- L'ESSENTIEL
- PREMIÈRE PARTIE
LA MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT »
- I. L'ALOURDISSEMENT DE LA CHARGE DE LA DETTE DE
L'ÉTAT ATTEINT DÉSORMAIS DES NIVEAUX CRITIQUES
- A. LE PROGRAMME DE FINANCEMENT DE L'ÉTAT
DEVRAIT ATTEINDRE UN NIVEAU RECORD EN 2026, À 310 MILLIARDS
D'EUROS
- 1. Si l'exécution du programme de
financement de l'État ne présente pas de difficulté en
termes de souscription, les taux d'intérêt pratiqués
convergent désormais vers les niveaux les plus élevés de
la zone euro
- 2. Les taux d'intérêt sur les titres
de dette française à long terme devraient demeurer dans les
prochaines années à plus de 3,50 %
- 1. Si l'exécution du programme de
financement de l'État ne présente pas de difficulté en
termes de souscription, les taux d'intérêt pratiqués
convergent désormais vers les niveaux les plus élevés de
la zone euro
- B. LA CHARGE DE LA DETTE DE L'ÉTAT DEVRAIT
QUASIMENT DOUBLER ENTRE 2025 ET 2029, POUR CONSTITUER LE PREMIER
POSTE DE DÉPENSES DU BUDGET
- A. LE PROGRAMME DE FINANCEMENT DE L'ÉTAT
DEVRAIT ATTEINDRE UN NIVEAU RECORD EN 2026, À 310 MILLIARDS
D'EUROS
- II. LES APPELS EN GARANTIE DE L'ÉTAT
POURSUIVENT LEUR TRAJECTOIRE BAISSIÈRE
- I. L'ALOURDISSEMENT DE LA CHARGE DE LA DETTE DE
L'ÉTAT ATTEINT DÉSORMAIS DES NIVEAUX CRITIQUES
- DEUXIÈME PARTIE
LES COMPTES SPÉCIAUX
- I. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS
« PRÊTS ET AVANCES À DIVERS SERVICES DE L'ÉTAT
OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS » : UN NOUVEL
EXCÉDENT PRÉVU EN 2026
- II. DANS LA CONTINUITÉ DES ANNÉES
PRÉCÉDENTES, LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS
« ACCORDS MONÉTAIRES INTERNATIONAUX » N'EST PAS
DOTÉ DE CRÉDITS
- I. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS
« PRÊTS ET AVANCES À DIVERS SERVICES DE L'ÉTAT
OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS » : UN NOUVEL
EXCÉDENT PRÉVU EN 2026
- EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
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N° 139 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026 |
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Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025 |
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RAPPORT GÉNÉRAL FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026, |
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Par M. Jean-François HUSSON, Rapporteur général, Sénateur LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES (seconde partie de la loi de
finances) COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : PRÊTS ET AVANCES À DIVERS SERVICES DE L'ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS |
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Rapporteur spécial : M. Albéric de MONTGOLFIER |
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(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, M. Georges Patient, Mme Sophie Primas, M. Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel. |
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Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180 Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026) |
L'ESSENTIEL
Les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » représentent, pour 2026, le deuxième poste de dépenses du budget de l'État en crédits de paiement (CP) après la mission « Enseignement scolaire » et le troisième poste en autorisations d'engagement (AE) après les missions « Défense » et « Enseignement scolaire », avec 60,2 milliards d'euros en AE et 60,4 milliards d'euros en CP.
Ces crédits enregistrent ainsi une augmentation de + 4,2 milliards d'euros en AE et en CP, sous l'effet de l'alourdissement historique de la charge de la dette de l'État, dans un contexte d'endettement public historique (3 416,3 milliards d'euros, soit 115,6 % du PIB, dont 2 757 milliards d'euros pour la dette de l'État) et de remontée des taux d'intérêt souverains.
I. L'ALOURDISSEMENT DE LA CHARGE DE LA DETTE DE L'ÉTAT ATTEINT DÉSORMAIS DES NIVEAUX CRITIQUES
A. LE PROGRAMME DE FINANCEMENT DE L'ÉTAT DEVRAIT ATTEINDRE UN NIVEAU RECORD EN 2026, À 310 MILLIARDS D'EUROS
Concernant le niveau des taux d'intérêt, l'année 2025 s'est ouverte au coeur du cycle d'assouplissement monétaire de la part de la Banque centrale européenne (BCE), entamé en juin 2024, sur fond de ralentissement de la croissance, de poursuite du processus désinflationniste en zone euro et d'incertitudes en lien avec les développements de la politique commerciale américaine.
Entre juin 2024 et juin 2025, la BCE a procédé à huit baisses de taux de 25 points de base successives, ramenant son taux de la facilité de dépôt à 2,00 % (contre 4,00 % en juin 2024).
Aucune nouvelle baisse de taux n'est attendue pour la fin de l'année 2025, dans la mesure où l'inflation a atteint la cible de la banque centrale en zone euro.
Les taux d'emprunt à court terme ont évolué dans le même mouvement pour atteindre 2,0 % environ à l'été 2025.
En revanche, les taux à long terme sont en hausse depuis le début d'année, du fait notamment des mesures de relance budgétaire annoncées en Allemagne et des besoins réhaussés de dépenses publiques de défense en zone euro.
Taux d'emprunt à 3 mois et à
10 ans de la France
et taux de rémunération des
dépôts par la BCE
(en pourcentage)
Note : données au 31 août 2025. L'indice quotidien TEC 10 ans (taux de l'échéance constante à 10 ans) représente le taux de rendement actuariel d'une OAT fictive d'échéance exactement égale à 10 ans. Le taux BTF 3 mois désigne le taux d'intérêt portant sur les bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté d'une maturité de 3 mois. Le taux de dépôt BCE correspond au taux de la facilité de dépôt de la Banque centrale européenne.
Source : Rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2026
Les investisseurs anticipent désormais une hausse des besoins budgétaires des pays européens, qui se répercutent aussi bien sur les taux souverains à 10 ans des pays dits « coeurs » que sur les pays dits « périphériques ».
Dans ce contexte, le taux de rendement à 10 ans de la France depuis le début de l'année 2025 a enregistré une première hausse de + 14 points de base (pb) en janvier lors des discussions autour du vote du PLF 2025, suivi d'une détente en février après les rejets des motions de censure et l'adoption de la loi de finances pour 2025. Mi-septembre, la hausse des rendements à 10 ans français depuis le début d'année oscillait aux alentours de + 30 pb et le spread vis-à-vis de l'Allemagne autour de 80 pb, en baisse de - 5 pb depuis le 1er janvier 2025.
Taux d'intérêt souverains
à 10 ans de l'Allemagne, de la France,
de l'Espagne et de
l'Italie
(en pourcentage)
Source : Projet annuel de performances « Engagements financiers de l'État » annexé au projet de loi de finances pour 2026
La prévision de charge de la dette de l'État dans le cadre du PLF 2026 s'appuie sur le scénario de taux d'intérêt suivant :
- les taux à 3 mois se stabiliseraient à 2,0 % fin 2025 et augmenteraient à 2,25 % fin 2026 ;
- les taux à 10 ans continueraient à croître, pour s'élever à 3,7 % fin 2025 et à 3,8 % fin 2026.
À cet égard, il convient de souligner la sensibilité de la trajectoire de la dette de l'État à un choc sur les taux. Selon les estimations de l'Agence France Trésor, l'effet d'un choc de taux pérenne de + 1 point (+ 100 points de base) par rapport au scénario de référence, sur l'ensemble de la courbe de taux, entraînerait une hausse de la charge de la dette de + 3,2 milliards d'euros à 1 an, + 23,5 milliards d'euros à 5 ans et + 33,5 milliards d'euros à 9 ans.
À cet égard, l'instabilité politique constitue un élément déterminant pour l'appréciation de la qualité de la signature française. En particulier, les risques associés à la situation actuelle pour la continuité des politiques de réforme, telles que la réforme des retraites, sont particulièrement suivis par les investisseurs et par les agences de notation. Ainsi, la Société Générale observe que « la succession de Gouvernements et les infléchissements annoncés ont accéléré la baisse de la notation de la France, même si cette dernière était déjà anticipée et pour ainsi dire, intégrée dans les prix et le « spread » de la dette française »1(*).
B. LA CHARGE DE LA DETTE DE L'ÉTAT DEVRAIT S'AFFIRMER À TERME COMME LE PREMIER POSTE DE DÉPENSES DU BUDGET
Pour 2026, le besoin de financement de l'État s'établit à 305,7 milliards d'euros, en hausse de + 8,0 milliards d'euros par rapport à 2025. L'augmentation de ce besoin est principalement portée par les amortissements de titres de moyen et long terme, qui croissent de + 7,8 milliards d'euros, à 175,8 milliards d'euros. Le déficit prévisionnel s'élève à 124,4 milliards d'euros. Les ressources de financement proviennent principalement des émissions nouvelles de dette à moyen et long termes, nettes des rachats, pour 310,0 milliards d'euros.
En comptabilité budgétaire, la charge de la dette de l'État devrait connaître une croissance soutenue de + 7,49 % en 2026, à 58,0 milliards d'euros, contre 53,5 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2025, soit une augmentation de + 4,5 milliards d'euros. En comptabilité générale, la charge de la dette de l'État devrait s'élever à 60,4 milliards d'euros en 2026, soit une augmentation de + 8 milliards d'euros par rapport à 2025. Ainsi, la charge de la dette de l'État pourrait à terme, à politique budgétaire inchangée, atteindre la barre des 100 milliards d'euros.
Trajectoire prévisionnelle
d'évolution de la charge de la dette de l'État
entre
2018 et 2029 (en comptabilité générale)
(en milliards d'euros)
Note : les données indiquées pour les années 2025 à 2029 sont des prévisions.
