EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 21 octobre 2025 sous la présidence de M. Bruno Belin, vice-président, la commission des finances a examiné le rapport de M. Olivier Paccaud, rapporteur, et élaboré le texte de la commission sur la proposition de loi n° 221 (2024-2025) visant à garantir la qualité des services de gestion des déchets.

M. Bruno Belin, président. - Mes chers collègues, nous débutons l'après-midi par l'examen de la proposition de loi visant à garantir la qualité des services de gestion des déchets.

M. Olivier Paccaud, rapporteur. - Chaque année, ce sont près de 560 kilos de déchets ménagers par personne qui sont collectés, soit environ 5 % de moins qu'en 2009, lorsqu'on collectait approximativement 588 kilos par personne. Nous ne parvenons plus à réduire significativement les quantités de déchets produites en France. La collecte, le transport et le traitement des déchets continuent ainsi de constituer un défi logistique, écologique et surtout budgétaire pour nos territoires.

Face à de tels enjeux, le législateur a intelligemment fait le choix de faire confiance aux territoires qui sont les plus à même de déterminer l'organisation et le mode de financement les plus appropriés pour le service public de gestion des déchets.

Les communes peuvent décider d'assumer l'intégralité de la compétence - c'est devenu très rare, il n'y a plus que six communes en France qui sont dans ce cas : Paris et cinq communes îliennes -, mais elles choisissent dans la quasi-totalité des cas de transmettre à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou à un syndicat mixte soit l'ensemble de la compétence, soit uniquement la partie relative au transport et au traitement.

Depuis la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, l'exercice de la compétence « collecte et traitement des déchets ménagers » est en effet obligatoire pour les 1 265 EPCI. Ces derniers peuvent aussi faire le choix, d'ailleurs de plus en plus fréquent, de se regrouper pour collecter ou seulement traiter les déchets et donc recourir à un syndicat mixte.

Pour résumer, nous avons en tout 1 169 structures en France chargées d'assurer la collecte, le transport ou le traitement des déchets, qui peuvent être des communes, des EPCI ou des syndicats mixtes.

Pour financer l'exercice de leur compétence, ces structures disposent d'une relative latitude. Elles peuvent choisir de faire reposer le financement sur les contribuables au travers de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (Teom). Cette taxe n'est pas calculée sur le volume de déchets produits par chaque foyer, mais résulte de l'application d'un taux, librement fixé par la collectivité, à la valeur locative du bien qui sert de base à la taxe foncière. Ce choix a été fait par près des deux tiers des collectivités françaises, soit 63 % des 1 169 collectivités ou groupements compétents.

Ce mode de financement présente l'avantage de favoriser une relative - je dis bien « relative » - équité sociale : plus la valeur locative du bien est élevée, plus le coût du service l'est aussi. Mais il décorrèle le montant payé du service de la quantité de déchets produits, ce qui n'incite pas les usagers à limiter leur production de déchets.

À l'inverse, les collectivités peuvent décider d'instaurer une redevance d'enlèvement des ordures ménagères (Reom) proportionnelle au service rendu, donc à la quantité de déchets émise par le foyer. Ce mécanisme présente l'inconvénient de ne pas du tout prendre en compte la valeur du bien immobilier - donc indirectement les moyens dont dispose le foyer - dans la détermination du montant à régler, mais il incite à réduire les quantités de déchets que l'on produit.

La volonté de réduire les quantités produites de déchets ménagers a justement conduit le législateur à prévoir, pour chacune de ces deux modalités de financement, une part incitative. L'idée est de faire payer une part fixe, forfaitaire, aux ménages, et une part variable, ce qui les invite à réduire la quantité de déchets ultimes et à mieux trier les déchets valorisables comme les emballages et les biodéchets. On parle alors de Teom incitative (la Teomi) ou de Reom incitative (la Reomi).

Vous trouverez de nombreuses données chiffrées dans mon rapport et dans L'Essentiel qui vous a été distribué, mais retenez surtout que 72 % des Français sont, en pratique, concernés par la Teom classique, c'est-à-dire sans part incitative.

Les collectivités étant relativement libres d'organiser et de financer cette compétence comme elles l'entendent, elles jouissent d'une certaine marge de manoeuvre concernant les modalités de collecte.

