EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » et des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 13 novembre 2025, sous la présidence de M. Michel Canévet, vice-président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial, sur la mission « Engagements financiers de l'État » et des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics »

M. Michel Canévet, président. - Nous passons à l'examen des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » et des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État » et des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ». - Je vais être un peu à contre-courant de mes collègues : je suis un rapporteur spécial qui regrette que les crédits de sa mission augmentent. En effet, si les crédits de cette mission progressent, cela signifie que notre dette nous coûte plus cher, en raison à la fois d'un effet volume et d'un effet taux.

Les chiffres que je vais vous exposer sont un peu inquiétants. Les crédits de cette mission représentent le deuxième poste du budget de l'État en crédits de paiement, après l'enseignement scolaire : ils s'élèvent à 60,4 milliards d'euros. En autorisations d'engagement, il s'agit du troisième poste du budget de l'État, à hauteur de 60,2 milliards d'euros.

Nous verrons que les projections sont inquiétantes, puisque, compte tenu des effets de l'augmentation de l'endettement et des taux qui demeurent élevés, cette mission pourrait à courte échéance devenir le premier poste du budget de l'État.

Les crédits de la mission ont augmenté de 4,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2025. Cela s'explique essentiellement par un effet volume, l'alourdissement historique de la charge de la dette, et par le contexte de remontée des taux.

En ce qui concerne les volumes, l'encours de la dette de l'État s'élevait à 2 757 milliards d'euros à la fin de septembre 2025 et la dette publique atteignait 3 416,3 milliards d'euros, soit 115,6 % du PIB. Notre dette publique a ainsi augmenté de 111 milliards d'euros sur les six premiers mois de l'année 2025. C'est donc d'abord l'alourdissement de la dette, autrement dit l'effet volume, qui explique l'essentiel de l'augmentation des crédits de la mission.

En audition, l'Agence France Trésor m'a confirmé que nous connaîtrions en 2026 un montant record d'émissions de dette, avec un programme de financement prévu à 310,0 milliards d'euros d'émissions nouvelles de dette à moyen et long termes nettes des rachats. La charge de la dette de l'État devrait atteindre des niveaux considérables en 2026 et dans les années suivantes, dans un contexte où les taux à long terme devraient remonter. En effet, si la Banque centrale européenne (BCE) a poursuivi son cycle d'assouplissement monétaire, initié en juin 2024, la « pentification » des primes de terme a conduit en 2025 à une augmentation générale des taux d'intérêt souverains à long terme.

De fait, concernant les taux à court terme, la BCE a procédé, entre juin 2024 et juin 2025, à huit baisses de taux de 25 points de base pour descendre jusqu'à 2 %, contre 4 % en juin 2024. Aucune nouvelle baisse de taux n'est attendue pour la fin de l'année 2025, dans la mesure où l'inflation a atteint la cible de la banque centrale en zone euro. Les taux à court terme ont suivi l'évolution des taux directeurs de la banque centrale, pour atteindre 2,0 % environ à l'été 2025. À l'inverse, les taux à long terme sont en hausse depuis le début de l'année 2025. C'est notamment lié à la relance budgétaire en Allemagne, phénomène nouveau. Les besoins en dette publique augmentent dans la zone euro et en dehors, ce qui se répercute sur les taux souverains.

Les taux à trois mois se stabiliseraient à 2,0 % fin 2025 et augmenteraient à 2,25 % fin 2026. Les taux à dix ans continueraient à croître, pour atteindre 3,7 % fin 2025 et 3,8 % fin 2026. On pourrait croire qu'une hausse de 0,1 point est faible, mais en réalité, elle est considérable, rapportée au montant de la dette. Concrètement, un choc de taux pérenne de + 1 point par rapport au scénario de référence, sur l'ensemble de la courbe de taux, entraînerait une hausse de la charge de la dette de 3,2 milliards d'euros à un an et de 33,5 milliards d'euros à neuf ans. Toute hausse, même imperceptible pour le crédit d'un particulier ou d'une collectivité, représente immédiatement pour l'État une somme considérable.

Le contexte politique est déterminant pour l'appréciation de la qualité de la signature de la France. Nous sommes suivis de très près par les investisseurs et les agences de notation.

