EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Article unique
Création de la profession
d'assistant en prophylaxie bucco-dentaire
Cet article prévoit la création de la profession d'assistant en prophylaxie bucco-dentaire. Ces professionnels de santé diplômés de niveau 5 participeront, sous la responsabilité et le contrôle du praticien, à divers actes cliniques ou techniques aujourd'hui exclusivement dévolus aux chirurgiens-dentistes ou aux médecins. Il confère également à ces professionnels la possibilité d'intervenir, hors du contrôle effectif du praticien, dans le cadre d'actions de prévention, d'éducation à la santé bucco-dentaire et de suivi prophylactique en établissement de santé, social ou médico-social, ou scolaire.
La commission a adopté cet article avec modifications. Elle a notamment réservé l'accès à cette profession aux assistants dentaires afin d'assurer une expérience en cabinet avant l'entrée en fonction. Elle a aussi supprimé les dispositions issues de la loi dite « Rist 2 » sur la création d'un assistant dentaire de niveau 2 et restées inappliquées depuis.
Elle a également modifié le nom de cette nouvelle profession en « assistant en santé bucco-dentaire » et, en cohérence, l'intitulé de la proposition de loi afin de mieux refléter les missions attribuées à ces nouveaux professionnels de santé.
I - Le dispositif proposé
A. Des difficultés d'accès aux soins dentaires en résorption, mais qui restent bien réelles et concentrées sur certains territoires ruraux
La France est confrontée à d'importantes difficultés d'accès aux soins dentaires dues à une densité insuffisante de professionnels sur le territoire ainsi qu'à une répartition inégale des praticiens. En effet, la démographie des chirurgiens-dentistes a connu une légère baisse entre 2004 et 2010 puis une faible croissance jusqu'en 2019. Cette situation a été exacerbée par la hausse de la demande liée à l'augmentation et au vieillissement1(*) de la population. Il en est résulté un écart grandissant entre l'offre et le besoin de soins dentaires.
Cependant, la démographie des chirurgiens-dentistes est repartie à la hausse depuis le début des années 2020 grâce à deux facteurs :
- l'augmentation du numerus clausus (nombre d'étudiants admis en médecine dentaire) décidée au milieu des années 2000.
- l'afflux de dentistes diplômés à l'étranger, dont la part a triplé entre 2012 et 2021 (passant de 4 % à 14 % des praticiens, avec 80 % de diplômes européens2(*)).
Au 25 septembre 2025, on compte 49 156 chirurgiens-dentistes en activité3(*), soit 7 000 de plus qu'il y a treize ans, avec une accélération de cette croissance (+ 4,1 % en 2025 par rapport à 2024). Malgré cette évolution positive, les difficultés d'accès et les inégalités territoriales persistent. Ces inégalités tendent même à s'aggraver dans les zones rurales, les praticiens se concentrant dans les centres de santé situés en ville. À ce titre, l'exercice en cabinets de groupe ou en centres de santé est désormais majoritaire (54 %) et le nombre de centres de santé dentaires a fortement augmenté ces dernières années, passant de 896 en 2020 à 1 252 en 20234(*).
Ainsi, si l'accessibilité potentielle localisée (APL) aux chirurgiens-dentistes a augmenté de 1,6 emplois à équivalent temps plein (ETP) pour 100 000 habitants standardisés entre 2021 et 2023 pour atteindre 60,6 ETP, celle des 10 % des Français les moins bien dotés est, elle, passée de 15,3 à 14,6 ETP sur la période5(*). Conséquence : les 10 % de la population les mieux dotés ont une accessibilité aux soins dentaires 7,8 fois supérieure à celle des 10 % les moins bien dotés. Ceci place la profession de chirurgien-dentiste comme celle présentant les inégalités d'accès territoriales les plus fortes en France, devant les kinésithérapeutes (rapport de 6,7) et les médecins généralistes (rapport de 4,1).
Évolution de la densité des chirurgiens-dentistes entre 2012 et 2025
(en %)
Source : Commission des affaires sociales d'après les chiffres du RPPS - France métropolitaine
L'état bucco-dentaire de la population en France
Contrairement à d'autres pays tels que la Suède, l'Espagne, la Norvège, il n'existe pas de surveillance régulière du statut bucco-dentaire des populations vivant en France, tant pour les populations adultes qu'infantiles. De nombreuses données sur la prévalence de certaines maladies sont anciennes de plusieurs années. Ainsi, concernant les enfants, la dernière étude nationale ayant mesuré l'indice relatif au nombre de dents définitives cariées, absentes ou obturées a été réalisée en 2006. Par ailleurs, une récente étude commandée par l'Union française pour la santé bucco-dentaire indique que 46 % des Français ne voient pas l'intérêt de prendre rendez-vous au cabinet dentaire en l'absence de problème6(*).