Source : commission des finances, d'après le rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2026
II. LES APPELS EN GARANTIE DE L'ÉTAT POURSUIVENT LEUR TRAJECTOIRE BAISSIÈRE
Le programme 114 « Appels en garantie de l'État » retrace l'ensemble des dépenses budgétaires qui découlent de la mise en jeu des garanties octroyées par l'État à des tiers.
Les crédits inscrits sur ce programme dans le PLF 2026, à hauteur de 790,4 millions d'euros, sont en baisse notable par rapport au niveau de la LFI 2025, qui s'établissait à 985,2 millions d'euros (soit une diminution de - 194,8 millions d'euros). Cette diminution, porte principalement sur les prêts garantis par l'État (PGE).
Cette trajectoire baissière est continue depuis la LFI 2022 et repose sur des hypothèses de risques de défaillance des bénéficiaires et des décaissements réalisés sur les PGE. Comme le souligne la direction générale du Trésor, « ces prévisions restent prudentielles car l'évolution de la sinistralité demeure complexe à évaluer ».
À fin octobre 2025, les appels en garantie totaux constatés pour le dispositif des PGE se sont élevés à 5,7 milliards d'euros. Selon les dernières estimations, les appels en garantie sur les PGE sur l'année 2025 devraient s'élever à un peu plus d'1,1 milliard d'euros, au-delà des crédits ouverts en LFI 2025 (571 millions d'euros).
Pour 2026, il est prévu un montant de 471 millions d'euros pour couvrir les appels en garantie relatifs aux PGE. Pour l'ensemble de la période 2020-2028, le montant total de pertes brutes pourrait être de 6,7 milliards d'euros, soit un taux de pertes brutes de 4,6 %. Avec un montant total de décaissements constatés de 5,7 milliards d'euros, les indemnisations restantes d'ici 2028 sont donc de l'ordre de 1,1 milliard d'euros.
Pour autant, les pertes seraient en partie compensées par des recettes (correspondant aux primes perçues) : ainsi, pour l'ensemble de la période 2020-2028, les pertes nettes pourraient être de 3,8 milliards d'euros, soit un taux de 2,6 %.
III. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS
« PRÊTS ET AVANCES
À DIVERS SERVICES DE
L'ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS » :
UN NOUVEL EXCÉDENT PRÉVU EN 2026
Comme en 2025, le compte de concours financiers « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » devrait dégager un excédent conséquent, reflet de la normalisation progressive des programmes qu'il recouvre depuis la sortie de la crise sanitaire. Ainsi, alors que cet excédent s'élevait à 552,1 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2025, celui-ci devrait se maintenir à un niveau élevé, à 447,1 millions d'euros en 2026.
Ce nouvel excédent résulte de la diminution des dépenses, de - 10,8 %, à 9,30 milliards d'euros (contre 10,42 milliards d'euros en 2025), sur les programmes 821, 823, 824 et 830. À l'inverse, les prévisions de recettes affichent un reflux de - 11,2 %, à 9,74 milliards d'euros (contre 10,97 milliards d'euros en 2025).
Réunie le 13 novembre 2025, sous la présidence de M. Michel Canévet, vice-président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » et des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».
Réunie à nouveau le 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France de 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation », « Sport, jeunesse et vie associative » ainsi que les comptes spéciaux et les articles qui s'y rattachent.
L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, le rapporteur spécial avait reçu 0 % des réponses s'agissant de la mission « Engagements financiers de l'État » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».
À la date d'examen en commission de la mission et du compte de concours financiers le 13 novembre, le rapporteur spécial a obtenu 100 % des réponses s'agissant de la mission et du compte de concours financiers.
PREMIÈRE
PARTIE
LA MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE
L'ÉTAT »
Deuxième mission pour les crédits de paiement2(*), la mission « Engagements financiers de l'État » se compose de sept programmes depuis la suppression, en loi de finances initiale pour 2025, sur l'initiative de la commission des finances du Sénat, du programme 369 « Amortissement de la dette de l'État liée à la covid- 19 », qui portait les crédits affectés à la Caisse de la dette publique pour rembourser une somme équivalente au montant de la dette de l'État liée à la covid- 19, évaluée en 2022 par le Gouvernement à 165 milliards d'euros.
Six programmes sont dotés de crédits dans le PLF pour 2026 :
- le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État », dont 98 % des crédits sont alloués au paiement des intérêts de la dette. Ce programme doit permettre de répondre à deux objectifs : garantir la solvabilité de l'État en lui permettant d'honorer ses engagements financiers dans les conditions les moins onéreuses et les plus sûres possibles ; s'assurer que le compte de l'État à la Banque de France, « le compte unique du Trésor », est créditeur à la fin de chaque journée3(*) ;
- le programme 114 « Appels en garantie de l'État », qui retrace les crédits destinés à couvrir les appels des garanties octroyées par l'État. L'État garantit principalement des dettes émises par des tiers, soit pour leur permettre de bénéficier de conditions de financement plus favorables, soit pour les garantir sur un engagement qu'ils ont pris pour le compte de l'État. Le programme retrace en particulier les crédits engagés dans le cadre de la provision sur les prêts garantis par l'État (PGE) ;
- le programme 145 « Épargne », qui est destiné à soutenir le secteur du logement et de l'accession à la propriété. Il se distingue toutefois par le poids des 26 dépenses fiscales qui lui sont rattachées, dont le coût est près de 98 fois supérieur aux crédits ouverts sur ce programme ;
- le programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque », qui vise à soutenir les collectivités territoriales ayant souscrit aux prêts structurés à risque ou « prêts toxiques ». Créé par l'article 92 de la loi de finances pour 20144(*), il intervient de trois manières : en apportant une aide au remboursement anticipé des emprunts5(*), en prenant en charge une partie des intérêts dus sur les échéances dégradées (15 % des collectivités territoriales aidées) et en apportant une aide à la gestion de l'encours ;
- le programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État », qui porte les charges d'intérêt résultant de la reprise de dette de SNCF Réseau par l'État à hauteur de 25 milliards d'euros en 2020 et 10 milliards d'euros en 2022, à la suite de la réforme du système ferroviaire décidée en 2018. Ce programme permet de suivre la charge induite par cette dette sur le budget de l'État ;
- le programme 336 « Dotation du mécanisme européen de stabilité », qui constitue le support de la contribution française au capital du Mécanisme européen de stabilité (MES)6(*), pour lequel 37,5 millions d'euros sont ouverts en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), dans le cadre de la révision de la clé de capital du MES au 1er janvier 20267(*).
En revanche, comme les années précédentes, le programme 338 « Augmentation de capital de la Banque européenne d'investissement », qui est le support budgétaire de la participation de la France à l'augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement, n'est pas doté de crédits pour l'année 2026. Ce programme n'appellera donc pas de commentaire particulier de la part du rapporteur spécial.
Dans le cadre du présent projet de loi de finances (PLF), les crédits demandés pour la mission « Engagements financiers de l'État » affichent une nouvelle augmentation très importante, atteignant des niveaux records aussi bien en AE qu'en CP :
- 60,2 milliards d'euros en AE, soit une hausse significative de + 7,50 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2025, représentant + 4,2 milliards d'euros ;
- 60,4 milliards d'euros en CP, soit une évolution analogue de + 7,49 % par rapport à la LFI 2025, représentant également + 4,2 milliards d'euros.
Cette augmentation spectaculaire des crédits de la mission s'explique essentiellement par l'envolée de la charge de la dette de l'État, à 58,0 milliards d'euros (en AE et en CP), soit une hausse de + 8,37 %, représentant + 4,5 milliards d'euros.
Ainsi, hors CAS Pensions et Remboursements et
dégrèvements,
les crédits de la mission
« Engagements financiers de l'État »
représentent,
pour 2026, le deuxième poste de
dépenses du budget de l'État en crédits
de
paiement après la mission « Enseignement
scolaire » et le troisième
poste en autorisations
d'engagement après les missions
« Défense »
et « Enseignement
scolaire ».
I. L'ALOURDISSEMENT DE LA CHARGE DE LA DETTE DE L'ÉTAT ATTEINT DÉSORMAIS DES NIVEAUX CRITIQUES
A. LE PROGRAMME DE FINANCEMENT DE L'ÉTAT DEVRAIT ATTEINDRE UN NIVEAU RECORD EN 2026, À 310 MILLIARDS D'EUROS
1. Si l'exécution du programme de financement de l'État ne présente pas de difficulté en termes de souscription, les taux d'intérêt pratiqués convergent désormais vers les niveaux les plus élevés de la zone euro
L'exécution du programme de financement de l'État pour 2025, de 300 milliards d'euros (montant historiquement élevé, constant par rapport à 2024) s'est déroulée dans des conditions très satisfaisantes, avec un coefficient de réalisation de 92,7 % à fin octobre, soit « une situation très confortable »8(*) pour une nouvelle année record en termes de financement.
À cet égard, l'Agence France Trésor (AFT) a mis en oeuvre une politique volontariste en début d'année, puisque près de 60 % du programme ont été réalisés avant la fin du mois de mai, ce qui a permis d'alléger les adjudications dans les mois qui ont suivi. De cette manière, les aléas politiques et les décisions des agences de notation ont pu être surmontés plus aisément.
Ainsi que le souligne la Société Générale, « un retour du déficit à 3 % du PIB rapidement, s'il est souhaitable pour l'attractivité de la dette française, n'est pas, n'est plus, le facteur principal du volume de dette à émettre »9(*). Les volumes de refinancement et les encours existants sur les prochaines années constituent désormais les points clés pour apprécier les montants d'émissions futurs.
Ainsi, à raison de 250 milliards d'euros de dette à rembourser sur l'année 2029 à ce stade (sans tenir compte des émissions à venir en 2026 et 2027), le volume des prochaines années continuera à être proche du niveau des 300 milliards d'euros en net et au moins de 350 milliards d'euros en brut.
