EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 28 octobre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de MM. Arnaud Bazin et Pierre Barros, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et l'article 79.

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons maintenant le rapport de nos collègues Arnaud Bazin et Pierre Barros sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ainsi que sur l'article 79.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». - Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » demandés pour 2026 s'élèvent à 29,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Comme chaque année, plus des trois quarts de ces crédits sont destinés au financement de la prime d'activité et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).

Ces crédits diminuent sensiblement - de 2,9 % - par rapport à ceux qui étaient inscrits dans la loi de finances initiale (LFI) de 2025. C'est la première fois depuis 2017 que l'on observe une baisse.

Cette évolution s'explique par une forte diminution des dépenses liées à la prime d'activité - de l'ordre de 8,8 % -, principalement du fait de mesures paramétriques prises en 2025 et à venir en 2026. Cette baisse, d'environ 1 milliard d'euros par rapport aux montants budgétés l'année dernière, compense largement le dynamisme des crédits de l'AAH, qui reste toutefois plus maîtrisé que lors des exercices précédents, avec une hausse de 1,7 %. Le principe de « l'année blanche », prévu par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, induit effectivement une stabilisation des dépenses versées au titre de ces prestations par une neutralisation de l'effet prix.

Ainsi, alors que la mission avait été fortement sollicitée pour répondre aux urgences sociales ces dernières années, le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 marque une rupture avec cette tendance : les crédits budgétés pour 2026 s'inscrivent sensiblement en deçà du plafond de 32,8 milliards d'euros prévu pour l'année 2026 par la loi de programmation des finances publiques.

Je souhaiterais, avant de passer la parole à mon collègue Pierre Barros, mentionner l'article 79 du PLF 2026, rattaché à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». En effet, il vise à mettre fin à une modalité dérogatoire de calcul de la prime d'activité, destinée à avantager les travailleurs handicapés. L'adoption de cet article entraînerait ainsi la perte de la prime d'activité pour 87 % des travailleurs handicapés et pour 95 % des travailleurs en établissement et service d'accompagnement par le travail (Ésat), ce qui représente une perte moyenne d'environ 170 euros par mois pour les personnes concernées.

Cette mesure ne nous paraît pas acceptable. Le rendement qui en est attendu, à hauteur de 90 millions d'euros en 2026 et de 225 millions d'euros en année pleine, ne justifie pas d'appauvrir ainsi les travailleurs les plus vulnérables. De plus, cet article s'inscrit à rebours de l'objectif d'émancipation par le travail pour les personnes handicapées.

Nous vous proposerons donc de supprimer l'article 79. Pour autant, nous ne souhaitons pas renoncer à une économie sur la prime d'activité ; c'est pourquoi nous ne proposons pas de rehausser le plafond des crédits du programme 304. Il reviendra au Gouvernement de prendre, par voie réglementaire, une mesure paramétrique, afin d'atteindre l'objectif d'économies initialement prévu.

Enfin, je vous précise que je vous invite, en responsabilité, à adopter les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », malgré la morosité du climat social.

M. Pierre Barros, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». - Je souhaiterais développer quelques points de vigilance qui ont été les nôtres durant ces travaux. Le contexte d'année blanche, dans lequel s'inscrit le présent projet de budget, implique que les crédits de nombreux programmes financés par la mission soient stables d'une année sur l'autre, et donc en légère diminution en termes réels.

C'est le cas, par exemple, des crédits consacrés à l'aide alimentaire, qui augmentent, dans le PLF pour 2026, de seulement 10 millions d'euros par rapport à la LFI de 2025. Si ces nouveaux moyens permettront de conforter l'aide alimentaire déconcentrée, d'autres programmes sont gelés à leur niveau de 2025 : c'est notamment le cas du Crédit national des épiceries sociales (Cnes) et du programme Mieux manger pour tous, alors que, comme les prix se sont stabilisés, mais qu'ils n'ont pas diminué, la situation des associations d'aide alimentaire reste très précaire.

De même, la budgétisation du pacte des solidarités, qui a pris, à compter de 2024, la suite de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté définie en 2018, aboutit à faire du sur-place, dans la mesure où le volet contractualisé avec les collectivités territoriales est maintenu à son niveau de 2025, tandis que le volet national a été recentré, en cours d'année, afin d'éviter d'excéder les objectifs de dépenses votés dans le budget de 2025.

Enfin, les crédits destinés à financer la politique d'égalité entre les femmes et les hommes n'augmenteraient que de 1,7 % par rapport à 2025, alors que la hausse de ces crédits était de 10 % entre 2024 et 2025.