Même si des contraintes existent selon la densité de population, les collectivités ont globalement le choix de prévoir différentes formes de collecte. Nous pouvons, bien sûr, citer la collecte en porte-à-porte, qui est la plus répandue, mais nos territoires se sont adaptés : vous connaissez la collecte souterraine pneumatique, la collecte par voie fluviale, la collecte multiflux, la collecte de biodéchets, la collecte des encombrants, la collecte des déchets d'équipements électriques et électroniques, la reprise des déchets par le distributeur, certaines modalités spécifiques de collecte des déchets dangereux ou encore les points d'apport volontaire, les PAV.

Face à cette très grande variété de situations qui reflète la diversité de nos territoires, notre collègue Marie-Claude Varaillas, dont je salue la présence, a déposé une proposition de loi cosignée par les membres de son groupe politique, dont je tiens à dire qu'elle a le mérite de soulever des enjeux importants, même si les solutions qu'elle préconise mériteraient d'être précisées.

D'abord, la proposition de loi cherche à donner aux collectivités la faculté de moduler le montant de la Reom ou de la part incitative de la Teom en fonction de certains critères sanitaires ou sociaux : les revenus du foyer, le nombre de personnes qui y vivent ou la présence d'une personne qui « connaît des problèmes de santé entraînant une production élevée de déchets ». Il s'agirait donc d'instaurer une forme de tarification sociale.

Je reconnais le caractère séduisant de cette démarche - après tout, il ne s'agit que d'ouvrir une faculté et nous pourrions penser que les critères évoqués sont, de prime abord, légitimes -, mais après avoir approfondi la question dans le cadre de huit auditions, il me semble, comme à de nombreuses personnalités auditionnées, que cette proposition risque d'être source de nombreuses difficultés pratiques.

En effet, la mise en oeuvre d'une tarification incitative sur critères sociaux, si elle se traduit par un droit renforcé à produire davantage de déchets lorsque l'on a moins de moyens, risque paradoxalement de favoriser une hausse de la production de déchets ! Cela pourrait avoir un effet contre-productif sur l'environnement. Ce n'est pas parce qu'on a moins de revenus que l'on ne peut ni ne doit pas diminuer sa quantité de déchets.

De plus, permettre aux collectivités de prendre en compte le revenu dans la détermination du montant de Reom ou de Teom supposerait une clarification des organismes ayant accès à des informations aussi confidentielles que la situation fiscale des foyers concernés. Nous voyons bien toutes les questions de confidentialité que poserait, en cascade, un tel mécanisme.

C'est d'autant plus gênant que la rédaction proposée ne signifie absolument pas que le montant de Reom ou de Teom diminuera pour les personnes aux revenus modestes : le montant de Reom ou de Teom des classes moyennes ou des plus aisés pourra augmenter, ce qui ne répondra pas à l'objectif social qui est mis en avant, en particulier pour réduire le nombre d'impayés.

S'agissant des problèmes de santé entraînant une production élevée de déchets, je précise, après avoir échangé avec notre collègue Marie-Claude Varaillas, qu'elle vise en réalité principalement les personnes incontinentes. Or, la rédaction proposée couvre des situations beaucoup plus nombreuses. Nous percevons bien toutes les difficultés de tarification qui apparaîtraient dans la pratique. Comment ferait-on pour mesurer la part des déchets liée à l'incontinence ? Comment ferait-on pour garantir la conciliation du dispositif proposé avec le respect du secret médical, à moins de solliciter un certificat médical que les personnes concernées seront forcément réticentes à fournir ?

En définitive, ne risque-t-on pas de complexifier la situation et de ne pas faciliter la tâche des collectivités qui n'ont pas besoin de nouvelles normes ?

J'ai la même lecture sur les deux autres dispositions de la proposition de loi. Le texte vise à rendre obligatoire, lorsque la collecte s'appuie sur des points d'apport volontaire, la mise à disposition par les collectivités d'au moins un PAV pour 200 habitants.

Un tel maillage minimal serait extrêmement contraignant pour les collectivités, alors même que, dans la majorité d'entre elles, la collecte des déchets - notamment des ordures ménagères résiduelles (OMR) - repose surtout sur des modalités mixtes alliant apport volontaire et collecte en porte-à-porte.

J'ajoute que je considère, comme la plupart des organismes auditionnés, que le fait de retenir la même densité pour tout le territoire national n'est pas adéquat : 200 habitants en zone urbaine, ce n'est pas pareil que 200 habitants en zone rurale ou en montagne ! Imaginez-vous le nombre de bacs de collecte qu'il faudrait rue de Vaugirard pour respecter ce critère ?

