EXAMEN DES ARTICLES
ARTICLE 1er
Abrogation de la réforme de la
franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée adoptée en loi de
finances initiale pour 2025
Le présent article prévoit l'abrogation de la réforme de la franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) adoptée en loi de finances initiale pour 2025 (LFI 2025), dont la mise en oeuvre a été suspendue par le Gouvernement pour l'année en cours.
Le régime de la franchise en base de TVA, codifié à l'article 293 B du code général des impôts (CGI), vise à exempter du paiement de la TVA les petites entreprises dès lors qu'elles réalisent un chiffre d'affaires annuel inférieur à des seuils déterminés.
A l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, le Gouvernement a introduit, par amendement déposé au Sénat en première délibération et redéposé en seconde délibération, une révision d'ampleur des seuils de chiffres d'affaires applicables à la franchise en base de TVA, prévoyant l'institution d'un seuil unique abaissé à 25 000 euros pour l'ensemble des activités.
Alors que l'exécutif indiquait vouloir remédier à des risques de concurrence déloyale, résultant notamment des différents niveaux de seuils de franchise en base de TVA retenus par les États membres de l'Union européenne, cette réforme devait également dégager un rendement budgétaire récurrent important, de l'ordre de 780 millions d'euros pour les finances publiques, dont environ la moitié pour l'État.
Face à la forte opposition suscitée par l'institution du seuil unique de 25 000 euros, le Gouvernement a reporté à plusieurs reprises la mise en oeuvre de cette mesure, pour finalement acter sa suspension pour l'année 2025.
Dans le cadre d'une mission d'information « flash » conduite au printemps 2025 à la suite d'une pétition déposée sur le site du Sénat ayant recueilli plus de 100 000 signatures, la commission des finances a relevé l'improvisation et l'impréparation de cette réforme, ainsi que ses conséquences préjudiciables pour l'équilibre économique de nombreux secteurs d'activité et professions.
Afin de conforter la sécurité juridique des acteurs concernés, représentant plus de 200 000 petites entreprises, entrepreneurs individuels et micro-entreprises (auto-entrepreneurs), il apparaît utile de donner un fondement légal à la suspension de la révision des seuils de franchise en base de TVA pour l'année 2025.
La commission des finances a adopté cet article sans modification.
I. LE DROIT EXISTANT : UN RÉGIME FISCAL DE FAVEUR BÉNÉFICIANT À 2,1 MILLIONS DE PETITES ENTREPRISES, ENTREPRENEURS INDIVIDUELS ET MICRO-ENTREPRISES, FORTEMENT MODIFIÉ PAR L'INSTITUTION D'UN SEUIL UNIQUE DE CHIFFRE D'AFFAIRES ABAISSÉ À 25 000 EUROS
A. LA RÉFORME DU RÉGIME DE LA FRANCHISE EN BASE DE TVA EN LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2025 A PRÉVU UN ABAISSEMENT SUBSTANTIEL DES SEUILS APPLICABLES, UN AN SEULEMENT APRÈS UNE PREMIÈRE RÉVISION EN LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2024
1. Une première révision des seuils de franchise en base de TVA en loi de finances initiale pour 2024, dans le cadre de la transposition d'une directive européenne
Le régime de la franchise en base de TVA, codifié à l'article 293 B du code général des impôts (CGI), vise à exempter du paiement de la TVA les petites entreprises dès lors qu'elles réalisent un chiffre d'affaires annuel inférieur à des seuils déterminés. Ce régime fiscal favorable, destiné à alléger la charge administrative et fiscale des petites entreprises11(*), bénéficie à environ 2,1 millions de petites entreprises, entrepreneurs individuels et microentreprises (auto-entrepreneurs).
À la suite de l'adoption de la directive du 18 février 2020 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne le régime particulier des petites entreprises12(*), la France a procédé à l'adaptation de ses seuils de franchise en base de TVA par l'article 82 de la loi de finances initiale pour 2024 (LFI 2024)13(*).
Cette révision des seuils, assortie d'une entrée en vigueur différée d'un an, soit une mise en oeuvre prévue à compter du 1er janvier 2025, visait à assurer la conformité du droit français aux évolutions du droit européen en matière de franchise en base de TVA.
