N° 139

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 31
TRAVAIL, EMPLOI ET ADMINISTRATION DES MINISTÈRES SOCIAUX

Rapporteur spécial et Rapporteure spéciale :
M. Emmanuel CAPUS et Mme Ghislaine SENÉE

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, M. Georges Patient, Mme Sophie Primas, M. Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180

Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026)

L'ESSENTIEL

I. APRÈS UNE FORTE BAISSE EN 2025, LES CRÉDITS DE LA MISSION DIMINUERAIENT À NOUVEAU SENSIBLEMENT EN 2026

A. UNE BUDGÉTISATION EN DIMINUTION PAR RAPPORT À LA LFI POUR 2025

S'établissant autour de 17,7 milliards d'euros pour 2026, les crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » enregistrent par rapport à la loi de finances initiale pour 2025 une diminution en autorisations d'engagement (- 3 milliards d'euros, soit - 15,1 %) et en crédits de paiement (- 2,4 milliards d'euros, soit - 11,8 %).

La baisse des crédits est principalement due au programme 103 « Adaptation aux mutations économiques et développement de l'emploi », qui porte les dépenses de formation professionnelle et d'apprentissage (- 21,1 % en AE et - 19,4 % en CP). En 2026 néanmoins, les crédits du programme 102 « Accès et retour à l'emploi » seront également touchés, puisqu'ils diminueront de 856 millions d'euros en AE et 301 millions d'euros en CP.

Évolution des crédits de la mission « Travail et emploi » entre 2019 et 2026

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La diminution proposée en 2026 fait d'ailleurs suite à une très forte baisse des crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » en 2025. En effet, entre le dépôt du PLF et l'adoption de la LFI pour 2025, le Parlement avait adopté, à l'initiative du Gouvernement et du Sénat, d'importantes mesures d'économies dont l'impact cumulé se chiffrait à 1,6 milliard d'euros.

B. MALGRÉ LEUR BAISSE, LES CRÉDITS DE LA MISSION SE MAINTIENNENT À UN NIVEAU LÉGÈREMENT PLUS ÉLEVÉ QUE LE NIVEAU INITIALEMENT ENVISAGÉ DANS LE PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

Alors que les dépenses de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » se sont établies à 21,4 milliards d'euros en 2024 et à 20,0 milliards d'euros en 2025, leur baisse s'avère conséquente en 2026, avec 17,7 milliards d'euros en 2026.

Ce plafond des crédits demandés pour la mission est ainsi fixé à un niveau sensiblement inférieur au plafond déterminé par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

Cette trajectoire a toutefois été largement revue à la hausse, entre le dépôt du projet de loi de programmation en septembre 2022 et sa promulgation fin 2023. Pour autant, la trajectoire de dépense de la mission se rapproche de plus en plus de celle initialement prévue dans le projet de LPFP déposé devant le Parlement, ce qui témoigne de la fin du « quoi qu'il en coûte ».

Comparaison des trajectoires pluriannuelle des crédits de la mission
dans la LPFP 2023-2027 et dans le PLF2026

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet de LPFP et les documents budgétaires

II. LA DIMINUTION DES CRÉDITS TRADUIT D'IMPORTANTES COUPES BUDGÉTAIRES DANS LES DÉPENSES DE SOUTIEN À L'EMPLOI ET UNE BAISSE DU SOUTIEN PUBLIC À L'APPRENTISSAGE

A. LES STRUCTURES D'ACCOMPAGNEMENT VERS L'EMPLOI SONT FORTEMENT MISES À CONTRIBUTION PAR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2026

Les opérateurs de la mission seront directement touchés par la diminution des crédits. De fait, France Travail voit sa subvention pour charges de service public reculer (- 12 %) et son plafond d'emploi fait l'objet d'une baisse de 515 ETPT. Si le Gouvernement fait valoir que cette réduction ne représente que 1 % des effectifs de l'opérateur, les rapporteurs spéciaux ont été sensibilisés sur l'opportunité de conserver ces emplois, utiles dans la mise en oeuvre du plan d'efficience porté par l'opérateur. Cette baisse intervient d'ailleurs à un moment où les perspectives d'évolution du chômage sont orientées à la hausse, ce qui interroge sur l'opportunité d'une telle mesure.