Même si je partage une partie du diagnostic qui est posé dans l'exposé des motifs, je reste sceptique sur le dispositif : doit-on contraindre les décideurs locaux dans leurs choix de gestion par des politiques coûteuses pour les collectivités ? Le droit actuel me semble de nature à répondre à la variété des situations, mais, je le redis, cela suppose un dialogue permanent et je ne sous-estime pas les difficultés qui peuvent naître ici ou là. D'ailleurs, j'ai cru comprendre que le passage de la Reom à la Teom en Dordogne - nous avons auditionné le syndicat mixte concerné - avait pour partie inspiré certaines des dispositions proposées.

Enfin, j'en viens au dernier dispositif prévu par l'article 3 de la proposition de loi : l'instauration d'un comité des usagers est a priori satisfaite par le droit existant, et je ne suis pas convaincu qu'il faille légiférer sur ce point.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, je reconnais à cette proposition de loi le mérite de lancer le débat, mais il ne me semble pas souhaitable que nous l'adoptions.

Mme Marie-Claude Varaillas, auteure de la proposition de loi. - J'avais préparé un argumentaire, mais je ne vois pas l'intérêt de défendre ma position dans la mesure où vous n'envisagez pas de retenir les dispositions de cette proposition de loi.

M. Olivier Paccaud, rapporteur. - Ce n'est qu'une proposition, il y a un vote !

Mme Marie-Claude Varaillas. - En Dordogne et sur l'ensemble du territoire national, le sujet des déchets peut devenir aussi inflammable que celui du carburant qui annonçait le mouvement des « gilets jaunes » en 2018. Le coût de ce service est de plus en plus important pour les usagers et pose de plus en plus de problèmes aux collectivités.

En France, nous produisons annuellement plus de 340 millions de tonnes de déchets, tous secteurs confondus, dont 39 millions de tonnes de déchets ménagers et assimilés ; soit un peu moins de 600 kilos de déchets ménagers et assimilés par habitant et par an, pris en charge par le service public, dont la moitié, environ 300 kilos, non triés, constitue ce que l'on appelle le sac noir.

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a prévu le déploiement d'un financement incitatif pour le service public des déchets. Ce financement devait concerner 15 millions d'habitants en 2020, puis 25 millions en 2025, mais ce n'est pas le cas. De son côté, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite loi Agec, fixe l'objectif de réduire de 15 % les déchets ménagers d'ici à 2030 et 65 % en 2025. Un objectif européen fixe en outre à 60 % d'ici à 2030 la quantité de déchets recyclés ou compostés.

En France, les collectivités gestionnaires des services de collecte et de traitement des déchets peuvent financer le service public selon deux logiques : soit la perception de la Teom, qui est assise sur la valeur locative du logement et payée sur le foncier bâti, soit une logique de service rendu, avec la Reom, qui peut prendre la forme d'un forfait par foyer. Il est aussi possible d'instaurer la Teomi et la Reomi, avec une part fixe et une part variable.

Selon la Cour des comptes, seuls 6 millions de Françaises et de Français sont concernés par la tarification incitative en 2022. Quelque 200 collectivités ont instauré une telle tarification : 27 en Teomi et 173 en Reomi. La Teomi est en effet plus complexe à mettre en place.

Le système de tarification incitative a pour but d'encourager les usagers à modifier leurs comportements en diminuant la quantité de déchets produits, en augmentant le tri et en adoptant un mode de consommation plus responsable. Un sondage de l'UFC-Que Choisir réalisé en 2017 montrait que seuls 45 % des Français connaissaient le coût du ramassage et du traitement de leurs déchets.

Les méthodes de calcul de la Teom ou de la Reom sont différentes, mais aucune n'est liée au niveau du revenu du foyer, ce qui pose des problèmes de justice sociale qui n'étaient pas forcément visibles quand le coût d'enlèvement des ordures ménagères était marginal dans le budget des familles. Mais entre 1990 et 2010, la contribution des usagers a quadruplé, d'après un rapport du Sénat de 2014.

Ce coût ne cesse d'augmenter pour faire face à l'augmentation du nombre de déchets, mais aussi à la hausse de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Au 1er janvier 2025, cette taxe était de 65 euros la tonne pour les déchets enfouis et de 41 euros pour les déchets incinérés. Or elle pourrait passer à 105 euros la tonne en 2030.

