III. LES INÉGALITÉS DE PENSION ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES RETRAITÉS (PASCALE GRUNY)

A. MALGRÉ UN RATTRAPAGE PROGRESSIF, LES PENSIONS DE RETRAITE PERÇUES PAR LES FEMMES RESTENT INFÉRIEURES À CELLES PERÇUES PAR LES HOMMES

En 2021, le montant de la pension de droit direct78(*) perçu par les femmes restait inférieur de 37 % à celui perçu par les hommes, et ce malgré la prise en compte de la majoration pour trois enfants ou plus79(*). Si cet écart a tendance à se réduire progressivement (il était de 40 % en 2020 et de 54 % pour la génération née en 193080(*)) en raison de l'insertion croissante des femmes sur le marché du travail, de leur augmentation de niveau de diplôme et de rémunération, les carrières des femmes pâtissent plus que celles des hommes des conséquences de l'éducation des enfants, creusant de fait les inégalités entre les sexes.

1. Cet écart résulte des différences de carrière entre les femmes et les hommes

Le niveau moyen des pensions de retraite de droit direct connaît une tendance à l'augmentation depuis le début des années 2000, ce qui s'explique par l'effet dit « de noria ». En effet, les retraités disposent, pour le calcul de leur pension, d'évolutions de carrière plus favorables et d'un niveau de rémunération croissant par rapport aux générations précédentes.

Évolution de la pension moyenne versée par les régimes de base

Source : Rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale « Retraites » annexé au présent Placss

Cette dynamique est plus favorable aux femmes qu'aux hommes : entre 2004 et 2021, la pension de droit direct des femmes a augmenté de 20 %, contre 4,7 % pour celle des hommes. Cette différence d'augmentation s'explique avant tout par le fait que les pensions de retraite des femmes sont plus faibles que celles des hommes, aussi, la plus forte hausse qu'elles connaissent ne doit toutefois pas occulter une persistance des écarts de pensions entre les sexes.

Le système de retraite par répartition est un système de nature contributive. Le niveau des pensions de retraite du régime général et des régimes de base dépend du revenu d'activité d'une part, et de la durée d'assurance validée, d'autre part.

Outre les différences de rémunérations81(*), la persistance d'un écart de pension entre les femmes et les hommes s'explique également par l'impact de l'éducation des enfants sur la carrière, qui pèse principalement sur les femmes.

L'étude du taux d'activité de la tranche d'âge entre 25 et 49 ans, qui correspond à la période d'éducation des enfants, révèle ainsi de grandes disparités. En 2021, il était supérieur à 90 % pour les pères en activité, et ce indépendamment du nombre d'enfant au foyer. À l'inverse, on constate une corrélation certaine entre le nombre d'enfants et l'activité des mères : 88,2 % des femmes sans enfants appartenant à cette tranche d'âge étaient en activité en 2021, contre 83,7 % des mères avec un enfant, et seulement 50,5 % des mères avec trois enfants ou plus. Les femmes sont également plus sujettes au temps partiel que les hommes : en 2021, parmi les femmes en emploi salarié, 39,7 % des mères recouraient au temps partiel82(*).

2. Les femmes retraitées sont les principales bénéficiaires des dispositifs visant à assurer un revenu minimum, ce qui atteste de leur paupérisation

Au-delà du constat des écarts de pension de droit direct, les femmes sont sur-représentées parmi les retraités bénéficiaires des mécanismes visant à assurer un revenu minimum que sont le minimum de pension et le minimum vieillesse.

Le minimum de pension, mis en place au sein des régimes de base, est ouvert aux assurés ayant liquidé l'ensemble de leurs pensions et accessibles au taux plein dès lors qu'ils remplissent les conditions de durée d'assurance requise et d'âge légal d'ouverture des droits. Il permet d'élever le niveau de la pension de retraite jusqu'à un seuil d'écrêtement. Les femmes représentent 73 % de ses bénéficiaires au sein du régime général.

Le minimum vieillesse, dont le versement est indépendant de la durée d'assurance, et qui permet d'assurer une pension minimale de 1 034,28 euros par mois à une personne seule ainsi qu'à une personne en couple, et de 1605,73 euros pour les deux membres d'un couple83(*), compte 56 % de femmes parmi ses bénéficiaires. Parmi les 76 % d'allocataires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) qui sont des personnes isolées, deux tiers sont des femmes84(*). Selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), en 2022, 30 % des femmes seules non veuves étaient bénéficiaires de l'Aspa85(*).


* 78 Les pensions de droit direct correspondent à un droit propre à une prestation vieillesse versée sous forme de rente, et se différencient des pensions de droit dérivé que sont réversion et de vieillesse de veuf ou veuve, ainsi que des prestations de droit direct non contributives tel que le minimum vieillesse.

* 79 Rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale « Retraites » annexé au présent projet de loi, p. 43.

* 80 Cour des comptes, « La retraite des femmes et des hommes : une réduction des écarts à poursuivre », La Sécurité sociale - rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2023.

* 81 Selon l'Insee, en 2023, l'écart de salaire moyen entre les hommes et les femmes était de 22,2 % pour les salariés du secteur privé. Les différences de rémunération s'expliquent par les différences de qualification et de temps de travail.

* 82 Cour des comptes, « La retraite des femmes et des hommes : une réduction des écarts à poursuivre », in La Sécurité sociale - rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2023.

* 83 L'Allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) consiste en l'attribution d'un montant égal à la différence entre le montant maximum de pension cité ci-dessus, et le montant des revenus des allocataires. Plus de la moitié des personnes qui y sont éligibles ne le sollicitent toutefois pas.

* 84 Rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale « Retraites » annexé au présent projet de loi.

* 85 Drees, Les retraités et les retraites, édition 2024.

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