De même, la dotation versée par l'État à France Compétences diminue sensiblement en 2026, pour s'établir à 673 millions d'euros, contre 913 millions d'euros en LFI 2025 (- 26,3 %). Cette diminution est permise par les nombreuses mesures d'économies adoptées par le Parlement et réalisées par le Gouvernement en 2025.

Au sein du service public de l'emploi (SPE), la situation des missions locales apparaît préoccupante, puisque malgré une hausse de leurs CP (+ 8,7 %) qui correspond au rattrapage de la reprise d'excédent opérée en 2025, leurs AE diminueraient de 13 %. Cette baisse aura nécessairement un impact sur le financement de leur accompagnement des bénéficiaires de contrats d'engagement jeunes (CEJ), dont le nombre s'établira probablement à 190 000 en 2026, contre 200 000 en 2025.

Enfin, on note une diminution des moyens consacrés aux divers dispositifs d'emplois aidés, notamment de ceux pour lesquels les effets d'aubaine constatés sont les plus importants. Initiées en LFI 2025, la suppression des emplois francs se confirme et la disparition des contrats aidés se poursuit, dans les secteur marchand et non-marchand. Surtout, les moyens consacrés à l'insertion par l'activité économique (IAE) connaitraient une forte baisse, avec - 12 % en CP par rapport à la LFI 2025 (bien que de « seulement » 6 % par rapport à la dernière exécution connue).

Évolution du taux de chômage entre début 2025 et fin 2026

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après l'OFCE

Alors que l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) prévoit une remontée du chômage de + 0,7 point, jusqu'à 8,2 % fin 2026, les rapporteurs spéciaux relèvent que la capacité des politiques de l'emploi à inverser cette tendance sera amoindrie par les diminutions de crédits.

B. LE RETOUR À L'ÉQUILIBRE DE LA POLITIQUE DE L'APPRENTISSAGE ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE N'APPARAÎT PLUS HORS DE PORTÉE

1. La modération des charges de France compétences laisse augurer un retour à l'équilibre prochain

La dotation à France compétences finalement budgétée dans la LFI pour 2025 s'est ainsi établie à environ 913 millions d'euros. Ce niveau, significativement inférieur à celui de l'année précédente (1,3 milliard d'euros), a été rendu possible par l'adoption de nombreuses mesures d'économies en LFI 2025 à l'initiative du Gouvernement et du Sénat : baisse des niveaux de prise en charge (NPEC) pour les formations réalisées intégralement à distance, proratisation de leur versement aux CFA, suppression de l'éligibilité des formation à l'entrepreneuriat non-certifiantes, création d'une participation (« reste-à-charge ») de l'employeur d'apprentis au financement de sa formation, etc.

En 2026, cette dotation serait significativement réduite et fixée à 673 millions d'euros en CP, soit une diminution de 240 millions d'euros (- 26,3 %).

Évolution du montant de la subvention versée à France compétences

(en millions d'euros)

2021

2022

2023

2024

LFI 2025

PLF 2026

0

4 000

1 596

1 350

913

673

Source : commission des finances du Sénat

Le PLF pour 2026 continue en effet de proposer des mesures d'économies pour France compétences, puisque deux articles sont rattachés à la mission. L'article 80 du PLF supprime l'aide forfaitaire de 500 euros au permis de conduire des apprentis (36 millions d'euros d'économies attendues pour France compétences). Considérant que d'autres dispositifs existent pour financer le permis de conduire (compte personnel de formation - CPF, « permis à 1 euro pour les jeunes de 15 à 25 ans, etc.), la commission propose d'adopter cet article sans modification.

De même, l'article 81 du PLF supprime l'éligibilité des bilans de compétences au financement par le CPF et plafonne les montants qui peuvent être mobilisés pour financer des formations non-certifiantes. S'agissant globalement de formations non-certifiantes, mais dont le coût est très élevé, la commission propose également d'adopter cet article.