Plusieurs populations à risque peuvent toutefois être identifiées7(*) :
Les enfants et les adolescents :
Plusieurs études sur l'état de santé bucco-dentaire des enfants et des adolescents mettent en évidence des disparités sociales importantes. Ainsi, chez les jeunes enfants, dès la grande section de maternelle, 30 % des enfants d'ouvriers ont au moins une dent cariée, contre 8 % des enfants de cadres. Les enfants issus de milieux moins favorisés consultent moins souvent les chirurgiens-dentistes pour des visites de contrôle, ce qui rend difficiles la détection précoce et la prévention des problèmes bucco-dentaires. On note également des écarts d'accès aux dispositifs de soins et de prévention comme le programme « MT Dents », ce qui renforce le risque de devoir, par la suite, traiter des pathologies via des traitements lourds et coûteux.
Les personnes âgées
Le Baromètre santé 2014 a montré que les problèmes dentaires au cours de l'année en question avaient augmenté de façon linéaire avec l'âge, passant de 29,6 % parmi les 15-24 ans à 47,9 % chez les 65-75 ans. En 2016, dans les établissements sanitaires et médico-sociaux, 75 % des résidents avaient un état de santé bucco-dentaire dégradé avec des impacts majeurs en termes de nutrition, de risques pour la santé et d'altération de la qualité de vie. Selon une étude de l'UFSBD, en 2014, 42 % des résidents en Ehpad n'avaient pas bénéficié de consultation dentaire depuis 5 ans8(*). Une étude de 2021 réalisée en Nouvelle-Aquitaine montrait que 68 % des Ehpad ne bénéficiaient pas d'action de dépistage bucco-dentaire9(*).
Les adultes en situation de précarité
Environ 40 % des adultes en situation de précarité souffriraient de caries non soignées contre 15 % dans la population générale. Les maladies parodontales touchent particulièrement ces populations, en lien avec une hygiène bucco-dentaire inadéquate. Le taux d'édentement complet est 3 fois plus élevé chez les personnes précaires âgées de plus de 60 ans. Un accès limité aux soins dentaires vient renforcer ces inégalités. On note que 20 % des adultes en situation de précarité n'ont pas consulté de chirurgien-dentiste au cours des 5 dernières années
B. Les assistants dentaires : une profession de santé dont les compétences sont strictement encadrées et qui pourraient, avec une formation complémentaire, contribuer à l'accès aux soins dentaires
1. La profession d'assistant dentaire : une profession de santé utile pour libérer du temps médical, mais dépourvue de mission clinique faute de formation suffisante
La profession d'assistant dentaire a été reconnue comme profession de santé par la loi de modernisation de notre système de santé10(*). Elle consiste à « assister le chirurgien-dentiste ou le médecin exerçant dans le champ de la chirurgie dentaire dans son activité professionnelle, sous sa responsabilité et son contrôle effectif »11(*).
Toujours en présence du praticien, l'assistant dentaire contribue ainsi aux activités de « prévention et d'éducation pour la santé dans le domaine bucco-dentaire »12(*). Il accompagne au fauteuil le praticien lors des consultations en lui donnant les instruments nécessaires à son intervention. Il nettoie, désinfecte et stérilise les instruments. Enfin, il tient à jour les dossiers patients en fonction des demandes du praticien.
Les effectifs des assistants dentaires ont augmenté de 189 % entre 2013 et 2023. On compte ainsi 17 373 assistants dentaires en exercice âgés de moins de 62 ans au 1er janvier 2023 contre 6 005 en 2013. Interrogé sur la répartition de ces professionnels selon leur lieu d'exercice, la Direction générale de l'offre de soins (DGOS) n'a pas pu fournir de données à la rapporteure indiquant seulement que « la majorité des assistants dentaires exercent en cabinet dentaire ».
Évolution du nombre d'assistants dentaires entre 2013 et 2023
Source : Réponse de la DGOS au questionnaire de la rapporteure, d'après les chiffres DREES, ADELI
Peuvent exercer comme assistant dentaire les titulaires d'un titre sanctionnant une formation de 18 mois. Pour être admis à cette formation, il est nécessaire de justifier de l'obtention préalable d'un diplôme de niveau 3 (brevet des collèges ou équivalent) et d'être majeur13(*). Le certificat d'assistant dentaire correspond par la suite à un diplôme de niveau 4 (baccalauréat ou équivalent).
