N° 139

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 16
INVESTIR POUR LA FRANCE DE 2030


Rapporteurs spéciaux : MM. Laurent SOMON et Thomas DOSSUS

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, M. Georges Patient, Mme Sophie Primas, M. Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180

Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026)

L'ESSENTIEL

I. LE PLAN FRANCE 2030, PROGRAMME SUCCESSEUR DES INVESTISSEMENTS D'AVENIR DOTÉ D'UNE ENVELOPPE TOTALE DE 54 MILLIARDS D'EUROS, ENTRERA DANS SA SIXIÈME ANNÉE DE DÉPLOIEMENT EN 2026

A. LES AIDES DU PLAN FRANCE 2030 BÉNÉFICIENT DU CADRE EXTRABUDGÉTAIRE CRÉÉ POUR LES INVESTISSEMENTS D'AVENIR ET SONT FINANCÉES PAR UNE MISSION SPÉCIFIQUE DU BUDGET GÉNÉRAL

Le plan France 2030 est un plan d'investissement public en faveur du redressement de la croissance potentielle de l'économie et de sa décarbonation qui a été lancé en octobre 2021. En incluant les financements du quatrième volet du programme d'investissement d'avenir (PIA 4) avec lequel il a été fusionné, l'enveloppe pluriannuelle totale du plan France 2030 atteint 54 milliards d'euros.

Un montant d'aides publiques attribuées de

Soit

Un montant d'aides publiques décaissées de

Soit

 
 
 
 

Au 30 juin 2025

De l'enveloppe totale

Au 30 juin 2025

De l'enveloppe totale

Pour son déploiement, le plan France 2030 bénéficie d'un cadre extrabudgétaire spécifique lui permettant notamment de déroger partiellement au principe d'annualité budgétaire. Par conséquent, les autorisations d'engagement (AE) associées aux aides du plan ont été consommées intégralement en début de déploiement et les lois de finances initiales successives ont pour objet d'ouvrir des crédits de paiement (CP) pour couvrir ces engagements. Ces crédits sont ouverts sur une mission spécifique du budget général : la mission « Investir pour la France de 2030 ».

Sur le plan opérationnel, l'identification, la contractualisation puis le versement des aides aux bénéficiaires finaux du plan reposent sur quatre opérateurs du plan France 2030 : l'Ademe, l'Agence nationale de la recherche (ANR), Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations.

B. LES CINQ PREMIERS EXERCICES DE DÉPLOIEMENT DU PLAN FRANCE 2030 ONT PERMIS AUX OPÉRATEURS DU PLAN D'ATTRIBUER 40 MILLIARDS D'EUROS D'AIDES ET DE VERSER AUX BÉNÉFICIAIRES FINAUX 14 MILLIARDS D'EUROS

Depuis son lancement, le plan France 2030 a financé un nombre substantiel de dispositifs d'aides publiques orientées selon dix objectifs et sept leviers identifiés comme constituant les « verticales d'investissement » prioritaires pour le tissu productif français.

Répartition territoriale des aides du plan France 2030

(aides attribuées hors guichet en valeur au 30 juin 2025)

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI

Au 30 juin 2025, les aides du plan avaient permis de soutenir 5 500 bénéficiaires finaux sur l'ensemble du territoire. Si elles sont concentrées dans la région Île-de-France qui a bénéficié de 24 milliards d'euros d'aides attribuées, cinq régions métropolitaines ont bénéficié de l'attribution de plus de deux milliards d'aides depuis le lancement du plan.

Si certains objectifs et leviers atteignent un taux d'attribution de plus de 90 % des aides, certaines verticales connaissent un déploiement plus lent comme l'objectif n° 3 « Décarbonation de l'industrie » dont les aides n'ont été attribuées qu'à hauteur de 36 %.

II. LES INFORMATIONS TRANSMISES AU PARLEMENT SUR LE DÉPLOIEMENT DU PLAN RESTENT INSUFFISANTES ALORS QUE LES BESOINS DE DÉCAISSEMENT DES AIDES SONT ESTIMÉS À 6,9 MILLIARDS D'EUROS EN 2026

A. LE GOUVERNEMENT A FAIT LE CHOIX DE RALENTIR LE RYTHME DE DÉPLOIEMENT DU PLAN FRANCE 2030 AU COURS DE L'EXERCICE 2026 ET DE MOBILISER LA TRÉSORERIE EXCÉDENTAIRE DES OPÉRATEURS

Pour l'exercice 2026, le Gouvernement a fait le choix d'un ralentissement significatif du déploiement des aides du plan France 2030 avec une cible d'attribution de nouvelles aides de 3,5 milliards d'euros soit un ralentissement de 30 % par rapport au rythme d'attribution prévisionnel pour 2025.

En dépit de ce ralentissement, les besoins de décaissement - qui correspondent à la nécessité de verser aux bénéficiaires finaux les aides préalablement attribuées - sont dynamiques sous l'effet d'inertie induit par le pic d'attribution d'aides pendant l'exercice 2023 (18 milliards d'euros).

Pour financer ces besoins de décaissement estimé à 6,9 milliards d'euros, le Gouvernement prévoit de mobiliser les 5,1 milliards d'euros de crédits inscrits sur la mission « Investir pour la France de 2030 » et de compléter le solde par la mobilisation de la trésorerie excédentaire des opérateurs du plan.

Le Gouvernement entend pour ce faire s'appuyer sur la trésorerie excédentaire des opérateurs estimée à 2,4 milliards d'euros à la fin de l'exercice 2025, l'Ademe et Bpifrance disposant chacune d'une trésorerie prévisionnelle de plus 850 millions d'euros.

Financement des aides décaissées en 2026

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI

Les rapporteurs spéciaux relèvent également que le Gouvernement, en dépit du ralentissement du plan et de son objectif affiché de consolidation des comptes publics, propose l'ouverture de 450 millions d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et de 150 millions d'euros en crédits de paiement (CP) dans le projet de loi de finances ce qui aurait pour effet de rehausser le montant de l'enveloppe global du plan à 54,5 milliards d'euros avant transferts, annulations et redéploiements.

Au regard de la situation de dégradation aigue des finances publiques et de l'importance de l'enveloppe initiale du plan France 2030 dont le déploiement n'est pas achevé, l'amendement n° 1 du rapporteur spécial Somon, adopté par la commission des finances, prévoit de supprimer cet abondement supplémentaire de l'enveloppe du plan France 2030. Cet amendement prévoit également, en cohérence avec le contrôle budgétaire publié par les rapporteurs spéciaux en juillet 2025, de rehausser l'enveloppe de financement des aides publiques à la recherche aéronautique civile gérées par la direction générale de l'aviation civile (DGAC) pour atteindre la cible de 300 millions d'euros fixées en 2023 par le Président de la République.

B. LES INFORMATIONS TRANSMISES AU PARLEMENT SONT INSUFFISANTES ET NE PERMETTENT PAS UN SUIVI DÉMOCRATIQUE SATISFAISANT DU DÉPLOIEMENT DU PLAN FRANCE 2030

Alors que plus du quart des aides du plan France 2030 restaient à attribuer à la fin du premier semestre 2025, les rapporteurs relèvent que le Gouvernement continue de fréquemment mener des exercices de réallocation des fonds du plan France 2030 entre les sous-enveloppes attribuées à chaque objectif ou levier.

Cette maquette opérationnelle de répartition des fonds selon les verticales d'investissement, qui est essentielle sur le plan politique, ne fait pas l'objet d'une information régulière auprès des commissions des finances des deux assemblées et ses versions successives ne sont pas transmises spontanément au Parlement, ce qui limite la portée du suivi parlementaire du déploiement du plan.

Les informations transmises au Parlement ne permettent pas un suivi détaillé du décaissement des aides du plan France 2030 et limitent la reddition de comptes démocratique vis-à-vis de ces dispositifs d'aide

Le manque de transparence du Gouvernement vis-à-vis des parlementaires dans la transmission d'informations relatives au plan France 2030 se traduit également par un manque de visibilité donnée aux parlementaires sur la trésorerie des opérateurs du plan en cours d'exercice et par un choix difficile à comprendre de ne pas publier les résultats relatifs aux indicateurs de performance du plan dont dispose pourtant le Gouvernement.

Rythme de décaissement des aides du plan France 2030

(en millions d'euros)

Note : Les données sont prévisionnelles à partir de l'exercice 2025.

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI

Réunie le 29 octobre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a adopté un amendement de crédits du rapporteur spécial Somon proposant de minorer ses crédits de 365 millions d'euros en autorisation d'engagement et 141,5 millions d'euros en crédits de paiement pour ne pas augmenter l'enveloppe globale du plan France 2030 alors que son déploiement n'est pas achevé.

Réunie à nouveau le 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a adopté un amendement du rapporteur général Husson proposant de minorer d'un milliard d'euros les crédits de paiement de la mission au titre d'une « année blanche » dans l'attribution de nouvelles aides au titre du plan France 2030 en 2026. En conséquence, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par ses deux amendements.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, aucune réponse n'était parvenue aux rapporteurs spéciaux en ce qui concerne la mission « Investir pour la France de 2030 ».

À la date d'examen en commission de la mission, le 29 octobre 2025, les rapporteurs spéciaux ont obtenu 100 % des réponses.

PREMIÈRE PARTIE
LE PLAN « FRANCE 2030 » ET LE PROGRAMME D'INVESTISSEMENT D'AVENIR (PIA)

I. LE PLAN « FRANCE 2030 » POURSUIT LA LOGIQUE DES QUATRE PREMIERS VOLETS DU PROGRAMME D'INVESTISSEMENT D'AVENIR EN MOBILISANT 54 MILLIARDS D'EUROS POUR MODERNISER L'APPAREIL PRODUCTIF PAR L'INNOVATION

A. LA MISSION « INVESTIR POUR LA FRANCE DE 2030 » CORRESPONDAIT INITIALEMENT À LA MISSION RELATIVE AU TROISIÈME VOLET DU PROGRAMME D'INVESTISSEMENT D'AVENIR (PIA 3)

1. Les crédits des deux premiers volets du programme d'investissement d'avenir étaient rattachés directement aux missions du budget général

Le programme d'investissement d'avenir (PIA) a été créé par la loi de finances rectificative (LFR) du 9 mars 20101(*), qui a ouvert le financement du premier volet de ce programme dont l'objectif était de redresser la croissance potentielle2(*) de l'économie française et de permettre sa transition vers un modèle de développement plus durable.

Le PIA trouve son origine dans la décision du Président de la République de commander, peu après la crise économique et financière de 2008, un rapport sur les investissements porteurs d'avenir à une commission transpartisane présidée par deux anciens premiers ministres3(*). Le rapport remis par cette commission au Président de la République en novembre 2009, Investir pour l'avenir4(*), soulignait l'importance pour l'État de s'extraire de « la tyrannie du court terme » et identifiait un besoin d'investissements à hauteur de 35 milliards d'euros pour financer sept priorités stratégiques permettant de moderniser l'économie française et participant à sa transition vers un modèle plus durable.

C'est dans ce contexte que le premier volet du programme d'investissement d'avenir (PIA 1), à hauteur de 35 milliards d'euros, a été voté par le Parlement dans le cadre de la loi de finances rectificative du 9 mars 20105(*) sur laquelle la commission des finances du Sénat avait rendu un avis favorable6(*).

Il a été suivi quatre années plus tard par un deuxième volet du programme d'investissement d'avenir (PIA 2), à hauteur de 12 milliards d'euros, inscrit dans la loi de finances initiale pour 20147(*).

Répartition par mission des crédits du premier volet
du programme d'investissement d'avenir (PIA 1)

(en millions d'euros et en AE=CP)

Source : commission des finances

Dans les projets de loi portant création des deux premiers volets du programme d'investissement d'avenir, le Gouvernement a fait le choix d'inscrire les crédits correspondants, qui font l'objet de règles de gestion dérogatoires du droit commun budgétaire, au sein de programmes spécifiques inclus dans les missions du budget général. Les crédits inscrits dans ces programmes éphémères, qui obéissaient à une règle en application de laquelle le montant des autorisations d'engagement était égal à celui des crédits de paiements (AE = CP), étaient intégralement consommés dès la première année et versés aux opérateurs chargés de la mise en oeuvre du PIA.

Répartition par mission des crédits du premier volet
du programme d'investissement d'avenir (PIA 2)

(en millions d'euros et en AE=CP)

Source : commission des finances

Au regard du manque de clarté et de lisibilité du suivi des investissements des deux premiers volets du programme d'investissements d'avenir (PIA 1 et 2) induit par la dispersion des crédits du programme entre les missions du budget général, le schéma d'inscription des crédits du programme dans le budget de l'État a été revu à partir du troisième volet du programme d'investissements d'avenir (PIA 3) avec la création d'une mission budgétaire spécifique.

2. La loi de finances initiale pour 2017 a créé une mission spécifique pour porter les crédits du troisième volet du programme d'investissement d'avenir (PIA 3)

Le programme d'investissement d'avenir a été poursuivi à partir de 2017 par le lancement d'un troisième volet du PIA (PIA 3) doté de 10 milliards d'euros par la loi de finances initiale pour 20178(*). Pour cette troisième génération d'investissements, le Gouvernement a fait le choix de regrouper l'ensemble des crédits afférents dans une mission pérenne initialement intitulée « Investissements d'avenir ». Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2017 en première lecture au Sénat, la commission des finances du Sénat avait rendu un avis défavorable à l'adoption des crédits de cette mission au regard du risque manifeste de « débudgétisation » de certaines dépenses à travers les investissements d'avenir9(*).

Les objectifs du PIA 3 se situent dans le sillage des deux premières générations de PIA et concourent à l'augmentation de la croissance potentielle de l'appareil productif et à son évolution pour l'adapter aux objectifs de développement durable.

La nouvelle mission « Investissements d'avenir » intégrée au budget général de l'État est structurée en trois programmes qui ne correspondent pas à une logique sectorielle, comme les deux premiers volets du PIA qui s'appuyaient sur les missions du budget général, mais à une logique économique allant de l'amont (recherche et enseignement supérieur) vers l'aval (développement des entreprises). Les trois programmes de la mission sont :

- le programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche » ;

- le programme 422 « Valorisation de la recherche » ;

- le programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises ».

Répartition initiale des crédits du troisième volet du programme d'investissement d'avenir (PIA 3)

(en millions d'euros et en AE)

Source : commission des finances

Alors que, lors de son lancement, le Gouvernement prévoyait de consommer les crédits de paiement du PIA 3 entre 2018 et 202210(*), toutes les autorisations d'engagement ouvertes par la loi de finances initiale pour 2017 n'ont pas été couvertes à la fin de l'exercice 2022.

État de déploiement du troisième volet
du programme d'investissement d'avenir (PIA 3)

(en millions d'euros et selon les montants estimés pour le 31 décembre 2025)

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

Par conséquent, les trois programmes budgétaires du PIA 3 font encore l'objet d'ouvertures de crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2026. Au 31 décembre 2025, d'après les estimations inscrites dans le projet annuel de performances (PAP) de la mission « Investir pour la France de 2030 », 984 millions d'euros de crédits de paiement resteront à ouvrir pour le PIA 3, ce qui représente 10 % de l'enveloppe totale du PIA 3 après redéploiement. Ces crédits sont répartis ainsi :

- 664 millions d'euros à ouvrir sur le programme 421, soit 28 % de l'enveloppe totale de ce programme après redéploiement ;

- 107 millions d'euros à ouvrir sur le programme 422, soit 3 % de l'enveloppe totale de ce programme après redéploiement ;

- 213 millions d'euros à ouvrir sur le programme 423, soit 5 % de l'enveloppe totale de ce programme après redéploiement.

Sur le périmètre des trois programmes du PIA 3, le montant des crédits de paiement proposés dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 sont inférieurs de 159 millions d'euros par rapport à l'exercice 2025, soit une réduction de 30 %, pour atteindre 370 millions d'euros. Alors que le rythme d'ouverture des crédits est relativement stable pour les programmes 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche » et 423 « Accélération de la modernisation des entreprises », l'évolution du montant des crédits de paiement (CP) proposés à l'ouverture sur le périmètre du PIA 3 s'explique principalement par la réduction de 85 % des crédits du programme 422 « Valorisation de la recherche » qui résulte notamment de l'absence d'ouverture de crédits de paiement pour l'action n° 2 « Fonds national post-maturation « Frontier venture » », qui avait mobilisé 100 millions d'euros pour l'exercice 2025.

Crédits de paiement ouverts sur le périmètre du PIA 3
dans le projet de loi de finances pour 2026

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

Les prévisions transmises aux rapporteurs spéciaux par le Secrétariat général pour l'investissement11(*) font apparaître que la finalisation du déploiement des investissements du troisième volet du programme d'investissement d'avenir (PIA 3) nécessitera l'octroi de nouvelles aides jusqu'à la fin de l'exercice 2028, ce qui aura pour conséquence - étant donnée la nature pluriannuelle des projets concernés - de reporter la fin des décaissements associés au PIA 3 à l'exercice 2035.