2. Si le soutien public à l'apprentissage bénéficie d'une certaine stabilité, cette perspective rassurante pourrait s'éloigner

Le PLF 2026 prévoit une baisse de 31 % des crédits dédiés à l'aide aux employeurs d'apprentis par rapport à la LFI 2025. Cette diminution traduit l'effet en 2026 de la réforme du barème de cette aide : alors que son montant était systématiquement de 6 000 euros en 2024, il est désormais de 5 000 euros pour les PME et de 2 000 euros pour les entreprises de plus de 250 salariés. Cette mesure d'économies repose toutefois sur une hypothèse d'entrées en apprentissage en 2025 10 % moindre qu'en 2024 ; or il semble que les entrées en apprentissage seront supérieures à cette prévision. Cette mesure d'économies est donc partiellement non-documentée.

Compte tenu des importantes mesures d'économies qui ont touché l'apprentissage l'année dernière, le Gouvernement a souhaité donner aux professionnels du secteur, à leur demande, une année de stabilité.

Évolution du coût de l'alternance pour la mission

(en millions d'euros et en pourcentage)

 

2025

2026

Évolution 2026/2025

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Aide exceptionnelle aux contrats d'apprentissage

3 127

3 432

2 158

2 369

- 31,0 %

- 31,0 %

Aide aux contrats de professionnalisation

0

26

0

0

-

- 99,4 %

France compétences

913

913

673

673

- 26,3 %

- 26,3 %

Exonération de cotisations sociales des contrats d'apprentissage

1 310

1 310

1 043

1 042

- 20,4 %

- 20,5 %

Exonération IR du salaire des apprentis (perte de recette estimée)

533

526

- 1,3 %

TOTAL

5 883

6 214

4 400

4 610

- 25,2 %

- 25,8 %

Source : commission des finances du Sénat

Le PLF pour 2026 prévoit également une baisse de 20,5 % de l'enveloppe consacrée aux compensations à la sécurité sociale au sein de la mission, compte tenu de la suppression de l'exonération de cotisations salariales dont bénéficient les apprentis. Or, l'Assemblée nationale a rejeté cette mesure lors de l'examen du PLFSS. L'économie sur le coût des exonérations de cotisations sociales est donc, elle aussi, incertaine.

Le Gouvernement a ainsi indiqué qu'une nouvelle mesure paramétrique sur l'aide aux employeurs d'apprentis serait peut-être nécessaire afin de respecter la trajectoire de dépenses de la mission.

Réunie le 13 novembre 2025, sous la présidence de M. Michel Canévet, vice-président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission. Elle a également décidé de proposer l'adoption des articles 80 et 81 sans modification.

Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, les rapporteurs avaient reçu 10 % des réponses.

À la date d'examen en commission de la mission le 13 novembre, ils ont obtenu 81 % des réponses.

PREMIÈRE PARTIE
LA MISSION « TRAVAIL, EMPLOI ET ADMINISTRATION DES MINISTÈRES SOCIAUX » EST FORTEMENT MISE À CONTRIBUTION POUR RÉDUIRE LE DÉFICIT PUBLIC

I. UNE BUDGÉTISATION DE LA MISSION EN RECUL PAR RAPPORT AUX ANNÉES PRÉCÉDENTES, MAIS DONT LES CRÉDITS RESTENT ÉLEVÉS PAR RAPPORT À L'AVANT-CRISE SANITAIRE

A. LES CRÉDITS DE LA MISSION DIMINUERAIENT D'ENVIRON 12 % EN 2026, CHAQUE PROGRAMME MÉTIER ÉTANT MIS À CONTRIBUTION

Avec 17,6 milliards d'euros en CP prévus par le projet de loi de finances pour 2026, la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » enregistre sa deuxième réduction de crédits consécutive depuis 2019. C'est une diminution de 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement (- 15,1 %) et de 2,4 milliards d'euros en crédits de paiement (- 11,8 %) par rapport à la LFI 2025.

