B. L'EXCEPTION : DES DÉCHARGES ENCADRÉES DE L'OBLIGATION ALIMENTAIRE, NOTAMMENT POUR MANQUEMENT GRAVE DU CRÉANCIER
Conséquence du principe d'aide intergénérationnelle sur lequel repose l'obligation alimentaire, les motifs de décharge de cette obligation sont relativement peu nombreux et résultent, pour la plupart, d'une décision judiciaire. Le législateur a prévu trois catégories de décharge, régies par le code de l'action sociale et des familles et par le code civil.
En premier lieu, il existe deux motifs de décharge de l'obligation alimentaire revêtant un caractère automatique décorrélé de toute décision judiciaire, pour les petits-enfants, dans le cadre d'une demande d'aide sociale à l'hébergement pour le compte de l'un de leurs grands-parents, et pour les pupilles de l'État élevés par le service de l'aide sociale à l'enfance jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire.
En deuxième lieu, existent plusieurs motifs de décharge de l'obligation alimentaire, qui revêtent eux aussi un caractère automatique, mais qui résultent d'une décision judiciaire statuant sur un contentieux non lié à cette obligation alimentaire. Sauf décision contraire du juge, ces décharges automatiques bénéficient aux enfants qui ont été retirés de leur milieu familial par décision judiciaire durant une période d'au moins trente-six mois cumulés, aux enfants dont l'un des parents est condamné comme auteur, co-auteur ou complice d'un crime ou d'une agression sexuelle commis sur l'autre parent, sur le débiteur ou sur l'un de ses ascendants, descendants, frères ou soeurs4(*), et, pour certains cas les plus graves mentionnés aux articles 378 et 378-1 du code civil, aux enfants dont le parent s'est vu retirer son autorité parentale par le juge pénal ou le juge aux affaires familiales.
Enfin, la troisième catégorie de décharge de l'obligation alimentaire correspond à une décision judiciaire statuant spécifiquement sur ce sujet. En effet, sur le fondement de l'article 207 du code civil, le juge aux affaires familiales peut décharger « de tout ou partie » le débiteur de sa dette alimentaire lorsque « le créancier aura lui-même manqué gravement à ses obligations envers le débiteur ». Cette décharge peut théoriquement être sollicitée à titre préventif par le débiteur, indépendamment d'un litige lié à l'ASH ou à une demande de contribution financière du créancier envers son débiteur, mais ce contentieux préventif est, dans les faits, presque inexistant. Le juge aux affaires familiales dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation de la gravité de ces manquements. À ce titre, il n'est pas nécessaire qu'un jugement pénal ait été prononcé à l'encontre du créancier pour que le juge aux affaires familiales décharge le débiteur de son obligation alimentaire. La jurisprudence opère toutefois un équilibre, le juge n'hésitant pas à débouter les débiteurs se prévalant seulement de relations familiales tendues, mais suivies.
* 4 Voir les articles L. 132-6 du code de l'action sociale et des familles et 207 du code civil.