Il faut donc prévoir entre 240 millions d'euros et 450 millions d'euros de dépenses supplémentaires en 2030 pour les collectivités gestionnaires.

Afin de réduire la quantité de déchets, de plus en plus de collectivités ont opté pour la tarification incitative. Une enquête de Citeo réalisée en 2019 révèle d'ailleurs que les élus ne tarissent pas d'éloges sur ce dispositif. Un rapport de la Cour des comptes de 2022 précise que ce mode de tarification permet de réduire de 40 % la quantité d'ordures ménagères résiduelles, d'augmenter à due concurrence la collecte des recyclables et de réduire de 8 % les déchets ménagers et assimilés.

Pourtant, la tarification incitative est souvent accusée de compliquer la vie des habitants et de générer des surcoûts.

Chez moi, en Dordogne, le passage de la Teom à la Reomi a pu créer des tensions en raison d'une mise en oeuvre insuffisamment concertée avec les usagers et de la suppression de la collecte au porte-à-porte au profit exclusif des PAV, auxquels on accède par une carte à puces et qui enregistrent le nombre de passages au-delà duquel un supplément doit être payé. De plus, la Teom étant calculée à partir de la valeur locative du logement et la Reomi à partir de la quantité de déchets de chaque ménage, certains ont vu leur facture nettement baisser, alors que d'autres ont subi une augmentation importante. À titre d'exemple, une personne de mon département, qui payait 780 euros de taxe, doit désormais s'acquitter d'une redevance de 240 euros, car la maison où elle habite n'abrite que deux personnes.

Mme Christine Lavarde. - Ce n'est pas illogique !

Mme Marie-Claude Varaillas. - Bien sûr. En revanche, l'augmentation de la taxe touche en premier lieu les familles nombreuses et modestes, ce qui pose le problème de l'acceptabilité sociale du dispositif, car ces dernières perçoivent ces mesures, certes écologiques, comme des éléments renforçant les inégalités sociales. Mais elles ne sont pas les seules à être affectées. Les ménages ayant des enfants en bas âge, les personnes incontinentes et âgées le sont également. En outre, la loi n'autorise pas l'exonération des associations caritatives. En Dordogne, nous n'avons ainsi pas pu exonérer de taxe les Restos du Coeur, le Secours catholique ou le Secours populaire.

S'il nous faut effectivement réduire nos déchets, donc inciter les Français à trier davantage, il est important de trouver un juste équilibre pour obtenir l'adhésion des usagers et ainsi éviter des incivilités, particulièrement les dépôts sauvages. Monsieur le rapporteur, vous dites que le fait de diminuer le tarif pour les familles nombreuses risque de les pousser à moins respecter le tri...

M. Olivier Paccaud, rapporteur. - Ce n'est pas ce que j'ai dit.

Mme Marie-Claude Varaillas. - ... mais au contraire, je veux un tarif plus juste pour les embarquer avec moi pour trier davantage.

Le juste équilibre réside dans le fait que les collectivités gestionnaires puissent, par délibération, instaurer une tarification sociale, ce que la loi ne leur permet pas de faire, alors que c'est possible pour les services de l'eau ou de la petite enfance. Il arrive ainsi que les collectivités décident d'appliquer un quotient familial pour le repas dans les cantines scolaires.

S'il n'est pas réglé aujourd'hui, ce problème reviendra.

Notre collègue Marta de Cidrac, avec laquelle je travaille au sein de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et qui est très engagée sur l'économie circulaire, a rendu un rapport d'information en juillet 2023 sur la réduction, le réemploi et le recyclage des emballages. Elle y fait 28 propositions, dont l'expérimentation d'une tarification sociale « déchets » afin, dit-elle, de « limiter les effets anti-redistributifs du passage à une tarification incitative ».

Cette tarification incitative est fortement encadrée par la loi. La réglementation interdit l'instauration de tarifs différenciés en fonction du niveau de vie des ménages. Néanmoins, la législation est amenée à évoluer, d'autant plus dans le contexte de la transition écologique, elle-même étroitement liée aux enjeux sociaux et locaux.

La loi Brottes de 2013 autorisait la tarification sociale de l'eau. Elle est un bon exemple de prise en compte de la dimension sociale. Elle doit ouvrir la voie à cette future initiative, que je propose, pour les déchets. J'ai trouvé qu'il serait bon que le Sénat soit ici à l'avant-garde.