En effet, dans un objectif de simplification administrative et de facilitation des échanges économiques au sein du marché intérieur, la directive du 18 février 2020 a acté l'ouverture du bénéfice des différents régimes nationaux de franchise en base de TVA à l'ensemble des entreprises établies dans un État membre de l'Union européenne, sous réserve du respect d'un seuil de chiffre d'affaires annuel au niveau européen fixé à 100 000 euros.
Afin de limiter les distorsions entre les États membres, l'article 284 de la directive a prévu un plafond maximal pour les seuils de chiffre d'affaires annuel susceptibles d'être adoptés au niveau national, d'un montant de 85 000 euros. Dans le cadre de la transposition de cette disposition en LFI 2024, la France a choisi de retenir ce plafond maximal pour le commerce de biens.
De fait, la révision des seuils de franchise en base de TVA en LFI 2024 est demeurée relativement limitée, se traduisant par des ajustements mineurs des niveaux applicables selon les quatre types d'activités concernées.
Seuils de chiffre d'affaires annuel applicables
avant et après
la révision du régime de la franchise en
base de TVA résultant de la LFI 2024
(en euros)
Franchises en base de droit commun |
|||
|
|
Livraisons de biens, ventes à consommer sur place et prestations d'hébergement |
Prestations de services |
Avant révision |
Année N -2 |
91 900 |
36 800 |
Année N -1 |
101 000 |
39 100 |
|
Après révision |
Année N -1 |
85 000 |
37 500 |
Année N |
93 500 |
41 250 |
|
Franchises en base spéciales (avocats, auteurs, artistes-interprètes) |
|||
|
|
Activités réglementées, livraisons d'oeuvres, cessions de droits |
Autres activités |
Avant révision |
Année N -2 |
47 700 |
19 600 |
Année N -1 |
58 600 |
23 700 |
|
Après révision |
Année N -1 |
50 000 |
35 000 |
Année N |
55 000 |
38 500 |
Note : l'année N -2 désigne la pénultième année civile ; l'année N -1 désigne l'année civile précédente ; l'année N désigne l'année en cours.
Source : commission des finances d'après l'article 293 B du CGI
2. Une nouvelle réforme en loi de finances initiale pour 2025, introduite en cours de discussion budgétaire et conservée en dépit des réserves exprimées par la commission des finances
Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2025 (PLF 2025), le Gouvernement a présenté, par amendement en première lecture et en première délibération au Sénat14(*), une réforme d'ampleur des seuils d'application de la franchise en base de TVA, visant à instituer un seuil unique de chiffre d'affaires annuel fixé à 25 000 euros en année N-1 (27 500 euros en année N).
Lors de cette première délibération, la commission des finances a émis un avis défavorable à cette mesure, qui a ainsi été rejetée par le Sénat. Cet avis défavorable s'appuyait sur les éléments suivants :
- en premier lieu, le caractère particulièrement tardif de la présentation de cette mesure, introduite par amendement près de deux mois après le dépôt du PLF 2025, alors que cette réforme d'ampleur aurait dû être inscrite dans le texte initial du projet de loi de finances ;
- en deuxième lieu, la nécessité de prendre en compte la diversité des situations et des tailles d'entreprises, l'abaissement des seuils se traduisant par une complexité administrative accrue pour un grand nombre de petites entreprises privées du bénéfice de la franchise en base de TVA ;
- en troisième lieu, le montant élevé d'une telle mesure d'augmentation des recettes fiscales, avec un impact récurrent en année pleine estimé à 780 millions d'euros pour les finances publiques, dont environ la moitié pour l'État, qui se répercuterait nécessairement sur les prix aux consommateurs ;
- en quatrième lieu, et enfin, le caractère limité du risque de distorsion de concurrence au niveau européen mis en avant par le Gouvernement au motif que les seuils français figurent parmi les plus élevés dans l'Union européenne (s'agissant de petites entreprises dont l'activité hors de leur pays d'origine est, à l'exception des entreprises frontalières, par nature faible).
Ainsi, la mesure portée par l'exécutif semblait relever davantage d'une logique de rendement, avec une hausse importante et pérenne d'un régime de TVA.
