EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Monde combattant, mémoire et lien avec la nation ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 28 octobre 2025, sous la présidence de M. Christian Bilhac, vice-président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de Marc LAMÉNIE, rapporteur spécial, sur la mission « Monde combattant, mémoire et lien avec la nation ».
M. Christian Bilhac, président. - Nous passons à l'examen des crédits de la mission « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ».
M. Marc Laménie, rapporteur spécial de la mission « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ». - Je salue la présence parmi nous de Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, qui préside par ailleurs le groupe d'études « Monde combattant et mémoire ».
La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » change cette année de nom et s'appelle désormais « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ». Ce changement d'appellation s'effectue néanmoins à périmètre constant et n'emporte pas de conséquences budgétaires.
Comme chaque année, ses crédits continuent de diminuer. L'année 2026 se démarque cependant par l'ampleur de la baisse : 120 millions d'euros entre 2025 et 2026, pour un budget qui s'établit désormais à 1,73 milliard d'euros. Il faut également considérer les dépenses fiscales rattachées à la mission, qui s'élèvent à 563 millions d'euros, dont 475 millions d'euros pour la demi-part fiscale attribuée aux titulaires de la carte du combattant et à leurs veuves de plus de 74 ans.
Cette année encore, la baisse des crédits est la conséquence de la diminution de la population des bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance du combattant - un peu plus de 613 000 bénéficiaires au 1er janvier 2025 - et de la pension militaire d'invalidité.
Ces deux pensions, qui concentrent 1,08 milliard d'euros, sont versées respectivement aux titulaires de la carte du combattant de plus de 65 ans et aux militaires et anciens militaires souffrant d'une invalidité du fait de leur engagement. Ces deux populations ont en commun d'être en moyenne très âgées et de diminuer fortement chaque année.
Je souhaite cependant insister sur le fait que l'année 2026 sera une année blanche pour ces deux pensions. En effet, celles-ci sont fixées en fonction du « point PMI », qui est indexé sur les rémunérations publiques.
Il est prévu, en application de ses modalités d'indexation, qu'il ne soit pas revalorisé au 1er janvier 2026, ce que l'on peut regretter. Je rappelle que la revalorisation de ces pensions est systématiquement inférieure à l'inflation depuis 2017, malgré une mesure de rattrapage exceptionnelle de la valeur du point en 2022.
Le reste des crédits de la mission, à l'exception des crédits dédiés au lien armées-jeunesse, sont en baisse.
Les crédits dédiés à la mémoire diminuent pour atteindre 8 millions d'euros. Cette baisse était prévisible, l'année 2026 faisant suite aux 80 ans des années 1944 et 1945, qui avaient été marquées par une programmation mémorielle forte.
Les crédits d'entretien du patrimoine mémoriel sont, pour leur part, stables, à 16,2 millions d'euros. J'alerte toutefois sur le fait que ces derniers ont été annulés à hauteur de 8 millions d'euros - pour moitié donc - en 2024 et qu'ils le seraient actuellement à hauteur de 4,4 millions d'euros en 2025. Ces niveaux d'annulation ne permettent pas de réaliser à temps tous les travaux que nécessite le patrimoine mémoriel de pierre de la France.
L'effort en faveur des rapatriés recule, pour la première fois depuis 2022, de 5,3 millions d'euros. Cela est dû à une forte baisse des crédits du dispositif de réparation prévu par la loi du 23 février 2022, indemnisant les rapatriés du fait de leurs conditions d'accueil sur le territoire national dans des camps ou hameaux de forestage. Je compte interroger le Gouvernement à ce sujet, car ce dispositif, conçu pour réparer un préjudice historique, devait initialement s'éteindre en 2026 à la suite de sa mise en oeuvre intégrale. Or, les montants prévus dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 ne semblent pas compatibles avec cet objectif.