Cette analyse est corroborée par la Banque de France, qui estime que « un ordre de grandeur d'émissions autour voire supérieur à 350-400 milliards d'euros bruts à émettre d'ici 2030 semble (...) probable »10(*), en retenant les hypothèses suivantes : un déficit constant en euros ; une politique de rachats de titres avant échéance de l'ordre de 30 milliards d'euros par an (hypothèse moyenne) ; une stratégie d'émission par maturité à l'émission constante en pourcentages ; et en ne considérant que le déficit et l'amortissement des titres du côté des besoins de financement et les émissions du côté des ressources.
Projection des montants annuels de dette à émettre par la France
(en milliards d'euros)
Source : Contribution écrite de la Banque de France en réponse au questionnaire du rapporteur spécial
Comme le relève la Banque de France, cette situation s'explique principalement par les facteurs suivants :
- d'une part, un mur de refinancement sera atteint en 2027-2028, avec des montants élevés à rembourser à ces échéances, en partie atténué par des rachats mais qui reste important en « écart au présent » ;
- d'autre part, à l'échelle d'une décennie, les montants de dette à refinancer pour un pays comme la France sont nécessairement élevés, avec 50 % des émissions réalisées sur des maturités entre 2 et 11 ans.
Profil de remboursement actuel de la France
(en milliards d'euros)
Source : Contribution écrite de la Banque de France en réponse au questionnaire du rapporteur spécial
Concernant le niveau des taux d'intérêt, l'année 2025 s'est ouverte au coeur du cycle d'assouplissement monétaire de la part de la Banque centrale européenne (BCE), entamé en juin 2024, sur fond de ralentissement de la croissance, en particulier en Allemagne, de poursuite du processus désinflationniste en zone euro et d'incertitudes en lien avec les développements de la politique commerciale américaine.
Entre juin 2024 et juin 2025, la BCE a procédé à huit baisses de taux de 25 points de base successives, ramenant son taux de la facilité de dépôt à 2,00 % (contre 4,00 % en juin 2024). Aucune nouvelle baisse de taux n'est attendue pour la fin de l'année 2025, dans la mesure où l'inflation a atteint la cible de la banque centrale en zone euro11(*).
Les taux d'emprunt à court terme ont évolué dans le même mouvement pour atteindre 2,0 % environ à l'été 2025.
En revanche, les taux à long terme sont en hausse depuis le début d'année, du fait notamment des mesures de relance budgétaire annoncées en Allemagne et des besoins réhaussés de dépenses publiques de défense en zone euro. Lors des annonces budgétaires du nouveau chancelier Friedrich Merz en mars, le taux souverain allemand à 10 ans a ainsi augmenté de + 42 points de base (pb) en une semaine, entraînant les rendements des autres pays de la zone euro à la hausse.
Taux d'emprunt à 3 mois et à
10 ans de la France
et taux de rémunération des
dépôts par la BCE
(en pourcentage)
Note : données au 31 août 2025. L'indice quotidien TEC 10 ans (taux de l'échéance constante à 10 ans) représente le taux de rendement actuariel d'une OAT fictive d'échéance exactement égale à 10 ans. Le taux BTF 3 mois désigne le taux d'intérêt portant sur les bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté d'une maturité de 3 mois. Le taux de dépôt BCE correspond au taux de la facilité de dépôt de la Banque centrale européenne.
Source : Rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2026
Les investisseurs anticipent désormais une hausse des besoins budgétaires des pays européens, qui se répercutent aussi bien sur les taux souverains à 10 ans des pays dits « coeurs » (+ 40 pb en Allemagne, +30 pb en Autriche, aux Pays-Bas et en Belgique depuis le début d'année) que sur les pays dits « périphériques » (+ 20 pb en Espagne, + 30 pb au Portugal, + 40 pb en Irlande). L'Italie connaît une hausse moins marquée de ses rendements souverains, à + 10 pb environ.
Au final, les écarts de taux (« spread ») vis-à-vis de l'Allemagne se resserrent d'environ - 10 pb en moyenne, à - 5 pb pour les Pays-Bas, la Belgique et le Portugal, - 10 pb pour l'Espagne et l'Autriche et - 30 pb pour l'Italie.
Dans ce contexte, le taux de rendement à 10 ans de la France depuis le début de l'année 2025 a enregistré une première hausse de + 14 pb en janvier lors des discussions autour du vote du PLF 2025, suivi d'une détente en février après les rejets des motions de censure et l'adoption de la loi de finances pour 2025.
Mi-septembre, la hausse des rendements à 10 ans français depuis le début d'année oscillait aux alentours de + 30 pb et le spread vis-à-vis de l'Allemagne autour de 80 pb, en baisse de - 5 pb depuis le 1er janvier 2025.
Un contexte financier marqué par une forte volatilité à l'échelle internationale
L'année 2025 a été marquée par une forte volatilité sur les marchés obligataires souverains, principalement liée aux incertitudes internationales.
En mars, l'annonce par le nouveau chancelier allemand, Friedrich Merz, de hausses substantielles des dépenses publiques et de l'assouplissement des règles budgétaires allemandes en matière d'endettement a provoqué une remontée généralisée des taux souverains dans l'ensemble de la zone euro.
En avril, les annonces de l'administration américaine de droits de douane unilatéraux pour le monde entier ont fait craindre un ralentissement de l'activité économique en zone euro, voire une récession aux États-Unis, provoquant la baisse des taux à long terme (les investisseurs anticipant alors de nouvelles baisses des taux des banques centrales concernées en vue de stimuler l'activité).
Finalement, l'accord commercial négocié entre la Commission européenne et l'administration américaine, conclu fin juillet 2025, a éloigné le risque d'escalade des tensions commerciales.
Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire
Taux d'intérêt souverains
à 10 ans de l'Allemagne, de la France,
de l'Espagne et de
l'Italie
(en pourcentage)
Source : Projet annuel de performances « Engagements financiers de l'État » annexé au projet de loi de finances pour 2026
Différence de taux d'intérêt
à 10 ans de la France
avec l'Allemagne, l'Espagne et
l'Italie
(en points de base)
Source : Rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2026
2. Les taux d'intérêt sur les titres de dette française à long terme devraient demeurer dans les prochaines années à plus de 3,50 %
La prévision de charge de la dette de l'État dans le cadre du PLF 2026 s'appuie sur le scénario de taux d'intérêt suivant :
- suivant l'hypothèse que le mouvement de baisse des taux directeurs de la BCE est désormais terminé pour l'année 2025, les taux à 3 mois se stabiliseraient à 2,0 % fin 2025 et augmenteraient à 2,25 % fin 2026.
- dans un contexte de resserrement quantitatif, les taux à 10 ans continueraient à croître, pour s'élever à 3,7 % fin 2025 et à 3,8 % fin 2026.
À cet égard, il convient de souligner la sensibilité de la trajectoire de la dette de l'État à un choc sur les taux (sensibilité supérieure à celle à un choc sur le déficit, au regard de l'importance du stock de dette).
Impact sur la charge de la dette d'un choc sur les
taux de 1 %
et d'un choc sur la trajectoire de déficit
de 1 %
(en milliards d'euros)
Note : le choc sur la trajectoire de déficit correspond à une augmentation du déficit de 1 % du PIB par rapport au déficit prévisionnel. Pour les estimations indiquées dans le présent graphique, l'AFT a procédé par hypothèses conventionnelles. Il est ainsi fait l'hypothèse d'un choc sur le niveau du déficit (effet volume) sans impact sur le niveau des taux d'intérêt (effet taux, décomposé entre taux court terme et taux moyen-long terme).
Source : réponses de l'Agence France Trésor au questionnaire du rapporteur dans le cadre du rapport d'information n° 902 (2024-2025), sur les enjeux associés à la structure de détention de la dette de l'État
Selon les estimations de l'Agence France Trésor, l'effet d'un choc de taux pérenne de + 1 point (+ 100 points de base) par rapport au scénario de référence, sur l'ensemble de la courbe de taux, entraînerait une hausse de la charge de la dette de 3,2 milliards d'euros à 1 an (1,3 milliard d'euros pour les taux à court terme et 1,9 milliard d'euros pour les taux à moyen-long terme), 23,5 milliards d'euros à 5 ans (2,0 milliards d'euros pour les taux à court terme et 21,5 milliards d'euros pour les taux à moyen-long terme) et 33,5 milliards d'euros à 9 ans (2,0 milliards d'euros pour les taux à court terme et 31,5 milliards d'euros pour les taux à moyen-long terme).
À cet égard, l'instabilité politique, en ce qu'elle influe non seulement sur les décisions de finances publiques mais également plus largement sur la confiance des acteurs économiques, constitue un élément déterminant pour l'appréciation de la qualité de la signature française. En particulier, les risques associés à la situation actuelle pour la continuité des politiques de réforme, telles que la réforme des retraites, sont particulièrement suivis par les investisseurs et par les agences de notation.
Ainsi, selon les analystes de Standard & Poor's, interrogés par le rapporteur spécial, l'instabilité politique représente le premier facteur de la hausse des coûts de financement de la France, qui peut se décomposer entre les éléments suivants :
- en premier lieu, « une certaine forme d'instabilité politique à anticiper jusqu'à 2027 voire au-delà », avec des interrogations sur la continuité des politiques publiques menées ;
- en deuxième lieu, « des conditions de refinancement auprès de la BCE (...) qui demeurent stables » ;
- en troisième lieu, et enfin, « une concurrence accrue pour le placement de la dette française », puisque l'Allemagne va de nouveau émettre une quantité importante de dette sur les marchés.
Pour autant, l'agence de notation relève que « l'incertitude politique ne s'est pas traduite par une hausse majeure des coûts de financement, notamment en comparaison de l'Allemagne. L'écart de taux oscille autour de 80 points de base ce qui reste relativement contenu au regard du stock de dette respectif de ces deux pays et des précédents historiques, notamment lors de la crise de la zone euro »12(*).