B. LES CRÉDITS DU PLAN FRANCE 2030, QUI INTÈGRENT CEUX DU QUATRIÈME VOLET DU PROGRAMME D'INVESTISSEMENT D'AVENIR, POURSUIVENT DIX OBJECTIFS ET SEPT LEVIERS DE TRANSFORMATION DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE

1. Le plan France 2030, qui intègre les crédits ouverts dans le cadre du quatrième volet du programme d'investissement d'avenir (PIA 4), recouvre 54 milliards d'euros d'investissements structurés autour de dix objectifs et sept leviers de transformation
a) Le plan France 2030 correspond à un nouveau cycle d'investissements d'avenir dans le sillage des trois premiers volets du programme d'investissement d'avenir (PIA 1 à 3) et qui intègre les crédits ouverts dans du PIA 4

La loi de finances initiale pour 2021 intègre un quatrième volet du programme d'investissement d'avenir (PIA 4) d'un montant global de 20 milliards d'euros financés à hauteur de 16 563 millions d'euros par les crédits de la mission « Investissements d'avenir »12(*). Il est complété à la fois par les intérêts des dotations non consommables (DNC) issues des deux premiers volets du programme d'investissement d'avenir (PIA 1 et 2) pour un montant estimé à 3 000 millions d'euros entre 2021 et 202513(*) et par les revenus du Fonds pour l'innovation et l'industrie (FII) pour un montant estimé à 438 millions d'euros14(*) entre 2021 et 2025.

Le 12 octobre 2021, le Président de la République a présenté le plan d'investissement « France 2030 », qui intègre le quatrième volet du programme d'investissement d'avenir (PIA 4) et poursuit la logique de plan d'innovation du programme d'investissement d'avenir (PIA). Le montant total des investissements du plan « France 2030 » est porté à 54 034 millions d'euros en tenant compte des intérêts des dotations non consommables (DNC) et des revenus du fonds pour l'innovation et l'industrie (FII)15(*) à hauteur de 3 199 millions d'euros et de l'ouverture de 34 009 millions d'AE par la loi de finances initiale pour 202216(*).

Financement du plan France 2030

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

La plan France 2030 a été présenté par le Président de la République comme un élément de réponse à un triple déficit de la France : celui de la croissance potentielle, celui des comptes publics et celui du commerce extérieur17(*). Il a pour objectif de redresser la croissance potentielle de la France et de participer à la transition écologique de son économie. À ce titre, la doctrine d'investissement du plan prévoit de consacrer la moitié de ses dépenses à la décarbonation de l'économie et la moitié de ses dépenses à des projets d'innovation18(*). Par surcroît, les financements du plan ne doivent pas provoquer de préjudice environnemental important19(*).

Le plan France 2030 s'appuie sur une doctrine d'investissement mise à jour par la loi de finances initiale pour 2022 qui prévoit la possibilité de financer tout le cycle de vie de l'innovation, y compris des étapes de développement et d'industrialisation20(*).

b) Les investissements du plan France 2030 sont structurés autour de dix-sept objectifs et leviers prioritaires d'investissement

Le plan France 2030 est articulé autour de sept leviers transversaux et de dix objectifs, répartis autour de trois axes : mieux produire, mieux vivre et mieux comprendre. Cette répartition en dix-sept enveloppes du plan France 2030 constitue une simplification par rapport à l'architecture initiale du PIA 4 qui s'appuyait sur vingt-quatre stratégies nationales d'accélération (SNA) qui ont été mis en cohérence avec la structure définitive adoptée pour le plan France 2030 par l'établissement d'une table de correspondance entre les stratégies nationales d'accélérations (SNA) et les objectifs et leviers du plan France 203021(*).

Répartition initiale des investissements du plan France 2030

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI

c) Les investissements du plan France 2030 ont fait l'objet en octobre 2023 d'une reprogrammation à laquelle le Parlement n'a pas été associé

La programmation initiale par objectifs et leviers des investissements du plan France 2030, publiée en juin 2023 par le comité de surveillance des investissements d'avenir (CSIA)22(*), faisait apparaître une « sur-programmation » à hauteur de 3 200 millions d'euros, le montant total additionné de chaque enveloppe par objectif ou par levier étant de 57 000 millions d'euros.

Par suite, le Gouvernement a procédé à un exercice de reprogrammation des investissements du plan France 203023(*) dans l'objectif de réduire les enveloppes associées aux différents objectifs et leviers pour aboutir à un montant total de programmation égal à 53 100 millions d'euros, en intégrant les coûts non pilotables associés aux frais de gestion (1 100 millions d'euros) et à l'évaluation (50 millions d'euros).

Variation des enveloppes d'investissements des objectifs et leviers
à l'issue de la reprogrammation d'octobre 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Les rapporteurs spéciaux relèvent que le Parlement n'a pas été associé à cet exercice de reprogrammation, qui portait pourtant sur des montants très importants d'investissements publics. Plus avant, le Parlement n'a été informé que tardivement de la nouvelle programmation des investissements du plan France 2030. Ainsi, lors de l'examen le 2 décembre 2023 en séance publique des crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 » au Sénat en première lecture du projet de loi de finances pour 2024, le Gouvernement n'a pas porté à la connaissance des parlementaires la nouvelle programmation qui avait pourtant été décidée le 23 octobre 2023. Les parlementaires n'ont été informés de cette reprogrammation que le 31 janvier 2024, à l'occasion de la transmission du bilan financier des investissements d'avenir, soit plus de trois mois après que la reprogrammation a été décidée24(*).

Programmation actualisée, par objectifs et leviers, du plan France 2030

(au 1er avril 2025 et en millions d'euros)

Objectifs

1

Faire émerger en France d'ici 2030 des réacteurs nucléaires de petites taille, innovants et avec une meilleure gestion des déchets

834

2

Faire de la France le leader de l'hydrogène décarboné et développer des technologies d'énergies renouvelables à la pointe

3 095

3

Décarboner notre industrie et la production d'intrants

4 493

4

Produire en France, à l'horizon 2030, le premier avion bas-carbone

1 600

5

Produire en France, à l'horizon 2030, près de deux millions de véhicules électriques et hybrides

4 810

6

Innover pour une alimentation saine, durable et traçable

1 817

7

Produire en France au moins vingt bio-médicaments, notamment contre les cancers, les maladies chroniques et développer et produire des dispositifs médicaux innovants

4 957

8

Placer la France à nouveau en tête de la production des contenus culturels et créatifs

721

9

Prendre toute notre part à la nouvelle aventure spatiale

1 338

10

Investir le champ des fonds marins

273

Leviers

1

Sécuriser l'accès aux matières premières

2 999

2

Sécuriser l'accès aux composantes stratégiques, notamment électronique, robotique et machines intelligentes

5 176

3

Développer les talents en construisant les formations de demain

2 155

4

Souveraineté numérique

3 043

5

Capital-Innovation de rupture, start-ups industrielles et accélération de la croissance

9 003

6

Soutien à l'écosystème d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation

6 089

7

France 2030 régionalisé

500

Frais de gestion et évaluation

1 147

TOTAL

54 050

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux

2. La loi de finances initiale pour 2021 a créé deux nouveaux programmes qui portent l'intégralité des crédits du plan France 2030, y compris ceux ouverts dans le cadre du PIA 4

Pour le financement du PIA 4 le Gouvernement a fait le choix, dans le projet de loi de finances pour 2021, de ne pas s'appuyer sur les trois programmes préexistants qui avaient été conçus pour servir de véhicule au PIA 3 (programmes 421, 422 et 423) mais de créer deux nouveaux programmes budgétaires au sein de la mission « Investissements d'avenir ».

À rebours de la logique séquentielle des programmes du PIA 3, qui s'échelonnaient de l'amont à l'aval, les programmes 424 et 425 répondent à deux types d'instruments de politique industrielle :

- le programme 424 « Financement des investissements stratégiques », d'un montant en AE de 12 500 millions d'euros, correspond au « volet dirigé » du plan France 2030 qui a pour objet de financer les secteurs prioritaires, identifiés dans le cadre des vingt-quatre stratégies nationales d'accélération (SNA) pour renforcer la croissance potentielle de l'économie et accélérer sa transition environnementale ;

- le programme 425 « Financement structurel des écosystèmes d'innovation », d'un montant initial en AE de 4 063 millions d'euros, correspond au « volet structurel » du plan France 2030 qui a pour objet de financer de manière transversale les écosystèmes d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation.

Pour ne pas retarder sa mise en oeuvre, la maquette budgétaire du PIA 4 a été conservée pour le plan France 2030, qui intègre les crédits qui lui sont consacrés. Par suite, le financement supplémentaire de 34 milliards d'euros de la loi de finances initiale pour 2022 s'est traduit par un abondement en AE des programmes 424 et 425 à hauteur respectivement de 27 998 millions d'euros et 6 011 millions d'euros.

Autorisations d'engagements (AE) initiales ouvertes au titre des programmes
du plan France 2030

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Depuis le lancement du quatrième volet du programme d'investissement d'avenir (PIA 4) puis du plan France 2030, le montant global de l'enveloppe des crédits dédiés au financement du plan France 2030 a été marginalement modifié par des mouvements de crédits affectant les montants initiaux d'autorisations d'engagement (AE) ouvertes en loi de finances. Ces mouvements périphériques correspondent à la combinaison de trois catégories de décision :

- des mouvements de transfert de crédit vers et depuis les programmes 424 et 425 pour un solde global négatif de 346 millions d'euros entre 2021 et 2025 ;

- des annulations d'autorisations d'engagement (AE) réalisées par les lois de règlement 2021 et 2022 pour un montant total de 91 millions d'euros ;

- des redéploiement de crédits correspondant aux reliquats de certains programmes des deux premiers volets du programme d'investissement d'avenir (PIA 1 et PIA 2) pour un montant total de 159 millions d'euros.

Ces mouvements périphériques représentent un solde global négatif de 278 millions d'euros pour le financement du plan France 2030 et expliquent le passage depuis le début de l'exercice 2022 du montant total de l'enveloppe du plan de 54 034 millions d'euros à 53 756 millions d'euros25(*).

Mouvements périphériques de l'enveloppe de financement du plan France 2030 entre 2021 et 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI.

Sur le périmètre des deux programmes du plan France 2030, le montant des crédits de paiement proposés dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 atteint 5 128 millions d'euros, soit une hausse de 8 % des ouvertures de crédits par rapport à 2025 (+392 millions d'euros). Cette hausse est notamment liée au dynamisme des crédits de paiement inscrits à l'action n° 1 « Financements de l'écosystème ESRI et valorisation » du programme 425 qui sont multipliés par plus de quatre (+ 435 %) en passant de 120 millions d'euros à 642 millions d'euros.

Crédits de paiement ouverts sur le périmètre du plan France 2030
dans le projet de loi de finances pour 2026

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

II. LE PIA ET LE PLAN FRANCE 2030 S'INSCRIVENT DANS UN CADRE DE GESTION EXTRABUDGÉTAIRE, DÉROGATOIRE AU DROIT COMMUN DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

A. LE PIA ET LE PLAN FRANCE 2030 SONT PILOTÉS PAR UNE ADMINISTRATION DE MISSION, DIRECTEMENT RATTACHÉE AU PREMIER MINISTRE, LE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL POUR L'INVESTISSEMENT

1. Le Premier ministre, qui exerce la responsabilité politique sur l'exécution du PIA et du plan France 2030, s'appuie sur le travail de coordination du Secrétariat général pour l'investissement (SGPI)

La mise en oeuvre du plan France 2030 est placée sous la responsabilité du Premier ministre, sous l'autorité duquel est placée la mission budgétaire « Investir pour la France de 2030 ».

Par conséquent, les décisions finales d'attribution d'un financement à un porteur de projet sont prises par le Premier ministre, qui peut déléguer sa signature à cette occasion au secrétaire général pour l'investissement26(*). À ce titre, le Premier ministre préside le « comité France 2030 » qui assure le suivi de l'exécution du plan. En outre, le Gouvernement s'appuie sur le Comité de surveillance des investissements d'avenir (CSIA)27(*) composé de quatre députés, quatre sénateurs et de dix personnalités qualifiées par le Premier ministre.

La coordination des travaux interministériels en lien avec les investissements stratégiques est assurée par le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI), intégré aux services du Premier ministre, qui a succédé en 201728(*) au commissariat général à l'investissement créé en 201029(*) pour coordonner la mise en oeuvre du programme d'investissement d'avenir (PIA).

2. La gestion opérationnelle des investissements stratégiques est assurée par les opérateurs en coopération avec les comités de pilotage

La gestion quotidienne des fonds des investissements d'avenir (PIA et plan France 2030) est assurée par quatre opérateurs publiques : l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) ; l'Agence nationale de la recherche (ANR) ; la Banque publique d'investissement (Bpifrance) ; et la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Les interventions de ces quatre opérateurs sont ponctuellement complétées soit par l'intervention d'opérateurs délégués, soit par des administrations de l'État qui signent avec le SGPI une convention de délégation de gestion des crédits concernés.

Les relations financières entre l'État et ces quatre opérateurs, dans le cadre de la mise en oeuvre du plan France 2030, sont régies par des conventions passées entre l'État et les opérateurs. Dans le cadre du plan France 2030, l'architecture juridique a été simplifiée et elle prévoit une dizaine de textes juridiques qui recouvrent :

- une convention générale définissant les modalités de gouvernance commune30(*) ;

- une convention par action budgétaire entre l'État et les opérateurs concernés ;

- une convention financière par opérateur déterminant notamment le mode de calcul des frais de gestion de chaque opérateur.

En parallèle de cette gestion quotidienne, les cahiers des charges des appels à projet et les modalités d'instruction des candidatures sont établis par 14 comités de pilotage ministériels opérationnels (CPMO), présidés par un ministre et qui constituent une structure de pilotage intermédiaire associant des représentants du SGPI, les ministères concernés, des représentants des opérateurs et, le cas échéant, des experts du domaine.

S'il revient à l'opérateur d'assurer la pré-sélection, d'instruire les dossiers de candidature et de mener les auditions des candidats présélectionnés dans le cadre d'un appel à projets, la décision finale d'attribution d'un financement est prise par le Premier ministre après avis et proposition du comité de pilotage ministériel opérationnel (CPMO).

Répartition des crédits du plan France 2030 par opérateur

(en millions d'euros et au 31 août 2025)

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

B. LES FINANCEMENTS DU PIA ET DU PLAN FRANCE 2030 DÉROGENT AU CIRCUIT TRADITIONNEL DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

1. Les crédits des investissements d'avenir bénéficient d'un régime dérogatoire au principe d'annualité budgétaire

Dès leurs conceptions, les volets successifs du programme d'investissement d'avenir (PIA) ont eu pour objet de « sanctuariser » des dépenses publiques d'investissement afin d'engager des cycles d'investissements publics pluriannuels en les préservant du risque de « préférence pour le court terme » qui se traduit par une réduction des investissements de long terme pour réduire à court terme le déficit public.

Par conséquent, l'article 8 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 prévoit que la gestion des fonds du PIA peut être confiée à des opérateurs dans un cadre extrabudgétaire.

Sur le plan budgétaire, ce cadre dérogatoire se traduit en pratique par le fait que les AE ouvertes sur les programmes du PIA et du plan France 2030 sont intégralement consommées au moment de la publication de la convention entre l'État et les opérateurs concernés. Si pour le PIA 3, les conventions constituaient le support juridique de l'acte de consommation des AE concernées, pour les conventions du PIA 4 et du plan France 2030 une décision ad hoc de consommation des AE est prise par le Premier ministre concomitamment à la signature des conventions.

Par dérogation au principe d'annualité budgétaire, le Parlement se prononce donc par un vote unique, au moment du lancement de chaque génération d'investissements d'avenir, sur l'engagement de l'intégralité des actions programmées. Le vote annuel des crédits de paiement, réintroduit à partir du PIA 3, a pour objet de couvrir les besoins en trésorerie des opérateurs pour des actions sur lesquelles le Premier ministre s'est déjà engagé auprès des bénéficiaires finaux.

2. Le cycle opérationnel de dépenses des investissements d'avenir ne coïncide pas avec le cycle budgétaire de consommation des crédits

La gestion extrabudgétaire des dépenses associées aux investissements d'avenir réalisés dans le cadre du PIA et du plan France 2030 induit une distinction entre deux circuits distincts de la dépense : le cycle budgétaire d'une part qui correspond aux ressources du budget de l'État mis à la disposition des opérateurs ; le cycle opérationnel d'autre part qui correspond à l'emploi de ces fonds par les opérateurs.

Le cycle budgétaire, dont le suivi est assuré par le vote annuel des crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 », sachant que les AE ont été consommées par une décision ad hoc du Premier ministre au moment de la publication des conventions entre l'État et les opérateurs du PIA. Par suite, au-delà de la première année du plan, le cycle budgétaire correspond à la consommation annuelle de CP du budget de l'État correspondant à la mise à disposition des opérateurs de ces sommes sur un compte à leur nom détenu au Trésor. Ce flux budgétaire est sans incidence sur le déficit public au sens du traité de Maastricht.

Les deux cycles de la dépense des investissements d'avenir

Source : Comité de surveillance des investissements d'avenir

Le cycle opérationnel, dont le suivi est notamment assuré par le SGPI qui en informe le Parlement31(*) chaque trimestre, correspond à l'emploi effectif des fonds des investissements d'avenir. Il se décompose en trois étapes :

- l'étape de l'attribution32(*), qui désigne la décision par laquelle le Premier ministre décide d'octroyer une aide à un bénéficiaire ;

- l'étape de la contractualisation, qui désigne la signature d'une convention entre l'opérateur (qui représente l'État) et le bénéficiaire ;

- l'étape du décaissement, qui correspond au paiement effectif par l'opérateur auprès du bénéficiaire, et qui est échelonnée dans le temps pour correspondre aux besoins du projet.