S'agissant du lien armées-jeunesse, les crédits prévus en 2026 sont identiques à ceux de 2025 et doivent permettre une généralisation de la journée défense et citoyenneté (JDC) « nouvelle génération », recentrée sur sa dimension militaire. Au cours de celle-ci doivent notamment être organisés une cérémonie des couleurs, un tir sportif laser, des jeux de rôle, un forum des métiers et une immersion dans la réalité virtuelle.
Je regrette que les modules de sensibilisation des jeunes à des enjeux tels que l'égalité femmes-hommes, l'environnement ou la mémoire aient été abandonnés dans ce nouveau format de la JDC.
Enfin, la mission comporte trois opérateurs : l'Ordre de la Libération, l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) et l'Institution nationale des invalides (INI). J'ai régulièrement appelé à la vigilance sur la soutenabilité des efforts qui leur étaient demandés. Je dois aujourd'hui vous alerter sur leur situation.
S'agissant de l'ONaCVG, si sa subvention pour charges de service public (SCSP) est stable, cette dernière n'a pas été revalorisée pour prendre en compte les augmentations de charges de l'Office, notamment celles liées aux revalorisations générales des rémunérations publiques de ses agents. Sa SCSP ne lui permet actuellement pas de recruter à hauteur de son plafond d'emplois autorisé en loi de finances.
Sa trésorerie a également été ponctionnée sur la période 2020-2024 pour générer des économies sur la mission. Elle est aujourd'hui asséchée et une adoption tardive du budget mettrait l'Office en difficulté. Outre l'entretien courant des nécropoles et carrés militaires, qu'il assure en partenariat avec les bénévoles de l'association Le Souvenir français, l'ONaCVG a lancé un programme de rénovation des hauts lieux de la mémoire nationale.
À la suite des difficultés financières rencontrées en 2023 et 2024, l'INI a dû pour sa part élaborer un plan de retour à l'équilibre financier prévoyant notamment un gel du recrutement de vingt équivalents temps plein (ETP), sur un plafond de 409, et un recours au mécénat. L'Institution est par ailleurs toujours en train de mettre en oeuvre d'importants travaux immobiliers démarrés en 2021, qui prévoient la rénovation de la quasi-totalité des bâtiments qu'elle occupe pour un coût total de 85,6 millions d'euros, dont 12,7 millions d'euros à sa charge.
En dépit des quelques réserves que je viens d'évoquer, je vous propose néanmoins d'adopter les crédits de la mission.
Enfin, je ne veux pas conclure sans remercier les bénévoles qui oeuvrent dans les associations patriotiques et de mémoire, ainsi que les porte-drapeaux lors des cérémonies nationales et locales.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales sur la mission « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ». - Je remercie notre collègue Marc Laménie pour son travail et je souhaiterais revenir sur deux points.
La diminution de 22 % des crédits consacrés à la politique de mémoire s'expliquerait, selon le Gouvernement, par la fin du cycle du 80e anniversaire des débarquements, de la Libération et de la Victoire. Il semblerait toutefois que la diminution dépasse la seule économie naturelle liée à la fin du calendrier mémoriel de la Seconde Guerre mondiale. Certes, le contexte budgétaire est difficile, mais l'économie de quelques millions d'euros sur un poste de dépenses aussi symbolique pose question, d'autant que cette ligne budgétaire est déjà fortement contrainte.
Je voudrais aussi évoquer les maisons Athos. Une dizaine de maisons devaient être construites. La sixième a été inaugurée au mois d'octobre et, pour le moment, cela me semble suffisant, sachant que nous n'avons pas encore de bilan précis de leur fonctionnement. Lorsque j'ai visité celle de Bordeaux, seules deux personnes étaient accueillies.
Ces maisons présentent un réel intérêt, et il faudrait sans doute en construire une supplémentaire en outre-mer. En revanche, il serait plus raisonnable d'attendre une évaluation avant d'en construire trois autres en métropole.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Sauf erreur de ma part, il me semble qu'une partie du financement de la construction et de l'entretien des monuments aux morts est assurée par l'ONaCVG. J'aimerais connaître le montant et l'évolution de ces crédits.
