B. AT-MP (MARIE-PIERRE RICHER) : L'IMPACT DES MODALITÉS DE TARIFICATION DÉROGATOIRES DANS LES SECTEURS DU BÂTIMENT ET DU MÉDICO-SOCIAL
Dans une logique d'incitation à la prévention, les cotisations AT-MP à la charge de l'employeur dépendent, pour les entreprises de plus de 20 salariés, de la sinistralité de chaque établissement.
1. L'application d'un taux collectif systématique dans le secteur médico-social agit comme un frein à la prévention
Par dérogation au droit commun, le secteur du médico-social se voit appliquer un taux collectif systématique pour le calcul des cotisations AT-MP. Aussi, tous les acteurs du secteur - de la petite enfance aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) - se voient appliquer un taux de cotisation de 3,75 % (3,35 % en 2015), quelle que soit leur taille.
Cette dérogation provoque d'importantes distorsions : les petites structures et celles des secteurs du handicap et de l'enfance surcontribuent à hauteur de 400 millions d'euros, au profit des Ehpad qui relèveraient, en droit commun, d'une tarification mixte ou individuelle. Cette mesure constitue également un frein au déploiement d'une culture de prévention dans un secteur touché par une sinistralité remarquable, notamment chez les femmes, parce qu'elle ne responsabilise pas assez les établissements et que ceux-ci ne disposent pas des moyens d'investir sans y être incités.
La rapporteure estime donc nécessaire de faire progressivement converger le modèle de tarification du secteur médico-social vers celui de droit commun, en attribuant dans un premier temps un taux collectif à chaque code-risque, et en individualisant ensuite graduellement le taux de cotisation des plus grandes structures. Compte tenu de la situation financière du secteur, cette évolution ne saurait être trop brutale, et doit être associée à la mise en oeuvre de mesures d'accompagnement (lissage) et d'une intensification préalable de l'effort de prévention.
En ce sens, la rapporteure recommande de mieux communiquer sur le Fonds d'investissement pour l'usure professionnelle (Fipu) pour les acteurs privés et de prendre les mesures nécessaires à la création d'un fonds similaire pour les employeurs publics, prévue par la dernière réforme des retraites. Elle encourage également l'institution d'un organisme professionnel de prévention (OPP), à l'image de celui créé dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP).
2. Dans le BTP, agir contre le transfert de risques et inciter à la prévention des sinistres lourds
Les dérogations au droit commun prévues pour la tarification AT-MP dans le BTP n'entravent pas l'intensification de l'effort de prévention : grâce, notamment, à l'action de l'OPP BTP, la sinistralité du secteur connaît une baisse tendancielle. Toutefois, les dérogations accordées au secteur conduisent à pénaliser de la même manière les employeurs pour des sinistres de gravité différente. Un accident ayant causé une incapacité permanente de 10 % est ainsi comptabilisé de la même manière qu'un accident mortel, pour le calcul des cotisations. Afin de prévenir la survenue des sinistres les plus graves et sans effacer les spécificités de la sinistralité dans le BTP, la rapporteure souhaite que soient engagées des concertations en vue de créer un nouveau palier pour la tarification des AT-MP ayant entraîné une incapacité permanente.
Par ailleurs, les délégations de tâches, de plus en plus fréquentes, ont pour effet secondaire de transférer le risque AT-MP de l'entreprise donneuse d'ordre vers des sous-traitants ou des entreprises d'intérim. Si la responsabilité des sinistres doit bien sûr incomber pour partie au sous-traitant ou à l'entreprise d'intérim, il ne faut pas, pour autant, que le donneur d'ordres soit exonéré de toute responsabilité. La rapporteure estimerait opportun que les partenaires sociaux s'inspirent des évolutions prévues dans le secteur de l'intérim, afin de mettre en oeuvre un partage du coût des sinistres professionnels en cas de sous-traitance.
En conséquence, la commission formule les propositions suivantes :
Proposition n° 4 : Prévoir, dans le secteur médico-social, un taux collectif applicable à chaque code-risque à horizon 2028.
Proposition n° 5 : S'acheminer progressivement vers la tarification de droit commun dans le secteur médico-social, après une période transitoire d'application d'un taux mixte pour les entreprises de plus de 150 salariés, en s'assurant que cette évolution soit suffisamment progressive pour ne pas être source de difficultés financières pour les établissements marqués par une sinistralité particulière.
Proposition n° 6 : Mettre en oeuvre une campagne de communication sur le Fipu auprès des employeurs des secteurs les plus sinistrogènes (medico-social, BTP, intérim, etc.).
Proposition n° 7 : Prendre les textes d'application nécessaires à la création du fonds pour la prévention de l'usure professionnelle visant à accompagner les établissements publics de santé et médico-sociaux dans leur investissement en faveur de la prévention.
Proposition n° 8 : Favoriser et accélérer le déploiement d'un OPP du secteur médico-social, en associant les acteurs publics et privés du secteur.
Proposition n° 9 : Engager des concertations en vue de créer un nouveau palier pour la tarification des AT-MP ayant provoqué une incapacité permanente dans le secteur du BTP.
Proposition n° 10 : Engager des concertations pour mettre en oeuvre un partage du coût des sinistres professionnels entre le donneur d'ordres et le sous-traitant.