B. LE PROGRAMME 158 : UNE ENVELOPPE PLUS LIMITÉE ET ÉGALEMENT EN BAISSE
Le programme 158 finance les réparations aux victimes de spoliations et aux orphelins de victimes de persécutions antisémites ou d'actes de barbarie perpétrés pendant la seconde guerre mondiale.
Il comprend deux actions : l'action 01 « indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliation du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation » et l'action 02 « indemnisation des victimes d'actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale », étant précisé que l'indemnisation de l'action 02 s'adresse aux orphelins des victimes d'actes de barbarie.
Ces deux programmes correspondent à 3 indemnisations :
- une rente versée aux orphelins de victimes de violences antisémites ;
- une réparation pour les victimes de spoliation du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation ;
- une rente versée aux orphelins de victimes d'actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale.
Les crédits affectés à ce programme s'inscrivent dans une trajectoire baissière : 88,1 millions d'euros pour la LFI 2024, 85,35 millions d'euros pour la LFI 2025 et 78,4 millions d'euros pour le PLF 2026. La grande majorité de ces crédits finance les rentes d'indemnisation des orphelins de victimes de violences antisémites ou d'actes de barbarie : 68,6 millions d'euros y sont consacrés pour le PLF 2026, soit 84 % des crédits du programme. La trajectoire baissière des crédits du programme s'explique essentiellement par la baisse du nombre des crédirentiers, qui sont en moyenne très âgés.
Ces crédits sont très majoritairement des crédits d'intervention qui sont reversés à l'ONaCVG, qui a la charge du paiement concret des indemnités. L'ONaCVG a ainsi bénéficié d'un transfert de crédits de 76,4 millions d'euros (AE et CP) en provenance du programme 158.
16 ETPT sont rémunérés sous plafond d'emploi par le programme 158, un nombre stable par rapport à 2025. La CIVS compte également 24 collaborateurs qui ne sont pas sous plafond d'emploi, dont la rémunération est portée par les crédits du programme 158. Ces derniers ne représentent cependant que 20 % des crédits de titre 2 de la CIVS, les 80 % restant servant à rémunérer les 16 ETPT prévus en loi de finances. Ces 24 collaborateurs sont les membres du collège délibérant de la CIVS, les magistrats instructeurs, le rapporteur général et le commissaire du Gouvernement.
1. L'indemnisation des orphelins : la réduction du nombre de crédirentiers
Cette réparation recouvre l'indemnisation des orphelins de victimes d'actes antisémites de l'action 01 et l'indemnisation des orphelins de victimes d'actes de barbarie commis pendant la seconde guerre mondiale de l'action 02. Ces deux types d'indemnisation sont ici regroupés car ils obéissent à des régimes identiques.
Les droits afférents aux orphelins d'actes antisémites ont été aménagés en 2000 et sont régis par le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 sur les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes antisémites. Les droits prévus par l'action 02 ont été eux aménagés en 2004 et sont régis par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004.
Les orphelins allocataires peuvent choisir entre une indemnisation en capital, s'élevant à 27 440,82 euros, et une rente viagère mensuelle. La rente viagère est revalorisée de 2,5 % par an. Cette dernière valait 695,91 euros au 1er janvier 2025 et son montant prévu pour 2026 est de 713,31 euros. Ces indemnisations sont exonérées d'imposition sur le revenu.
La modalité de revalorisation de cette rente est déliée de toute considération de nature économique et est traditionnellement plus dynamique que l'inflation.
L'instruction des dossiers est réalisée par le département « reconnaissance et réparations » de l'ONaCVG. Les décisions accordant une mesure de réparation financière relèvent réglementairement du Premier ministre et le paiement des indemnisations est réalisé par l'ONaCVG. Dans ce cadre, les crédits servant aux indemnisations sont reversés à l'ONaCVG par les services du Premier ministre. Ainsi, l'immense majorité des crédits affectés au programme 158 est in fine reversée à l'ONaCVG.
Si de nouvelles demandes au titre de ces deux dispositifs continuent d'être enregistrées, le nombre de ces dernières est particulièrement faible : 4 demandes en 2024 et aucune au 1er septembre 2025. Au regard du nombre désormais particulièrement faible de nouveaux dossiers, les crédits affectés à ces indemnités ont désormais vocation à baisser au rythme du nombre des crédirentiers.16(*)
2 866 personnes sont actuellement crédirentières du dispositif d'indemnisation des orphelins de victimes d'actes antisémites et 5 082 autres le sont du dispositif de l'action 02. Ces deux populations sont âgées de plus de 80 ans en moyenne.
2. La nécessité d'une réforme d'équité du dispositif de l'action 02 relatif à l'indemnisation des orphelins de victimes d'actes de barbarie
Le rapporteur spécial estime que le dispositif d'indemnisation des orphelins de victimes d'actes de barbarie pourrait être étendu, les dispositions du décret ouvrant des droits aux orphelins de « victimes d'actes de barbarie », notion définie comme des personnes « placées dans l'incapacité de se défendre et qui sont décédées du fait d'actes n'entrant pas dans le cadre d'un affrontement armé et relevant de la plus extrême inhumanité »
Cette définition exclut notamment :
- les membres de la Résistance ;
- les membres de l'armée régulière ;
- les orphelins de victimes des bombardements et des affrontements armés entre Allemands et Alliés.