Actuellement, en raison de leur niveau de formation, les assistants dentaires ne sont pas habilités à réaliser des actes cliniques ou techniques. Bien qu'ils contribuent à améliorer l'accès aux soins en soulageant le dentiste des tâches d'hygiène et de gestion administrative, ils n'effectuent aucun acte directement dans la bouche du patient.
La création d'une formation de niveau 5 au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), permettant d'obtenir un diplôme de niveau équivalent au bac + 2 constituent dès lors une attente forte de la profession. Un tel niveau de qualification permettrait de pouvoir prévoir une véritable délégation de certains actes sous le contrôle du chirurgien-dentiste mais également de permettre la mise en place de missions « d'aller-vers » en dehors du lieu d'exercice. Ce dernier point apparait comme un élément central dans le cadre du développement d'une politique de prévention bucco-dentaire dans les établissements scolaires ou les Ehpad par exemple.
2. La France ne consacre pas de profession d'hygiéniste dentaire qui se verrait déléguer une partie des soins en bouche pour en décharger les praticiens
En 2025, la France connaissait une densité de près de 71 chirurgiens-dentistes pour 100 000 habitants, situant la France en dessous de la moyenne de l'UE-1414(*). Cette densité reste plus faible que celle rencontrée dans les pays scandinaves et en Allemagne, avec, par exemple, 93 chirurgiens-dentistes pour 100 000 habitants en Norvège. Surtout, ces pays complète le plus souvent cette offre de soins par la présence d'hygiénistes dentaires pouvant intervenir en bouche pour certains actes dont des actes de prévention
En effet, la France se distingue de certains systèmes de santé comparables comme ceux de la Belgique, de la Suisse ou du Québec, qui consacrent donc une profession d'hygiéniste dentaire. Ceux-ci se voient déléguer certains soins en bouche, comme le détartrage, le polissage ou certaines opérations de parodontie, et contribuent à la santé publique en enseignant les techniques d'hygiène bucco-dentaire et en sensibilisant à l'importance de cette dernière.
Dès lors, la Cour des comptes a estimé, dans un rapport de 2010 sur les soins dentaires15(*), qu'un levier pour préserver l'accès aux soins dentaires consistait en un élargissement des missions des assistants dentaires. Le rapport estime ainsi qu'« en l'absence en France de la profession d'« hygiéniste » qui existe dans de nombreux États étrangers, les assistant(e)s dentaires pourraient voir leur champ d'activités élargi, d'une part, à certains soins parmi les plus simples comme les détartrages, afin que les praticiens puissent se consacrer aux traitements les plus lourds, d'autre part, à des tâches de suivi bucco-dentaire, en particulier dans des institutions : écoles (cf. infra), institutions accueillant des personnes handicapées, maisons de retraite, établissements pénitentiaires... Les chirurgiens-dentistes interviendraient dans un second temps, si les cas détectés le nécessitaient ».
3. La consécration, par la loi dite « Rist 2 », d'un statut d'assistant dentaire de niveau 2 reste lettre morte faute de parution des textes d'application
La création d'un statut d'assistant dentaire « de niveau 2 » (AD2), pourvu de compétences cliniques et techniques est régulièrement demandé par les professionnels des soins dentaires, au premier rang desquels le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes (CNOCD) et l'Union fédérale des assistantes dentaires (UFAD). Le législateur a souhaité y procéder en 2023 lors de l'adoption de la loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé dite « Rist 2 »16(*). En 2024, le rapport de la commission permanente de la conférence nationale de santé sur la santé bucco-dentaire indiquait « de même, les assistant.e.s dentaires de niveau 2 devraient jouer un rôle majeur dans les interventions préventives au cabinet dentaire avec une délégation de tâches organisée et structurée pour une meilleure efficience dans la prise en charge des besoins de santé des patients 17(*) ».
Cette dernière prévoyait initialement la création d'un statut de pratique avancée pour les assistants bucco-dentaires, mais le Parlement a finalement opté pour une autre rédaction ouvrant la possibilité aux assistants dentaires de « contribuer aux actes d'imagerie à visée diagnostique, aux actes prophylactiques, aux actes orthodontiques et à des soins post-chirurgicaux » sous réserve d'avoir obtenu « un titre de formation complémentaire »18(*). La loi fixe également le principe selon lequel le nombre d'assistants dentaires de niveau 2 doit toujours être inférieur ou égal au nombre de praticiens sur un lieu d'exercice donné.