La hausse attendue des coûts de financement de la France résulte de différents facteurs. Le premier est l'instabilité politique, avec beaucoup d'interrogations sur l'avenir des politiques publiques en France. Le deuxième est lié aux conditions de refinancement auprès de la BCE qui demeurent stables. Le troisième est la concurrence accrue entre États : l'Allemagne, qui était peu endettée, devient un émetteur important, à de meilleures conditions que la France ; l'Italie emprunte aussi à de meilleurs taux que la France. Standard & Poor's et la Société Générale observent qu'il n'y a pas de hausse brutale de taux et que la France continue à pouvoir se refinancer, mais qu'en revanche, ces prochaines années, nous payerons plus cher notre dette.

En 2026, nous devrons émettre 310 milliards d'euros de dette à moyen et long termes, nette des rachats. La charge de la dette représentera, comme cette année, la deuxième mission du budget de l'État en crédits de paiement et je ne peux que le regretter. En comptabilité budgétaire, la charge de la dette devrait connaître une croissance de + 4,5 milliards d'euros par rapport à la LFI 2025, pour atteindre 58,0 milliards d'euros , et, en comptabilité générale, son montant devrait s'élever à 60,4 milliards d'euros, soit une augmentation de 8 milliards d'euros par rapport à 2025.

La charge de la dette de l'État pourrait dépasser 70 milliards d'euros en 2027, atteindre 90 milliards d'euros en 2029 et parvenir à 100 milliards d'euros à horizon 2030. Je rappelle que les recettes fiscales nettes de l'État sont de 300 milliards d'euros. Les intérêts de la dette pourraient ainsi représenter à terme le tiers des recettes fiscales nettes de l'État !

J'en viens maintenant aux crédits dédiés aux appels en garantie de l'État. Le programme 114 retrace l'ensemble des dépenses budgétaires qui découlent de la mise en jeu des garanties octroyées par l'État, notamment au titre des prêts garantis par l'État (PGE). Les crédits inscrits sur ce programme pour 2026 s'élèvent à 790 millions d'euros, en baisse notable par rapport au niveau de la LFI 2025, qui s'établissait à 985 millions d'euros. À fin octobre 2025, les appels en garantie totaux constatés pour le dispositif des PGE, depuis sa création en 2020, s'élèvent à 5,7 milliards d'euros. Ils devraient atteindre 1,1 milliard d'euros pour la seule année 2025.

Pour 2026, le PLF prévoit l'ouverture de 471 millions d'euros pour couvrir les appels en garantie relatifs aux PGE. Pour l'ensemble de la période 2020-2028, le montant total de pertes brutes pourrait être de 6,7 milliards d'euros, soit un taux de perte relativement contenu, de 4,6 %. On estime les indemnisations restantes d'ici à 2028 à 1,1 milliard d'euros.

Concernant les comptes spéciaux rattachés à la mission, à savoir les comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics », je rappelle que, comme les années précédentes, le premier n'est pas doté de crédits pour 2026, tandis que le second devrait dégager un excédent important, reflet de la normalisation progressive des programmes correspondants depuis la crise sanitaire. Alors que cet excédent s'élevait à 552 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2025, il devrait se maintenir à un niveau élevé en 2026, à 447 millions d'euros.

Je vous propose d'adopter sans modification les crédits de cette mission ainsi que ceux des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

Pour résumer, je retiens de mes travaux de rapporteur spécial que nous avons des créanciers divers, qu'il n'y a pas d'inquiétude à court terme sur notre capacité à emprunter, mais que les volumes sont si considérables, alors que le risque de hausse de taux est avéré, qu'un problème de soutenabilité budgétaire se pose : serons-nous capables, dans moins de cinq ans, de consacrer le tiers de nos recettes fiscales au paiement des intérêts ? À quels efforts pouvons-nous consentir ? Attention aux signaux que nous envoyons.

M. Michel Canévet, président. - Merci pour cette présentation particulièrement claire.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - J'aurais aimé proposer des amendements de suppression de crédits, mais c'est impossible !

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Comme le rapporteur spécial, j'aurais bien voulu que les crédits de cette mission baissassent !