Néanmoins, à la suite de la nouvelle nomination de Sébastien Lecornu comme Premier ministre et l'annonce de la suspension de la réforme des retraites, Standard & Poor's a, le 17 octobre 2025, dégradé la note de la France de AA- à A+. L'agence a indiqué avoir dévié de son calendrier réglementaire de publication des notations souveraines, « précisément pour refléter que la série récente de motions de censure au Parlement français est de nature à entraver les progrès dans la consolidation des finances publiques du pays et la continuité des politiques publiques engagées, comme en témoigne la suspension de la réforme des retraites »13(*).
L'augmentation attendue des émissions de
dette allemande
et ses conséquences sur les marchés
obligataires souverains
Le 4 mars 2025, le chancelier allemand Friedrich Merz a annoncé un grand plan d'infrastructures, d'un montant de 500 milliards d'euros, devant être financé par l'augmentation du programme de financement de l'Allemagne, avec des émissions de 850 milliards d'euros d'ici à 2029.
Cette annonce a provoqué une réaction immédiate sur les marchés obligataires souverains avec une hausse des rendements nominaux, via deux canaux principaux :
- d'une part, une relance budgétaire d'une telle ampleur alimente des tensions inflationnistes anticipées, ce qui pousse les rendements nominaux à la hausse afin de préserver les rendements réels ;
- d'autre part, l'augmentation attendue des émissions obligataires souveraines accroît l'offre de titres à absorber, ce qui, à demande inchangée, exerce également une pression haussière sur les taux.
La semaine du 3 au 7 mars 2025 a ainsi enregistré la plus forte hausse du rendement du Bund à 10 ans depuis 1988, avec un bond de 43 points de base, à 2,84 %. Les rendements des autres dettes souveraines européennes se sont également ajustés à la hausse : l'OAT française à 10 ans a gagné 41 points de base, à 3,56 %.
Ce plan allemand demeure cependant entouré d'incertitudes quant à son exécution effective, à son impact réel sur l'économie allemande et à ses effets d'entraînement sur les autres économies européennes. Depuis, les tensions observées début mars se sont largement résorbées, mais il est difficile d'en attribuer la cause exacte alors que d'autres chocs, tels que les droits de douane instaurés par l'administration Trump, ont marqué la période.
Au 28 octobre 2025, le Bund à 10 ans reste supérieur de 22 points de base à son niveau initial, reflet d'une offre obligataire accrue. En France, l'écart est légèrement plus marqué (+ 28 points de base), principalement en raison de facteurs propres à la situation budgétaire et politique nationale. Les rendements à 10 ans espagnols et portugais ont aussi légèrement progressé (+ 10 points de base en Espagne, + 7 points de base au Portugal), tandis que les taux italiens, bénéficiant d'un possible effet d'externalité positive de la relance allemande, ont à l'inverse reculé de - 14 points de base.
Comme le relève la Banque de France, « il est difficile d'isoler l'effet propre du plan allemand sur les conditions de financement françaises. On peut néanmoins estimer que la hausse de l'offre de dette en zone euro a entraîné une augmentation des taux longs pouvant aller jusqu'à une vingtaine de points de base maximum pour l'OAT 10 ans, concentrée sur les taux réels, sans signe d'un choc inflationniste majeur ».
Les rendements à court terme ont à l'inverse peu évolué. Enfin, la majorité des acteurs de marché considère que le plan allemand continue de présenter des risques significatifs, à la hausse comme à la baisse, pour les scénarios macroéconomiques européens et donc également pour la trajectoire des rendements souverains.
Ainsi que le résume l'Agence France Trésor, si « le plan de relance allemand pourrait améliorer les perspectives de croissance pour la zone euro et de la France », « les hausses des programmes de financement dans le monde (Etats-Unis, Union européenne, Royaume-Uni) augmentent le coût de financement des émetteurs ».
Source : commission des finances, d'après la contribution écrite de la Banque de France ainsi que la contribution écrite complémentaire de l'Agence France Trésor en réponse aux questionnaires du rapporteur spécial
De même, la Société Générale observe que « la succession de Gouvernements et les infléchissements annoncés ont accéléré la baisse de la notation de la France, même si cette dernière était déjà anticipée et pour ainsi dire, intégrée dans les prix et le « spread » de la dette française »14(*). À cet égard, la banque constate un faiblissement de la demande de titres à long terme (30 ans) qui peut être de l'ordre conjoncturel.
Dans la même logique, la Deutsche Bank souligne que « l'instabilité politique génère de la volatilité et un risque idiosyncratique qui, très souvent, est synonyme de diminution de l'investissement potentiel ; de plus, l'évolution des fondamentaux français a déçu les investisseurs, en particulier les non-résidents »15(*).
D'après les données statistiques de la BCE, reprises dans une note de recherche de la Deutsche Bank, les institutions financières monétaires (IFM) de la zone euro, principalement les banques, sont devenues les principaux acquéreurs d'obligations d'État de la zone euro au premier semestre 2025. Pour la France en particulier, les investisseurs non-européens ont été totalement absents du marché de la dette nette au premier semestre 2025, la totalité de l'offre nette d'obligations françaises durant cette période ayant été absorbée par des investisseurs de la zone euro.
Selon la Deutsche Bank, ce phénomène s'explique notamment par le fait que « les obligations d'Etat de la zone euro sont devenues plus attractives pour les banques de la zone euro suite à leur dépréciation en « Asset Swap Spread » (ASS) depuis le quatrième trimestre de l'année précédente »16(*).
Dans ce contexte, « pour la dette française, les banques de la zone euro ont comblé le vide laissé par les investisseurs non-européens, devenant les principaux acheteurs d'OAT au premier semestre 2025. Cette situation contraste fortement avec 2024, où 36 % des achats nets d'OAT furent absorbés par des investisseurs non-européens, un chiffre tombé à 0 % pour le premier semestre 2025. »17(*)
Dans le même sens, la Banque de France18(*) relève les inflexions suivantes dans l'évolution de l'écart de taux à 10 ans entre la dette française et la dette allemande sur la période récente :
- l'annonce du vote de confiance du Gouvernement Bayrou, le 25 août, a provoqué un élargissement de cet écart, de 7 points de base à 78 points de base, avant qu'il ne revienne à 76 points de base au moment du vote de confiance le 8 septembre. À l'inverse, la nomination, le 9 septembre, de Sébastien Lecornu comme Premier ministre n'a pas déclenché de réaction particulière à l'ouverture des marchés le lendemain matin ;
- la démission de Sébastien Lecornu a entraîné une hausse d'environ 5 points de base, sur la journée du 6 octobre. La nouvelle nomination de Sébastien Lecornu comme Premier ministre, le 10 octobre, n'a pas eu d'impact à l'ouverture des marchés le lundi 13 octobre ;
- en revanche, l'annonce, mardi 14 octobre, de la suspension de la réforme des retraites a contribué à détendre le spread d'environ 5 points de base, bien que cette mesure ne soit pas de nature à réduire les déficits. Ainsi, la Banque de France note également que « c'est davantage la stabilité gouvernementale que le contenu des politiques qui rassure les investisseurs en cette période d'incertitude »19(*) ;
- le rejet des motions de censure du 16 octobre a entraîné une très légère diminution du spread, qui lui a permis d'atteindre un point bas de 76 points de base, son niveau le plus faible depuis la fin août et l'annonce du vote de confiance par François Bayrou. Au 29 octobre, le spread s'établit à 78 points, soit 7 points de plus qu'avant l'annonce de François Bayrou.
En parallèle, les agences de notation Fitch et Standard & Poor's ont toutes deux abaissé la note de la France à A+, respectivement les 12 septembre et 17 octobre, évoquant un endettement élevé, un déficit persistant et une instabilité politique empêchant le Gouvernement de corriger la trajectoire des finances publiques. Moody's, pour sa part, a maintenu la note Aa3 (équivalent de AA- chez les autres agences) mais a abaissé la perspective à « négative » le 24 octobre. La Banque de France observe que « ces décisions ont eu un impact de marché limité, inférieur à un point de base, car largement anticipées et du fait d'un rendement des OAT déjà supérieur à celui de nombreux émetteurs notés A »20(*).
Comme le résume l'institution monétaire, « les marchés s'inquiètent moins du niveau du déficit que de la stabilité politique. Il semble en effet que l'incertitude politique et le risque de ne pas avoir de Gouvernement ou le risque de dissolution inquiètent davantage les marchés et nuisent davantage à la signature française que l'impact sur la trajectoire de finances publiques des mesures discutées »21(*).
Évolution de l'écart de taux à 10 ans entre la dette française et la dette allemande du 1er janvier au 29 octobre 2025
(en pourcentage)
Note de lecture : la barre rouge correspond à la date du 25 août (annonce du vote de confiance du Gouvernement Bayrou), la barre verte à la journée du 6 octobre (démission de Sébastien Lecornu) et la barre bleu à la date du 14 octobre (annonce de la suspension de la réforme des retraites).
Source : Contribution écrite de la Banque de France en réponse au questionnaire du rapporteur spécial, d'après Bloomberg
B. LA CHARGE DE LA DETTE DE L'ÉTAT DEVRAIT QUASIMENT DOUBLER ENTRE 2025 ET 2029, POUR CONSTITUER LE PREMIER POSTE DE DÉPENSES DU BUDGET
1. Un nouveau programme de
financement record en 2026,
à 310 milliards d'euros, alors
que la dette de l'État dépasse désormais
2 700 milliards d'euros
Pour 2026, le besoin de financement de l'État s'établit à 305,7 milliards d'euros, en hausse de + 8,0 milliards d'euros par rapport à 2025.