Toutefois, plus de deux ans après la promulgation de cette loi, les textes réglementaires d'application nécessaires à la création du statut d'assistant dentaire de niveau 2 n'ont toujours pas été publiés et aucun professionnel ne peut donc aujourd'hui exercer sous ce statut.
En effet, l'article L. 4393-8 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 19 mai 2023 portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, introduit une certification qui peut être obtenue en complément de la formation initiale des assistants dentaires, mais elle ne permet pas de créer une formation d'un niveau supérieur à celle des assistants dentaires existants (de niveau 4 à niveau 5).
Dans sa réponse au questionnaire de la rapporteure, la DGOS précise que « La profession d'assistant dentaire constitue une seule et unique profession sans qu'aucune distinction statutaire ne soit opérée entre les assistants dentaires ayant obtenu le titre de formation complémentaire et les assistants dentaires qui sont seulement titulaires « du titre de formation français permettant l'exercice de cette profession » mentionné à l'article L. 4393-9 ». Dès lors, ne s'agissant pas de deux professions distinctes, il était impossible au pouvoir règlementaire de prévoir deux niveaux de formation différenciés (niveau 4 et niveau 5) entraînant ainsi le maintien des assistants dentaires dans un niveau [4] de formation. Or un diplôme de niveau 4 fait obstacle à l'exercice de soins en bouche par ces professionnels, neutralisant ainsi la libération du temps médical attendue.
Par ailleurs l'exigence de présence physique du chirurgien-dentiste pour assurer le contrôle effectif de ces assistants dentaires de niveau 2 empêche « tout déploiement de prévention bucco-dentaire dans les établissements médico-sociaux, scolaires ou auprès des publics vulnérables, alors même que ce volet prophylactique est un impératif sanitaire »19(*).
C. La création d'une nouvelle profession de santé : les assistants en prophylaxie bucco-dentaire
Dans ce cadre, la présente proposition de loi se propose de créer une nouvelle profession de santé avec les assistants en prophylaxie bucco-dentaire. Elle crée, via son article unique, un nouveau chapitre dans le code de la santé publique relatif à cette profession. Selon la définition donnée par le Larousse, la prophylaxie désigne « l'ensemble de moyens médicaux mis en oeuvre pour empêcher l'apparition, l'aggravation ou l'extension des maladies ».
Contrairement à ce que prévoit la rédaction de la loi « Rist 2 », il ne s'agit donc plus d'une forme spécialisée d'exercice de la profession d'assistant dentaire, mais bien d'une profession distincte.
1. La définition des missions et des conditions d'exercice du nouvel assistant en prophylaxie bucco-dentaire
Le nouvel article L. 4393-18-1 précise les conditions d'exercice des assistants en prophylaxie bucco-dentaire. Deux missions bien distinctes sont ainsi définies : une mission clinique et technique, dans laquelle ils doivent être supervisés par un praticien ; et une mission de prévention qu'ils peuvent exercer sans contrôle effectif du praticien, hors des cabinets20(*).
L'article L. 4393-18-2 liste quant à lui les lieux d'exercice autorisés. Il prévoit explicitement la possibilité pour ces professionnels de santé d'exercer en établissement de santé, médicosocial, scolaire ou encore toute structure autorisée à délivrer des soins bucco-dentaires. Il est également précisé que ce professionnel de santé est soumis au secret professionnel.
Concernant les missions exercées en cabinet, le texte prévoit que l'assistant en prophylaxie bucco-dentaire participe, « sous la responsabilité et le contrôle effectif » d'un praticien à divers actes cliniques ou techniques aujourd'hui exclusivement dévolus aux chirurgiens-dentistes ou aux médecins. Ainsi l'assistant en prophylaxie bucco-dentaire pourrait participer à la réalisation d'« actes d'imagerie à visée diagnostique », d'« actes prophylactiques », orthodontiques (dépose des ligatures élastiques ou métalliques, pose d'une protection en cire ou en résine en cas de blessure) ou à des « soins post-chirurgicaux » (antisepsie, surveillance post-chirurgicale immédiate). Concrètement, les assistants en prophylaxie bucco-dentaire réaliseraient des actes directement auprès du patient, tels que le détartrage, le nettoyage extra-oral des prothèses, des radiographies et photographies intra et extra buccales, ou encore des scellements des sillons21(*).