Cette proposition de loi ne dit pas aux élus quelle tarification sociale ils doivent mettre en oeuvre, avec des critères particuliers. L'idée est de leur donner, par ce texte, la possibilité d'instaurer la tarification sociale qu'ils jugeront la mieux adaptée à leur territoire. Je plaide pour la différence territoriale.

Selon un rapport du Commissariat général au développement durable (CGDD), dans le cadre de la Teom, on recense 276 kilos de déchets par habitant et par an, en Teomi 234 kilos, en Reomi 134 kilos. La redevance a beaucoup affecté les familles nombreuses. Son montant pouvait aller de 7 euros à 1 000 euros en Teom, avec la Reomi il dépend du poids des déchets et du nombre de personnes dans la famille.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Au cours des dix dernières années, deux textes de loi importants ont été débattus sur le sujet mais nous sommes à peu près tous d'accord pour dire que nous sommes loin d'une situation optimale.

Il faut avoir une vision large du sujet et inclure les questions de la collecte, du traitement, de la valorisation et des filières organisées. Dans un rapport récent, Christine Lavarde a montré qu'il existe entre les modalités de financement de la collecte des déchets et l'efficacité de ces dispositifs un lien qui donne le vertige.

La tarification sociale de l'eau, que vous évoquez, a donné lieu à de nombreux débats dans l'hémicycle. Malheureusement, elle n'est pas souvent mise en oeuvre.

Mme Marie-Claude Varaillas. - Oui, c'est vrai.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Dans les territoires à dominante rurale, les élus sont assez en colère en cas de non-paiement de factures ou de consommation excessive, car la collectivité ne peut rien faire.

Il faudrait donc une étude d'impact et une vision plus large que le seul point d'entrée que vous avez évoqué. Cela relève plutôt d'un projet de loi d'ensemble que d'une proposition. Je salue néanmoins, cette initiative, dont le dispositif me parait toutefois trop restrictif.

Vous soulignez des insuffisances réelles, mais ce sujet doit être regardé plus largement. Les collectivités sont le premier acteur de proximité mais c'est au niveau de la chaîne des éco-organismes et des débouchés que les efforts doivent être réalisés. Nous devrions ainsi aboutir à des solutions plus intéressantes. Néanmoins, la tâche est difficile, car les situations varient considérablement selon que l'on a affaire à un centre d'enfouissement, par exemple, ou à un centre d'incinération associé à un réseau de chaleur.

Cette réflexion doit donc être élargie, mais je ne suis pas sûr que nous ayons le temps de le faire avant 2027, en tout cas dans la configuration politique actuelle.

Mme Christine Lavarde. - L'auteure de la proposition de loi met en avant un problème réel : la base sur laquelle est fixée la Teom n'a aucun sens économique, puisque les valeurs locatives n'ont plus aucune signification. Comment expliquer que, pour un volume de déchets similaire, on paye beaucoup plus cher la Teom dans une ville nouvelle que dans un immeuble haussmannien ?

Pourquoi ne revenons-nous pas, en réalité, sur la définition des valeurs locatives qui déterminent la taxe foncière sur laquelle est concentrée une partie de l'impôt ? Malheureusement, nous n'aurons pas ce débat au cours de l'examen du projet de loi de finances (PLF). Et les travaux sont ajournés d'année en année, alors qu'il s'agit du coeur du problème.

Notre objectif commun est de réduire les déchets. Or, les chiffres qui ont été mentionnés le montrent, le signal prix est très important. Quand les gens doivent payer une taxe en fonction du volume de déchets qu'ils déposent, ils sont immédiatement incités à mieux trier. La question du tri est indépendante de celle des revenus. Les personnes ayant les revenus les plus élevés ne trient pas moins bien que les autres. Il faudrait toutefois tenir compte de la composition familiale et de l'âge des personnes qui composent le foyer. Nous pourrions envisager un bonus, par exemple, pour les familles ayant des enfants de moins de 3 ans ou des personnes âgées de plus de 70 ans. En revanche, la question du revenu n'a rien à faire dans le dossier des déchets.

Un seuil d'un point d'apport volontaire par tranche de 200 habitants est évoqué. Mais imaginez-vous les coûts que cela représenterait pour les collectivités urbaines ? Il faudrait en mettre partout ! Ce seuil devrait tenir compte des réalités locales et ne pas être fixé par la loi.

Mme Marie-Claude Varaillas. - Ce seuil a été proposé par Citeo et avalisé par Intercommunalités de France.