Motivation de la réforme des seuils de
franchise en base de TVA
par le ministre chargé des comptes publics,
M. Laurent Saint-Martin,
en séance au Sénat dans le cadre de
la discussion du PLF 2025
« Cette mesure (...) n'est pas à proprement parler une mesure de rendement. Certes, (...) il se trouve qu'elle contribue au redressement des comptes publics de notre pays ; mais, précisément, nous avons besoin, pour résoudre notre équation budgétaire, de ne pas laisser de côté pareilles mesures.
Mais ce n'est pas ce qui la motive prioritairement : la raison première pour laquelle nous soutenons cette disposition, c'est (...) que de nombreuses entreprises en réclament la mise en oeuvre pour résorber les distorsions résultant de ce système à huit seuils, distorsions qui, je le précise, jouent notamment entre les types d'entreprises.
Harmoniser via un taux unique fixé de telle sorte qu'il soit davantage en phase avec ce qui se pratique chez nos voisins européens - cela concerne au premier chef les entreprises implantées près des zones frontalières -, cela, me semble-t-il, va malgré tout dans le bon sens. »
Source : compte rendu de la séance du Sénat du 28 novembre 2024
Cependant, en seconde délibération au Sénat, le Gouvernement a redéposé un amendement identique15(*), auquel la commission des finances a alors donné un avis favorable au titre de sa solidarité avec la majorité gouvernementale.
Cette mesure a ainsi été adoptée par le Sénat, avant d'être reprise dans le texte de la commission mixte paritaire (CMP) et d'être finalement adoptée par les deux assemblées en lecture des conclusions de la CMP.
B. UNE MESURE SUSPENDUE PAR LE GOUVERNEMENT POUR L'ENSEMBLE DE L'ANNÉE 2025 À LA SUITE D'UNE FORTE CONTESTATION DES ACTEURS CONCERNÉS, RELAYÉE PAR L'IMMENSE MAJORITÉ DES GROUPES PARLEMENTAIRES
1. Une mesure suspendue par le Gouvernement dès l'adoption du projet de loi de finances pour 2025 par le Parlement
À la suite de critiques exprimées par plusieurs parlementaires et acteurs économiques, le ministre de l'économie, M. Éric Lombard, a annoncé, le 6 février au soir16(*), la suspension de la réforme des seuils de la franchise en base, le temps d'organiser une concertation avec les parties prenantes.
Le 28 février, le Gouvernement a annoncé la fin de cette première concertation et prorogé la suspension de l'abaissement des seuils de la franchise en base jusqu'au 1er juin 2025 « afin de travailler avec les acteurs et les parlementaires à des réponses adaptées aux préoccupations exprimées »17(*).
Cette nouvelle phase de discussion traduisait la volonté du Gouvernement d'aboutir à un compromis concernant cette réforme, qui a suscité des réactions contrastées parmi les acteurs économiques. En effet, si plusieurs organisations, représentant les autoentrepreneurs18(*) ou les métiers de service, avaient réitéré leur opposition à cette mesure, l'exécutif estimait que « la majorité des fédérations se déclar[ait] neutre ou favorable à la réforme, considérant qu'elle permet[tait] de corriger les iniquités de concurrence que la situation antérieure générait »19(*).
2. Face à une opposition unanime à l'Assemblée nationale et au Sénat, une suspension finalement actée pour l'ensemble de l'année 2025
Parallèlement aux concertations organisées par le Gouvernement, plusieurs initiatives parlementaires ont mis en évidence les difficultés résultant d'une mise en oeuvre immédiate de la réforme de la franchise en base de TVA issue de la LFI 2025 :
- d'une part, au Sénat : saisie à la suite du dépôt d'une pétition ayant dépassé le seuil des 100 000 signatures en quelques jours20(*), la commission des finances a conduit un cycle d'auditions « flash » afin de faire la lumière sur les enjeux économiques, juridiques et budgétaires de la réforme. Constatant, dans son rapport d'information21(*), l'improvisation et l'impréparation de cette mesure, qui affecterait environ 200 000 entreprises, dont deux tiers de micro-entreprises (autoentrepreneurs), la commission a conclu à la nécessité de son abandon ;
- d'autre part, à l'Assemblée nationale : entre les mois de février et d'avril, cinq propositions de loi défendant l'abrogation de la réforme ont été déposées. Une sixième proposition de loi en sens identique a été déposée au mois de juin, postérieurement à l'annonce du Gouvernement prorogeant la suspension de la réforme de la franchise en base de TVA pour l'ensemble de l'année 2025.