Le deuxième alinéa du nouvel article L 4393-18-1 précise que le lieu d'exercice doit comprendre au moins un praticien pour un assistant en prophylaxie bucco-dentaire, afin de garantir l'effectivité du contrôle et du suivi. Cette précision est souhaitée par l'ensemble des personnes entendues dans le cadre des auditions de la rapporteure. Selon l'Ufad, cette disposition pour objectif d'éviter « une industrialisation des soins » ou la multiplication « d'usines à détartrage ».
Concernant les missions pouvant être réalisées, hors du contrôle effectif du praticien, le texte confère à ces professionnels la possibilité d'intervenir, dans le cadre d'actions de prévention, d'éducation à la santé bucco-dentaire et de suivi prophylactique en établissement de santé, social ou médico-social, ou scolaire. Dans ce cadre, les assistants en prophylaxie dentaire agissent toutefois, en l'absence de disposition contraire, toujours sous la responsabilité du praticien. Il reste en effet le seul responsable de ses salariés et devra, au titre de sa responsabilité de l'équipe médicale, contrôler les éléments qui seront exposés par l'assistant. Toutefois, il est à noter que le texte ne prévoit pas la signature d'une convention entre le praticien et la structure d'accueil pour encadrer l'action de l'assistant.
Lors des auditions, plusieurs personnes ont attiré l'attention de la rapporteure sur la nécessité de cadrer précisément les actes et activités qui pourront être réalisées par les assistants en prophylaxie bucco-dentaire dans ces établissements.
Enfin, le dernier alinéa du nouvel article L. 4393-18-1 renvoie à un décret en Conseil d'État la définition de la liste des activités et des actes que les assistants en prophylaxie bucco-dentaire sont susceptibles de réaliser. Il est d'usage que la loi se borne à limiter les champs de compétence des professionnels de santé tout en confiant au pouvoir réglementaire le soin de définir avec précisions la liste d'activité et d'actes autorisés. À ce titre, le texte prévoit que le décret serait soumis à avis des académies nationales de médecine et de chirurgie dentaire.
Si l'ensemble des personnes entendues ont estimé que les compétences des nouveaux assistants en prophylaxie bucco-dentaire étaient définies avec suffisamment de précisions, la liste de ces compétences est sujette à discussion. Ainsi l'Académie nationale de chirurgie dentaire et les Conseils nationaux de l'ordre des médecins et des chirurgiens dentaires ont indiqué être opposés au fait que l'assistant en prophylaxie bucco-dentaire puissent participer aux actes orthodontiques. Le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes (CNOCD) précise que les assistants en prophylaxie bucco-dentaire ne doivent pas « prendre d'empreinte physique ou numérique qui font parties d'un acte global dans le diagnostic et/ou le traitement du patient ce qui entrainerait de plus un surcout inutile aux organismes sociaux »22(*). Les représentants des assistants dentaires entendus en audition considèrent également qu'il n'est pas opportun, au regard du niveau de formation de ces nouveaux professionnels de santé, de prévoir la réalisation d'actes en orthodontie dans les catégories d'actes autorisés.
2. L'accès à la profession d'assistant en prophylaxie bucco-dentaire
Les articles L. 4393-3 à L. 4393-7 nouveaux du code de la santé publique définissent les modalités d'accès à la profession d'assistant en prophylaxie bucco-dentaire.
Ils ouvrent cinq voies d'accès à la profession, dont deux principales :
La profession serait ouverte à toute personne titulaire d'un titre de formation français créé ad hoc23(*) et non pas uniquement aux assistants dentaires comme le prévoit le droit actuel. Cette question a été largement évoquée lors des auditions. Ainsi, les représentants des assistants dentaires ont indiqué souhaiter que « ce nouveau métier soit réservé aux seuls assistants dentaires qualifiés ». La direction générale de l'offre de soins s'est exprimée également en faveur d'un accès réservé aux assistants dentaires dans le cadre la formation continue.
Les modalités de la formation ouvrant droit à ce titre seraient définies par arrêté après avis de la commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle des cabinets dentaires, du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes et de France compétences.
L'exposé des motifs précise que le titre de formation en question devra être de niveau 5, c'est-à-dire de niveau bac + 2 (brevets de techniciens supérieurs, diplômes d'études universitaires scientifiques et techniques).
Ainsi le texte ne prévoit pas de faire de ces professionnels des auxiliaires médicaux. Tous ces professionnels bénéficient en effet d'une formation de niveau 6 a minima.