Le cycle opérationnel repose donc sur la trésorerie des opérateurs qui effectuent les versements auprès des bénéficiaires. Il est à relever que les conventions entre l'État et les opérateurs prévoient que ces derniers ne réalisent aucune avance de trésorerie. Par suite, ils reçoivent une subvention de l'État avant le versement aux bénéficiaires.

Le rapprochement entre le cycle opérationnel et le cycle budgétaire est assuré chaque année par le SGPI qui estime les besoins en trésorerie de chaque action pour établir le montant des crédits demandés dans le projet de loi de finances.

Enfin les rapporteurs spéciaux relèvent que le circuit de financement extrabudgétaire mis en oeuvre dans le cadre du plan France 2030 a pour conséquence que les aides attribuées dans le cadre du plan continueront d'avoir un effet sur les crédits du budget général de l'État pendant une longue période.

D'après les données transmises aux rapporteurs par le Secrétariat général pour l'investissement, les projets soutenus par le plan France 2030 ont une durée variable allant de moins de six mois à quinze ans avec une durée moyenne des projets soutenues égale à sept ans en mesurant une moyenne pondérée par le montant de l'aide33(*).

Par conséquent, en application du calendrier prévisionnel actuel de déploiement du plan France 2030, les dernières aides du plan devraient être attribuées au cours de l'exercice 2028 et elles donneront lieu à des décaissements, et donc le cas échéant à des ouvertures de crédits de paiement dans le budget général, jusqu'à l'exercice 2040 environ.

DEUXIÈME PARTIE
LES CRÉDITS DE LA MISSION
« INVESTIR POUR LA FRANCE DE 2030 »

Crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 »

(en millions d'euros)

Programme

AE

CP

LFI 2025

PLF2026

Variation

LFI 2025

PLF2026

Variation

P421 - Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche

0

0

NA

173

200

+16%

P422 - Valorisation de la recherche

0

0

NA

207

32

-84%

P423 - Accélération de la modernisation des entreprises

0

0

NA

149

137

-9%

P424 - Financement des investissements stratégiques

0

0

NA

3 957

3 754

-5%

P425 - Financement structurel des écosystèmes d'innovation

0

450

NA

779

1 374

+77%

TOTAL

0

450

NA

5 265

5 498

+4 %

I. L'OUVERTURE DE 370 MILLIONS D'EUROS DE CRÉDITS POUR POURSUIVRE LE DÉPLOIEMENT DU TROISIÈME VOLET DU PROGRAMME D'INVESTISSEMENT D'AVENIR (PIA 3) DONT 90 % DES AIDES ONT ÉTÉ FINANCÉES

A. L'OUVERTURE DE 201 MILLIONS D'EUROS DE CRÉDITS SUR LE PROGRAMME 421 « SOUTIEN DES PROGRÈS DE L'ENSEIGNEMENT ET DE LA RECHERCHE » QUI FINANCE LES ACTIONS DE CONSOLIDATION DES ACQUIS DES PIA 1 ET 2

Le programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche » correspond au programme situé le plus en amont du processus d'innovation créé par la loi de finances initiale pour 2017 dans le PIA 3.

Variation des crédits de paiement (CP) par action
du programme 421 entre 2025 et 2026

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

Les actions financées par le programme 421 ont pour objet de soutenir la dynamique de différenciation du système d'enseignement supérieur et de recherche engagée par les PIA 1 et 2.

L'enveloppe du programme 421 s'élève, après redéploiement, à 2 369 millions d'euros d'AE consommées dès la publication des conventions entre l'État et les opérateurs. À la fin de l'année 2025, l'enveloppe restant à consommer en CP est estimée à 664 millions d'euros soit 28 % de l'enveloppe globale à couvrir.

En premier lieu, l'action « Nouveaux cursus universitaires » a pour objet de financer les universités et les écoles souhaitant diversifier leur offre de formation en licence. Elle est pilotée par l'Agence nationale de recherche (ANR)34(*) et elle est dotée d'un budget pluriannuel de 280 millions d'euros. Au regard des besoins de décaissement de l'ANR, le montant de CP proposé en 2026 est de 20 millions d'euros.

En deuxième lieu, l'action « Programme prioritaire de recherche » a pour objet de consolider les positions françaises en matière de recherche en finançant des projets de recherche répondant à deux conditions : répondre à des enjeux socioéconomiques majeurs et permettre l'émergence ou le renforcement de la primauté de la France. Elle est pilotée par l'ANR35(*) et elle est dotée d'un budget pluriannuel de 310 millions d'euros. Au regard des besoins de décaissement de l'ANR, le montant de CP proposé en 2026 est de 31 millions d'euros.

En troisième lieu, l'action « Équipements structurants de recherche » a pour objet de financer l'acquisition d'équipements de haut niveau permettant d'améliorer les conditions de recherche en France des chercheurs français comme étrangers. Elle est pilotée par l'ANR36(*) et elle est dotée d'un budget pluriannuel de 434 millions d'euros. Au regard des besoins de décaissement de l'ANR, le montant de CP proposé en 2026 est de 19 millions d'euros.

En quatrième lieu, l'action « Soutien des grandes universités de recherche » a pour objet de financer la transformation organisationnelle et des cursus de formation au niveau master et doctorat des universités de recherche pluridisciplinaires qui ont émergé dans le cadre du PIA. Elle est pilotée par l'ANR37(*) et elle est dotée d'un budget pluriannuel de 670 millions d'euros. Au regard des besoins de décaissement de l'ANR, le montant de CP proposé en 2026 est de 73 millions d'euros.

En cinquième lieu, l'action « Constitution d'écoles universitaires de recherche » a pour objet de renforcer l'attractivité de la recherche et de la formation française grâce aux masters et aux doctorats. Elle est pilotée par l'ANR38(*) et elle est dotée d'un budget pluriannuel de 300 millions d'euros. Au regard des besoins de décaissement de l'ANR, le montant de CP proposé en 2026 est de 35 millions d'euros.

En sixième lieu, l'action « Territoires d'innovation pédagogique » a pour objet de financer des innovations dans le domaine éducatif, en priorité pour l'enseignement scolaire, notamment en matière d'orientation vers les études supérieures et de formation initiale et continue des enseignants. Elle est pilotée par la Caisse des dépôts et consignations (CDC)39(*) et elle est dotée de 295 millions d'euros après redéploiement. Au regard des besoins de décaissement de la CDC, le montant de CP proposé en 2026 est de 23 millions d'euros.

Trajectoire d'ouverture des crédits de paiement (CP)
du programme 421 depuis le lancement du PIA 3

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires et les données du SGPI

Les rapporteurs spéciaux relèvent que le montant des crédits de paiement (CP) dont l'ouverture est proposée pour 2026 sur le programme 421, de 201 millions d'euros, est conforme dans son ordre de grandeur à la prévision qui leur avait été transmise à l'automne 2024 (235 millions d'euros). Le faible écart entre le montant demandé et la trajectoire prévisionnelle témoigne de la poursuite du déploiement des aides du programme sans retard significatif sur leur versement aux bénéficiaires finaux.

D'après les prévisions transmises aux rapporteurs par le SGPI, les crédits ouverts annuellement pour la mise en oeuvre du programme 421 devraient décroître progressivement jusqu'en 2028 pour atteindre 142 millions d'euros en 2028.

B. L'OUVERTURE DE 32 MILLIONS D'EUROS DE CRÉDITS SUR LE PROGRAMME 422 « VALORISATION DE LA RECHERCHE » QUI FINANCE DES ACTIONS DE REDRESSEMENT DE LA CROISSANCE POTENTIELLE S'APPUYANT SUR LA RECHERCHE ET LE DÉVELOPPEMENT

Le programme 422 « Valorisation de la recherche » correspond au programme intermédiaire créé par la loi de finances initiale pour 2017 à l'occasion du lancement du troisième volet du PIA (PIA 3). Il a pour objet de financer les actions de valorisation de la recherche et de transfert de technologie pour favoriser l'innovation comme source de redressement de la croissance potentielle de l'économie française.

L'enveloppe du programme 422 s'élève, après redéploiement, à 3 694 millions d'euros d'AE consommées dès la publication des conventions entre l'État et les opérateurs. À la fin de l'année 2025, l'enveloppe restant à consommer en CP est estimée à 107 millions d'euros, soit 3 % de l'enveloppe globale à couvrir.

Variation des crédits de paiement (CP) par action
du programme 422 entre 2025 et 2026

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

En premier lieu, l'action « Fonds national post-maturation « Frontier venture » », piloté par Bpifrance40(*), dispose d'un budget pluriannuel de 500 millions d'euros. Elle finance les interventions du fonds d'investissement direct « French Tech Seed » créé en juin 2018 par Bpifrance et qui intervient comme co-investisseur pour consolider les levées de fonds des jeunes entreprises à forte intensité technologiques. Au regard des besoins de décaissement de Bpifrance, l'ouverture d'aucun crédit de paiement (CP) n'est demandée sur cette action pour l'exercice 2026. Les rapporteurs relèvent par surcroît que la documentation budgétaire fait apparaître que les investissements correspondant à cette action sont désormais couverts par les crédits du programme 42441(*).

En deuxième lieu, l'action « Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition » dispose d'un budget pluriannuel de 1 780 millions d'euros après redéploiement et se décompose en trois volets.

Le premier volet, « Territoires d'innovation », est piloté par la CDC42(*) et il est doté d'un budget pluriannuel de 520 millions d'euros. Il a pour objet de sélectionner et d'accompagner des territoires pour financer des projets de transformation répondant à des enjeux énergétiques, écologiques, numérique, démographique ou sociaux. Ce volet finance également, en lien avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), le déploiement de l'innovation dans certains quartiers prioritaires de la politique de la ville. Au regard des besoins de décaissement de la CDC, l'ouverture d'aucun crédit de paiement sur ce volet n'est proposée en 2026.

Le deuxième volet, « Démonstrateurs », est piloté par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe)43(*) et il est doté d'un budget pluriannuel de 650 millions d'euros. Il a pour objet de financer de projets de démonstrateurs de technologies innovantes dans le domaine de la transition énergétique. Le niveau de maturité des projets accompagnés doit permettre une commercialisation à l'issue de l'accompagnement. Au regard des besoins de décaissement de l'Ademe, le montant de CP proposé en 2026 est de 5 millions d'euros.

Le troisième volet, « Nucléaire de demain », piloté par l'ANR44(*), est clos et ne fait donc l'objet d'aucune proposition d'ouverture de CP en 2025.

En troisième lieu, l'action « Accélération du développement des écosystèmes d'innovation performants » dispose d'un budget pluriannuel de 960 millions d'euros et se décompose en quatre volets.

Le premier volet, « Accélération des SATT », est piloté par l'ANR45(*) et il est doté d'un budget pluriannuel de 183 millions d'euros. Il a pour objet de financer les activités de valorisation des inventions issues des laboratoires de recherche des sociétés d'accélération du transfert de technologie (SATT). Au regard des besoins de décaissement de l'ANR, le montant de CP proposé en 2026 est de 14 millions d'euros.

Le deuxième volet, « Recherche hospitalo-universitaire 2 », est piloté par l'ANR46(*) et il est doté d'un budget pluriannuel de 147 millions d'euros. Il a pour objet de financer des projets de recherche innovants portés par des équipes hospitalo-universitaire. Au regard des besoins de décaissement de l'ANR, le montant de CP proposé en 2026 est de 11 millions d'euros.

Le troisième volet, relatif au numérique, piloté par la CDC, est clos et ne fait l'objet d'aucune proposition d'ouverture de CP en 2026.

Le quatrième volet, « Transports et mobilité durables », est piloté par l'Ademe47(*) et il est doté d'un budget pluriannuel de 125 millions d'euros. Il a pour objet de financer des projets de recherche dans le domaine des transports et de la mobilité. Au regard des besoins de décaissement de l'Ademe, le montant de CP proposé en 2025 est de 3 millions d'euros.

Trajectoire d'ouverture des crédits de paiement (CP)
du programme 422 depuis le lancement du PIA 3

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires et les données du SGPI

Les rapporteurs spéciaux relèvent que le montant des crédits de paiement (CP) dont l'ouverture est proposée pour 2026 sur le programme 422, de 32 millions d'euros, est conforme à la prévision qui leur avait été transmise à l'automne 2024 (37 millions d'euros). La coïncidence entre le montant demandé et la trajectoire prévisionnelle témoigne de la poursuite du déploiement des aides du programme sans retard significatif sur leur versement aux bénéficiaires finaux.

D'après les prévisions transmises aux rapporteurs par le SGPI, les crédits ouverts annuellement pour la mise en oeuvre du programme 422 jusqu'en 2028 devraient atteindre des montants annuels limités et systématiquement inférieurs à 40 millions d'euros.

C. L'OUVERTURE DE 137 MILLIONS D'EUROS DE CRÉDITS SUR LE PROGRAMME 423 « ACCÉLÉRATION DE LA MODERNISATION DES ENTREPRISES » QUI FINANCE L'ADAPTATION DES ENTREPRISES ET DES FILIÈRES À LA TRANSFORMATION DE L'ÉCONOMIE

Le programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises » correspond au programme le plus en aval du cycle de l'innovation créé par la loi de finances initiale pour 2017 à l'occasion du lancement du troisième volet du PIA (PIA 3). Il a pour objet de financer les actions d'adaptation du tissu économique aux grandes évolutions de l'activité économique, liées notamment à la transition numérique et à la transition écologique.

Le périmètre d'intervention des actions du programme 423, qui intègre les principaux secteurs visés par les PIA 1 et 2 dont notamment le secteur de l'économie numérique, le secteur de la santé, le secteur des transports ou celui de la ville intelligente, s'élargit à plusieurs secteurs qui n'ont que partiellement bénéficié des investissements des PIA 1 et 2 dont notamment les industries culturelles, le tourisme, l'agro-alimentaire ou la construction.

L'enveloppe du programme 423 s'élève, après redéploiement, à 4 274 millions d'euros d'AE consommées dès la publication des conventions entre l'État et les opérateurs. À la fin de l'année 2025, l'enveloppe restant à consommer en CP est estimée à 213 millions d'euros soit 5 % de l'enveloppe globale à couvrir.

Variation des crédits de paiement (CP) par action du programme 423
entre 2025 et 2026

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

En premier lieu, l'action « Soutien à l'innovation collaborative », piloté par Bpifrance48(*), dispose d'un budget pluriannuel de 600 millions d'euros. Elle a pour objet de financer des projets de recherche et développement (R&D) conduits en collaboration par des acteurs industriels et des acteurs de la recherche. Les projets soutenus, d'un coût au moins égal à 4 millions d'euros, ont pour effet à moyen terme de renforcer la collaboration entre les acteurs industriels et ceux de la recherche au service de la structuration des filières. Au regard des besoins de décaissement de Bpifrance, le montant de CP proposé en 2026 est de 27 millions d'euros.

En deuxième lieu, l'action « Accompagnement et transformation des filières » dispose d'un budget pluriannuel de 1 506 millions d'euros.

Le volet subventionnel, piloté par Bpifrance49(*), est doté d'un budget pluriannuel de 791 millions d'euros qui a trois fonctions distinctes. La première fonction est la structuration des filières en finançant l'acquisition d'outils en commun partagé entre différents acteurs. La deuxième fonction, pilotée en partenariat avec les conseils régionaux, est la modernisation50(*) des filières en subventionnant des programmes d'accompagnement de petites et moyennes entreprises (PME) et d'entreprises de taille intermédiaire (ETI). La troisième fonction est le développement des capacités de production51(*) en finançant le « plan batteries » et des infrastructures de fabrication de médicaments ou de principes actifs. Ce volet subventionnel est complété par un volet en fonds propres, également piloté par Bpifrance, dont les fonds seront mobilisés dans le cadre du fonds « Société de projets industriels 2 »52(*). Au regard des besoins de décaissement de Bpifrance, le montant de CP proposé en 2026 est de 10 millions d'euros.

En troisième lieu, l'action « Adaptation et qualification de la main d'oeuvre » a pour objet de financer des programmes de formation au soutien de l'adaptation des entreprises aux évolutions de l'économie. Dans le cadre de cette action, le volet « Ingénierie de formations professionnelles d'offres d'accompagnement innovantes » (IFPAI), qui est piloté par la CDC53(*), dispose d'un budget pluriannuel de 167 millions d'euros.

Ce volet a pour objet de financer des projets de conception et d'ingénierie de nouvelles formations portées conjointement par des employeurs et des organismes de formation, et ayant pour finalité de diffuser les innovations auprès des employés actuels ou futurs. Ce volet contribue à financer trois instruments : un instrument de soutien à des projets d'envergure nationale ; un instrument régionalisé de soutien à des projets régionaux à parité avec les conseils régionaux ; un instrument relatif au dispositif « France formation innovante numérique »54(*). Au regard des besoins de décaissement de la CDC, l'ouverture d'aucun crédit de paiement n'est proposée en 2026.