L'augmentation de ce besoin est principalement portée par les amortissements de titres de moyen et long terme, qui croissent de + 7,8 milliards d'euros, pour atteindre 175,8 milliards d'euros (contre 168,0 milliards d'euros en 2025).
Quant au déficit inscrit au tableau de financement de l'État pour 2026, celui-ci s'élève à 124,4 milliards d'euros (contre 130,5 milliards d'euros pour 2025). Une fois les opérations budgétaires sans impact en trésorerie retraitées22(*), le déficit à financer diminue de 0,2 milliard d'euros.
Les ressources de financement proviennent des émissions nouvelles de dette à moyen et long termes nettes des rachats, pour 310,0 milliards d'euros, alors que l'encours des emprunts de court terme baisse de 2,3 milliards d'euros. Les autres ressources de financement s'établissent à - 2,0 milliards d'euros, en raison de l'hypothèse de primes nettes de décotes à l'émission (-5,0 milliards d'euros) partiellement compensées par l'hypothèse des suppléments d'indexation reçus à la réémission de titres indexés (3,0 milliards d'euros).
À fin septembre 2025, l'encours de la dette négociable de l'État s'élevait déjà à 2 757 milliards d'euros23(*). Quant à la dette publique (toutes administrations publiques confondues), elle s'établissait à 3 416,3 milliards d'euros à la fin du deuxième trimestre 2025, soit 115,6 % du PIB, en augmentation de 111,1 milliards d'euros sur les six premiers mois de l'année24(*).
Évolution du besoin et des ressources de
financement de l'État
entre 2024 et 2026
(en milliards d'euros)
|
Exécution 2024 |
2025 LFI |
2025 révisé |
2026 PLF |
|
|
Besoin de financement |
305,7 |
303,5 |
297,7 |
305,7 |
|
Amortissement de titres d'État à moyen et long terme |
155,1 |
168,2 |
168,0 |
175,8 |
|
Valeur nominale |
151,1 |
166,1 |
166,1 |
173,4 |
|
Suppléments d'indexation dus |
4,0 |
2,1 |
1,9 |
2,4 |
|
Amortissement des autres dettes (dettes reprises, etc.) |
2,7 |
1,1 |
1,1 |
2,5 |
|
Déficit budgétaire |
155,9 |
139,0 |
130,5 |
124,4 |
|
Autres besoins de trésorerie |
- 8,1 |
- 4,8 |
- 1,9 |
3,0 |
|
Ressources de financement |
305,7 |
303,5 |
297,7 |
305,7 |
|
Émissions de titres à moyen et long terme, nettes des rachats |
285,0 |
300,0 |
300,0 |
310,0 |
|
Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement |
6,5 |
0 |
0 |
0 |
|
Variation de l'encours de titres à court terme |
31,9 |
0,5 |
5,8 |
- 2,3 |
|
Variation des dépôts des correspondants |
- 5,9 |
0 |
0 |
0 |
|
Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l'État |
- 3,4 |
0 |
0 |
0 |
|
Autres ressources de trésorerie |
- 8,4 |
3,0 |
- 8,1 |
- 2,0 |
Source : Projet annuel de performances « Engagements financiers de l'État » annexé au projet de loi de finances pour 2026
2. Une charge de la dette qui devrait devenir à terme le premier poste de dépenses du budget de l'État
En comptabilité budgétaire, la charge de la dette de l'État devrait connaître une croissance soutenue de + 7,49 % en 2026, à 58,0 milliards d'euros, contre 53,5 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2025 (50,8 milliards d'euros en révisé 2025), soit une augmentation de + 4,5 milliards d'euros par rapport à la LFI 2025 (+ 7,2 milliards d'euros par rapport au révisé 2025).
Par rapport au révisé 2025, la charge de la dette augmenterait de 7,2 milliards d'euros, en lien avec :
- un effet volume de + 4,1 milliards d'euros, lié à l'augmentation de l'encours de la dette négociable ;
- un effet taux de + 2,8 milliards d'euros, essentiellement en lien avec la hausse des taux de long terme (+ 2,6 milliards d'euros) ;
- un effet inflation de + 0,6 milliard d'euros correspondant principalement à un retour de l'inflation française vers des niveaux proches de la cible de la BCE ;
- la variation de la charge due aux effets calendaires sur les opérations de l'année, pour - 0,4 milliard d'euros.
Décomposition de l'évolution de la
charge budgétaire
de la dette négociable de l'État
entre 2022 et 2026
(en milliards d'euros)
Source : Projet annuel de performances « Engagements financiers de l'État » annexé au projet de loi de finances pour 2026
En comptabilité générale, la charge de la dette de l'État devrait s'élever à 60,4 milliards d'euros en 2026, soit une augmentation de 8 milliards d'euros par rapport à 2025.
Ainsi que l'avait souligné le rapporteur spécial dans un précédent rapport de contrôle25(*), la charge de la dette de l'État pourrait à terme, à politique budgétaire inchangée, atteindre la barre des 100 milliards d'euros.
De fait, selon le rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances, la charge de la dette de l'État pourrait dépasser 70 milliards d'euros en 2027 et représenter plus de 90 milliards d'euros en 202926(*). En prolongeant cette trajectoire prévisionnelle, la barre des 100 milliards d'euros pourrait être atteinte autour de 2030.
Trajectoire prévisionnelle
d'évolution de la charge de la dette de l'État
entre
2018 et 2029 (en comptabilité générale)
(en milliards d'euros)
Note : les données indiquées pour les années 2025 à 2029 sont des prévisions.
Source : commission des finances, d'après le rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2026
D'ici la fin de la décennie, la charge de la dette de l'État pourrait ainsi représenter 2,7 % du PIB, contre 1,4 % en 2023. Quant à la charge de la dette de l'ensemble des administrations publiques, celle-ci atteindrait 3,2 % du PIB, contre 1,9 % en 2023.
Évolution de la charge de la dette publique
et de la dette de l'État
en proportion du PIB entre 2022 et
2029
(en points de PIB)
Note : les données indiquées pour les années 2025 à 2029 sont des prévisions.
Source : commission des finances, d'après le rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2026
II. LES APPELS EN GARANTIE DE L'ÉTAT POURSUIVENT LEUR TRAJECTOIRE BAISSIÈRE
A. UNE DIMINUTION CONTINUE DES APPELS EN GARANTIE DE L'ÉTAT DEPUIS 2022
Le programme 114 « Appels en garantie de l'État », constitué de crédits évaluatifs, retrace l'ensemble des dépenses budgétaires qui découlent de la mise en jeu des garanties octroyées par l'État à des tiers.
Les crédits inscrits sur ce programme dans le PLF 2026, à hauteur de 790,4 millions d'euros, sont en baisse notable par rapport au niveau de la LFI 2025, qui s'établissait à 985,2 millions d'euros (soit une diminution de - 194,8 millions d'euros). Cette baisse, porte principalement sur les prêts garantis par l'Etat (PGE)27(*).
Cette trajectoire baissière est continue depuis la LFI 2022 et repose sur des hypothèses de risques de défaillance des bénéficiaires et des décaissements réalisés sur les PGE. Comme le souligne la direction générale du Trésor, « ces prévisions restent prudentielles car l'évolution de la sinistralité demeure complexe à évaluer »28(*).
À fin octobre 2025, les appels en garantie totaux constatés pour le dispositif des PGE se sont élevés à 5,7 milliards d'euros. Selon les dernières estimations, les appels en garantie sur les PGE sur l'année 2025 devraient s'élever à un peu plus d'1,1 milliard d'euros, ce qui va au-delà des crédits ouverts en LFI 2025 (571 millions d'euros). Ainsi, le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025 (PLFG 2025) prévoit l'ouverture de 425 millions d'euros en AE et en CP sur le programme 114, principalement au titre de la sinistralité attendue des PGE en 2025.
Pour 2026, il est prévu un montant de 471 millions d'euros pour couvrir les appels en garantie relatifs aux PGE. Cependant et compte tenu de la sensibilité des estimations au comportement de remboursement des entreprises, les projections budgétaires comportent un aléa à la hausse comme à la baisse.
Dans l'ensemble, d'après la direction générale du Trésor, sur la base des dernières modélisations de la Banque de France, le montant total de pertes brutes pourrait être de 6,7 milliards d'euros pour l'ensemble de la période 2020-2028, soit un taux de pertes brutes de 4,6 %. Avec un montant total de décaissements constatés de 5,7 milliards d'euros, les indemnisations restantes d'ici 2028 sont donc de l'ordre de 1,1 milliard d'euros.
Pour autant, selon la direction générale du Trésor, les pertes seraient en partie compensées par des recettes (correspondant aux primes perçues) : ainsi, pour l'ensemble de la période 2020-2028, les pertes nettes pourraient être de 3,8 milliards d'euros, soit un taux de pertes de 2,6 %.
B. EN DÉPIT DE L'ALÉA PORTANT SUR L'ESTIMATION DE LA SINISTRALITÉ, LE RISQUE ASSOCIÉ RESTE MAÎTRISÉ
1. Une sinistralité modérée du dispositif des PGE, dont la sensibilité à la conjoncture se réduit sensiblement
Comme le souligne la direction générale du Trésor, l'évolution des appels en garantie dans les années à venir dépendra de l'évolution de la croissance et notamment de la dynamique de défaillances d'entreprises. Outre les facteurs conjoncturels, la bonne santé financière des entreprises dépend en particulier de l'évolution des prix des intrants, de leurs coûts de production et des conditions d'accès au financement, mais aussi de leurs caractéristiques financières en début de période (liquidité, endettement, etc.). Pour l'estimation des montants d'appels en garantie, il a été choisi, par la Banque de France et la direction générale du Trésor conjointement, de se baser sur un scénario conservateur de défaillances des entreprises29(*).