Dans mon département, de nombreuses demandes sont en attente de financement, ce qui me paraît regrettable, d'autant que le plan France ruralités peut aussi intervenir pour certaines communes.
Mme Nathalie Goulet. - Je souhaite attirer l'attention sur le processus d'inscription au patrimoine mondial de l'Unesco des plages du débarquement, de même que sur leur besoin d'entretien au long cours. Le sujet est très important. Des actions sont-elles prévues ?
M. Grégory Blanc. - J'ai été surpris, à la lecture du projet de loi de finances, de découvrir que les récipiendaires de la Médaille militaire percevaient une rente annuelle de 4,57 euros, et ceux de la Légion d'honneur une rente allant de 6 à 34 euros. Il se trouve que le projet de loi de finances prévoit de les fiscaliser. J'imagine que le versement, et dorénavant la fiscalisation de ces rentes représente un certain coût. Quel est le coût de ces rentes et de leur fiscalisation pour la mission « Monde combattant » ? Peuvent-elles être reversées à l'ONaCVG ?
Mme Isabelle Briquet. - Les crédits de la mission diminuent très fortement cette année, en raison de la baisse du nombre de bénéficiaires. Néanmoins, nous devons veiller à affirmer la reconnaissance que nous devons au monde combattant en revalorisant les pensions et à poursuivre la réparation engagée en faveur des harkis.
Je m'inquiète aussi pour les lieux de mémoire. Dans mon département se trouve le site d'Oradour-sur-Glane, un haut lieu de mémoire dont la préservation nécessitera des investissements importants. Je crains fort qu'ils ne soient difficiles à réaliser. Pouvez-vous me rassurer sur ce point ?
Enfin, je ne saurais dire si le changement de dénomination de cette mission permettra de changer la donne, mais nous avons tous à mener un combat contre l'oubli. Il suffit de voir les rangs clairsemés lors de nos commémorations pour s'en persuader...
M. Michel Canévet. - La modification du contenu de la journée défense et citoyenneté a-t-elle permis de réaliser des économies ou de recevoir plus de jeunes, dans de meilleures conditions ?
Vous avez aussi évoqué les difficultés financières de l'ONaCVG, compte tenu du niveau de ses charges de fonctionnement. Une restructuration de l'Office est-elle prévue, par exemple en remplaçant les organisations départementales par des directions interdépartementales ? Concernant les effectifs, puisque l'Office a du mal à recruter, son plafond d'emplois est-il revu en conséquence, ce qui permettrait peut-être d'éviter certains dérapages ?
M. Jean-Marie Mizzon. - Madame la rapporteure pour avis, vous indiquez vous être rendue cet été à Bordeaux dans une maison Athos et n'y avoir rencontré que deux personnes. Avez-vous visité ce bâtiment le jour de son inauguration ou plusieurs jours après ? Par les temps qui courent, il faut se garder de dépenser de l'argent à tort et à travers !
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis. - J'ai visité la maison Athos de Bordeaux. Les blessés qui y sont reçus sont des blessés psychiques : ils peuvent rester un mois, le temps d'aller mieux, et revenir plus tard. Seuls deux étaient présents le jour de ma visite, mais le chiffre varie : il peut s'y trouver cinq ou six personnes qui sont blessés et qui cherchent à s'y ressourcer et à y trouver un suivi psychologique.
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. - Mon rapport d'information intitulé Militaires blessés : pour une prise en charge encore plus complète et adaptée, qui a été présenté à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, traitait déjà des maisons Athos. Ces dernières ne sont pas des établissements médicalisés. Comme j'ai pu le constater au sein de la maison d'Auray, les membres du dispositif ont la liberté d'y passer jusqu'à deux semaines par mois, le lieu étant cependant fermé les samedis et dimanches. Des activités leur sont proposées, en compagnie d'encadrants et d'animateurs, en vue de leur fournir une aide.