Mme Christine Lavarde. - Non !

M. Marc Laménie. - Je remercie le rapporteur et l'auteure de la proposition de loi. Ces sujets de société appellent particulièrement notre attention. La redevance est-elle préférable à la taxe ? La taxe s'appuie sur les bases d'imposition du foncier bâti. La redevance paraît pour sa part plus équitable, car elle se fonde sur le nombre et la composition des foyers. Ce point fait néanmoins débat.

En matière de tri, les efforts à réaliser sont immenses, car de nombreuses personnes ne trient pas leurs déchets. Dans mon département, les Ardennes, le bac à ordures ménagères et le bac jaune du tri étaient auparavant ramassés une fois par semaine. Maintenant, ils le sont tous les quinze jours. Le coût constitue un enjeu majeur.

Certaines intercommunalités ont les pires difficultés pour percevoir les redevances, malgré les efforts de la direction générale des finances publiques (DGFiP), ce qui peut entraîner des manques à gagner considérables.

Par ailleurs, qu'en est-il des déchèteries, qui ont aussi un rôle important à jouer ? Et quid de l'économie circulaire, pour la valorisation des déchets ?

Enfin, la taxe générale sur les activités polluantes coûte une fortune.

M. Jean-François Rapin. - Pendant quinze ans, j'ai été chargé de la gestion des ordures dans ma collectivité territoriale. La mise en oeuvre des systèmes de collecte et de tri a représenté un effort supplémentaire pour les usagers. Or, plus le temps passe, plus on leur demande d'efforts, et plus ils doivent payer cher. L'économie circulaire représente donc un coût pour nos concitoyens.

La Teom est fixée en fonction de la valeur locative du logement et payée par les propriétaires, lesquels peuvent demander, le cas échéant, à leurs locataires de la leur rembourser. Comment l'administration fiscale pourrait-elle appliquer un tarif social aux locataires alors que la Teom est payée par les propriétaires ?

M. Olivier Paccaud, rapporteur. - Monsieur le rapporteur général, peut-être vaudrait-il mieux, effectivement, réfléchir à partir d'un projet de loi pour gagner en efficacité.

Si tout le monde est d'accord avec la philosophie du texte de Mme Varaillas, la direction générale des collectivités locales (DGCL) et Intercommunalités de France ont pointé un risque « d'hypercomplexification » lors de leur audition, en particulier concernant l'article 1er.

Il faut une aide pour les personnes qui peinent à faire face à la hausse du coût de la collecte de leurs déchets. Des moyens peuvent être déployés pour ce faire par des centres communaux d'action sociale (CCAS). Mais en venir à une grille tarifaire me semble particulièrement difficile. L'expression qui est revenue le plus souvent en audition est « l'usine à gaz ».

Madame Lavarde, la redéfinition des valeurs locatives est effectivement indispensable et excède la seule question des déchets.

En revanche, la responsabilisation des producteurs de déchets n'a pas été évoquée. Le tri responsabilise. Or l'un des risques de la mise en place d'une tarification sociale est précisément de déresponsabiliser ceux qui en bénéficieraient. C'est ce qu'ont mis en exergue l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et la Fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement (Fnade).

Monsieur Laménie, les déchèteries constituent un point d'apport volontaire très particulier. Ces réseaux, qui concernent des déchets particuliers et se sont multipliés sur le territoire, sont devenus indispensables.

Monsieur Rapin, il n'y a pas de réponse à votre question. Mais le problème que vous soulevez est réel.

Cette proposition de loi est donc un beau texte, philosophiquement positif, mais complexe à mettre en oeuvre dans la réalité. Ainsi, installer un PAV pour 200 habitants représenterait un coût faramineux. Rue de Vaugirard, il en faudrait pour chaque immeuble !

M. Bruno Belin, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que le périmètre de cette proposition de loi comprend les dispositions relatives : à la fixation d'un pouvoir de modulation, en fonction de critères sanitaires ou sociaux, de la tarification du service public de gestion des déchets ; aux modalités minimales de collecte des déchets par les structures compétentes ; et aux modalités d'association des usagers dans le cadre de la gouvernance des structures compétentes en matière de traitement et/ou de collecte des déchets.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

L'article 1er n'est pas adopté.

Article 2

L'article 2 n'est pas adopté.

Article 3

L'article 3 n'est pas adopté.

Article 4

L'article 4 n'est pas adopté.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.

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