En quatrième lieu, l'action « Grands défis », piloté par la CDC, dispose d'un budget pluriannuel de 500 millions d'euros. Elle a pour objet de consolider le financement des entreprises technologiques françaises en apportant, en application des recommandations du rapport de Philippe Tibi sur le financement des entreprises technologiques55(*), des capitaux à des fonds d'investissement prenant des participations dans des sociétés technologiques cotées ou lors de leur introduction en bourse. Au regard des besoins de décaissement de la CDC, le montant de CP proposé en 2026 est de 100 millions d'euros.

Trajectoire d'ouverture des crédits de paiement (CP) du programme 423
depuis le lancement du PIA 3

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires et les données du SGPI

Les rapporteurs spéciaux relèvent que le montant des crédits de paiement (CP) dont l'ouverture est proposée pour 2026 sur le programme 423, de 137 millions d'euros, coïncide exactement avec la prévision qui leur avait été transmise à l'automne 2024. La conformité entre le montant demandé et la trajectoire prévisionnelle témoigne de la poursuite du déploiement des aides du programme sans retard significatif sur leur versement aux bénéficiaires finaux.

D'après les prévisions transmises aux rapporteurs par le SGPI, les crédits ouverts annuellement pour la mise en oeuvre du programme 423 jusqu'en 2028 devraient décroître significativement pour se situer à des niveaux systématiquement inférieurs à 40 millions d'euros.

II. L'OUVERTURE DE 5 127 MILLIONS D'EUROS DE CRÉDITS DE PAIEMENT (CP) SUR LE PÉRIMÈTRE DU PLAN FRANCE 2030, SOIT 10 % DU MONTANT TOTAL DES AIDES DE CE PLAN

A. L'OUVERTURE DE 3 753 MILLIONS D'EUROS DE CRÉDITS SUR LE PROGRAMME 424 « FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS STRATÉGIQUES » QUI FINANCE LE VOLET DIRIGÉ DU PLAN FRANCE 2030

Le programme 424 « Financement des investissements stratégiques » correspond au volet dirigé du plan France 2030, c'est-à-dire à l'enveloppe destinée à soutenir les secteurs identifiés comme prioritaires au regard des enjeux de transition de l'économie française.

Les actions du programme sont dirigées en priorité vers le financement des stratégies nationales d'accélération (SNA) qui ont été intégrées au plan France 2030 par un système de correspondance élaboré par le SGPI qui relie chaque stratégie aux objectifs et leviers du plan France 203056(*).

Dans un objectif de souplesse et de renforcement de la capacité d'adaptation de la programmation des investissements stratégiques, le programme 424 a adopté une maquette budgétaire et une architecture juridique simplifiée. D'une part, la maquette budgétaire se décompose en six actions qui, outre un instrument spécifique d'intervention en fonds propres, correspondent à des degrés différents de maturité des innovations ; d'autre part, l'architecture juridique limite le nombre de textes applicables en s'appuyant sur une convention par action du programme. La création dans le cadre du plan France 2030 de l'action n° 6 « Industrialisation et déploiement » a étendu le périmètre du programme au soutien à la réindustrialisation du territoire français.

Le montant total des investissements du programme 424 est de 40 350 millions d'euros d'AE ouvertes, en tenant compte des transferts et redéploiement, dont 38 365 millions ont été consommées à la fin de l'exercice 2024. À la fin de l'année 2025, l'enveloppe restant à consommer en CP est estimée à 22 500 millions d'euros, soit 56 % de l'enveloppe globale à couvrir.

Variation des crédits de paiement (CP) par action du programme 424
entre 2025 et 2026

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

En premier lieu, l'action « Programmes et équipements prioritaires de recherche » (PEPR), pilotée par l'ANR57(*), dispose d'un budget pluriannuel de 3 000 millions d'euros. Elle a pour objet de financer des projets de recherche d'excellence en s'appuyant sur les organismes nationaux de recherche (ONR). Les projets soutenus par cette action, qui bénéficient d'un cofinancement, poursuivent un triple objectif de construction d'une primauté de la recherche française, de sélection des chercheurs de rang international permettant de renforcer l'attractivité de la recherche française et de soutien à des équipements et infrastructures de recherche d'envergure nationale. Au regard des besoins de décaissement de l'ANR, le montant de CP proposé en 2026 est de 240 millions d'euros.

En deuxième lieu, l'action « Maturation de technologies, R&D, valorisation de la recherche » a pour objet de financer des programmes d'innovation de rupture, d'accompagner les projets de recherche et développement portés conjointement par des entreprises et des laboratoires publics et de financer des programmes d'accompagnement pour le transfert technologique. Cette action, qui est mise en oeuvre par l'ANR, l'Ademe et Bpifrance58(*), est dotée d'un budget pluriannuel de 3 000 millions d'euros. Au regard des besoins de décaissement des opérateurs, le montant de CP proposé en 2026 est de 356 millions d'euros.

En troisième lieu, l'action « Démonstration en conditions réelles, amorçage et premières commerciales » a pour objet de financer la création de démonstrateurs après que les principaux verrous technologiques d'une innovation ont été levés. Elle a vocation à financer des projets dans plusieurs secteurs couverts par le plan France 2030 dont notamment les énergies renouvelables, les puces électroniques, le secteur spatial ou les robots industriels. Cette action, qui est mise en oeuvre par les quatre opérateurs du plan France 203059(*), est dotée d'un budget pluriannuel de 7 500 millions d'euros. Au regard des besoins de décaissement des opérateurs, le montant de CP proposé en 2026 est de 799 millions d'euros.

En quatrième lieu, l'action « Soutien au déploiement » a pour objet de financer des programmes permettant le déploiement à grande échelle d'une innovation aboutie et de renforcer la souveraineté de l'économie française sur certaines chaînes de valeur stratégiques. Elle a pour objet de soutenir l'implantation, en priorité par des PME et des ETI, de sites industriels sur le territoire national. Cette action, qui est mise en oeuvre par les quatre opérateurs du plan France 203060(*), est dotée d'un budget pluriannuel de 10 465 millions d'euros. Au regard des besoins de décaissement des opérateurs, le montant de CP proposé en 2026 est de 1 484 millions d'euros.

En cinquième lieu, l'action « Industrialisation et déploiement » n'existait pas dans la maquette budgétaire initiale du programme créé par la loi de finances initiale pour 2021. Sa mise en oeuvre a débuté en mars 2022 et elle a été intégrée au projet annuel de performance du programme lors du projet de loi de finances 2023. Elle a pour objet de financer les étapes de production les plus en aval du processus d'innovation, c'est-à-dire des étapes d'industrialisation et de déploiement de filières stratégiques. Elle permet notamment d'abonder les soutiens publics apporté au secteur de l'hydrogène décarboné, de l'électronique et de l'innovation dans les industries de santé dont chacun l'objet à l'échelle de l'Union européenne d'un projet important d'intérêt économique commun (PIIEC) actuellement mis en oeuvre ou en cours de préparation. Cette action, qui est mise en oeuvre par les quatre opérateurs du plan France 203061(*), dispose d'un budget pluriannuel de 12 948 millions d'euros. Au regard des besoins de décaissement des opérateurs, le montant de CP proposé en 2026 est de 438 millions d'euros.

Enfin en sixième lieu, parallèlement à ces instruments subventionnels, le programme 424 comporte également l'action « Accélération de la croissance (fonds propre) » qui a pour objet de financer des opérations d'apports en fonds propres en abondant des fonds d'investissements directs ou des fonds de fonds. Cette action a notamment permis d'abonder le « Fonds national de venture industriel » (FNVI)62(*) doté de 350 millions d'euros et dont l'objectif est de favoriser l'émergence du marché des fonds de capital-risque dans le domaine industrielle et d'accompagner en fonds propre des entreprises françaises dans leur projet industrielle ; plus récemment, cette action a permis d'abonder le fonds « Deep tech »63(*), doté de 100 millions d'euros et dont l'objectif est d'accompagner le passage à l'industrialisation des sociétés opérant dans les secteurs des technologies critiques. Cette action est pilotée par Bpifrance et elle dispose d'un budget pluriannuel de 3 499 millions d'euros. Au regard des besoins de décaissement de Bpifrance, le montant de CP proposé en 2026 est de 436 millions d'euros.

Trajectoire d'ouverture des crédits de paiement (CP) du programme 424
depuis le lancement du PIA 4

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires et les données du SGPI

Les rapporteurs spéciaux relèvent que le montant des crédits de paiement (CP) dont l'ouverture est proposée pour 2026 sur le programme 424, de 3 753 millions d'euros, est très substantiellement inférieur à la prévision qui leur avait été transmise à l'automne 2024 (5 690 millions d'euros). Cet écart de 1 937 millions d'euros, soit 52 % des crédits dont l'ouverture est proposée, illustre le défaut de précision des évaluations prévisionnelles réalisées par l'administration quant au rythme de déploiement des projets financés par ce programme et aux conséquences induites sur le niveau de trésorerie des opérateurs du plan. Les rapporteurs soulignent que ce défaut de précision est préjudiciable à la bonne information du Parlement sur le déroulement du plan et ses conséquences à moyen terme sur les crédits du budget général.

D'après les prévisions transmises aux rapporteurs par le SGPI, les crédits ouverts annuellement pour la mise en oeuvre du programme 424 jusqu'en 2028 devraient rester à un niveau élevé et être supérieurs à 3 500 millions d'euros en 2027 et en 2028.

B. L'OUVERTURE DE 1 374 MILLIONS D'EUROS DE CRÉDITS SUR LE PROGRAMME 425 « FINANCEMENT STRUCTUREL DES ÉCOSYSTÈMES D'INNOVATION » QUI FINANCE LE VOLET STRUCTUREL DU PLAN FRANCE 2030

Le programme 425 « Financement structurel des écosystèmes d'innovation » correspond au volet structurel, c'est-à-dire transversal et non-dirigé, du plan France 2030. Il a pour objet d'apporter des financements multisectoriels à destination des structures d'enseignement, de formation, de recherche et d'innovation. Les crédits du programme sont par ailleurs complétés par des financements issus, d'une part, des intérêts de dotations non consommables (DNC) des PIA 1 et 2 et, d'autre part, des intérêts du Fonds pour l'innovation et l'industrie (FII) avant sa mise en extinction en 2023. Pour compenser la mise en extinction du FII sans remettre en cause la programmation des investissements d'avenir, la loi de finances initiale pour 2023 a procédé à une « budgétisation » de ce financement en ouvrant des AE à hauteur de 263 millions d'euros sur le programme 425, soit le montant des intérêts annuels certains cumulés entre 2023 et 2025.

Le montant total des investissements du programme 425 est de 10 206 millions d'euros d'AE ouvertes, en tenant compte des transferts, des annulations et des redéploiements, dont 9 983 millions ont été consommées à la fin de l'exercice 2024. À la fin de l'année 2025, l'enveloppe restant à consommer en CP est estimée à 3 800 millions d'euros soit 37 % de l'enveloppe globale à couvrir.

Variation des crédits de paiement (CP) par action du programme 425
entre 2025 et 2026

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

En premier lieu, l'action « Financement de l'écosystème ESRI et valorisation » a pour objet de financer des programmes dans le domaine de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Il couvre notamment des projets de transformation des écoles, collèges, lycées et universités, le soutien aux instituts de recherche technologique (IRT) et pour la transition énergétique (ITE) qui associent des industriels et des acteurs publics de la recherche et le soutien aux sociétés d'accélération du transfert de technologie (SATT). Cette action, qui est mise en oeuvre par l'ANR et la CDC64(*), dispose d'un budget pluriannuel de 3 160 millions d'euros auxquels s'ajoutent les intérêts des DNC des PIA 1 et 2 pour un montant de 3 000 millions d'euros de financement en dehors du périmètre de la mission. Au regard des besoins de décaissement des opérateurs, le montant de CP proposé en 2026 est de 642 millions d'euros.

En deuxième lieu, l'action « Aides à l'innovation « bottom-up » (subventions et prêts) » a pour objet de financer des aides aux entreprises innovantes qui doivent accéder à des instruments de financement tenant compte de leur prise de risque. Cette action repose sur une architecture simplifiée qui distingue trois types d'aide. Les « aides de guichet » gérées par Bpifrance qui financent des start-ups souhaitant réaliser des études de faisabilité ou de recherche industrielle ; les aides nationales gérées par Bpifrance, qui sont octroyées à l'occasion de concours d'innovation ou d'appels à projet thématiques ; les aides régionales, gérées par Bpifrance, la CDC et les régions et correspondant au volet régionalisé du plan France 2030. Cette action dispose d'un budget pluriannuel de 4 003 millions d'euros. Au regard des besoins de décaissement des opérateurs, le montant de CP proposé en 2026 est de 647 millions d'euros.

Enfin en troisième lieu, le programme 425 recouvre également des instruments d'intervention en fonds propre abondés par l'action « Aides à l'innovation « bottom-up » (fonds propres) ». Ces instruments ont pour objectif de soutenir la croissance des start-ups à tous les stades de leur développement. À titre d'illustration, le fonds « Métaux critiques » géré par la CDC65(*) et doté de 505 millions d'euros dont la finalité est d'investir dans des projets sur l'ensemble de la chaîne de valeur des métaux stratégiques est financé par des crédits de cette action. Cette action a également permis la création en avril 2024 du fonds « Entrepreneurs du vivant » doté de 395 millions d'euros et piloté par la CDC66(*) dont l'objectif est d'accélérer la transition vers l'agroécologie des exploitations et des filières agricoles. Au regard des besoins de décaissement des opérateurs, le montant de CP proposé en 2026 est de 85 millions d'euros.

Trajectoire d'ouverture des crédits de paiement (CP) du programme 424
depuis le lancement du PIA 4

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires et les données du SGPI

Les rapporteurs spéciaux relèvent que le montant des crédits de paiement (CP) dont l'ouverture est proposée pour 2026 sur le programme 425, de 1 374 millions d'euros, est très substantiellement supérieur à la prévision qui leur avait été transmise à l'automne 2024 (551 millions d'euros). Cet écart de 823 millions d'euros, soit 60 % des crédits dont l'ouverture est proposée, illustre le défaut de précision des évaluations prévisionnelles réalisées par l'administration quant au rythme de déploiement des projets financés par ce programme et aux conséquences induites sur le niveau de trésorerie des opérateurs du plan. Les rapporteurs soulignent que ce défaut de précision est préjudiciable à la bonne information du Parlement sur le déroulement du plan et ses conséquences à moyen terme sur les crédits du budget général.

D'après les prévisions transmises aux rapporteurs par le SGPI, les crédits ouverts annuellement pour la mise en oeuvre du programme 425 jusqu'en 2028 devraient rester à un niveau supérieur à un milliard d'euros en 2027 et reflués en 2028 à 780 millions d'euros.

TROISIÈME PARTIE
LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

I. UNE SIXIÈME ANNÉE DE DÉPLOIEMENT MARQUÉE PAR LA HAUSSE DU VOLUME DE DÉCAISSEMENT DES AIDES QUI SE TRADUIT PAR LA MOBILISATION DE LA TRÉSORERIE EXCÉDENTAIRE DES OPÉRATEURS PLUTÔT QUE PAR UNE HAUSSE DES CRÉDITS DE LA MISSION

A. L'EXERCICE 2026 CORRESPONDRA À UN RALENTISSEMENT DU RYTHME D'ATTRIBUTION DES AIDES DU PLAN FRANCE 2030 ET À UNE HAUSSE DES MONTANTS D'AIDE À DÉCAISSER EN RAISON D'UN EFFET D'INERTIE LIÉ AUX AIDES PRÉALABLEMENT ATTRIBUÉES

1. À la fin du premier semestre 2025, les aides du plan France 2030 ont été attribuées à hauteur de 74 % et décaissées à hauteur de 26 %

À la fin du premier semestre 2025, les aides du plan France 2030 avait été attribuées à hauteur de 39 516 millions d'euros, soit 74 % du montant total des aides du plan. À la même date, celles-ci avaient été décaissées à hauteur de 14 106 millions d'euros, soit 26 % de l'ensemble des aides67(*). Cet état des lieux au milieu de l'exercice 2025 illustre le fait que si la majorité des aides du plan France 2030 ont désormais été attribuées, une grande partie de ces aides n'ont pas encore été versées aux bénéficiaires finaux ce qui implique que la mission « Investir pour la France de 2030 » continue à porter des montants importants de crédits de paiement (CP) pour alimenter les décaissements de ces aides.

Niveau d'attribution des aides par objectifs et leviers du plan France 2030

(part des aides attribuées en valeur dans l'enveloppe associée au 30 juin 2025)

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI

Le déploiement du plan, depuis le lancement en 2021 du quatrième volet du programme d'investissement d'avenir (PIA 4), intégré au plan France 2030, s'est appuyé sur l'organisation par les opérateurs de France 2030 de 250 appels à projets ou appels à manifestation d'intérêts. Le nombre de bénéficiaires finaux des aides est à la fin du premier semestre 2025 de 5 500 structures dont 56 % sont des petites et moyennes entreprises (PME) ou des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Les rapporteurs spéciaux relèvent toutefois qu'en montant des aides attribuées, les PME et ETI ne représentent que 22 % des aides attribuées.