Propositions de loi déposées
à l'Assemblée nationale
visant l'abrogation de la
réforme de la franchise en base de TVA
Entre février et juin 2025, six propositions de loi ont été déposées à l'Assemblée nationale afin d'abroger la réforme de la franchise en base de TVA issue de la loi de finances pour 2025 :
- la proposition de loi n° 989 portant annulation de la réforme de la franchise en base de la taxe sur la valeur ajoutée au 1er mars 2025, présentée par Mme Christine Pirès-Beaune et plusieurs de ses collègues, enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 février 2025 ;
- la proposition de loi n° 1011 portant sauvetage des micro-entreprises, présentée par M. Hadrien Clouet et plusieurs de ses collègues, enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 février 2025 ;
- la proposition de loi n° 1073 visant à préserver le régime fiscal des auto-entrepreneurs en annulant l'abaissement du seuil de franchise de la taxe sur la valeur ajoutée, présentée par M. Philippe Juvin et plusieurs de ses collègues, enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 mars 2025 ;
- la proposition de loi n° 1080 visant à annuler l'abaissement du seuil de franchise de la taxe sur la valeur ajoutée pour les auto-entrepreneurs au 1er mars 2025, présentée par M. Thomas Lam et plusieurs de ses collègues, enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 mars 2025 ;
- la proposition de loi n° 1337 visant à garantir un cadre fiscal stable, juste et lisible pour nos micro-entrepreneurs et nos petites entreprises, présentée par M. Paul Midy et plusieurs de ses collègues, enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 avril 2025 ;
- la proposition de loi n° 1540 visant à protéger les micro-entrepreneurs d'une hausse de la fiscalité et à garantir un cadre fiscal stable et soutenable pour les petites entreprises, présentée par M. Jean-Philippe Tanguy et plusieurs de ses collègues, enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 juin 2025.
Source : commission des finances, d'après le site internet de l'Assemblée nationale
Dans ce contexte de forte opposition parlementaire, et en l'absence de consensus entre les acteurs professionnels concernés, le ministre de l'économie, M. Éric Lombard, a annoncé, le 30 avril, la suspension de la révision des seuils de la franchise en base de TVA jusqu'au 31 décembre 2025.
Cette suspension a été actée dans un rescrit de l'administration fiscale publié le 28 mai dans le Bulletin Officiel des Finances Publiques - Impôts22(*).
Entre-temps, au début du mois d'avril, le Gouvernement avait tenté de défendre un dispositif intermédiaire dans le cadre de l'examen à l'Assemblée nationale du projet de loi de simplification de la vie économique (PJL Simplification). À cette fin, l'exécutif avait déposé un amendement prévoyant un seuil de droit commun à 37 500 euros et un seuil spécifique pour les seules prestations de services de travaux immobiliers à 25 000 euros, amendement cependant déclaré irrecevable en tant que cavalier législatif23(*).
Le dispositif intermédiaire porté
par le Gouvernement
à travers son amendement au PJL
Simplification
La mesure défendue par l'exécutif dans le cadre de son amendement au PJL Simplification consistait à maintenir une distinction des seuils de franchise en base de TVA par types d'activités et par secteur :
- concernant les prestations de service (représentant environ 70 % des bénéficiaires de la franchise en base de TVA), le seuil demeurait à 37 500 euros ;
- s'agissant du commerce de biens, le seuil était aligné sur le niveau applicable aux prestations de service, soit 37 500 euros, contre 85 000 euros actuellement ;
- enfin, pour les prestations de services de travaux immobiliers, le seuil était fixé à 25 000 euros.
Dans un tel scénario, les seuils spécifiques aux avocats, auteurs et artistes-interprètes seraient supprimés.
Source : commission des finances, d'après l'amendement n° 2527 déposé par le Gouvernement sur le projet de loi de simplification de la vie économique
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE : L'ABROGATION DE LA RÉFORME DES SEUILS DE FRANCHISE EN BASE DE TVA PRÉVUE EN LFI 2025
Le présent article, dans sa version issue de la première lecture du texte par l'Assemblée nationale, prévoit l'abrogation de la réforme de la franchise en base de TVA résultant de la loi de finances initiale pour 2025 (LFI 2025).