Pour autant, il convient de relever que « le stock de PGE, et donc la sensibilité de la sinistralité totale à la conjoncture, se réduit sensiblement »30(*). À fin août 2025, il restait 22,8 milliards d'euros à rembourser sur 145,2 milliards d'euros octroyés, soit 15,7 %. Au niveau agrégé, le remboursement continue donc de se dérouler sans difficultés notables.
Le montant restant à rembourser concerne pour plus de la moitié des petites et moyennes entreprises (11,6 milliards d'euros, soit 17,3 % du montant octroyé pour ces entreprises) et pour presque un tiers des très petites entreprises (6,4 milliards d'euros, soit 15,9 % du montant octroyé à ces dernières).
Selon les estimations de la direction générale du Trésor, les secteurs les plus concernés seraient :
- la construction, avec un taux de pertes de 9,5 %, pour 1,2 milliard d'euros ;
- les activités immobilières, avec un taux de pertes de 6,6 %, pour 140 millions d'euros ;
- l'information et la communication, avec un taux de pertes de 6,0 % pour 300 millions d'euros ;
- l'hébergement et la restauration, avec un taux de pertes de 5,9 %, pour 640 millions d'euros ;
- l'industrie manufacturière, avec un taux de pertes de 5,5 %, pour 1,0 milliard d'euros.
2. Une situation de trésorerie des entreprises qui s'améliore globalement
D'après les analyses de la Banque de France, reprises par la direction générale du Trésor, les trésoreries des entreprises présentent des positions supérieures à la moyenne pré-Covid-19, exprimées en jours de chiffre d'affaires.
Ainsi, la trésorerie médiane est passée, entre 2023 et 2024, de 52 jours à 53 jours pour les petites et moyennes entreprises (PME) et de 57 jours à 59 jours pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI), contre une moyenne prépandémique d'environ 35 jours pour les PME et d'un peu plus de 40 jours pour les ETI31(*).
Cependant, la Banque de France relève que l'hétérogénéité des situations de trésorerie des entreprises a augmenté à la suite de la crise du covid32(*), les entreprises du bas de la distribution s'étant davantage écartée par rapport à la médiane des trésoreries. Cette hétérogénéité semble se résorber récemment pour les entreprises du haut de la distribution mais le phénomène est moins marqué pour les entreprises les plus fragiles qui continuent de faire face à des situations plus précarisées33(*).
En dynamique, les enquêtes sur la trésorerie auprès des dirigeants d'entreprises de l'INSEE et de la Banque de France font état de situations contrastées. Certains secteurs comme le commerce et l'industrie sont légèrement en dessous des moyennes historiques. À l'inverse, pour les secteurs du bâtiment et des services, la situation est davantage positive.
DEUXIÈME
PARTIE
LES COMPTES SPÉCIAUX
I. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS ET AVANCES À DIVERS SERVICES DE L'ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS » : UN NOUVEL EXCÉDENT PRÉVU EN 2026
A. UN PÉRIMÈTRE STABILISÉ EN 2026, APRÈS LA SUPPRESSION DU PROGRAMME 829 RELATIF AU VOLET TRANSPORTS DU PLAN MARSEILLE EN GRAND EN 2025
Le compte de concours financiers (CCF) « Prêts et Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » présente en 2026 huit catégories d'organismes bénéficiaires d'avances :
- sur le programme 821, les avances à l'Agence de services et de paiement (ASP) au titre du préfinancement des aides de la politique agricole commune. Ces avances sont généralement d'une durée très courte, en tout cas inférieure à un an. Pour 2026, 9 milliards d'euros de crédits sont ouverts (contre 10 milliards d'euros en 2025) ;
- sur le programme 823, les avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics, dont font partie par exemple l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), la Cité de la musique ou encore les chambres de commerce et d'industrie. Pour 2026, un total de 210 millions d'euros de crédits devrait être ouvert sur le programme (contre 260 millions d'euros en 2025) ;
- sur le programme 824, les prêts et avances à des services de l'État, qui se résument en réalité exclusivement aux prêts et avances octroyés au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA). Pour 2026, 30 millions d'euros de crédits sont ouverts (contre 73,2 millions d'euros en 2025). En effet, les prévisions du trafic aérien se situent à un niveau supérieur à celui d'avant la crise sanitaire. Dans ce contexte, la hausse prévisionnelle des recettes du BACEA résulte en un besoin global de recours à l'emprunt en baisse ;
- sur le programme 825, les avances à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) au titre de l'indemnisation des victimes du Benfluorex, destinées à couvrir l'indemnisation des victimes du Benfluorex (Médiator) si les Laboratoires Servier refusaient d'y accéder. En 2026, le montant de crédits ouverts s'établit à 15 millions d'euros (comme en 2025). Aucune avance n'a encore été demandée. Si cela fait maintenant sept ans que ces avances ne sont pas utilisées, leur inscription en loi de finances initiale répond à un principe de précaution ;
- sur le programme 826, les prêts aux exploitants d'aéroports touchés par la crise de covid- 19 au titre des dépenses de sûreté-sécurité, créé par la troisième loi de finances rectificative (LFR) pour 202034(*). Les avances correspondantes, renommées prêts en LFI 2023, visent à compenser la chute des recettes de la taxe d'aéroport, acquittée par les compagnies aériennes et affectée au financement des dépenses de sûreté-sécurité. Versés en 2020, 2021 et 2022, à respectivement 86, 84 et 62 exploitants, elles ont une durée maximale de 10 ans. Comme en 2023, en 2024 et en 2025, aucun crédit n'est prévu en 2026 au regard des perspectives de retour du trafic aérien à son niveau pré-Covid-19 ;
- sur le programme 827, les prêts destinés à soutenir Île-de-France Mobilités à la suite des conséquences de l'épidémie de la covid- 19, créé par la quatrième loi de finances rectificative pour 202035(*). L'avance, renommée « prêt » à partir de 2023, a été octroyée pour une durée maximale de 16 ans, avec une première échéance de remboursement en 2023. Comme en 2023, en 2024 et en 2025, aucun crédit n'est prévu en 2026 ;
- sur le programme 828, les prêts destinés à soutenir les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) à la suite des conséquences de l'épidémie de la covid- 19, également créé par la quatrième LFR pour 2020. Encore une fois, ce programme qui ne prévoyait initialement que des avances, se limite désormais aux prêts. Si la date de remboursement ne peut être ultérieure au 1er janvier 2031 et la durée de remboursement inférieure à six ans36(*), les AOM bénéficiaires peuvent toutefois choisir, dans le respect de ces conditions, de ne commencer à rembourser les avances qu'au moment où les recettes tarifaires et le versement mobilité sont revenus à leur niveau moyen pour les années 2017 à 2019 (clause dite de « retour à meilleure fortune »). Comme en 2023, en 2024 et en 2025, aucun crédit n'est ouvert en 2026 ;
- sur le programme 830, les prêts à FranceAgriMer au titre du préfinancement des aides européennes, créé par la loi de finances initiale pour 2023. Il vise à sécuriser les modalités de financement du Fonds social européen (FSE +) dans le cadre du cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 et permettrait d'autoriser le préfinancement sous forme de prêts de l'Agence France Trésor des dépenses engagées par France AgriMer au titre de l'aide alimentaire. En effet, au début de chaque programmation des fonds européens, FranceAgriMer est amené à préfinancer des aides européennes avant un remboursement par l'Union européenne qui peut être tardif - cela a été le cas à de nombreuses reprises dans le cadre du CFP 2013-2020 en raison de difficultés de trésorerie du Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD), elles-mêmes dues à la reprise, à un rythme insuffisant des appels de fonds auprès de la Commission européenne pour obtenir le remboursement des campagnes annuelles précédentes. Pour tenir compte de ces décalages, les prêts seraient sollicités pour une durée de cinq à six ans. 40 millions d'euros de crédits sont prévus pour 2026 (contre 70 millions d'euros en 2025).
Pour mémoire, la LFI 2025 a supprimé le programme 829, relatif aux « Prêts destinés au financement des infrastructures de transports collectifs du quotidien de la métropole d'Aix-Marseille-Provence ».
Créé par la loi de finances pour 202237(*), ce programme réunissait les avances, également renommées prêts en LFI 2023, correspondant à la contribution de l'État au financement du volet « transports » du plan « Marseille en Grand », dont le pilotage est assuré par le groupement d'intérêt public Aix-Marseille-Provence Mobilité. Aucun prêt n'avait été effectué, mais 100 millions d'euros avaient été ouverts en crédit de paiement pour 2023. Compte tenu de l'annonce par le Président de la République à l'été 2023 du doublement du montant du volet subvention du Plan Marseille en Grand38(*), aucun versement d'avance n'est intervenu ni en 2023 ni en 2024.
B. UN NOUVEL EXCÉDENT EN 2026, RÉSULTANT DE LA DIMINUTION DES DÉPENSES DE PLUSIEURS PROGRAMMES, EN DÉPIT D'UN LÉGER REFLUX DES PRÉVISIONS DE RECETTES
Comme en 2025, le compte de concours financiers « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » devrait dégager un excédent conséquent, reflet de la normalisation progressive des programmes qu'il recouvre depuis la sortie de la crise sanitaire.
Ainsi, alors que cet excédent s'élevait à 552,1 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2025, celui-ci devrait se maintenir à un niveau élevé, à 447,1 millions d'euros en 2026.
Ce nouvel excédent résulte de la diminution des dépenses, de - 10,8 %, à 9,30 milliards d'euros (contre 10,42 milliards d'euros en 2025), sur les programmes 821, 823, 824 et 830.
À l'inverse, les prévisions de recettes affichent un reflux de - 11,2 %, à 9,74 milliards d'euros (contre 10,97 milliards d'euros en 2025).
