute à la participation symbolique, en 2023, de 14,3 millions d'euros.
Le montant qui doit être apporté par l'État sur l'ensemble de la durée du programme, de 2018 à 2030, est de 1,2 milliard d'euros. En particulier, sur la période 2023-2027, l'engagement prévu est de 300 millions d'euros, soit une moyenne de 60 millions d'euros par an. Or les montants apportés depuis 2018 sont bien en deçà de ce qui est nécessaire pour accompagner le programme de façon progressive. L'État devra, s'il veut honorer ses engagements, accroître considérablement les crédits de l'action 04, et donc du programme 147, dans les années à venir.
Financement du NPNRU par l'État
(crédits de paiement, en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires
Le financement de l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) est donc apporté presque entièrement par le secteur du logement lui-même, avec le groupe Action Logement (400 millions d'euros en 2024) et les cotisations des bailleurs sociaux à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS, 184 millions d'euros), sur un budget 2024 de 639,1 millions d'euros, avant l'annulation des 50 millions d'euros de l'État.
Les dépenses de l'Agence se sont établies en 2024 à un niveau de 2,09 milliards d'euros en autorisations d'engagement, contre 1,85 milliard d'euros en 2022, et de 1 005 millions d'euros en crédits de paiement, contre 780,1 millions d'euros en 2023, ce qui témoigne de la réalisation progressive des projets du NPNRU. De nombreux projets engagés n'ont pas encore mené au paiement complet du solde prévu.
Les engagements contractualisés sur le NPNRU sont d'ores et déjà de 9,17 milliards d'euros et les paiements de 2,75 milliards d'euros.
Si l'Agence dispose actuellement d'un niveau de trésorerie satisfaisant, qui a d'ailleurs motivé l'annulation de la contribution de l'État, le rapporteur spécial fait observer que c'est en raison des versements importants faits par Action Logement et les bailleurs sociaux.
Le rapporteur spécial regrette l'absence de volonté gouvernementale pour participer à la rénovation des quartiers, alors que les évènements de juin 2023 rappellent à quel point la situation sociale y est explosive.
* 8 Ville, document de politique transversale, annexé au projet de loi de finances pour 2023.