Évolution des crédits de la mission « Travail et emploi » entre 2019 et 2026

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Pour mémoire, la mission se décompose en quatre programmes :

le programme 102 « Accès et retour à l'emploi » se fixe pour objectif principal de « favoriser l'accès et le retour à l'emploi de tous les publics en s'appuyant sur les structures du service public de l'emploi et en mobilisant au mieux les outils d'insertion professionnelle au bénéfice des personnes les plus éloignées de l'emploi ». Les crédits demandés pour ce programme connaîtraient une diminution sensible en dans le projet de loi de finances pour 2026 : ils s'élèvent ainsi à 6,7 milliards d'euros en CP, contre 7,1 milliards d'euros en CP n loi de finances initiale pour 2025, ce qui représente une diminution de 4,3 %.

le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » se fixe pour objectifs de « sécuriser l'emploi par l'anticipation des mutations économiques », de « contribuer à la revitalisation des territoires et au reclassement des salariés licenciés pour motif économique », de « faciliter l'insertion dans l'emploi par le développement de l'alternance » et enfin « d'édifier une société de compétences via le Plan d'investissement dans les compétences (PIC) ». Les crédits demandés pour ce programme connaîtraient une forte baisse de 19,4 % en CP, avec 8,7 milliards d'euros (contre 10,8 milliards d'euros ouverts dans la LFI 2025).

le programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail » vise notamment à améliorer les conditions d'emploi et de travail des salariés du secteur privé concurrentiel, à contribuer à la prévention et à la réduction des risques professionnels, à la dynamisation de la négociation collective et à l'amélioration du dialogue social et enfin à lutter contre le travail illégal et la fraude au détachement, en s'appuyant sur les services de l'inspection du travail. Les crédits demandés pour 2026 s'élèvent à 77,2 millions d'euros en CP, soit une diminution par rapport aux crédits ouverts en LFI 2025 (- 8,9 %). La cause de ces importantes variations correspond pour l'essentiel au cycle des élections professionnelles ;

- enfin, le programme 155, qui constitue le programme d'appui et de soutien serait rebaptisé « Soutien des ministères sociaux ». Les crédits demandés connaitraient une légère hausse (+ 2,8 %), en AE et en CP par rapport à la LFI 2025, pour une atteindre environ 2 milliards d'euros en 2026.

Le poids budgétaire des deux principaux programmes de la mission - « Accès et retour à l'emploi » (programme 102) d'une part, et « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » (programme 103) d'autre part - demeure prépondérant en 2026, puisqu'ils représentent 87,5 % des crédits de la mission.

Évolution par programmes des crédits de la mission « Travail et emploi »
entre la LFI pour 2025 et le PLF pour 2026

(en millions d'euros et en pourcentage)

N° et intitulé du programme

LFI 2025

PLF 2026

Évolution
PLF 2026 / LFI 2025
(volume)

Évolution
PLF 2026 / LFI 2025
(%)

102 - Accès et retour à l'emploi

AE

7 549,1

6 692,6

- 856,6

- 11,3 %

CP

7 067,1

6 765,7

- 301,4

- 4,3 %

103 - Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

AE

10 340,7

8 148,6

- 2 192,1

- 21,2 %

CP

10 855,2

8 747,5

- 2 107,7

- 19,4 %

111 - Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

AE

46,0

41,0

- 5,0

- 10,8 %

CP

84,7

77,2

- 7,6

- 8,9 %

155 - Soutien des ministères sociaux

AE

1 920,8

1 973,6

+ 52,8

+ 2,8 %

CP

2 002,6

2 059,4

+ 56,8

+ 2,8 %

TOTAL MISSION

AE

19 856,6

16 855,8

- 3 000,8

- 15,1 %

CP

20 009,6

17 649,7

- 2 359,9

- 11,8 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La diminution des crédits constatée entre la LFI pour 2025 et le PLF pour 2026 a ainsi pour effet de ramener les dépenses de la mission à un niveau bien plus modeste que lors des exercices précédents, correspondant à une diminution de 3 milliards d'euros en AE et de 2,4 milliards d'euros en CP, soit - 15,1 % en AE et - 11,8 % en CP.