Répartition par catégories de bénéficiaires des aides du plan France 2030

(aides attribuées en valeur au 30 juin 2025 en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données du SGPI

D'un point de vue géographique, les données transmises aux rapporteurs spéciaux font apparaître une forte concentration territoriale des aides. Si trois régions métropolitaines68(*) dépassent le seuil de 4 milliards d'euros d'aides attribuées à des structures localisées sur leur territoire, il existe un facteur trente-six de différence entre le montant des aides dirigées vers la région Île-de--France (24 milliards d'euros) et celles dirigées vers la région Centre-Val de Loire (670 millions d'euros).

Répartition territoriale des aides du plan France 2030

(aides attribuées hors guichet en valeur au 30 juin 2025)

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI

Enfin les rapporteurs spéciaux relèvent que les dix-sept objectifs et leviers du plan France 2030, qui sont tous soutenus et mis en oeuvre simultanément dans le cadre du plan, ne présentent pas un même rythme d'avancement avec un écart important entre certains objectifs et leviers dont les aides ont été attribuées à plus de 90 % et trois « verticales »69(*) qui ont été déployées à moins de 60 % à la fin du premier semestre 2025. Les rapporteurs relèvent également que dans certaines filières soutenues, le niveau élevé d'attribution des aides ne se traduit pas encore par des versements effectifs d'aides comme l'illustre le fait que les aides de l'objectif n° 10 « Grands fonds marins » sont attribuées à hauteur de 72 % mais décaissées à hauteur de seulement 6 %.

Niveau de décaissement des aides par objectifs
et leviers du plan France 2030

(part des aides décaissées en valeur dans l'enveloppe associée au 30 juin 2025)

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI

2. Le Gouvernement prévoit un recul de 30 % du rythme d'attribution de nouvelles aides en 2026 en dépit duquel le montant global d'aides à décaisser augmentera en valeur de 293 millions d'euros par rapport à 2025

Le déploiement du plan France 2030 est entré depuis 2023 dans une phase d'expansion correspondant à une accélération de l'attribution des aides et à une croissance progressive du volume de décaissement des aides du plan, trois années après le lancement du quatrième volet du programme d'investissement d'avenir (PIA 4), devenu en 2022 le plan France 2030.

Alors que plus de 50 % des aides du plan avaient été attribuées à la fin de l'année 2023, le rythme d'attribution des aides a engagé un ralentissement brutal au cours de l'année 2024, en passant d'un volume de 17 920 millions d'euros d'aides attribuées en 2023 à un volume de 7 752 millions d'euros d'aides attribuées en 2024.

Le mouvement de ralentissement du rythme d'attribution de nouvelles aides s'est logiquement poursuivi au cours de l'exercice 2025 avec une cible prévisionnelle de 4 993 millions d'euros d'aides attribuées qui s'expliquent par l'épuisement progressif des enveloppes du plan France 2030 qui avaient été attribuées à hauteur de 70 % au 1er janvier 2025.

Rythme d'attribution des aides du plan France 2030

(en millions d'euros)

Note : Les données sont prévisionnelles à partir de l'exercice 2025.

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI

En matière de versement des aides aux bénéficiaires finaux, le rythme annuel de décaissement est dynamique du fait du cumul des versements associés aux nouvelles aides attribuées70(*) et des versements ayant pour objet de couvrir des aides préalablement attribuées71(*). Le rythme de décaissement est passé de 3 897 millions d'euros d'aides en 2023 à 5 460 millions d'euros d'aides en 2024. En 2025, le montant total des aides décaissées est estimé à 6 576 millions d'euros et il devrait continuer de croître pour atteindre 6 869 millions d'euros d'aides en 2026.

La croissance dynamique du rythme d'attribution des aides, qui atteint 76 % entre l'exercice 2023 et la prévision pour l'exercice 2026, s'explique par l'effet d'inertie préalablement décrit en application duquel une part substantielle des aides décaissées en 2026 correspondront à des versements d'aides attribuées lors du pic d'attribution de nouvelles aides en 2023.

Rythme de décaissement des aides du plan France 2030

(en millions d'euros)

Note : Les données sont prévisionnelles à partir de l'exercice 2025.

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI

Sur le plan budgétaire, le cadre de gestion extrabudgétaire du plan rappelé en première partie a pour conséquence une disjonction partielle entre le « cycle budgétaire » réglé par les lois de finances annuelles et le « cycle opérationnel » réglé par l'attribution, la contractualisation puis le décaissement des aides aux bénéficiaires finaux par les opérateurs.

Du point de vue opérationnel, les rapporteurs relèvent que le Gouvernement a choisi de ralentir significativement le rythme de déploiement des aides du plan France 2030. Alors que le maintien d'un rythme d'attribution à hauteur de 6 milliards d'euros environ chaque année à partir de 2025 aurait permis un déploiement rapide du plan dans son intégralité avec une fin de déploiement72(*) en 2027. Plutôt que de maintenir le rythme de déploiement du plan, le Gouvernement a choisi de ralentir de 36 % le rythme d'attribution en 2025. Les rapporteurs soulignent que ce ralentissement est notamment une conséquence des amendements de réduction de crédit adoptés avec le soutien de la commission des finances sur la mission « Investir pour la France de 2030 » en loi de finances initiale pour 202573(*).

Pour l'exercice 2026, le Gouvernement a également fait le choix d'un déploiement ralenti du plan avec un recul additionnel de 30 % du rythme d'attribution par rapport à l'exercice 2025. Si ce ralentissement est cohérent avec les objectifs de consolidation des comptes publics, il est regrettable que le Gouvernement ni le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) n'ait clairement expliqué ce choix aux porteurs de projet alors même que la communication gouvernementale sur le plan France 2030 a notoirement et constamment insisté sur la volonté de l'administration de déployer les aides du plan aussi rapidement que possible.

Parallèlement, l'effet d'inertie résultant de l'obligation dans laquelle l'État se trouve d'honorer les engagements pris lors des attributions d'aide dans les exercices antérieurs, et en particulier lors du pic d'attribution de l'exercice 2023, le ralentissement de 30 % du rythme d'attribution des aides n'empêche pas une hausse de 293 millions d'euros soit 4 % des besoins de décaissement des aides du plan France 2030 pour l'exercice 2026.

B. LES CRÉDITS DONT L'OUVERTURE EST PROPOSÉE DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES NE COUVRIRONT QUE 75 % DES AIDES À DÉCAISSER EN 2026, LE SOLDE ÉTANT COUVERT PAR L'EXCÉDENT DE TRÉSORERIE DES OPÉRATEURS

Du point de vue budgétaire, la disjonction partielle entre le « cycle opérationnel » de déploiement des aides du plan et le « cycle budgétaire » de couverture de ces aides par des crédits du budget général a pour conséquence directe que la majeure partie des crédits dont l'ouverture est proposée se rapportent, conformément au cadre extrabudgétaire du plan France 2030 mais en contradiction avec le principe d'annualité, à des aides déjà attribuées et déjà contractualisées pour lesquelles l'ouverture de crédit est nécessaire pour permettre aux opérateurs de l'État d'honorer leurs engagements.

Cette disjonction partielle, qui est une conséquence inévitable du cadre de gestion extrabudgétaire du plan France 2030, est renforcée par un processus pluriannuel d'accumulation par les opérateurs du plan France 2030 d'un excédent de trésorerie dédiée au plan. En effet, le cadre juridique applicable au plan France 2030 prévoit que les opérateurs chargés de sa mise en oeuvre disposent d'une trésorerie spécifique, fléchée vers le décaissement des aides du plan. Dans ce contexte, les opérateurs ont accumulé pendant les premières années de déploiement du plan - pendant lesquelles les montants de décaissement étaient réduits - un excédent massif de trésorerie qui atteignait à la fin de l'exercice 2024 un montant total de 5 822 millions d'euros.

D'après les prévisions transmises aux rapporteurs spéciaux par le secrétariat général pour l'investissement (SGPI), le niveau de trésorerie prévisionnel des opérateurs atteindra 2 365 millions d'euros à la fin de l'exercice 2025, avec un niveau de trésorerie excédentaire particulièrement élevé pour l'Ademe et Bpifrance dont les trésoreries dépasseraient 850 millions d'euros.

Répartition de la trésorerie fléchée vers les investissements d'avenir
à la fin de l'exercice 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données prévisionnelles du SGPI

Le Gouvernement a affiché, à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2025, sa volonté de mobiliser l'excédent de trésorerie des opérateurs pour financer une partie des décaissements à intervenir au cours de l'exercice 2025. D'après les données transmises aux rapporteurs spéciaux par le Secrétariat général pour l'investissement, le montant total des décaissements atteindra 6 576 millions d'euros en 2025, c'est-à-dire 1 840 millions d'euros de plus que les 4 736 millions d'euros de crédits de paiement (CP) ouverts sur les programmes 424 et 425 par la loi de finances initiale pour 202574(*). Les rapporteurs spéciaux en déduisent que les décaissements de l'exercice 2025 auront été financés à hauteur de 28 % par la mobilisation de l'excédent de trésorerie des opérateurs du plan. Les rapporteurs relèvent toutefois que ce schéma de financement s'éloigne substantiellement de celui présenté lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2025 qui envisageait de financer 50 % des décaissements de l'année par la mobilisation de la trésorerie excédentaire des opérateurs.

Financement des aides décaissées en 2026

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI

Pour l'exercice 2026, les rapporteurs notent que le Gouvernement entend de nouveau mobiliser la trésorerie excédentaire des opérateurs du plan dès lors que la prévision de décaissement transmise pour l'exercice 2026, qui atteint 6 869 millions d'euros, est strictement supérieure aux 5 127 millions d'euros de crédits de paiement dont l'ouverture est proposée en projet de loi de finances.

Le Gouvernement prévoit donc un schéma de financement partagé en finançant les décaissements à hauteur de 75 % par l'ouverture de crédits sur les programmes de la mission « Investir pour la France de 2030 » et à hauteur de 25 % par la mobilisation de trésorerie excédentaire des opérateurs du plan.

Les rapporteurs spéciaux relèvent également que le schéma de déploiement du plan France 2030 prévu par le secrétariat général pour l'investissement (SGPI) pour l'année 2026 ne permettra pas d'atteindre la cible de 300 millions d'euros de soutien annuel en autorisations d'engagement (AE) aux aides à la recherche aéronautique civile du « guichet Corac ».

Aides publiques à la recherche aéronautique civile (guichet Corac)

(en millions d'euros et en AE)

Source : commission des finances

En effet le SGPI prévoit un financement à hauteur de 165 millions d'euros en AE du « guichet Corac » en 2026, auquel viendra s'ajouter un financement à hauteur de 50 millions d'euros en AE par le programme 190 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Comme les rapporteurs spéciaux l'avaient exposé dans leur rapport publié en juillet 202575(*), les aides du « guichet Corac », géré par la direction générale de l'aviation civile (DGAC), sont un levier essentiel de maintien de la compétitivité de la filière aéronautique française et il est regrettable que l'engagement public pris par le Gouvernement d'atteindre un financement annuel de 300 millions d'euros ne soit pas respecté.

C. LE GOUVERNEMENT PROPOSE DE REFINANCER LE PLAN FRANCE 2030 PAR L'OUVERTURE DE 450 MILLIONS D'EUROS DE CRÉDITS DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2026 AFIN DE PORTER L'ENVELOPPE TOTALE DU PLAN À 54,5 MILLIARDS D'EUROS

Dans le projet de loi de finances pour 2026 déposé par le Gouvernement, il est proposé de procéder à l'ouverture de 450 millions d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et 150 millions d'euros en crédits de paiement (CP) sur le programme 425.

Les rapporteurs spéciaux constatent qu'en dépit de l'objectif affiché par le Gouvernement de consolidation des comptes publics et alors même que le Gouvernement a fait le choix de ralentir le rythme de déploiement des aides du plan France 2030 pendant l'exercice 2026, cette proposition aurait pour effet de rehausser l'enveloppe globale du plan France 2030 et de la porter à 54,5 milliards d'euros avant transferts, annulations et redéploiements.

En effet l'ouverture de nouvelles autorisations d'engagement (AE) aurait un effet direct sur l'enveloppe globale du plan, conformément au cadre extrabudgétaire décrit au II de la première partie du présent rapport.

À cet égard, le motif avancé par le secrétariat général pour l'investissement que ces crédits correspondraient à une « budgétisation » d'une partie des intérêts non consommables (IDNC) pour les exercices 2026 à 2028 n'est pas cohérent avec le fait que le montant des financements hors-mission du plan France 2030 par ces intérêts des dotations non consommables a toujours été estimé à 3 milliards d'euros, ce qui correspondait à un financement annuel de 600 millions d'euros entre 2021 et 2025.

L'ouverture de 450 millions d'euros correspondrait donc à un abondement additionnel du plan France 2030 pour porter son niveau total de financement à 54,5 milliards d'euros avant transferts, annulations et redéploiements.

II. LES INFORMATIONS TRANSMISES AU PARLEMENT SUR LE DÉPLOIEMENT DU PLAN FRANCE 2030 SONT LACUNAIRES ET LIMITENT LA PORTÉE DU SUIVI DÉMOCRATIQUE DE CE PLAN

A. LA RÉPARTITION DES FONDS DU PLAN FRANCE 2030 ENTRE SES DIX-SEPT OBJECTIFS ET LEVIERS FAIT L'OBJET DE MODIFICATIONS RÉCURRENTES SANS QUE LE PARLEMENT N'EN SOIT INFORMÉ

Le plan France 2030 a été présenté par le Président de la République, dès son lancement le 12 octobre 2021, comme un levier pour financer « dix grands objectifs » ayant pour finalité de « vivre mieux compte tenu des grands défis du monde »76(*). Par conséquent, le plan France 2030 a adopté une maquette de répartition des enveloppes du plan entre dix objectifs et sept leviers identifiés comme des « verticales d'investissement » prioritaires pour atteindre les résultats attendus en matière de redressement de la croissance potentielle et de décarbonation de l'économie. La maquette opérationnelle de répartition par objectif et levier constitue donc une information majeure sur le plan politique pour permettre au Parlement de se prononcer sur la pertinence des investissements du plan.

Pour autant, eu égard à la volonté du Gouvernement de rapidement déployer le plan France 2030, choix a été fait de ne pas transposer cette maquette de répartition sur le plan budgétaire. Par conséquent, la maquette budgétaire des programmes 424 et 425 reste structurée en action multisectorielles qui se différentient selon le niveau de maturité technologique des projets soutenus.

Les rapporteurs soulignent que la superposition de la maquette budgétaire et de la maquette opérationnelle du plan France 2030 a désormais pour effet de détériorer la qualité des informations transmises au Parlement. En effet, alors que les mouvements de crédits entres programmes sont strictement encadrés par l'article 12 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 200177(*), qui prévoit une information systématique et obligatoire des commissions des finances des deux assemblées avant tout transfert ou virement de crédits, les réallocations de fonds entre les dix objectifs et les sept leviers du plan France 2030 ne fait l'objet d'aucune obligation d'information.

L'absence d'obligation d'information dans le droit budgétaire actuellement en vigueur donne lieu à un défaut significatif de transparence du Gouvernement vis-à-vis du Parlement quant à la répartition des fonds du plan entre ses dix-sept objectifs et leviers.

Les rapporteurs spéciaux ont déjà relevé à ce titre le caractère regrettable du manque de transparence du Gouvernement sur ce point, à l'occasion en particulier d'une vaste reprogrammation intervenue le 23 octobre 2023 dans le cadre de laquelle 9 750 millions d'euros d'aides ont été réalloués entre les dix-sept enveloppes du plan sans que le Parlement ne soit consulté ni même informé78(*).

L'exercice 2025 donne une nouvelle illustration du caractère lacunaire, voire tronqué, des informations transmises au Parlement concernant la maquette opérationnelle du plan France 2030.

En effet, à l'occasion d'une réunion interministérielle qui s'est tenue le 1er avril 2025, une nouvelle répartition entre les enveloppes du plan a été diffusée par le cabinet du Premier ministre79(*). Or non seulement cette maquette actualisée n'a jamais été transmise spontanément au Parlement mais encore, dans le bilan financier trimestriel transmis au Parlement et réalisé par le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) en octobre 2025, la maquette de répartition qui figure correspond à la maquette à jour du 31 décembre 2023. Le choix de ne pas transmettre une maquette mise à jour alors même qu'une nouvelle maquette opérationnelle de référence avait été diffusée le 4 avril 2025 illustre le défaut significatif de transparence du Gouvernement dans sa communication au Parlement des informations relatives au déploiement du plan France 2030. Les informations dont font état les rapporteurs spéciaux sur la maquette opérationnelle n'ont à ce titre pas fait l'objet d'une communication spontanée mais n'ont été communiquées qu'après une demande expresse en ce sens des rapporteurs spéciaux.

B. LE PARLEMENT NE REÇOIT PAS UNE INFORMATION PRÉCISE SUR LES TRÉSORERIES DES OPÉRATEURS DU PLAN EN DÉPIT D'UNE OBLIGATION PRÉVUE PAR LA LOI

Comme l'ont relevé les rapporteurs spéciaux dans leur analyse des crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 », le lien entre les crédits ouverts en loi de finances pour un exercice et le financement des aides du plan France 2030 au cours de cette exercice est distendue par une double disjonction liée d'une part au cadre extrabudgétaire des investissements d'avenir et d'autre part au processus d'accumulation de trésorerie excédentaire fléchée sur les comptes dédiés des opérateurs du plan.