Comme l'année précédente, l'augmentation des crédits est entièrement absorbée par la mise en oeuvre de l'aide exceptionnelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, qui est versée en une fois, dans un délai de trois à cinq jours, aux femmes qui quittent leur foyer pour fuir leur conjoint violent. Les crédits consacrés à cette aide, qui étaient de 20,4 millions d'euros dans la LFI de 2025 et de 13 millions d'euros dans la LFI de 2024, seraient de 26,4 millions d'euros en 2026, en augmentation de 29,4 %.

Les autres dispositifs de soutien et de prise en charge des victimes de violences conjugales demeurent globalement financés à leur niveau de 2025. Nous le déplorons, même s'il convient de préciser que le Gouvernement a choisi de préserver au maximum ces dispositifs des coupes budgétaires.

À titre personnel, le statu quo me semble foncièrement insuffisant. C'est pourquoi j'appelle, dans la lignée de notre récent rapport de contrôle sur le sujet, à orienter les moyens de la lutte contre les violences et de la prise en charge des victimes vers quelques axes prioritaires, comme la refonte des accueils de jours et des lieux d'écoute, d'accueil et d'orientation (LEAO) ou le développement de l'hébergement spécialisé.

Enfin, considérant que la baisse de 1 milliard d'euros des crédits de la mission n'est pas acceptable, je vous invite, en cohérence avec la position du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky (CRCE-K), comme mon prédécesseur Éric Bocquet le faisait avant moi, à ne pas adopter les crédits de cette mission, qui s'inscrit dans un contexte de régression sociale généralisée.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je note que nos deux rapporteurs spéciaux ont des avis divergents en ce qui concerne l'adoption des crédits de la mission.

Je voudrais vous interroger sur les crédits de l'aide alimentaire. Il y a quelques années, le secteur avait connu des difficultés en raison des problèmes d'accès aux financements européens. Nous avions alors rencontré les principales associations : les Restos du Coeur, le Secours populaire, le Secours catholique, les banques d'aide alimentaire, etc. Celles-ci nous avaient indiqué qu'elles allaient s'efforcer de mieux coordonner leurs actions entre elles et de procéder à des réorganisations en interne - je pense notamment à une meilleure articulation entre les centres logistiques et les plateformes. Ce sujet a-t-il de nouveau été évoqué lors de vos auditions ? La bonne volonté affichée alors s'est-elle traduite en actes ?

Mme Christine Lavarde. - Je voudrais également vous interroger sur l'aide alimentaire. Les députés ont adopté hier soir, sur l'initiative du groupe socialiste, un amendement visant à augmenter le crédit d'impôt dont bénéficient les entreprises de la grande distribution lorsqu'elles donnent leurs invendus à des associations. Je m'étonne toutefois que, dans notre pays, de la nourriture encore consommable puisse être encore détruite. Les associations d'aide alimentaire rencontrent-elles des difficultés - de nature logistique par exemple - pour récupérer les invendus ? Le crédit d'impôt n'aura en tout cas que peu d'effets, car ces produits n'ont plus de valeur marchande.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je suis aussi surpris de l'ampleur de ces destructions de produits alimentaires. Des initiatives ont pourtant vu le jour pour les limiter. Je pense par exemple à l'application Too Good To Go, qui incite les commerçants à regrouper les denrées périssables invendues dans des paniers qui sont vendus à faible prix, à la fin de la journée : les étudiants ou les personnes modestes peuvent venir les récupérer, et cela permet d'éviter de détruire les denrées.

M. Marc Laménie. - Les masses financières en jeu dans cette mission sont importantes, mais le volet humain est également crucial. Les crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » augmentent très faiblement alors qu'il concerne des sujets de société d'une grande actualité. Beaucoup de bénévoles oeuvrent dans les centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF). Comment envisagez-vous l'avenir de ce programme ?

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - Il faut rappeler que 85 % des achats de denrées alimentaires que FranceAgriMer réalise pour les distribuer aux associations sont financés par l'Europe. Un problème chronique se posait, au moins depuis 2017, année où je suis devenu rapporteur spécial de cette mission : un grand nombre de factures ne pouvaient pas être remboursées par l'Europe, pour des raisons d'authentification et de certification des dépenses. Il faut savoir qu'il existe en effet sept niveaux de contrôle et que les denrées sont réceptionnées par des bénévoles. Le système est donc très complexe. Nous perdons en tout cas, chaque année, plusieurs millions d'euros de crédits européens pour cette raison. On prévoit ainsi que les refus d'apurement à FranceAgriMer s'élèveront à 10,4 millions d'euros l'an prochain, qui sont comptabilisés dans les crédits de la mission. Cependant, ce montant est très inférieur à celui qui a été enregistré les années précédentes. En outre, l'administration fait du « surbooking » depuis deux ans : elle achète davantage de denrées que les besoins ne le nécessitent, pour être certaine que les crédits européens ne soient pas perdus, quitte à ce que l'État français dépense un petit peu plus. C'est une initiative intéressante.