Pendant encore deux ou trois ans, nous assisterons à une poursuite de la hausse du montant total de la dette et les Français pourraient se dire que les efforts qui leur sont demandés ne corrigent pas la trajectoire ; or c'est parce que ces efforts seraient insuffisants. C'est une vraie préoccupation.

Les conditions de financement de cette dette nous interpellent. Si elles se dégradaient, nos difficultés s'en verraient accrues. Plus vite nous produirons nos efforts, plus le redressement sera rapide, et plus nous aurons des conditions de croissance conformes aux ambitions des Français.

M. Marc Laménie. -La trajectoire prévisionnelle d'évolution de la charge de la dette nous mènerait, en 2029, à 90,2 milliards d'euros. Quelles pistes envisager pour limiter cette charge ? Les taux à dix ans atteindraient 3,8 % fin 2026 : êtes-vous sûr de cette prévision ?

M. Éric Jeansannetas. -Monsieur le rapporteur spécial, vous ne semblez pas inquiet de la situation des PGE. L'étiage est raisonnable, mais tout de même important. Les défaillances d'entreprises sont la principale cause de l'appel à la garantie de l'État. Cela a un effet sur les banques, puisque l'État garantissant à 90 %, il reste 10 % à leur charge. Quand sortira-t-on de ces appels en garantie ?

M. Michel Canévet, président. - Quel bilan tirer des PGE ?

L'Agence France Trésor opère-t-elle les meilleurs choix dans son recours aux formes d'endettement, à court, moyen et long termes ?

Le fait que l'État emprunte à des taux plus élevés a-t-il un impact sur les conditions financières des opérations des entreprises et des particuliers ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - Concernant les leviers envisageables pour limiter la hausse de la charge de la dette, il y a d'abord l'effet volume. Continue-t-on à s'endetter ? Le chiffre de 3 % correspond au niveau de déficit en dessous duquel on stabiliserait notre endettement. Si on dépasse 3 %, on continue à s'endetter. Notre premier objectif serait d'arrêter de continuer à s'endetter.

Ensuite, il y a l'effet taux. Celui-ci ne se décrète pas. En revanche, nous sommes scrutés. Le taux est le signe de la confiance des créanciers. Actuellement, l'Italie emprunte moins cher que la France. Nous devons donc créer les conditions de la confiance.

Les agences de notation dégradent la note de la France mais les taux n'explosent pas mécaniquement. Cette situation peut en premier lieu s'expliquer par le fait que la dégradation de la note était anticipée et déjà intégrée dans les taux pratiqués. Par ailleurs, si, à partir d'une certaine notation - que nous avons atteinte -, pour des raisons prudentielles, un certain nombre d'investisseurs institutionnels cessent d'investir, on ne s'en rend pas compte immédiatement. En effet, le détenteur d'une dette à dix ans ne la vend pas le jour même de la baisse de la note, mais le jour où son prêt arrive à échéance, il ne le renouvelle pas. Ces prochaines années, nous souffrirons donc d'une contraction du nombre d'investisseurs possibles.

Très concrètement, nous devons au moins stabiliser notre dette. Rappelons qu'une hausse de taux de 1 point entraîne une trentaine de milliards d'euros de charge de la dette supplémentaires au bout de neuf ans.

J'en viens aux PGE. Ce qui est plutôt rassurant, c'est que les PGE les plus importants en montants, comme celui d'Air France, ont été remboursés. La masse financière est contenue. En 2028, tout sera terminé. Le risque pour les banques n'est pas tant du côté des PGE que des dossiers déposés en ce moment aux tribunaux de commerce.

La situation des taux est nouvelle : les grandes entreprises telles que LVMH empruntent désormais à un taux sensiblement moins élevé que la France. Auparavant, il était impossible d'emprunter moins cher que l'Agence France Trésor. La dette souveraine était le symbole d'une absence de risque.

Il n'y a jamais eu dans le monde autant de besoins de financement des dettes souveraines, ce qui entraîne une concurrence accrue entre elles.

En tout cas, les temps de l'emprunt à taux négatif sont révolus, malheureusement.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » et des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

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Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

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