· Les assistants dentaires bénéficieraient toutefois de facilités pour accéder à cette profession, puisqu'ils pourraient obtenir le titre dans le cadre de la formation continue24(*), dans des conditions fixées par arrêté. Le texte déposé ne prévoit pas de durée minimale d'exercice avant de pouvoir accéder, dans le cadre de la formation continue, à la profession d'assistant en prophylaxie bucco-dentaire.
· D'autres formations, énumérées par arrêté, ouvriraient droit à l'exercice de ce métier dès lors qu'elles auraient débuté avant l'entrée en vigueur de l'arrêté définissant les modalités de la formation d'assistant en prophylaxie bucco-dentaire.
· Sous réserve qu'ils aient atteint un niveau de connaissance suffisant et qu'ils en soient individuellement autorisés, certains étudiants en chirurgie dentaire pourraient exercer le métier d'assistant en prophylaxie bucco-dentaire durant leurs études.
· Enfin, pourraient être individuellement autorisés à exercer les ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou partie à l'Espace économique européen ne disposant pas du titre français mais disposant d'un autre titre considéré comme équivalent, selon des modalités similaires à celles qui s'appliquent aujourd'hui à l'exercice du métier d'assistant dentaire ou même de kinésithérapeute par des ressortissants européens non titulaires du titre français. Ces modalités peuvent inclure des mesures de compensation comme un stage d'adaptation ou une épreuve d'aptitude. Toutefois, contrairement à ce qui est prévu pour les assistants dentaires, le texte ne prévoit pas :
· la possibilité pour un ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, qui est établi et exerce légalement les activités d'assistant dentaire dans un État, membre ou partie, d'exécuter en France des actes professionnels, de manière temporaire ou occasionnelle25(*) ;
· de procédure d'enregistrement préalable « auprès du service ou de l'organisme désigné à cette fin par le ministre chargé de la santé avant leur entrée dans la profession26(*) » ;
· de contrôle des « connaissances linguistiques nécessaires à l'exercice de la profession »27(*).
Le nouvel article L. 4394-4-1 du code de la santé publique créé par le texte dispose que les personnes physiques ou morales usant sans droit de la qualité d'assistant en prophylaxie bucco-dentaire ou d'un titre requis pour exercer cette profession soient punies d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Il s'agit de la peine de droit commun pour le délit général d'usurpation de titre28(*).
II - La position de la commission
La commission soutient pleinement l'objectif de cette proposition de loi, véritable traduction législative des travaux entamés depuis 2018 par les différents acteurs (ministères, syndicats et représentants des assistants dentaires et des chirurgiens-dentistes, ordres...) en vue de la création d'une profession permettant aux praticiens de pouvoir déléguer certains actes en cabinet.
Cette évolution devrait permettre aux praticiens, d'une part, de pouvoir mieux prendre en charge les patients souffrant de pathologie plus complexe mais également de pouvoir disposer de plus de « temps médical » et ainsi permettre d'augmenter l'offre en soins dentaires sur le territoire. Selon les chirurgiens-dentistes entendus en audition, cette nouvelle profession pourrait leur permettre de retrouver jusqu'à 2 ou 3 heures de temps médical journalier par cabinet29(*).
Elle se félicite qu'avec ce texte, la France se dote enfin d'une profession comparable aux « hygiénistes dentaires » qui existent depuis plusieurs années dans de nombreux pays européens et dont l'utilité est aujourd'hui largement documentée.
La commission souligne l'importance de la prévention notamment en matière bucco-dentaire et considère qu'il s'agit là d'un véritable enjeu de santé publique. Elle regrette à ce titre le manque criant de données actualisées disponibles sur la santé bucco-dentaire des Français et notamment des plus jeunes et des plus âgées d'entre eux. Dans ce contexte, la perspective de cette nouvelle profession qui sera à même d'intervenir dans le cadre de missions « d'aller-vers » dans les écoles et les établissements médico-sociaux pour effectuer des actions de prévention constitue un atout majeur. Elle note tout l'intérêt de ces visites dans les Ehpad, au sein desquels ces nouveaux assistants pourraient repérer en amont des situations et comportements à risques et faciliter ainsi l'intervention du chirurgien-dentiste dans le cas où la situation le nécessiterait.