Ainsi, le dispositif proposé vise à supprimer la révision des seuils de la franchise en base de TVA inscrite à l'article 32 de la LFI 2025, avec un retour aux quatre seuils de chiffre d'affaires antérieurement en vigueur.
S'agissant des seuils de droit commun, relatifs au commerce de biens et aux prestations de services, le 1° du II du présent article rétablit les anciens seuils de 85 000 euros et de 37 500 euros.
De même, le 2° du II réinstitue les seuils spécifiques relatifs aux activités des avocats, auteurs et artistes-interprètes, de 50 000 euros pour les opérations « coeur de métier » et de 35 000 euros pour les opérations « connexes ».
Le 1° du IV, introduit lors de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale, abroge expressément le 1° du I de l'article 32 de la LFI 2025, qui portait la réforme de la franchise en base de TVA. Le 2° du même IV procède à une coordination rédactionnelle.
Quant au V, également ajouté à l'occasion de l'examen en première lecture par les députés, il prévoit une application rétroactive des quatre niveaux de seuils ainsi rétablis à compter du 1er mars 2025, date correspondant à l'entrée en vigueur théorique des dispositions de l'article 32 de la LFI 2025 relatives à la révision des seuils de la franchise en base de TVA.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE UTILE AFIN D'ASSURER LA SÉCURITÉ JURIDIQUE DES PETITES ENTREPRISES ET DES AUTO-ENTREPRENEURS POUR L'ANNÉE 2025
Ainsi que le relève l'exposé des motifs de la présente proposition de loi, la suspension de la réforme décidée par le Gouvernement n'a pas permis de restaurer un niveau de sécurité juridique et de confiance suffisant pour les petites entreprises et les auto-entrepreneurs visés par cette mesure. Selon les auteurs de la proposition de loi, « la suspension de la réforme (...) n'a pas permis de documenter des éventuels éléments de concurrence déloyale, de lever les inquiétudes ni de garantir une sécurité juridique minimale aux entrepreneurs concernés. Ce flou réglementaire fragilise l'activité des professionnels qui, au quotidien, prennent des risques et s'investissent pleinement pour faire vivre l'économie locale ».
À cet égard, il convient de souligner que la révision des seuils de chiffre d'affaires annuel résultant de la LFI 2025 priverait du bénéfice de la franchise en base plus de 200 000 petites entreprises, entrepreneurs individuels et micro-entreprises (auto-entrepreneurs), désormais assujettis à la TVA24(*).
De fait, le présent article apporte une solution à cette situation d'incertitude et de flou, en donnant expressément une base légale à la suspension de la réforme actée par l'exécutif pour l'année 2025, alors que le fondement juridique de cette suspension consiste à ce stade en un simple rescrit de l'administration fiscale publié dans le Bulletin Officiel des Finances Publiques (BOFIP).
Certes, la direction de la législation fiscale, interrogée par les services de la commission des finances, a relativisé le risque juridique présenté par cette absence de base légale pour 2025. Si « la publication au BOFIP des commentaires de l'administration reste susceptible de recours devant les juridictions administratives », « à ce jour, aucun recours n'a été formé contre cette instruction opposable à l'administration »25(*).
Pour autant, l'insécurité juridique découlant de cette situation de suspension contra legem demeure. Ainsi, l'administration fiscale elle-même avait reconnu à l'occasion de la mission d'information « flash » conduite par la commission des finances au printemps 2025 que « toute association professionnelle qui, aux termes de ses statuts aurait pour objet de défendre un secteur d'activité face à la concurrence déloyale aurait un intérêt à agir contre la publication au BOFIP devant la juridiction administrative »26(*).
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.
ARTICLE 2
Gage
Le présent article vise à gager la diminution de recettes de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour l'État (avant affectation d'une fraction de celles-ci à la sécurité sociale et aux collectivités territoriales) résultant de l'article 1er de la présente proposition de loi par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
En effet, l'article 1er prévoit l'abrogation de la réforme de la franchise en base de TVA adoptée en loi de finances initiale pour 2025 (LFI 2025), laquelle devait dégager un rendement budgétaire récurrent estimé à 780 millions d'euros pour les finances publiques, dont environ la moitié pour l'État (après affectation de la TVA à la sécurité sociale et aux collectivités territoriales).
