E. LE SYSTÈME JURIDIQUE SURINAMAIS ET SES ENJEUX

1) Un système juridique moderne...

Le système juridique surinamais est très proche de celui des Pays Bas et s'inspire du droit français particulièrement en matière pénale. Il distingue le droit public et le droit privé. Il comporte un Code pénal22(*) et un Code de procédure pénale, dont l'application est garantie par une Haute Cour de Justice23(*).

Le droit pénal surinamais se conforme aux principes fondamentaux tels le droit à un procès équitable, la présomption d'innocence, les droits de la défense, le respect des droits fondamentaux et l'accès à la justice.

Le ministère public (PPO), clairement séparé des juges, appartient au pouvoir judiciaire. Il est indivisible sur l'ensemble du territoire. Il est dirigé par le procureur général, nommé par le gouvernement sur avis de la Haute Cour de justice, qui est assisté de deux sollicitors general, de 15 procureurs et substituts, et de 30 membres du personnel administratif.

Le parquet n'est pas soumis à l'autorité hiérarchique du ministre de la Justice et de la Police ; le procureur général est nommé à vie, comme les juges, ce qui leur donne une indépendance forte. Il est à noter que l'indépendance des juges est également garantie par leur niveau de rémunération - un juge percevant l'équivalent de 1200 € de rémunération de base, à laquelle s'ajoutent diverses primes, ce qui représente un salaire conséquent au Suriname (le SMIC étant aux alentours de 140 €.)

Le pouvoir judiciaire a mis en place un plan de lutte contre la corruption ; différents services d'enquête sont en charge de cette mission, avec notamment la création d'un groupe d'enquêteurs « judicial investigation team », qui travaille sur des dossiers sensibles en lien avec le parquet.

Pour l'année 2022/2023, le parquet a mené des investigations dans douze affaires -de blanchiment uniquement.

Depuis 2005, le Suriname est membre de la Cour de justice de la Caraïbe.

Il n'existe pas de Cour de Cassation au Suriname mais il existe une Cour Constitutionnelle, qui a statué, pour la première et unique fois, le 22 juillet 2021 en prononçant l'annulation de l'amnistie dont avait bénéficié l'ancien Président Bouterse pour des meurtres commis en décembre 1982.

2) ... mais sous-dimensionné et au service d'un état de droit perfectible

S'agissant de l'État de droit et de la situation des droits de l'homme au Suriname, on soulignera qu'en juillet 2024, le Comité des droits de l'Homme des Nations unies, examinant le rapport soumis par le Suriname au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a relevé que les développements économiques récents du pays soulevaient des défis, notamment l'aggravation des inégalités et l'insuffisance des ressources allouées aux institutions juridiques du pays.

Le Comité a par ailleurs salué l'abolition de la peine de mort en 2015 dans le Code pénal et dans le Code pénal militaire en 2021.

Des efforts législatifs ont été déployés par le pays pour faire respecter les droits des peuples autochtones et tribaux. Cependant, il demeure un manque d'inclusivité des procédures mises en place, et des interrogations subsistent sur la bonne représentation des populations tribales et autochtones dans les postes de décision politique24(*).

Enfin la pratique des mariages d'enfants demeure préoccupante, tandis que le Suriname est un pays d'origine et de destination pour des femmes, des hommes et des enfants soumis à la traite sexuelle et au travail forcé à l'intérieur du pays - en particulier des femmes et des filles originaires du Brésil, de Cuba, de la République dominicaine, d'Haïti et du Venezuela.


* 22 Un nouveau code pénal est en vigueur depuis le 1er mai dernier.

* 23 Outre son rôle de cour d'appel générale, la Haute Cour de justice joue le rôle de juridiction de première instance et de cour d'appel suprême dans deux types d'affaires : les affaires concernant des fonctionnaires et des agents de l'État qui engagent des procédures judiciaires contre l'État du Suriname ; et les affaires disciplinaires concernant des avocats, des notaires ou des huissiers de justice.

L'article 139 de la Constitution surinamaise fait de la Haute Cour de Justice du Suriname l'instance suprême du pouvoir judiciaire.

* 24 Le Suriname a été condamné par la Cour interaméricaine des droits de l'homme pour l'absence persistante de reconnaissance juridique de la personnalité juridique, de la juridiction et des droits territoriaux des peuples indigènes et tribaux.

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