La commission souhaite particulièrement que le métier d'assistant en prophylaxie bucco-dentaire ne remplace pas celui d'assistant dentaire au sein des cabinets. Si la question de la coordination entre les différents professionnels au sein des structures relève de la gestion des ressources humaines, il apparait indispensable, pour la réussite de cette réforme, que chaque professionnel puisse exercer son métier en adéquation avec sa formation et ses compétences et bénéficier d'une juste rémunération. À ce titre, il serait pertinent que les praticiens soient formés à la gestion, au sein de l'équipe médicale, de la coexistence de ces deux métiers.
Par ailleurs, dans sa réponse au questionnaire transmis par la rapporteure, l'Ufad a alerté sur la situation particulière de l'exercice en milieu hospitalier. Les chirurgiens-dentistes hospitaliers auront également besoin de ces nouveaux professionnels de santé. Or, aujourd'hui, il n'existe aucun statut d'assistant dentaire au sein de la fonction publique hospitalière, si bien que les fonctions dévolues à ces assistants sont en réalité le plus souvent exercées par des aides-soignants voire par des agents de service hospitalier. Des assistants dentaires peuvent également être recrutés en tant que contractuel et positionnés sur un corps équivalent à un corps de catégorie B, tel que celui des aides-soignants. La rapporteure souhaite que la question de la création d'un statut en milieu hospitalier puisse faire l'objet d'une réflexion spécifique en lien avec le Gouvernement.
La commission a, sur proposition de la rapporteure, adopté plusieurs amendements visant à améliorer la cohérence et la sécurité juridique du texte.
Tout d'abord, elle a souhaité remplacer le terme d'assistant en prophylaxie bucco-dentaire, trop restreint par rapport à la réalité des missions et trop abscons pour les usagers du système de santé, par celui d'assistant en santé bucco-dentaire (amendement COM-3). En effet, la santé bucco-dentaire concerne spécifiquement la santé des dents, des gencives et de la cavité buccale. Elle comprend notamment des aspects tels que la prévention et le traitement des caries, des maladies parodontales ainsi que l'hygiène dentaire en général (brossage, utilisation de fil dentaire, etc.) ce qui permet de mieux appréhender la réalité des missions que seront amenés à exercer ces assistants. À l'initiative de Mme Anne Souyris, elle a par cohérence modifié l'intitulé de la proposition de loi (COM-1 rect.bis).
La commission a également adopté un amendement de la rapporteure visant à réserver l'accès à cette nouvelle profession aux seuls assistants dentaires en exercice. Cet amendement rapproche le texte de l'esprit de la mesure adoptée par le Parlement en 2023 et répond aux demandes des représentants des assistants dentaires ainsi qu'au souhait des chirurgiens-dentistes et au Gouvernement. Il précise également que la formation au métier d'assistant en santé bucco-dentaire ne sera accessible qu'après une durée minimale d'exercice dont la durée sera précisée par décret. Cet amendement permet d'assurer une expérience pratique effective minimale et de d'inscrire réellement l'accès à la profession d'assistant en santé bucco-dentaire dans le cadre d'une évolution de carrière (amendement COM-7).
À ce titre, le groupe de travail mis en place par la DGOS afin de mettre en oeuvre la loi adoptée en 2023 a déjà envisagé les contours de la formation qui pourrait être d'une durée de 18 mois et qui se déroulerait en alternance au sein du cabinet du chirurgien-dentiste dans lequel il est recruté. Les représentants des assistants-dentaires et des chirurgiens-dentistes entendus en audition ont ainsi indiqué qu'ils avaient déjà provisionné au sein des branches professionnelles le financement de cette formation. Cette formation en alternance au sein du cabinet pourrait permettre la poursuite d'activité de l'assistant dentaire pendant sa formation au métier d'assistant en prophylaxie bucco-dentaire.
Dans ce cadre, dès lors que cette formation ouvrira la possibilité de réaliser des actes en bouche, la rapporteure souhaite souligner l'importance de la qualité de cette formation et surtout du contrôle des organismes qui réaliseront ces formations.
Faisant suite aux échanges avec le conseil de l'ordre des chirurgiens-dentistes et de l'Union fédérale des assistant.e.s dentaires (Ufad), la rapporteure a souhaité remplacer, dans la liste des catégories d'actes autorisées, les actes orthodontiques par les actes en prophylaxie orthodontique afin d'éviter que les assistants en santé bucco-dentaire ne réalisent certains actes invasifs en cabinet. En effet, les actes orthodontiques font partie d'un traitement global (empreintes, étude céphalométrique, diagnostic, plan de traitement avec notamment pose et dépose des bagues ou des brackets ...) qui impliquent des actes invasifs et technique en bouche. Il apparait essentiel de préciser que ces actes de plus haute technicité soient bien réservés aux orthodontistes (Amendement COM-4).