En cohérence avec la position retenue pour l'article 1er, qui permet de donner une base légale à la suspension de la réforme décidée par le Gouvernement pour l'année 2025, la commission des finances a adopté cet article sans modification.
I. LE DROIT EXISTANT : UN RÉGIME FISCAL DE FAVEUR BÉNÉFICIANT À 2,1 MILLIONS DE PETITES ENTREPRISES, ENTREPRENEURS INDIVIDUELS ET MICRO-ENTREPRISES, FORTEMENT MODIFIÉ PAR L'INSTITUTION D'UN SEUIL UNIQUE DE CHIFFRE D'AFFAIRES ABAISSÉ À 25 000 EUROS
Pour la présentation détaillée du régime de la franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 1er du présent rapport.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE : UN GAGE VISANT À COMPENSER LA PERTE DE RECETTES POUR L'ETAT RÉSULTANT DE L'ABROGATION DE LA RÉFORME DE LA FRANCHISE EN BASE DE TVA
Aux termes de l'article 40 de la Constitution, « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ».
Ainsi, le présent article, dans sa version issue de la première lecture du texte par l'Assemblée nationale, vise à gager la diminution de recettes pour l'État résultant de l'article 1er de la présente proposition de loi par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
En effet, l'article 1er prévoit l'abrogation de la réforme de la franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) adoptée en loi de finances initiale pour 2025 (LFI 2025). La révision des seuils de chiffres d'affaires annuel portée par cette réforme, avec l'institution d'un seuil unique abaissé à 25 000 euros, devait aboutir à la perte du bénéfice de la franchise en base pour plus de 200 000 petites entreprises, entrepreneurs individuels et micro-entreprises (auto-entrepreneurs), désormais assujettis à la TVA.
À ce titre, la réforme devait dégager un rendement budgétaire récurrent estimé à 780 millions d'euros pour les finances publiques, dont environ la moitié pour l'État (après affectation de la TVA à la sécurité sociale et aux collectivités territoriales).
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN GAGE JURIDIQUEMENT NÉCESSAIRE
En cohérence avec la position retenue pour l'article 1er de la présente proposition de loi, qui permet de donner une base légale à la suspension de la réforme décidée par le Gouvernement pour l'année 2025, la commission des finances propose d'adopter le gage prévu par le présent article, qui en constitue le corollaire nécessaire.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.
* 11 Exemptées de la contrainte de facturer la TVA à leurs clients et de demander à l'administration fiscale le remboursement des crédits de TVA au titre de la TVA acquittée sur leurs propres achats.
* 12 Directive (UE) 2020/285 du 18 février 2020 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne le régime particulier des petites entreprises.
* 13 Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
* 14 Amendement n° I-2233 rect.
* 15 Amendement n° A-19.
* 16 Soit quelques heures seulement après l'adoption définitive du PLF 2025 par le Parlement.
* 17 Communiqué de presse du Gouvernement du 28 février 2025.
* 18 En particulier la Fédération nationale des autoentrepreneurs (FNAE) et l'Union des auto-entrepreneurs (UAE).
* 19 Communiqué de presse du Gouvernement du 28 février 2025, précité.
* 20 Pétition n° 1699 demandant la suppression de la baisse de la franchise en base de TVA à 25 000 €, déposée par M. Grégoire Leclercq, président de la FNAE, le 21 février 2025.
* 21 Rapport d'information n° 528 (2024-2025), fait au nom de la commission des finances sur la réforme de la franchise en base de TVA, par M. Jean-François Husson, déposé le 9 avril 2025.
* 22 BOI-RES-TVA-000198.
* 23 Projet de loi de simplification de la vie économique, amendement n° 2527.
* 24 Avec des conséquences majeures pour certains secteurs d'activité et professions, tels que les avocats ou les kinésithérapeutes. Voir, pour le détail, le rapport d'information n° 528 (2024-2025), fait au nom de la commission des finances sur la réforme de la franchise en base de TVA, par M. Jean-François Husson, déposé le 9 avril 2025.
* 25 Réponses de la direction de la législation fiscale au questionnaire du rapporteur dans le cadre de l'examen de la présente proposition de loi.
* 26 Réponses de la direction de la législation fiscale au questionnaire du rapporteur dans le cadre de la mission d'information « flash » de la commission des finances sur la réforme de la franchise en base de TVA.