II. DANS LA CONTINUITÉ DES ANNÉES PRÉCÉDENTES, LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « ACCORDS MONÉTAIRES INTERNATIONAUX » N'EST PAS DOTÉ DE CRÉDITS
Le compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux » n'est plus abondé depuis plusieurs années, du fait des niveaux de réserves importants détenus par les banques centrales concernées et, par conséquent, de la faible probabilité d'un appel en garantie de l'État pour assurer la convertibilité des monnaies de la Zone franc39(*). Il ne fait d'ailleurs plus l'objet de documents annuels de performances.
Bien que non doté en crédits, ce compte ne peut être supprimé puisqu'il constitue le pendant budgétaire des accords de coopération monétaires passés entre la France et 7 pays africains, dans le cadre de la Zone franc.
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Pays |
Unité monétaire |
Parité fixe |
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Union monétaire d'Afrique centrale (UMAC) |
Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad |
Franc CFA émis par la Banque des États de l'Afrique centrale (XAF) |
1 euro = 656 XAF |
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Union des Comores |
Franc comorien émis par la Banque centrale des Comores (KMF) |
1 euro = 492 KMF |
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Pour mémoire, la loi n° 2021-108 du 3 février 202140(*) a autorisé l'approbation de l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et les Gouvernements des États membres de l'Union monétaire ouest-africaine (UMOA), qui réunit le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et Togo.
Le nouvel accord, signé le 21 décembre 2019 à Abidjan, a mis fin à l'obligation faite à la Banque centrale des États d'Afrique de l'Ouest de centraliser au moins 50 % de ses réserves de change auprès du Trésor41(*), tout en maintenant les piliers de la coopération monétaire entre la France et l'UMOA, à savoir la parité fixe avec l'euro et la garantie de convertibilité illimitée et inconditionnelle apportée par la France42(*).
En conséquence, la garantie de change ne bénéficie plus à la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), dont le compte d'opérations auprès du Trésor français a été clôturé en avril 2021.
EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » et des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le jeudi 13 novembre 2025, sous la présidence de M. Michel Canévet, vice-président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial, sur la mission « Engagements financiers de l'État » et des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics »
M. Michel Canévet, président. - Nous passons à l'examen des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » et des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État » et des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ». - Je vais être un peu à contre-courant de mes collègues : je suis un rapporteur spécial qui regrette que les crédits de sa mission augmentent. En effet, si les crédits de cette mission progressent, cela signifie que notre dette nous coûte plus cher, en raison à la fois d'un effet volume et d'un effet taux.
Les chiffres que je vais vous exposer sont un peu inquiétants. Les crédits de cette mission représentent le deuxième poste du budget de l'État en crédits de paiement, après l'enseignement scolaire : ils s'élèvent à 60,4 milliards d'euros. En autorisations d'engagement, il s'agit du troisième poste du budget de l'État, à hauteur de 60,2 milliards d'euros.
Nous verrons que les projections sont inquiétantes, puisque, compte tenu des effets de l'augmentation de l'endettement et des taux qui demeurent élevés, cette mission pourrait à courte échéance devenir le premier poste du budget de l'État.
Les crédits de la mission ont augmenté de 4,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2025. Cela s'explique essentiellement par un effet volume, l'alourdissement historique de la charge de la dette, et par le contexte de remontée des taux.
En ce qui concerne les volumes, l'encours de la dette de l'État s'élevait à 2 757 milliards d'euros à la fin de septembre 2025 et la dette publique atteignait 3 416,3 milliards d'euros, soit 115,6 % du PIB. Notre dette publique a ainsi augmenté de 111 milliards d'euros sur les six premiers mois de l'année 2025. C'est donc d'abord l'alourdissement de la dette, autrement dit l'effet volume, qui explique l'essentiel de l'augmentation des crédits de la mission.
En audition, l'Agence France Trésor m'a confirmé que nous connaîtrions en 2026 un montant record d'émissions de dette, avec un programme de financement prévu à 310,0 milliards d'euros d'émissions nouvelles de dette à moyen et long termes nettes des rachats. La charge de la dette de l'État devrait atteindre des niveaux considérables en 2026 et dans les années suivantes, dans un contexte où les taux à long terme devraient remonter. En effet, si la Banque centrale européenne (BCE) a poursuivi son cycle d'assouplissement monétaire, initié en juin 2024, la « pentification » des primes de terme a conduit en 2025 à une augmentation générale des taux d'intérêt souverains à long terme.
De fait, concernant les taux à court terme, la BCE a procédé, entre juin 2024 et juin 2025, à huit baisses de taux de 25 points de base pour descendre jusqu'à 2 %, contre 4 % en juin 2024. Aucune nouvelle baisse de taux n'est attendue pour la fin de l'année 2025, dans la mesure où l'inflation a atteint la cible de la banque centrale en zone euro. Les taux à court terme ont suivi l'évolution des taux directeurs de la banque centrale, pour atteindre 2,0 % environ à l'été 2025. À l'inverse, les taux à long terme sont en hausse depuis le début de l'année 2025. C'est notamment lié à la relance budgétaire en Allemagne, phénomène nouveau. Les besoins en dette publique augmentent dans la zone euro et en dehors, ce qui se répercute sur les taux souverains.
Les taux à trois mois se stabiliseraient à 2,0 % fin 2025 et augmenteraient à 2,25 % fin 2026. Les taux à dix ans continueraient à croître, pour atteindre 3,7 % fin 2025 et 3,8 % fin 2026. On pourrait croire qu'une hausse de 0,1 point est faible, mais en réalité, elle est considérable, rapportée au montant de la dette. Concrètement, un choc de taux pérenne de + 1 point par rapport au scénario de référence, sur l'ensemble de la courbe de taux, entraînerait une hausse de la charge de la dette de 3,2 milliards d'euros à un an et de 33,5 milliards d'euros à neuf ans. Toute hausse, même imperceptible pour le crédit d'un particulier ou d'une collectivité, représente immédiatement pour l'État une somme considérable.
Le contexte politique est déterminant pour l'appréciation de la qualité de la signature de la France. Nous sommes suivis de très près par les investisseurs et les agences de notation.
La hausse attendue des coûts de financement de la France résulte de différents facteurs. Le premier est l'instabilité politique, avec beaucoup d'interrogations sur l'avenir des politiques publiques en France. Le deuxième est lié aux conditions de refinancement auprès de la BCE qui demeurent stables. Le troisième est la concurrence accrue entre États : l'Allemagne, qui était peu endettée, devient un émetteur important, à de meilleures conditions que la France ; l'Italie emprunte aussi à de meilleurs taux que la France. Standard & Poor's et la Société Générale observent qu'il n'y a pas de hausse brutale de taux et que la France continue à pouvoir se refinancer, mais qu'en revanche, ces prochaines années, nous payerons plus cher notre dette.
En 2026, nous devrons émettre 310 milliards d'euros de dette à moyen et long termes, nette des rachats. La charge de la dette représentera, comme cette année, la deuxième mission du budget de l'État en crédits de paiement et je ne peux que le regretter. En comptabilité budgétaire, la charge de la dette devrait connaître une croissance de + 4,5 milliards d'euros par rapport à la LFI 2025, pour atteindre 58,0 milliards d'euros , et, en comptabilité générale, son montant devrait s'élever à 60,4 milliards d'euros, soit une augmentation de 8 milliards d'euros par rapport à 2025.
La charge de la dette de l'État pourrait dépasser 70 milliards d'euros en 2027, atteindre 90 milliards d'euros en 2029 et parvenir à 100 milliards d'euros à horizon 2030. Je rappelle que les recettes fiscales nettes de l'État sont de 300 milliards d'euros. Les intérêts de la dette pourraient ainsi représenter à terme le tiers des recettes fiscales nettes de l'État !
J'en viens maintenant aux crédits dédiés aux appels en garantie de l'État. Le programme 114 retrace l'ensemble des dépenses budgétaires qui découlent de la mise en jeu des garanties octroyées par l'État, notamment au titre des prêts garantis par l'État (PGE). Les crédits inscrits sur ce programme pour 2026 s'élèvent à 790 millions d'euros, en baisse notable par rapport au niveau de la LFI 2025, qui s'établissait à 985 millions d'euros. À fin octobre 2025, les appels en garantie totaux constatés pour le dispositif des PGE, depuis sa création en 2020, s'élèvent à 5,7 milliards d'euros. Ils devraient atteindre 1,1 milliard d'euros pour la seule année 2025.
Pour 2026, le PLF prévoit l'ouverture de 471 millions d'euros pour couvrir les appels en garantie relatifs aux PGE. Pour l'ensemble de la période 2020-2028, le montant total de pertes brutes pourrait être de 6,7 milliards d'euros, soit un taux de perte relativement contenu, de 4,6 %. On estime les indemnisations restantes d'ici à 2028 à 1,1 milliard d'euros.
Concernant les comptes spéciaux rattachés à la mission, à savoir les comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics », je rappelle que, comme les années précédentes, le premier n'est pas doté de crédits pour 2026, tandis que le second devrait dégager un excédent important, reflet de la normalisation progressive des programmes correspondants depuis la crise sanitaire. Alors que cet excédent s'élevait à 552 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2025, il devrait se maintenir à un niveau élevé en 2026, à 447 millions d'euros.
Je vous propose d'adopter sans modification les crédits de cette mission ainsi que ceux des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».
Pour résumer, je retiens de mes travaux de rapporteur spécial que nous avons des créanciers divers, qu'il n'y a pas d'inquiétude à court terme sur notre capacité à emprunter, mais que les volumes sont si considérables, alors que le risque de hausse de taux est avéré, qu'un problème de soutenabilité budgétaire se pose : serons-nous capables, dans moins de cinq ans, de consacrer le tiers de nos recettes fiscales au paiement des intérêts ? À quels efforts pouvons-nous consentir ? Attention aux signaux que nous envoyons.
M. Michel Canévet, président. - Merci pour cette présentation particulièrement claire.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - J'aurais aimé proposer des amendements de suppression de crédits, mais c'est impossible !