Si la première disjonction entre le « cycle opérationnel » et le « cycle budgétaire » de la dépense dans le cadre du plan France 2030 est consubstantielle au déploiement du plan et constitue la conséquence directe du cadre extrabudgétaire prévu par le législateur à l'article 8 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative80(*), la deuxième disjonction liée à l'accumulation de trésorerie excédentaire aurait pu être évitée et elle résulte d'une disproportion au cours des premières années de déploiement du plan entre le calibrage des crédits de paiement (CP) ouverts en loi de finances initiales et les besoins réels de décaissement des opérateurs du plan.

Les rapporteurs relèvent à ce titre que la communication du Gouvernement se concentre en premier lieu sur le niveau d'attribution des crédits, ce qui est cohérent avec le fait que les montants « libres d'emploi » du plan sont ceux qui n'ont pas été attribués. Pour autant, comme l'a souligné le président du Comité de suivi des investissements d'avenir (CSIA) lors de son audition par les rapporteurs spéciaux, d'un point de vue économique et pour les bénéficiaires finaux, l'indicateur le plus pertinent de suivi est bien celui des aides décaissées, c'est-à-dire effectivement versées aux bénéficiaires finaux.

C'est dans cette perspective qu'il faut appréhender l'importance pour les parlementaires de disposer d'informations claires et régulières non seulement sur les montants d'aides attribuées mais également sur les mouvements des comptes des opérateurs du plan France 2030. C'est en effet en suivant les flux réels de trésorerie observés sur ces comptes que les parlementaires peuvent avoir connaissance des décaissements réalisés et donc des liquidités nouvelles injectées dans l'économie.

C'est sur ce fondement que la commission des finances du Sénat a pris l'initiative, par un amendement de son rapporteur général Philippe Marini81(*), d'intégrer dans le cadre législatif qui régit les investissements d'avenir l'obligation d'informer trimestriellement les commissions des finances des deux assemblées de la situation des comptes dédiés aux investissements d'avenir des opérateurs (trésorerie dédiée) et des mouvements sur ces comptes.

Or les rapporteurs spéciaux relèvent, comme ils l'avaient déjà fait à l'automne dernier, que le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) ne respecte pas le III de l'article 8 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative82(*). En effet, dans les bilans financiers trimestriels qui sont transmis aux commissions des finances des assemblées, ne figurent aucune information sur le niveau de trésorerie des opérateurs du plan. Si le niveau de décaissement global des aides du plan est indiqué, la ventilation des décaissements entre les opérateurs du plan ne figure pas non plus dans ces bilans alors même que la loi prévoit que le Parlement est informé sur « les mouvements des comptes » des opérateurs du plan.

Ce défaut de diligence dans l'information du Parlement sur les trésoreries des opérateurs et les décaissements d'aides qu'ils effectuent, qui vient s'additionner à un manque de transparence sur les mouvements de fonds entre les sous-enveloppes du plan, limite la portée du suivi parlementaire qui peut être effectué du plan France 2030.

C. LE GOUVERNEMENT DISPOSE D'INDICATEURS DE PERFORMANCE SUR LE DÉPLOIEMENT DU PLAN QUI NE SONT NI TRANSMIS SPONTANÉMENT AU PARLEMENT NI RENDUS PUBLICS

En septembre 2022, le déploiement du plan France 2030 a été inclus par la Première ministre d'alors dans la liste des « politiques prioritaires du Gouvernement » (PPG) qui correspondait à la liste des politiques correspondant aux « priorités d'action sur lesquelles le Gouvernement s'engage et concentre ses ressources ».

La circulaire du Premier ministre du 19 septembre 2022 consacre la transparence comme l'un des principes directeurs de la conduite des politiques prioritaires du Gouvernement83(*).

L'objectif de transparence et de reddition de comptes mis en avant dans cette circulaire s'inscrivait dans le sillage de la mise en ligne à partir de 2021 d'un « baromètre des résultats de l'action publique » qui avait pour objet de rendre accessible à l'ensemble des citoyens des indicateurs sur les effets concrets de la dépense publique et en particulier sur le déploiement des politiques prioritaires du Gouvernement.

Par suite, l'inscription du déploiement du plan France 2030 dans la liste des politiques prioritaires du Gouvernement a eu pour effet qu'un « tableau de bord » spécifique de suivi a été construit. Il inclut 16 indicateurs d'impact liés aux objectifs et leviers, quatre indicateurs de déploiement, deux indicateurs de qualité de service et trois indicateurs transverse soit un total de 25 indicateurs quantitatifs.

Les rapporteurs spéciaux relèvent que, en contradiction avec le principe de transparence affichée lors du lancement des politiques prioritaires du Gouvernement, ces indicateurs ne font pas l'objet d'un suivi transparent par la publication des résultats en ligne sur le site du Gouvernement. Les rapporteurs spéciaux relèvent à ce titre que la page dédiée au plan France 2030 sur le « baromètre de l'action publique » du site du Gouvernement n'affiche qu'un indicateur, celui du montant d'aides attribuées, et que ce montant n'a pas été mis à jour entre le 1er décembre 2023 et le 1er octobre 2025.

De manière plus problématique pour l'effectivité du contrôle parlementaire, le tableau de bord actualisé du déploiement du plan France 2030 n'est pas transmis aux parlementaires.

Les rapporteurs insistent sur le caractère anormal de l'absence de publicité autour de ces indicateurs qui avait vocation à illustrer auprès des citoyens le bon usage de l'argent public, et sa concentration vers des projets prioritaires et utiles. Cette absence de publicité est d'autant plus surprenante que des documents transmis aux rapporteurs spéciaux à leur demande dans le cadre des questionnaires budgétaires font apparaître que les 25 indicateurs du tableau de bord font bien l'objet d'un suivi régulier mais que le résultat de ce suivi n'est diffusé ni aux membres du Parlement ni aux citoyens par le Gouvernement.

Le tableau de bord actualisé de la mise en oeuvre du plan France 2030 diffusé en avril 2025 fait ainsi apparaître que sur 24 indicateurs84(*), 18 ne présentent pas de retard significatif par rapport à la trajectoire prévisionnelle. Si les résultats font donc apparaître une performance globale satisfaisante, l'absence de publicité du tableau de bord empêche les parlementaires de s'interroger sur les voies et moyens pour corriger en priorité les retards constatés, notamment en matière de mixité des équipes soutenus et de rapidité d'instruction des dossiers.

Part des dossiers instruits en moins de six mois

(en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI

Ce défaut de transparence est incompréhensible et limite la portée du contrôle parlementaire effectué sur l'usage des fonds du plan France 2030, qui représente une masse critique de plusieurs dizaines de milliards d'investissements pour lesquels le cadre extrabudgétaire devrait être contrebalancé par un contrôle parlementaire strict.

EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 29 octobre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de MM. Laurent Somon et Thomas Dossus, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Investir pour la France de 2030 ».

M. Claude Raynal, président. - Nous allons maintenant examiner le rapport spécial sur la mission « Investir pour la France de 2030 », au sein du projet de loi de finances pour 2026.

M. Thomas Dossus, rapporteur spécial de la mission « Investir pour la France de 2030 ». - Si la mission que nous examinons comprend les crédits de décaissement des aides du troisième volet du programme d'investissement d'avenir (PIA 3), qui ont été entièrement attribuées, je concentrerai mon propos sur les programmes 424 « Financement des investissements stratégiques » et 425 « Financement structurel des écosystèmes d'innovation », qui représentent 93 % des crédits de la mission et qui servent à financer les aides du plan France 2030.

En préambule, je rappelle que les crédits de la mission ne sont pas des crédits budgétaires conventionnels. En effet, elle relève d'un cadre extrabudgétaire, fixé par la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, qui prévoit une dérogation au principe d'annualité pour les investissements d'avenir. Ce cadre extrabudgétaire a été prolongé au-delà du PIA 3 et il s'applique aux aides du plan France 2030.

Le principe de ce cadre d'exception est d'isoler le « cycle opérationnel » de déploiement des aides. Ce dernier, qui repose sur l'identification et la contractualisation avec les bénéficiaires finaux du plan, est confié intégralement et indépendamment des crédits votés annuellement à quatre opérateurs : l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), l'Agence nationale de la recherche (ANR), Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

L'ouverture des crédits de paiement (CP) intervient dans un second temps, dans le cadre d'un « cycle budgétaire » qui a pour support la mission « Investir pour la France de 2030 », et dont la particularité est que la grande majorité des crédits ouverts ont vocation à couvrir des engagements datant de plusieurs années qui ont été contractualisés par les opérateurs.

En premier lieu, les données transmises par le secrétariat général pour l'investissement (SGPI) font état de l'attribution, au 30 juin 2025, d'un montant total de 39,5 milliards d'euros d'aides au titre du plan France 2030, soit 74 % de l'enveloppe totale du plan. Or seuls 14,1 milliards d'euros ont déjà fait l'objet d'un décaissement au 30 juin 2025, soit 26 % du total. Si ces aides ont permis de soutenir 5 500 porteurs distincts de projets, il existe une disparité dans le rythme de déploiement selon les secteurs concernés. Ainsi, dans le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche, le niveau d'attribution des aides atteint 77 % et le niveau de décaissement 61 %. A contrario, pour les grands fonds marins, seulement 6 % des aides ont été décaissées après bientôt cinq années de déploiement.

En second lieu, j'en viens aux crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2026 et au schéma de financement auquel ils correspondent. Le montant total des crédits de paiement inscrits sur les programmes 424 et 425 atteint 5,1 milliards d'euros, un montant élevé, mais inférieur aux prévisions du SGPI en matière de besoins de décaissement pour l'année 2026. Par conséquent, le Gouvernement a fait le choix de répliquer en 2026 une méthode qui aurait déjà dû être exécutée cette année, selon les informations qui nous avaient été transmises à l'automne dernier : la normalisation du niveau de trésorerie des opérateurs du plan France 2030.

En effet, du fait du mécanisme extrabudgétaire que j'ai mentionné précédemment, les fonds de la mission sont versés sur les comptes des opérateurs du plan chargés de réaliser le versement au profit du bénéficiaire final. Or du fait d'un écart entre les besoins de décaissement et le calibrage initial des crédits, les opérateurs ont accumulé un niveau élevé de trésorerie, à hauteur de 5,8 milliards d'euros à la fin de l'exercice 2024. Selon le SGPI, ce niveau devrait être ramené à 2,4 milliards d'euros disponibles à la fin de cette année.

Par conséquent, le Gouvernement a fait le choix pour l'exercice 2026 de financer 75 % des besoins de décaissement par l'ouverture des 5,1 milliards d'euros de crédits de paiement sur les programmes 424 et 425 et de financer les 25 % restants, c'est-à-dire 1,7 milliard d'euros, par la mobilisation de la trésorerie excédentaire des opérateurs.

M. Laurent Somon, rapporteur spécial de la mission « Investir pour la France de 2030 ». - Pour compléter les propos de Thomas Dossus, j'attire votre attention sur le risque de débudgétisation que représente le plan France 2030. Depuis le lancement du premier volet du programme d'investissement d'avenir (PIA 1), par la loi de finances rectificative pour 2010, la commission des finances du Sénat a constamment été attentive à ce que les PIA, puis France 2030 ne deviennent pas une voie de contournement de l'autorisation parlementaire.

Or nos contrôles, en 2024, sur l'objectif de décarbonation de l'industrie, puis en 2025, sur le soutien à la recherche aéronautique civile, avec le concours de Jean-François Rapin, font apparaître l'existence d'un risque majeur d'utilisation du plan France 2030 par le Gouvernement pour contourner le contrôle parlementaire légitime sur la dépense publique.

Ainsi, le décret du 28 novembre 2024 a procédé au transfert de 1,1 million d'euros depuis le programme 424 de la mission « Investir pour la France de 2030 » vers le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » de la mission « Action extérieure de l'État ». La justification donnée par le Gouvernement est de consommer des crédits du plan France 2030 pour participer au financement du sommet sur l'intelligence artificielle qui s'est tenu à Paris en février 2025.

Or sans remettre en cause l'utilité de ce sommet pour le rayonnement de la France, nous sommes en droit de nous demander pourquoi de telles dépenses de fonctionnement conventionnelles seraient financées par une mission théoriquement réservée à des investissements d'avenir. Ce décret de transfert me semble bien illustrer le comportement que le Gouvernement adopte avec l'enveloppe du plan France 2030. Ainsi, de manière orthogonale par rapport à la doctrine d'utilisation du plan, qui prévoit l'étanchéité entre les enveloppes du plan France 2030 et les enveloppes budgétaires classiques, les lignes de France 2030 sont utilisées comme des compléments pour combler des lacunes des plans de financement.

Par ailleurs, j'insiste sur le défaut de transparence dont le Gouvernement fait preuve à l'égard du Parlement sur le déploiement du plan France 2030. Tout d'abord, nous ne sommes pas informés des réallocations de crédits entre les différentes verticales du plan France 2030. Ainsi, alors que la maquette opérationnelle de répartition entre les dix-sept objectifs et leviers constitue un élément majeur de suivi sur le plan politique, puisqu'il établit les priorités du Gouvernement en matière d'investissement, elle n'est pas transmise régulièrement au Parlement et nous ne sommes pas spontanément tenu au courant lors de ses mises à jour.

Je relève, sur ce point, qu'une nouvelle maquette de répartition entre les verticales a été arrêtée par le Gouvernement lors d'une réunion le 1er avril dernier. Pour autant, par négligence peut-être, le Gouvernement ne la fait pas apparaître dans le bilan financier trimestriel établi à l'intention du Parlement au début du mois d'octobre 2025. Par conséquent les informations relèvent de l'ancienne maquette de répartition, qui date de décembre 2023.

Ensuite, le Parlement n'est pas informé de l'état des trésoreries des opérateurs du plan. Or, comme l'a expliqué Thomas Dossus, ces derniers ont accumulé des niveaux importants de trésorerie depuis 2021. Or un suivi effectif suppose de connaître cette information, qui ne figure pas dans les bilans financiers trimestriels transmis au Parlement alors même que la loi prévoit expressément la transmission de cette information à la commission des finances de chaque assemblée.

Pour compléter cet état des lieux, le comité de surveillance des investissements d'avenir (CSIA), que nous avons auditionné, n'a pas remis de rapport annuel en 2024. Nous serons, par conséquent, particulièrement attentifs au rapport de suivi du déploiement du plan qui doit être publié par le CSIA au mois de décembre 2025, et qui sera le premier rapport d'évaluation globale publié par le comité depuis juin 2023.

Enfin, je relève le choix du Gouvernement de ralentir le déploiement du plan. En effet, en 2021, la programmation initiale du plan France 2030 prévoyait que l'intégralité des aides du plan serait attribuée avant la fin de l'exercice 2026. Or cet objectif a été abandonné lorsque le Gouvernement a commencé à réduire, au cours de l'exercice 2024, le rythme de déploiement du plan. Pour l'exercice 2026, le Gouvernement décélère encore, les 3,5 milliards d'euros de nouvelles aides programmées représentant une baisse de 30 % par rapport à 2025 et de 55 % par rapport à 2024. En qualité de rapporteurs spéciaux, nous en prenons acte.

Nous vous proposons de rendre un avis favorable sur l'adoption des crédits de la mission. Toutefois, à titre individuel, j'indique que cette position devra être réexaminée au regard du texte transmis, notamment de sa partie fiscale. En effet, si l'on comprend la volonté du Gouvernement de soutenir, au travers du plan France 2030, l'innovation et l'émergence de nouveaux champions dans notre tissu productif, ce soutien ne doit pas intervenir à n'importe quelles conditions. Ainsi, dans l'hypothèse où le texte transmis prévoirait une aggravation lourde de la fiscalité des entreprises, nous aurions le devoir de nous interroger sur le risque de déstabilisation de nos champions actuels, qui se sont patiemment construits dans plusieurs secteurs industriels de pointe, au motif d'en faire émerger de nouveaux. Nous restons donc dans l'attente du texte qui nous sera transmis par nos collègues de l'Assemblée nationale.

Après avoir présenté les crédits de la mission, je vous propose à titre individuel un amendement tendant à suivre un double objectif de responsabilité budgétaire et de mise en application des recommandations d'un de nos rapports.

Tout d'abord, serait dégagée une économie de 365 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) sur les crédits de la mission. En effet, le Gouvernement propose d'utiliser le projet de loi de finances pour 2026 comme véhicule pour porter un abondement additionnel à l'enveloppe du plan France 2030 à hauteur de 450 millions d'euros, qui s'ajouterait à l'enveloppe pluriannuelle déjà existante de 54 milliards d'euros. Prévoir 450 millions d'euros supplémentaires, à l'heure où nous cherchons des économies dans tous les programmes, est donc à contretemps. Nous proposons de neutraliser cette hausse.