Les associations déplorent des problèmes liés à la baisse de la ramasse, c'est-à-dire la récupération d'aliments donnés par les particuliers à la sortie des supermarchés. Cela s'explique très simplement par une baisse du pouvoir d'achat des familles. Les associations n'ont pas évoqué de difficultés avec les entreprises de la grande distribution, mais celles-ci ont de plus en plus tendance, dans une démarche de bonne gestion, à s'efforcer de vendre les produits dont la date limite de consommation approche, en procédant à des démarques importantes.

Le sujet principal, c'est celui de l'inflation des denrées alimentaires que l'on a connue ces dernières années. Les budgets n'ont pas baissé, mais ils n'ont pas progressé à due proportion. Le projet de loi de finances pour 2024 avait prévu deux enveloppes supplémentaires de 20 millions d'euros - l'une adoptée sur l'initiative de l'Assemblée nationale, l'autre sur celle du Sénat. Cette année, ces deux enveloppes ne sont pas inscrites dans le projet de loi de finances, même si ce dernier prévoit un effort de 10 millions d'euros : au total, les crédits baisseront donc de 30 millions d'euros.

Des progrès ont été réalisés dans l'achat des denrées. L'établissement FranceAgriMer s'est professionnalisé et s'est - enfin ! - doté de logisticiens et de spécialistes pour intervenir sur les marchés alimentaires. La situation s'est globalement améliorée, et nous n'avons pas entendu de critiques à ce sujet de la part des associations. Celles-ci ont toutefois dû revoir leurs barèmes et sont donc plus strictes avec les ménages les moins défavorisés.

Vous avez fait allusion à l'instauration d'un crédit d'impôt en faveur des entreprises qui donnent aux associations leurs invendus alimentaires plutôt que de les détruire. Ce n'était pas du tout une revendication des associations, en tout cas pas à notre connaissance. Le système actuel fonctionne ; je suis donc surpris. En revanche, le doublement du crédit d'impôt Coluche prévu dans le projet de loi de finances semble intéressant pour soutenir la générosité du public : ce dispositif permet de déduire de ses impôts 75 % des sommes versées à des associations dans la limite de 1 000 euros. Il s'agit de porter ce plafond à 2 000 euros.

Enfin, monsieur Laménie, le réseau CIDFF connaît en effet des difficultés financières. En ce qui concerne l'avenir de la politique en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes, plusieurs éléments importants sont à souligner. Je pense par exemple aux parcours de sortie de la prostitution. L'an dernier, nous avions obtenu l'alignement de l'aide financière à l'insertion sociale (Afis) sur le revenu de solidarité active (RSA). De même, l'aide exceptionnelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales est un dispositif utile, qui permet de faciliter les décohabitations rapides, en aidant les femmes à se mettre en sécurité le plus rapidement possible.

M. Pierre Barros, rapporteur spécial. - En ce qui concerne l'accès aux financements européens, les structures d'aide alimentaire ont, semble-t-il, su élever leur niveau de technicité afin de pouvoir mieux les capter.

La collecte des denrées alimentaires se heurte à des difficultés logistiques liées au transport ou au stockage. Les banques alimentaires doivent investir dans des réfrigérateurs et des chambres froides. Cela coûte cher en électricité et cela pèse sur leurs frais de fonctionnement. Les associations vont collecter l'aide, mais elles doivent toujours penser à leur capacité à garantir la chaîne du froid. Elles doivent sans cesse veiller à trouver le bon équilibre entre, d'une part, le développement de leur système de logistique et le coût que cela représente, et, d'autre part, les bienfaits d'une telle opération pour leur activité.

M. Claude Raynal, président. - Je vous rappelle que nos rapporteurs ont des positions divergentes sur les crédits de cette mission.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

Article 79

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - L'amendement FINC.1 vise à supprimer l'article 79.

M. Pierre Barros, rapporteur spécial. - Je le soutiens.

L'amendement de suppression FINC.1 est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat de supprimer l'article 79.

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Réunie le 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission confirme définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France de 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation », « Sport, jeunesse et vie associative » ainsi que les comptes spéciaux et les articles qui s'y rattachent.

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