3. La réparation des spoliations antisémites, une budgétisation en fonction des dossiers traités par la CIVS
Le décret n° 2018-829 du 1er octobre 2018 modifiant le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 sur la réparation des spoliations antisémites établit le régime de ces indemnités. Il institue auprès du Premier ministre la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), chargée « de rechercher et de proposer les mesures de réparation, de restitution ou d'indemnisation appropriées ». Une modification de 2018 étend les compétences de la CIVS.
Les crédits affectés à ce pan de l'action 01 sont minoritaires dans le programme. Ils s'élèvent à 9,9 millions d'euros (en AE = CP) pour 2026, en baisse par rapport à la dotation de 2024 qui s'élevait à 11,2 millions d'euros. Les crédits affectés aux spoliations sont directement facteur des dossiers en cours de traitement et peuvent varier fortement d'une année sur l'autre, indépendamment de toute considération gestionnaire.
Les indemnités accordées peuvent être mises à la charge de l'État français ou, en application des accords de Washington passés entre le Gouvernement des États-Unis et celui de la France, le 21 mars 2001, imputées sur les fonds du Fonds social juif unifié lorsqu'il s'agit d'indemniser des avoirs bancaires spoliés.
Deux tendances de fond se dégagent cependant : la première est une baisse du nombre de recommandations annuelles. Moins de 1 000 recommandations sont prononcées en 2010, moins de 500 en 2013 et moins de 200 depuis 2021. La deuxième, conséquence de la première, est que les prévisions d'indemnisations sont, malgré des variations annuelles parfois fortes, globalement en baisse.
La CIVS a cependant connu un rebond budgétaire en 2018 du fait de l'entrée en vigueur du décret n° 2018-829 du 1er octobre 2018, qui prévoit une faculté d'auto-saisine de la CIVS. Le même décret permet également au ministère de la Culture de saisir la CIVS en matière de biens culturels.
Cette faculté d'auto-saisine, que le rapporteur avait appelée de ses voeux dans son rapport sur la CIVS17(*), a été mise en oeuvre 11 fois depuis l'entrée en vigueur du décret.
La CIVS se coordonne avec la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 (M2RS) du ministère de la culture. CIVS et M2RS ont signé une convention le 1er juillet 2019 pour coordonner leur action.
Dans ce cadre :
- la M2RS peut saisir la CIVS ;
- la CIVS peut confier les recherches de provenance pour les dossiers de spoliations culturelles au M2RS. 47 dossiers ont ainsi été confiés au 31 juillet 2024. La CIVS et la M2RS se rencontrent tous les trimestres pour un suivi partagé des cas de spoliation dont la CIVS a confié l'instruction à la M2RS ;
- la CIVS et la M2RS partagent leurs ressources d'archives et leurs travaux de recherche.
La distinction entre les deux entités relève de leurs périmètres respectifs : la CIVS est compétente pour toute spoliation antisémite sous l'occupation et la M2RS est compétente pour toute spoliation de bien culturel entre 1933 et 1945.
Si le rapporteur salue le degré élevé de coordination entre les deux entités, l'intégration importante de leurs activités respectives le conduit à s'interroger sur la pertinence de l'existence de deux entités distinctes ayant en charge de missions très similaires et travaillant en partie sur les mêmes dossiers.
Une difficulté doit être mise en exergue : celle des parts réservées. La situation se présente dans le cas où, se prononçant sur une demande d'indemnisation, la CIVS constate l'existence d'une pluralité d'ayants droit sans pour autant les identifier précisément. L'hypothèse est courante étant donné que chaque génération supplémentaire augmente le nombre d'ayants droits et que les spoliations ont eu lieu il y a environ 80 ans. La Cour des comptes, dans un rapport de septembre 2011, avait ainsi relevé que sur les 30 000 dossiers examinés alors par la CIVS, une recommandation sur deux comportait des parts ainsi réservées, sans qu'un suivi attentif de ces parts ne soit mis en oeuvre.
Valant 27,5 millions d'euros à la fin de l'année 2015, le montant total des parts en attente de versement s'élevait à 24,2 millions d'euros au 30 juin 2025. Il est précisé que plus de 3 millions d'euros ont été versés au titre des parts réservées sur cette période mais que les recommandations réalisées entre-temps par la CIVS augmentent parallèlement le volume de celles restant à verser.
En toute hypothèse, le montant des parts réservées demeure considérable. Depuis l'entrée en vigueur du décret du 5 janvier 2024 instituant une commission pour la restitution des biens et l'indemnisation des victimes de spoliations antisémites et pris en application des articles L. 115-3, L. 115-4 et L. 451-10-1 du code du patrimoine, la recherche des ayants droit figure désormais parmi les compétences explicites de la CIVS.
Outre le travail toujours en cours de mise à jour des parts réservées, la CIVS a conclu avec le Cercle de Généalogie Juive une convention visant à identifier les bénéficiaires potentiels de ses recommandations. La 2e convention d'objectifs du notariat (2025-2028), signée le 1er juillet 2025 entre l'État et le Conseil supérieur du notariat, comprend des engagements relatifs aux réparations, aux spoliations et aux restitutions.
* 16 Cette baisse est cependant ralentie par la revalorisation automatique de 2,5 % des rentes au 1er janvier de chaque année.
* 17 Rapport d'information n° 550 (2017-2018) de M. Marc LAMÉNIE, fait au nom de la commission des finances, déposé le 6 juin 2018.