Ensuite, certains sujets stratégiques méritent d'être traités en priorité, dont la recherche industrielle dans le secteur aéronautique. Comme nous l'avions rappelé dans le rapport d'information sur le Financement public de la recherche aéronautique civile, que j'ai présenté avec nos collègues Thomas Dossus et Jean-François Rapin en juillet dernier, il s'agit d'un secteur d'excellence que nous devons préserver. La cible de 300 millions d'euros de financement annuel du guichet du Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac) doit donc être tenue, alors que le projet de loi de finances ne prévoit qu'un financement de 215 millions d'euros. Voilà pourquoi cet amendement, suivant la première recommandation de notre rapport, ouvre 85 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 8,5 millions d'euros de crédits de paiement (CP).

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je ressens l'inquiétude de nos rapporteurs spéciaux quant au fonctionnement du dispositif France 2030. La dotation de 54 milliards d'euros dépasse largement l'épaisseur du trait du crayon. Pour autant, nous constatons un manque flagrant de transparence sur ce sujet.

Or, moins j'ai d'informations, plus je me pose de questions... Je ne suis pas rassuré par le fonctionnement de l'organisme qui gère ces fonds. Les remarques des deux rapporteurs sur le manque de transparence me préoccupent.

Il est crucial de remédier rapidement à cette situation. De plus, vu le contexte, alors que nous avons une connaissance imparfaite de l'utilisation des fonds et que l'enveloppe globale se monte à 54 milliards d'euros, il est déplacé de demander presque un demi-milliard d'euros supplémentaire. Ce n'est ni raisonnable ni responsable, et ressemble un peu à un moment d'égarement.

M. Claude Raynal, président. - Je comprends, messieurs les rapporteurs spéciaux, votre intention d'atteindre la cible de 300 millions d'euros pour le Corac. En revanche, pourquoi les crédits de paiement n'équivalent-ils qu'à 10 % du montant des autorisations d'engagement ? En effet, il me semblait que le Corac consommait ses crédits assez rapidement.

M. Vincent Delahaye. - Tout comme le rapporteur général, je m'étonne de cette absence de transparence et de communication. Les rapporteurs spéciaux se sont-ils rendus au ministère pour procéder à un contrôle sur pièces, l'un des rares pouvoirs dont nous disposons ? Le Gouvernement ne peut pas refuser de transmettre des informations, alors que celles qui l'ont été semblent insuffisantes compte tenu des montants en jeu.

Le rythme de décaissement des aides mentionné dans la note de synthèse ne porte que sur quatre ans. J'aurais souhaité une vision d'ensemble depuis le départ, mais aussi sur les années à venir, étant donné que l'on a accordé 39 milliards d'euros d'aides et que l'on n'en a décaissé que 14 milliards d'euros.

Sur la trésorerie des opérateurs, si nous exigeons l'information, je ne vois pas comment on pourrait nous la refuser.

Lors du lancement du PIA 1, le Gouvernement a mis en place un mécanisme de financement non conventionnel : les dotations non consommables (DNC), mentionnées dans l'objet de l'amendement des rapporteurs spéciaux. Celles-ci représentent une recette de 7 milliards d'euros, provenant de l'ANR. Comment ce mécanisme fonctionne-t-il ? D'autres mouvements sont-ils prévus ? J'en comprends qu'il s'agit de dotations au rendement financier plus élevé que le coût de l'emprunt ayant permis de les financer. Toutefois, vu les taux d'intérêt actuels de la France, l'opération risque d'être difficile à reproduire... Quel est l'état actuel des DNC ? Les 7 milliards d'euros récupérés cette année sont-ils la totalité des sommes attendues ?

M. Marc Laménie. - Nos rapporteurs spéciaux soulèvent des problèmes essentiels, dont le manque de transparence. Leurs recommandations sont d'actualité et de qualité.

Je dresse un parallèle avec le travail important réalisé, au premier semestre 2025, au sein de la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, présidée par Olivier Rietmann et dont Fabien Gay était le rapporteur. Pour le plan France 2030, pas moins de 39 milliards d'euros d'aides ont été attribués, ce qui contribue à créer des emplois et de l'activité économique. Ainsi quatre opérateurs - la CDC, Bpifrance, l'ANR et l'Ademe - sont face à 5 500 bénéficiaires. Quelle est la typologie des entreprises aidées ? Vu le niveau élevé de la trésorerie des opérateurs, il existe peut-être des moyens de réaliser encore des économies.

M. Michel Canévet. - Les trésoreries excédentaires des opérateurs pourraient donner à notre rapporteur général des idées de propositions à formuler pour cette année...

Comment les opérateurs peuvent-ils avoir de telles trésoreries, particulièrement l'Ademe et l'ANR, qui n'ont pas d'activités bancaires, contrairement à la CDC et à Bpifrance ?

Est-il pertinent de conserver le SGPI, qui est, finalement, un démembrement de l'État ? Ne serait-il pas plus efficace que l'État intervienne directement, vu l'état d'avancement du plan ? Des autorisations d'engagement supplémentaires ont-elles été proposées dans le cadre de ce projet de loi de finances ?

Il conviendrait de privilégier les avances remboursables par rapport aux subventions, notamment parce que ces dernières ont tendance à fausser la concurrence. Comment l'État arbitre-t-il entre ces deux modes d'intervention ?

Quel est le bilan de France 2030 ? Les objectifs sont-ils atteints, y compris en termes de consommation des crédits ? Pour ceux qui s'intéressent aux régions, il est apparu que l'on pousse parfois à la consommation pour financer des projets ne le nécessitant pas, afin de consommer l'enveloppe. Cet état d'esprit est-il bien présent ?

Enfin, quels sont les résultats concrets de cette politique, alors que des filières, comme celle des panneaux solaires, sont en difficulté ?

M. Jean-François Rapin. - Vu notre situation budgétaire, et alors que nous assistons à un concours Lépine de la dépense, nous devons peut-être réfléchir différemment et de manière plus pragmatique. Notre pays représente 0,8 % de la population mondiale et à peine 2,8 % du PIB mondial. Pouvons-nous nous permettre d'avoir les yeux plus gros que le ventre aujourd'hui ? Il faut arrêter le saupoudrage qui, d'ailleurs, provoque un sérieux problème : celui de la transparence, comme nous le dénonçons depuis des années.

Il faut donc nous concentrer sur les domaines où nous sommes champions, comme l'aéronautique, qui nous permet de réduire le déficit de la balance commerciale, avec 58 milliards d'euros de ventes à l'export en 2024. L'éparpillement est néfaste pour tous, y compris pour la recherche, puisque nous sous-investissons parfois dans les secteurs où nous excellons.

M. Pierre Barros. - Vivement 2030 ! Que le plan France 2030 se termine, car il soulève clairement des questions en termes de moyens et de méthode... Nous convergeons sur ce point, comme le montrent les commissions d'enquête sur les aides aux grandes entreprises, qui ont révélé le montant de 211 milliards d'euros d'aides, peut-être encore plus élevé en réalité, et sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État. Dans le cadre de cette dernière, comme Christine Lavarde pourrait le confirmer, lorsque nous avions auditionné le SGPI, nous avions conclu que nous pouvions légitimement nous interroger sur son utilité, d'autant qu'il s'agit d'un opérateur d'opérateurs. Le SGPI, aujourd'hui, ne représente pas grand-chose, mais donne beaucoup de travail à tout le monde et engendre des dépenses.

Par ailleurs, je rejoins notre collègue Canévet sur la question de l'évaluation. Certains éléments montrent que le dispositif ne fonctionne pas si bien que cela. Je me souviens notamment du cas de STMicroelectronics, qui, à coups de milliards, a bénéficié de moyens très importants pour créer de l'emploi et des usines. Or, plutôt que 1 000 emplois créés, nous avons obtenu 1 000 emplois supprimés. Le milliard d'euros investi par le SGPI n'a donc pas abouti à une réalisation concrète. Ce machin est hors de contrôle. Il faudrait faire disparaître cette structure, car il y a mieux à faire.

En revanche, il y a un véritable travail d'accompagnement économique à mener. Nous le faisons déjà, à mon sens, à de nombreux niveaux, et certainement de manière beaucoup plus efficace et plus qualitative. En tout cas, nous ne devrions pas attendre 2030 pour que cela s'arrête.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Je ne puis qu'encourager les rapporteurs à utiliser tous les moyens à leur disposition pour approfondir leurs travaux. En effet, ce que vous avez dénoncé aujourd'hui, vous le dénoncez chaque année.

La Cour des comptes a d'ailleurs fait de même s'agissant des difficultés à contrôler ce processus, en raison à la fois de sa gouvernance, du niveau de complexité des circuits financiers, de l'insuffisante transparence et de la multitude d'intervenants dans le processus. A été également souligné le choix d'intervenir principalement sous forme de subventions plutôt que d'avances remboursables ou d'investissement en fonds propres, dans une forme de socialisation des pertes et de privatisation des profits.

La recherche dans le domaine de la défense bénéficie-t-elle de France 2030 ?

Enfin, si je suis favorable à votre amendement, je m'interroge sur l'opportunité de rejeter l'ensemble des crédits, afin d'émettre un signal.

M. Stéphane Fouassin. - Le plan France 2030 a notamment pour objet de rattraper le retard industriel français, d'investir massivement dans les technologies innovantes et de soutenir la transition écologique. Pourtant, je ne vois pas les outre-mer sur la cartographie qui nous est présentée. En bénéficient-ils ?

M. Vincent Capo-Canellas. - S'agissant des crédits du Corac, je soutiens évidemment la proposition qui est faite de tenir l'engagement pris à l'égard de la filière de l'aviation civile par les précédents gouvernements. C'est l'un des derniers éléments de compétitivité, avec le crédit d'impôt recherche (CIR), qui lui permette d'envisager son avenir chez nous, malgré le niveau des charges et les faibles incitations à maintenir les chaînes industrielles.

De nombreux engagements existent sur ce sujet, notamment sur la décarbonation et sur la succession de l'A320. Nous devons montrer à la filière que nous savons tenir nos engagements.

M. Christian Bilhac. - Nous sommes tous d'accord pour investir pour l'avenir, parce que l'on ne peut gérer un pays au fil de l'eau. Le problème, cependant, c'est le flou qui entoure cet investissement. Quels sont les objectifs ? Quelles sont les cibles ? Quels sont les critères ?

Face à ces questions, nous avons quatre opérateurs, avec leurs propres sous-directions et leurs marottes. Je rejoins Jean-François Rapin : tout cela relève du saupoudrage, du gaspillage, et nous manquons nos cibles. Les objectifs, que nous ne connaissons pas, sont-ils atteints ? Qui contrôle ? En tout cas, ce n'est pas nous ! Je doute même que qui que ce soit le fasse.

Pour ma part, j'ai la nostalgie du Plan, tel qu'on l'appelait à l'époque du général de Gaulle. Ainsi, dans ce qui était encore le Languedoc-Roussillon, il avait été décidé d'aménager le littoral avec la mission Racine, nommée d'après Pierre Racine, son patron : il fixait les objectifs, il décidait et on avançait. Et en cinq ans, ce fut fait ! Voilà ce qu'est une planification, une vision d'avenir. Mais aujourd'hui, nous ne savons pas où nous allons.

Nous l'avons vu lors de la présentation par Christine Lavarde de son rapport sur l'écotaxe, intitulé Soutien de l'État à la prévention et la valorisation des déchets ainsi qu'à l'économie circulaire. La taxe créée pour financer l'économie circulaire ne suffisant pas, on triple la participation de l'État, avec quatre ministères pour contrôler, pour évaluer, pour sanctionner, mais sans communication entre eux. Là encore, on gaspille.

Tant que nous continuerons à multiplier les opérateurs, les machins, les trucs et les bidules, cela nous coûtera énormément. Jean-Louis Borloo parle de 150 milliards d'euros par an qui se perdent en suradministration, de doublons, de triplons. Peut-être ce montant est-il surestimé, mais si nous pouvions économiser ne serait-ce que 80 milliards d'euros, ce ne serait pas mal...

Il faut donc, d'une manière ou d'une autre, supprimer toutes ces dépenses de structure. En effet, à l'issue d'un coup de rabot budgétaire, la seule chose qui n'est pas affectée, ce sont les frais d'administration. On ne diminue que les versements opérationnels. Par conséquent, plus on rabote, moins on est efficace, et plus la part de la technostructure augmente !

M. Raphaël Daubet. - Je souscris, bien évidemment, aux critiques sur la transparence, qui fait défaut, sur la gouvernance, floue, et sur l'absence de secteurs ciblés, surtout compte tenu de nos contraintes budgétaires.

Cependant, je voudrais émettre une réserve : il est important de soutenir certaines filières. La recherche et l'innovation sont essentielles, et ce dans d'autres secteurs que l'aéronautique. Je songe en particulier, dans mon département du Lot, aux mobilités décarbonées. Ainsi, des PME de 200 ou 300 employés travaillent sur les moteurs électriques, produisent des objets de haute technologie ou exercent dans le domaine de l'intelligence artificielle et de la robotique. Les soutenir est un défi, même si ces plans n'ont peut-être pas fait la preuve de leur efficacité.

M. Claude Raynal, président. - La tonalité de notre discussion est quelque peu rude pour France 2030. Certes, les critiques sur la transparence, la visibilité et le suivi ne font pas débat. Toutefois, je rappelle que le dispositif avait été créé pour accélérer des dynamiques par trop lentes dans certains domaines, dont l'innovation. L'idée n'est donc pas à rejeter, alors que, dans certains cas, elle a permis d'avancer utilement. N'oublions pas qu'auparavant, nous déplorions notre incapacité à lancer des projets...

Il faut aussi écouter les entreprises, qui considèrent que France 2030 a été bénéfique pour leur projet. Certes, ce type de formule entraîne sans doute plus d'échecs que d'autres, plus classiques, mais l'échec fait partie de l'innovation - à condition, évidemment, qu'il n'y ait pas que des échecs. C'est là qu'intervient la notion de bilan. Il y a donc des choses à améliorer, mais gardons à l'esprit que la démarche n'est pas inutile.

M. Laurent Somon, rapporteur spécial. - Le principe de France 2030 était de soutenir l'innovation, au moyen d'un cadre pluriannuel tout à fait exceptionnel, nécessaire pour la visibilité des entreprises qui investissent dans des technologies d'avenir. Comme cela a été dit, monsieur Barros, en matière d'innovation, il y a toujours un risque d'échec. Cependant, des efforts sont faits, même dans des situations complexes. Dans mon département de la Somme, certains acteurs, soutenus par France 2030, peinent à trouver un marché mature, mais nous savons que, demain, ce marché existera. Ne jetons donc pas le bébé avec l'eau du bain.

Pour revenir à la question du président Raynal, nous nous sommes renseignés auprès de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) qui nous a confirmé qu'environ 10 % des autorisations d'engagement (AE) consommées par les aides du guichet Corac pendant un exercice donnait lieu à une consommation de crédits de paiement pendant le même exercice.

M. Thomas Dossus, rapporteur spécial. - Je m'associe aux propos sur la vision globale de France 2030, qui relève d'une bonne philosophie : disposer d'une enveloppe propre à l'innovation, préservée des aléas budgétaires et permettant de financer sur le long terme. La question du pilotage et de la transparence des informations est, en revanche, le coeur du problème. Le CSIA, où siègent des parlementaires, devrait nous rendre un rapport d'évaluation à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine.

Le fonctionnement du SGPI, directement relié au Premier ministre, est particulier : il peut faire preuve à la fois de souplesse, de rapidité à instruire des dossiers et d'une capacité à débloquer très rapidement des appels d'offres. En contrepartie, il pose le problème du contrôle et de la transparence. Concernant le pilotage financier, le SGPI ne dispose que de quelques personnes, ce qui est peu pour suivre les trésoreries au mois le mois, d'autant qu'il s'agit de financer l'incertitude.

En effet, des appels d'offres sont lancés avec des objectifs précis. Le cas de STMicroelectronics est un bon exemple, avec un investissement fort de France 2030 en Isère, à Crolles, pour construire une usine de puces électroniques. Or le partenaire américain a décidé de décaler ses investissements. La somme provisionnée ne correspondant pas aux besoins initiaux et il faut s'adapter.

Il en va de même, à Dunkerque, pour ArcelorMittal, qui a lui-même suspendu l'apport de 850 millions d'euros de France 2030. Cependant, l'Ademe continue de disposer de fonds provisionnés en cas de revirement du groupe sur la décarbonation de ses hauts fourneaux. Dans ce cas, l'Agence doit pouvoir les décaisser dès que nécessaire. C'est ce décalage entre les appels d'offres et les décaissements qui crée un flou sur la trésorerie des opérateurs. Je suis d'accord, toutefois, sur l'éparpillement des objectifs, qui devra nous mobiliser pour les années à venir.

En France, le secteur privé ne finance ni le risque ni l'innovation, qui dépend donc de fonds publics. L'écosystème de financement n'est pas le même aux États-Unis, par exemple. En France, les premiers risques que prennent les start-ups sont financés par le public et par France 2030. Cette question pose donc bien problème. S'agissant du type d'entreprise financée, nous sommes à 19 % de PME, 33 % de grandes entreprises, 3 % d'ETI, 22 % d'organismes de recherche de collectivités ou d'établissements public et 23 % pour d'autres entités. Le dispositif est donc assez équilibré.

Une attention particulière est portée sur l'ensemble des territoires, y compris d'outre-mer, bel et bien concernés par France 2030.