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Comme le rapporteur spécial, j'aurais bien voulu que les crédits de cette mission baissassent !
Pendant encore deux ou trois ans, nous assisterons à une poursuite de la hausse du montant total de la dette et les Français pourraient se dire que les efforts qui leur sont demandés ne corrigent pas la trajectoire ; or c'est parce que ces efforts seraient insuffisants. C'est une vraie préoccupation.
Les conditions de financement de cette dette nous interpellent. Si elles se dégradaient, nos difficultés s'en verraient accrues. Plus vite nous produirons nos efforts, plus le redressement sera rapide, et plus nous aurons des conditions de croissance conformes aux ambitions des Français.
M. Marc Laménie. -La trajectoire prévisionnelle d'évolution de la charge de la dette nous mènerait, en 2029, à 90,2 milliards d'euros. Quelles pistes envisager pour limiter cette charge ? Les taux à dix ans atteindraient 3,8 % fin 2026 : êtes-vous sûr de cette prévision ?
M. Éric Jeansannetas. -Monsieur le rapporteur spécial, vous ne semblez pas inquiet de la situation des PGE. L'étiage est raisonnable, mais tout de même important. Les défaillances d'entreprises sont la principale cause de l'appel à la garantie de l'État. Cela a un effet sur les banques, puisque l'État garantissant à 90 %, il reste 10 % à leur charge. Quand sortira-t-on de ces appels en garantie ?
M. Michel Canévet, président. - Quel bilan tirer des PGE ?
L'Agence France Trésor opère-t-elle les meilleurs choix dans son recours aux formes d'endettement, à court, moyen et long termes ?
Le fait que l'État emprunte à des taux plus élevés a-t-il un impact sur les conditions financières des opérations des entreprises et des particuliers ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - Concernant les leviers envisageables pour limiter la hausse de la charge de la dette, il y a d'abord l'effet volume. Continue-t-on à s'endetter ? Le chiffre de 3 % correspond au niveau de déficit en dessous duquel on stabiliserait notre endettement. Si on dépasse 3 %, on continue à s'endetter. Notre premier objectif serait d'arrêter de continuer à s'endetter.
Ensuite, il y a l'effet taux. Celui-ci ne se décrète pas. En revanche, nous sommes scrutés. Le taux est le signe de la confiance des créanciers. Actuellement, l'Italie emprunte moins cher que la France. Nous devons donc créer les conditions de la confiance.
Les agences de notation dégradent la note de la France mais les taux n'explosent pas mécaniquement. Cette situation peut en premier lieu s'expliquer par le fait que la dégradation de la note était anticipée et déjà intégrée dans les taux pratiqués. Par ailleurs, si, à partir d'une certaine notation - que nous avons atteinte -, pour des raisons prudentielles, un certain nombre d'investisseurs institutionnels cessent d'investir, on ne s'en rend pas compte immédiatement. En effet, le détenteur d'une dette à dix ans ne la vend pas le jour même de la baisse de la note, mais le jour où son prêt arrive à échéance, il ne le renouvelle pas. Ces prochaines années, nous souffrirons donc d'une contraction du nombre d'investisseurs possibles.
Très concrètement, nous devons au moins stabiliser notre dette. Rappelons qu'une hausse de taux de 1 point entraîne une trentaine de milliards d'euros de charge de la dette supplémentaires au bout de neuf ans.
J'en viens aux PGE. Ce qui est plutôt rassurant, c'est que les PGE les plus importants en montants, comme celui d'Air France, ont été remboursés. La masse financière est contenue. En 2028, tout sera terminé. Le risque pour les banques n'est pas tant du côté des PGE que des dossiers déposés en ce moment aux tribunaux de commerce.
La situation des taux est nouvelle : les grandes entreprises telles que LVMH empruntent désormais à un taux sensiblement moins élevé que la France. Auparavant, il était impossible d'emprunter moins cher que l'Agence France Trésor. La dette souveraine était le symbole d'une absence de risque.
Il n'y a jamais eu dans le monde autant de besoins de financement des dettes souveraines, ce qui entraîne une concurrence accrue entre elles.
En tout cas, les temps de l'emprunt à taux négatif sont révolus, malheureusement.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » et des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».
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* *
Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS
ÉCRITES
Agence France Trésor
- M. Antoine DERUENNES, directeur général ;
- M. Pierre BESSON, chef du bureau de la trésorerie.
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- Contributions écrites -
Agence France Trésor
Banque de France
Direction générale du Trésor
Société Générale
Deutsche Bank
Standard & Poor's
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2026.html
* 1 Contribution écrite de la Société Générale en réponse au questionnaire du rapporteur spécial.
* 2 Hors remboursements et dégrèvements.
* 3 L'article 123 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dispose qu'il « est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres, ci-après dénommées « banques centrales nationales », d'accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l'Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres; l'acquisition directe, auprès d'eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite ». Concrètement, la Banque de France ayant l'interdiction d'autoriser l'État à être en découvert, le compte unique du Trésor doit toujours être positif en fin de journée.
* 4 Article 92 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.
* 5 L'aide au remboursement est apportée dans la limite d'un taux maximal de 75 % des indemnités de remboursement anticipé, auquel s'ajoute un taux complémentaire maximal de 5 % pour les situations les plus graves.
* 6 Le MES est une institution financière internationale créée en octobre 2022, à laquelle sont parties l'ensemble des États membres de la zone euro. En vertu de son traité fondateur signé le 2 février 20212, le MES s'attache à préserver la stabilité financière de la zone euro et de ses États membres, en particulier à travers la fourniture d'une assistance financière aux États de la zone euro confrontés à des difficultés financières.
* 7 La disposition autorisant le ministre chargé de l'économie à souscrire à l'augmentation de capital du MES est portée à l'article 63 du projet de loi de finances pour 2026.
* 8 Selon l'expression de la Société Générale dans sa contribution écrite en réponse au questionnaire du rapporteur spécial.
* 9 Contribution écrite de la Société Générale en réponse au questionnaire du rapporteur spécial.
* 10 Contribution écrite de la Banque de France en réponse au questionnaire du rapporteur spécial.
* 11 Rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2026.
* 12 Contribution écrite de Standard & Poor's en réponse au questionnaire du rapporteur spécial.
* 13 Ibid.
* 14 Contribution écrite de la Société Générale en réponse au questionnaire du rapporteur spécial.
* 15 Contribution écrite de la Deutsche Bank en réponse au questionnaire du rapporteur spécial.
* 16 Ibid.
* 17 Ibid.
* 18 Contribution écrite de la Banque de France en réponse au questionnaire du rapporteur spécial.
* 19 Contribution écrite de la Banque de France en réponse au questionnaire du rapporteur spécial.
* 20 Ibid.
* 21 Ibid.
* 22 Dans cette ligne figurent, d'une part, l'annulation de la provision pour indexation (- 5,9 milliards d'euros) et, d'autre part,) l'annulation d'une recette liée à la restitution d'une dotation non consommable (+ 6,9 milliards d'euros).
* 23 Agence France Trésor, Bulletin mensuel n° 425, octobre 2025.
* 24 Insee, Informations rapides n° 244, septembre 2025.
* 25 Rapport d'information n° 719 (2023-2024) de M. Albéric de MONTGOLFIER, fait au nom de la commission des finances, sur les facteurs explicatifs des perspectives d'évolution différentes en matière de charge de la dette entre la France et les principaux États européens, juillet 2024.
* 26 Rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2026.
* 27 Et, dans une moindre mesure, les prêts participatifs et obligations relance (PPR-OR).
* 28 Contribution écrite de la direction générale du Trésor en réponse au questionnaire du rapporteur spécial.
* 29 Une matrice de transition unique sur une fenêtre de 6 ans a été construite dans le but de répliquer une évolution des défaillances proche de celle observée durant la période 2009 - 2015, qui correspond à une période de dégradation de l'activité et de reprise lente, accompagnée de défaillances élevées. L'hypothèse d'une situation similaire à la période 2009-2015 reste par ailleurs conservatrice, cette période étant marquée par deux épisodes de crise (2009 et 2013).
* 30 Contribution écrite de la direction générale du Trésor en réponse au questionnaire du rapporteur spécial.
* 31
Banque de France, « La situation des entreprises : un financement
assuré mais une vigilance nécessaire face à des
incertitudes renforcées qui justifient une évolution de
l'accompagnement »,
23 octobre 2025.
* 32 Banque de France, « Hétérogénéité des situations financières des entreprises : la « bosse » Covid », 10 juillet 2024.
* 33
Banque de France, « La situation des entreprises : un financement
assuré mais une vigilance nécessaire face à des
incertitudes renforcées qui justifient une évolution de
l'accompagnement »,
23 octobre 2025.
* 34 Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.
* 35 Loi n° 2020-1473 du 30 novembre 2020 de finances rectificative pour 2020.
* 36 Sauf accord du bénéficiaire.
* 37 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.
* 38 De 256 millions d'euros à 500 millions d'euros.
* 39 Pour une discussion détaillée des principes de fonctionnement de la Zone franc, se reporter au rapport d'information n° 729 (2019-2020) de Mme Nathalie Goulet et M. Victorin Lurel, fait au nom de la commission des finances, déposé le 30 septembre 2020.
* 40 Loi n° 2021-108 du 3 février 2021 autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et les Gouvernements des États membres de l'Union monétaire ouest-africaine.
* 41 Dans les faits, il arrivait fréquemment que cette part soit dépassée.
* 42 Pour une présentation détaillée du contenu, du contexte et des conséquences de ce nouvel accord de coopération, se reporter au rapport n° 289 (2020-2021) de M. Jérôme Bascher, sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre la France et l'UMOA, fait au nom de la commission des finances, déposé le 20 janvier 2021.