Toujours à l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement visant à sécuriser l'intervention hors du lieu d'exercice des nouveaux assistants en santé bucco-dentaire en précisant que ces dernières interviennent toujours sous la responsabilité du chirurgien-dentiste et dans le cadre d'une convention signée avec la structure d'accueil (COM-5).
Afin de sécuriser l'accès à la profession pour les professionnels issus d'autres États membres de l'UE ou partie à l' accord sur l'EEE, elle a inséré, sur le modèle des dispositions existantes pour les assistants dentaires, un contrôle des compétences linguistiques nécessaires à l'exercice de la profession ainsi qu'un enregistrement préalable auprès des autorités préalablement à l'entrée dans la profession (COM-9 rect. et COM-14).
Elle a également précisé que les conseils nationaux des ordres concernés devront être consultés préalablement à la publication du décret listant les activités et actes que l'assistant en prophylaxie bucco-dentaire pourra se voir confier (COM-6).
En cohérence avec les dispositions présentes dans la proposition de loi, la commission a supprimé les dispositions en vigueur relatives aux assistants dentaires de niveau 2 issues de la loi dite « Rist 2 » (COM-13).
Enfin, elle a adopté plusieurs amendements de coordination ou rédactionnels visant à améliorer la sécurité juridique du texte en assurant notamment la possibilité pour les assistants en prévention bucco-dentaire de participer à des protocoles de coopération (COM-12) d'une part, et la transmission aux ARS des contrats de travail et des diplômes des assistants en prévention bucco-dentaire dans le cadre de la procédure d'agrément des centres de santé, d'autre part (COM-11).
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
La commission a ainsi modifié l'intitulé de la présente PPL.
* 1 Notamment en ce qui concerne les soins parodontaux, prothétiques et implantaires.
* 2 ONDPS, Démographie des chirurgiens-dentistes : état des lieux et perspectives, novembre 2021
* 3 Agence du numérique en santé - Tableau des populations du répertoire partagé des professionnels intervenant dans le système de santé - 25 septembre 2025
* 4 FNCS. Centres de santé : perspectives d'évolution du modèle économique, septembre 2024
* 5 Activité des chirurgiens-dentistes libéraux et salariés en centre de santé : SNIIR-AM 2022 et 2023 - Traitement Drees.
* 6 Baromètre de la santé bucco-dentaire Haleon x UFSBD, juin 2025
* 7 Sauf précision contraire, tous les chiffres sont issus du rapport sur la santé bucco-dentaire de la Conférence nationale de santé adopté le 17 janvier 2025.
* 8 ONDPS, Démographie des chirurgiens-dentistes : état des lieux et perspectives, novembre 2021.
* 9 Maxime BOITEAUD, Prise en charge bucco-dentaire des personnes âgées dépendantes en Nouvelle-Aquitaine, état des lieux et perspectives d'actions, septembre 2021.
* 10 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
* 11 Article L. 4393-8 du code de la santé publique.
* 12 Ibid
* 13 Arrêté du 8 juin 2018 relatif à la formation conduisant au titre d'assistant dentaire.
* 14 ONCD. Cartographie et données publiques, 2025 - UE-14 désigne les États membres de l'Union européenne avant l'élargissement de 2004 moins la Grande-Bretagne.
* 15 Cour des comptes, 2010, Sécurité sociale 2010, Chapitre XIII.
* 16 Loi n° 2023-379 du 19 mai 2023 portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé.
* 17 Conférence nationale de santé, Rapport sur la santé buccodentaire, 17 janvier 2025.
* 18 Article L. 4393-8 du code de la santé publique.
* 19 Exposé des motifs de la présente proposition de loi.
* 20 Article L. 4393-18-1 nouveau.
* 21 Liste des actes issue du groupe de travail DGOS, Commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle et syndicats représentatifs des assistants dentaires et des chirurgiens-dentistes.
* 22 Réponse du CNOCD au questionnaire transmis par la rapporteure.
* 23 Article L. 4393-18-3 nouveau du code de la santé publique.
* 24 Article L. 4393-18-4 nouveau du code de la santé publique.
* 25 Article L. 4393-14 du code de la santé publique.
* 26 Article L. 4393-17 du code de la santé publique.
* 27 Article L. 4393-15 du code de la santé publique.
* 28 Article 433-17 du code pénal.
* 29 Réponse du CNOCD au questionnaire transmis par la rapporteure.