Concernant les opérateurs et leurs frais de gestion, ils instruisent les appels d'offres, les publient et les contractualisent. L'Ademe nous a ainsi indiqué hier, en audition, que ses frais de gestion étaient plafonnés à 2,5 % de l'enveloppe d'aides sous gestion.

Selon moi, nous devons conserver cet outil, important pour financer ce qui ne l'est pas ailleurs. En revanche, dix-sept objectifs et 5 500 bénéficiaires, c'est beaucoup. Peut-être y a-t-il là matière à travailler sur un recentrage du fonds.

M. Vincent Delahaye. - Les bénéficiaires sont-ils satisfaits des aides ?

M. Laurent Somon, rapporteur spécial. - Le SGPI a procédé à une enquête de satisfaction auprès des opérateurs et des entreprises qui ont reçu des aides, ou à qui elles ont été refusées. La plupart des entités étaient plutôt satisfaites lorsqu'elles avaient reçu une aide, tandis que d'autres avaient trouvé le montage financier trop complexe. Il semblerait donc que le bilan, qui doit encore nous être transmis, soit globalement positif.

Le dispositif des intérêts des dotations non consommables (IDNC) s'est avéré fort curieux. Créé en 2010, il a consisté en une dotation pour quinze ans, dont les intérêts, d'environ 2 à 3 %, permettaient de financer certaines aides des investissements d'avenir. Le dispositif se termine au 31 décembre 2025 pour les dotations dévolues à l'Agence nationale de la recherche (ANR). Désormais, l'État a privilégié l'ouverture d'une nouvelle ligne de crédit. Je vous ai demandé de ne pas voter cette mesure, car elle conduit à augmenter les autorisations d'engagement, alors que le montant global de l'enveloppe du plan France 2030 atteint déjà 54 milliards d'euros.

Concernant l'organisation, nous avons demandé au SGPI dans quelle mesure il était possible de se recentrer sur certaines priorités, par exemple en puisant sur une thématique pour en financer une autre. Il nous a cependant été répondu que ce n'était pas envisagé, tout en précisant qu'un arbitrage du Premier ministre pouvait quasiment constituer une injonction à satisfaire une priorité nouvellement identifiée. Ainsi, abonder les autorisations d'engagement pour compenser la fin des IDNC semble illogique, alors qu'il faudrait déployer l'enveloppe existante.

En outre, les instituts financés par les IDNC savaient depuis 2010 que, au terme de quinze ans, ils n'auraient plus accès à ce financement, qui atteignait 600 millions d'euros par an depuis 2021. L'ouverture de crédits proposée, de 450 millions d'euros, servirait à verser chaque année 150 millions d'euros à ces instituts.

Concernant la trésorerie des opérateurs, je vous rappelle que, l'année dernière, nous avions déjà essayé de procéder à une ponction pour équilibrer le budget et rendre une copie budgétaire cohérente.

On nous a expliqué que le SGPI gère l'imprévisible et que cette imprévisibilité rendait complexe le suivi détaillé de la trésorerie des opérateurs. Quand un conventionnement est signé, s'impose l'obligation de prévoir les paiements au fur et à mesure que les projets évolueront. Or ils sont plus souvent en retard qu'en avance, d'où une trésorerie qui s'accumule.

Nous pouvons prendre l'exemple du projet d'ArcelorMittal, pour lequel un décaissement de 850 millions d'euros étalé dans le temps était prévu. Compte tenu des annonces que ce groupe a faites, sa convention pourrait devenir caduque au 31 décembre. C'est une illustration des événements imprévus qui peuvent perturber les trajectoires de décaissement des projets et qui ont un impact sur la trésorerie des opérateurs.

Des ponctions de ces trésoreries ont déjà eu lieu, et pourraient se reproduire. Sur les informations relatives à la trésorerie prévisionnelle des opérateurs en fin d'année, nous n'avons obtenu de données fines sur ce point qu'après avoir insisté auprès du SGPI. Par conséquent, monsieur Delahaye, nous n'avons pas procédé à un contrôle sur place et sur pièces. Nous aurions toutefois pu le faire si nous n'avions pas reçu ces données.

La gouvernance est, en effet, complexe. Pour le SGPI, les changements successifs de Premier ministre nuisent au fonctionnement et à la fluidité du dispositif. Concernant la problématique des opérateurs, la direction générale des entreprises (DGE) pourrait tout aussi bien gérer ces dispositifs. Surtout, le SGPI sert parfois de bouée de sauvetage sur demande du Premier ministre.

La recherche dans le domaine de la défense n'est pas incluse dans le périmètre de France 2030 comme étant l'un des dix-sept objectifs et leviers, même si certaines verticales d'investissement du plan ont un caractère dual dont notamment les domaines de la santé, de l'aéronautique ou du spatial.

Enfin, sur le mode d'intervention, les industriels préfèrent les subventions, qui représentent une forte proportion des aides. Le SGPI nous a confirmé tendre vers un niveau de 50 % d'avances remboursables et 50 % de subventions. Cela dépend toutefois des entreprises : il est plus difficile, pour une start-up, d'envisager des avances remboursables, car l'innovation comporte des risques.

Article 49

L'amendement II-17(FINC.1) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 », sous réserve de l'adoption de son amendement.

*

* *

Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à l'examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 29 octobre, la commission des finances a adopté les crédits de la mission tels que modifiés par un amendement.

Je vous propose, en complément des économies proposées par notre rapporteur spécial Laurent Somon, un amendement tendant à réduire le déficit du budget de l'État à hauteur de 1 milliard d'euros. Cette économie est obtenue principalement par l'instauration d'une « année blanche » pour le plan France 2030, c'est-à-dire par la suspension de l'attribution de nouvelles aides à partir du 1er janvier prochain.

Il restera au sein de la mission une enveloppe de 4,3 milliards d'euros après prise en compte de mon amendement, qui contient également des économies sur la trésorerie des opérateurs du plan France 2030. Par conséquent, les aides attribuées jusqu'à la fin de l'année 2025 pourront bien faire l'objet de décaissement et l'année blanche ne concernera que les nouveaux projets.

M. Thomas Dossus, rapporteur spécial de la mission « Investir pour la France de 2030 ». - Je découvre l'amendement de notre rapporteur général. Les auditions que nous avons menées ont montré que les opérateurs du plan étaient plutôt à l'os pour décaisser les engagements pris. Cet amendement est de nature à mettre en danger la politique de soutien à l'innovation en France dans un contexte de compétition économique internationale.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Il ne vous aura pas échappé que la dérive des comptes publics vient notamment des exercices 2023 et 2024. Au cours de ces deux dernières années, le Gouvernement a systématiquement surestimé les besoins des décaissements des opérateurs du plan France 2030. Il a proposé l'annulation de 1,2 milliard d'euros puis de 1,6 milliard d'euros de crédits de paiement (CP) en loi de finances de fin de gestion respectivement en 2024 et 2025. Tout en étant rigoureux, je veille à ne pas mettre en danger l'exécution du plan France 2030 : les deux derniers exercices démontrent qu'il y a des réserves. Une bonne gestion ne nuit pas au suivi de la qualité, par notre assemblée, de la mise en oeuvre du plan France 2030.

L'amendement II-19 (FINC.6) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Comité de surveillance des investissements d'avenir (CSIA)

- M. Éric LABAYE, président ;

- M. Xavier RAHER, rapporteur général.

Secrétariat général pour l'investissement

- M. Bruno BONNELL, secrétaire général.

Agence de l'énergie et de la maîtrise de l'environnement (Ademe)

- Mme Patricia BLANC, directrice générale déléguée ;

- M. Régis Le BARS, directeur adjoint entreprises et transitions industrielles.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2026.html


* 1 Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificatives pour 2010.

* 2 La croissance potentielle correspond au rythme maximal auquel une économie pourrait progresser sans accélérer l'inflation. Elle dépend notamment du stock de capital, de la population active et de la productivité globale des facteurs (PGF). Les aides publiques du programme d'investissement d'avenir (PIA) ont pour objectif de soutenir la hausse de la productivité globale des facteurs (PGF) par l'innovation.

* 3 Lettres de mission du Président de la République en date du 6 juillet 2009 à MM. Alain Juppé et Michel Rocard.

* 4 Alain Juppé, Michel Rocard, novembre 2009, Investir pour l'avenir. Priorités stratégiques d'investissement et emprunt national.

* 5 Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificatives pour 2010.

* 6 Sénat, commission des finances, compte rendu de la séance du mardi 9 février 2010.

* 7 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 8 Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 9 Sénat, commission des finances, compte rendu de la séance du mardi 9 novembre 2016.

* 10 Projet de loi de finances pour 2017, mission « Investissements d'avenir », projet annuel de performances (PAP), p. 10.

* 11 Réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux.

* 12 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 13 Projet de loi de finances pour 2021 (PLF 2021), mission « Investissements d'avenir », projet annuel de performances (PAP), p. 100.

* 14 Projet de loi de finances pour 2022 (PLF 2022), annexe générale, Rapport relatif à la mise en oeuvre et au suivi des investissements d'avenir, p. 16.

* 15 Après la mise en extinction du Fonds pour l'innovation et l'industrie en 2023, l'enveloppe totale de financement par le FII du plan France 2030 a été révisée à 200 millions d'euros (montants constatés pour 2021 et 2022). La fermeture a toutefois été compensée par l'ouverture de 263 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) sur le programme 425 « Financement structurel des écosystèmes d'innovation » par la loi de finances initiale pour 2023.

* 16 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 17 Discours du Président de la République du 12 octobre 2021 à l'occasion de la présentation du plan France 2030.

* 18 Projet de loi de finances pour 2023 (PLF 2023), annexe générale, Rapport relatif à la mise en oeuvre et au suivi des investissements d'avenir, p. 14.

* 19 Selon le principe dit « DNSH », correspond à l'acronyme de l'anglais Do No Significant Harm.

* 20 Art. 8 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 modifié.

* 21 Projet de loi de finances pour 2024 (PLF 2024), annexe générale, Rapport relatif à la mise en oeuvre et au suivi des investissements d'avenir, p. 178.

* 22 Comité de surveillance des investissements d'avenir (CSIA), juin 2023, France 2030. Lancement maîtrisé d'un plan d'investissements à impacts majeurs, p. 36.

* 23 Compte-rendu de la réunion interministérielle du 23 octobre 2023 relative à France 2030.

* 24 Cf. le II de la troisième partie de ce rapport pour des développements sur le manque de transparence du Gouvernement vis-à-vis du Parlement dans le déploiement du plan France 2030.

* 25 Les rapporteurs spéciaux relèvent à cet égard que les écarts entre l'enveloppe initiale de 54 milliards d'euros et les montants totaux indiqués à l'occasion des programmations successives dans la maquette opérationnel du plan rendent malaisé le suivi transparent du déploiement du plan.

* 26 Le seuil au-delà duquel le Premier ministre ne peut déléguer sa signature du SGPI pour l'attribution d'une aide est de 15 millions d'euros par bénéficiaire.

* 27 Art. 8 de la L. du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

* 28 Décret n° 2017-1706 du 18 décembre 2017 relatif au secrétaire général pour l'investissement.

* 29 Décret n° 2010-80 du 22 janvier 2010 relatif au commissaire général à l'investissement.

* 30 Convention du 8 avril 2021 entre l'État, d'Ademe, l'Agence nationale de la recherche, la Caisse des dépôts et consignations l'EPIC Bpifrance et la société anonyme Bpifrance encadrant les dispositions communes aux conventions relatives à la mise en oeuvre du quatrième programme d'investissements d'avenir.

* 31 III de l'art. 8 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificatives pour 2010.

* 32 Cette étape correspond à l'octroi d'une enveloppe à un projet sélectionné mais ne correspond pas à un engagement au sens strict. Par conséquent, il est préférable de parler d'attribution.

* 33 Réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux.

* 34 Convention du 14 février 2017 entre l'État et l'ANR.

* 35 Convention du 21 septembre 2017 entre l'État et l'ANR.

* 36 Convention du 22 décembre 2017 entre l'État et l'ANR.

* 37 Convention du 22 décembre 2017 entre l'État et l'ANR.

* 38 Convention du 14 février 2017 entre l'État et l'ANR.

* 39 Convention du 29 décembre 2017 entre l'État et la CDC.

* 40 Convention du 28 décembre 2017 entre l'État et Bpifrance.

* 41 Projet de loi de finances pour 2026, mission « Investir pour la France de 2030 », projet annuel de performance (PAP), p. 49.

* 42 Convention du 10 mai 2017 entre l'État et la CDC.

* 43 Convention du 29 décembre 2017 entre l'État et l'Ademe.

* 44 Convention du 29 décembre 2017 entre l'État et l'ANR.

* 45 Avenant n° 6 du 28 décembre 2017 à la convention du 29 juillet 2010 entre l'État et l'ANR.

* 46 Convention du 21 mars 2017 entre l'État et l'ANR.

* 47 Convention du 15 décembre 2017 entre l'État et l'Ademe.

* 48 Convention du 13 octobre 2010 entre l'État et l'EPIC Bpifrance.

* 49 Convention du 7 avril 2017 entre l'État et l'EPIC Bpifrance.

* 50 Avenant n° 1 du 16 janvier 2019 à la convention du 7 avril 2017 entre l'État et l'EPIC Bpifrance.

* 51 Avenant n° 2 du 3 août 2020 à la convention du 7 avril 2017 entre l'État et l'EPIC Bpifrance.

* 52 Convention du 31 mars 2022 entre l'État, l'EPIC Bpifrance et la SAS Bpifrance Investissement.

* 53 Convention du 29 décembre 2017 entre l'État et la CDC.

* 54 Avenant n° 2 du 10 décembre 2021 à la convention du 29 décembre 2017 entre l'État et la CDC.

* 55 Philippe Tibi, juillet 2019, Financer la quatrième révolution industrielle. Lever le verrou du financement des entreprises technologiques.

* 56 Projet de loi de finances pour 2024 (PLF 2024), annexe générale, Rapport relatif à la mise en oeuvre et au suivi des investissements d'avenir, p. 178.

* 57 Convention du 21 juin 2021 entre l'État et l'ANR.

* 58 Convention du 2 juin 2021 entre l'État, l'ANR, l'Ademe, l'EPIC Bpifrance et la SA Bpifrance.

* 59 Convention du 8 avril 2021 entre l'État, l'ANR, l'Ademe, la CDC, l'EPIC Bpifrance et la SA Bpifrance.

* 60 Convention du 4 juin 2021 entre l'État, l'Ademe, l'ANR, la CDC, l'EPIC Bpifrance et la SA Bpifrance.

* 61 Convention du 16 mars 2022 entre l'État, l'Ademe, l'ANR, la CDC, l'EPIC Bpifrance et la SA Bpifrance.

* 62 Convention du 2 décembre 2022 entre l'État, l'EPIC Bpifrance et la SAS Bpifrance Investissements.

* 63 Convention du 22 août 2023 entre l'État, l'EPIC Bpifrance et la SAS Bpifrance Investissements.

* 64 Convention du 2 juin 2021 entre l'État, l'ANR et la CDC.

* 65 Convention du 21 avril 2023 entre l'État et la CDC.

* 66 Convention du 12 avril 2024 entre l'État et la CDC.

* 67 Secrétariat général pour l'investissement (SGPI), Bilan financier du plan France 2030, 2e trimestre 2025.

* 68 Les régions Île-de-France, Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes.

* 69 Il s'agit des objectifs n° 2 « Hydrogène et énergies renouvelables », n° 3 « Décarbonation de l'industrie » et n° 8 « Culture, création, immersion ».

* 70 Le SGPI estime qu'en moyenne une aide attribuée pendant un exercice entraînera un décaissement de 11 % du montant de l'aide l'année de son attribution.

* 71 Pour rappel, les projets soutenus ont une durée moyenne de sept ans.

* 72 C'est-à-dire l'attribution des dernières aides du plan France 2030, sous réserve des décaissements associés qui s'échelonnent dans le temps.

* 73 Amendement n° II-2034 du Gouvernement adopté avec avis favorable de la commission des finances prévoyant une réduction des crédits de la mission à hauteur de 535 M€ en crédits de paiement.

* 74 Loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.

* 75 Sénat, commission des finances, 9 juillet 2025, n° 846 (2024-2025), Rapport d'information relatif au financement public de la recherche aéronautique civile, au rapport des sénateurs Rapin, Somon et Dossus.

* 76 Discours du Président de la République du 12 octobre 2021 à l'occasion de la présentation du plan France 2030.

* 77 Loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances.

* 78 Compte-rendu de la réunion interministérielle du 23 octobre 2023 relative à France 2030.

* 79 Compte-rendu de la réunion interministérielle du 1er avril 2025 relative à la préparation du comité interministériel à l'innovation.

* 80 Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

* 81 Projet de loi de finances rectificative pour 2010, 10 février 2010, amendement n° 17 déposé par le rapporteur général Marini au nom de la commission des finances et adopté avec un avis favorable du Gouvernement.

* 82 Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

* 83 Circulaire du Premier ministre du 19 septembre 2022 sur les politiques prioritaires du Gouvernement.

* 84 L'indicateur relatif au montant total d'aides attribuées est exclu, sans motif, du tableau de bord du Gouvernement.

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