Il y avait, en 2024, 430 membres du dispositif Athos en France. Une maison Athos, en fonctionnement courant, accueille une centaine de membres, pour un budget de fonctionnement d'environ 1 million d'euros par an. Néanmoins, un bilan des activités effectuées au sein de ces lieux mériterait d'être réalisé. Ceux-ci ont une réelle utilité, car ils facilitent fortement la réinsertion des blessés psychiques et traduisent une forme de reconnaissance et de recherche de réparation.
Monsieur le rapporteur général, l'ONaCVG dispose de fonds pour subventionner les travaux de restauration des monuments aux morts avec d'autre partenaires, comme l'État, au travers de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), les conseils départementaux et les collectivités locales, et aide à assurer le devoir de mémoire, notamment par l'acquisition de drapeaux. Ces crédits s'élèvent à 500 000 euros en 2025.
Madame Goulet, je n'ai pas d'information relative à l'inscription des plages du débarquement sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Je m'engage à poser la question à la ministre déléguée auprès de la ministre des armées et des anciens combattants, que je recevrai jeudi matin. L'ONaCVG participe à hauteur de 16 millions d'euros à l'entretien du patrimoine mémoriel militaire de la France, mais certains de ces crédits ont été annulés.
Madame Briquet, le site d'Oradour-sur-Glane est tout aussi important du point de vue de la mémoire. Au cours de l'entretien avec la ministre, il sera également question du rôle de l'ONaCVG pour l'entretenir.
Monsieur Blanc, la fiscalisation des grandes distinctions que sont la Légion d'honneur et la Médaille militaire donnera lieu à une rente infime. Toutefois, les médailles ne relèvent pas de la mission « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ».
Monsieur Canévet, la JDC relève en partie de la présente mission. Toutefois, 70 % des crédits proviennent de la mission « Défense ». Son nouveau format est plus cher à organiser mais le ministère des armées espère susciter plus d'intérêt des jeunes pour un engagement au sein des armées.
Le changement de nom de la mission a pour but de mieux prendre en compte, les anciens combattants qui sont des militaires plus jeunes ayant servi au cours d'opérations extérieures (Opex) ainsi que les retraités de la gendarmerie.
L'ONaCVG, grâce à son maillage territorial, assure diverses missions, notamment le lien avec l'éducation nationale et les actions de mémoire. À ce titre, je suis attaché à ses antennes départementales, qui doivent être maintenues au moins jusqu'en 2035. Par ailleurs, l'absence de recrutement n'est pas lié à des difficultés de recrutement mais au fait que le niveau de la subvention pour charges de service public de l'Office ne lui permettrait pas de payer son personnel s'il recrutait la totalité des ETPT autorisés en loi de finances.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ».
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Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à l'examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 28 octobre, la commission des finances a adopté sans modification les crédits de la mission.
Le rapporteur spécial, Marc Laménie, vous propose un amendement de crédits sur cette mission.
M. Marc Laménie, rapporteur spécial de la mission « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ». - Je vous propose l'adoption d'un amendement visant à rétablir à leur niveau de 2025 les crédits du dispositif de réparation prévu par la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français.
Ce dispositif, qui répare un préjudice historique, a connu des surcoûts au cours des deux années 2024 et 2025, alors que les crédits qui lui sont dédiés n'ont pas évolué sur la même période. Sa mise en oeuvre intégrale en 2026 à crédits constants paraît déjà compromise et le PLF pour 2026 prévoit une diminution de ses crédits à hauteur de 12 millions d'euros. Cette baisse de crédits ne me paraît pas acceptable. D'où l'amendement n° II-20 (FINC.7).
L'amendement n° II-20 (FINC.7) est adopté.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation », sous réserve de l'adoption de son amendement.