B. UNE DIMINUTION SIGNIFICATIVE PROPOSÉE EN 2026, QUI FAIT SUITE À UNE TRÈS FORTE BAISSE ENTRE LE TEXTE DÉPOSÉ ET LE TEXTE ADOPTÉ EN 2025

1. Dans la version initiale du projet de loi de finances pour 2025, les crédits de la mission baissaient peu par rapport à l'exécution de l'exercice précédent

En 2024, la mission « Travail et emploi » a connu une exécution chaotique du fait de l'annulation par décret, dès février1(*), de la somme de 1,1 milliard d'euros d'AE et de CP.

Le décret du 21 février 2024 a procédé à une annulation de 228 millions d'euros sur le programme 102. Représentant 3 % des crédits alloués à ce programme en LFI pour 2024, elle avait conduit à réduire la voilure de certains dispositifs financés par la mission, notamment le parcours contractualisé d'accompagnement dans l'emploi et l'autonomie (Pacéa), le financement des missions locales, les contrats aidés ou le contrat d'engagement jeunes (CEJ).

Les annulations de crédits ont été plus importantes s'agissant du programme 103, où elles ont représenté 863,6 millions d'euros, soit 6 % des crédits du programme. À nouveau, l'administration a pris des mesures visant à répercuter cette baisse de moyens sur les dispositifs de formation professionnelle, avec en particulier la suppression de l'aide versée par l'État aux employeurs de personnes bénéficiant d'un contrat de professionnalisation, la baisse de plusieurs dispositifs relevant du plan d'investissement dans les compétences (PIC), la réduction des crédits dédiés à plusieurs dispositifs de formation professionnelle des salariés, notamment le FNE-Formation ou encore l'introduction d'un reste à charge à hauteur de 100 euros pour le recours au Compte personnel de formation (CPF), et une nouvelle diminution des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d'apprentissage par l'opérateur.

En conséquence de ces annulations, l'exécution des crédits de la mission « Travail et emploi » s'est établie à 21,4 milliards d'euros. Le montant des crédits demandés pour 2025 dans la version initiale du projet de loi de finances pour 2025, fixé à 21,6 milliards d'euros, ne représentait donc pas une baisse vertigineuse des crédits par rapport à l'exécution 2024 - malgré une importante mesure de périmètre qui faussait quelque peu les perspectives.

2. D'importantes diminutions de crédits adoptées au Parlement entre le dépôt et l'adoption de la loi de finances pour 2025

Comme l'illustre le graphique infra, l'examen du projet de loi de finances pour 2025 a donné lieu à d'importantes diminutions de crédits au cours du débat parlementaire.

D'abord au Sénat, un amendement gouvernemental a diminué les crédits de la mission de 675 millions d'euros, principalement au titre de « mesures d'efficiences appliquées aux opérateurs », parmi lesquelles comptaient, par exemple, le versement des niveaux de prise en charge (NPEC) au prorata temporis des formations - une formation avortée n'étant dès lors plus intégralement rémunérée.

Le Sénat avait également adopté des baisses de crédits ciblées sur l'apprentissage (dont le chiffrage n'est pas aisé car ces économies recoupaient des mesures également envisagées par le Gouvernement et déjà intégrées par la budgétisation et ses amendements), et deux mesures d'économies sur les opérateurs de la mission (3 millions d'euros).

En commission mixte paritaire, de nouvelles mesures ont été validées, notamment pour tenir comptes d'économies au titre du plan d'investissement dans les compétences (PIC), des contrats aidés ou des NPEC, pour un total de 656 millions d'euros.

Une seule augmentation de crédits a été adoptée, afin de pérenniser le financement des maisons de l'emploi, à hauteur de 5 millions d'euros.

Évolution des crédits (CP) de la mission entre le PLF et la LFI 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

C. BIEN QU'EN BAISSE, LES CRÉDITS ALLOUÉS À LA MISSION SE MAINTIENNENT À UN NIVEAU LÉGÈREMENT SUPÉRIEUR AU PLAFOND INITIALEMENT ENVISAGÉ DANS LE PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES POUR LES ANNÉES 2023 À 2027

La trajectoire des dépenses de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » prévoit que les crédits de la mission, qui se sont établis à 21,4 milliards d'euros en 2024 et à 20,0 milliards d'euros en 2025, s'établissent à 17,7 milliards d'euros en 2026.

Le plafond des crédits demandés pour la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » dans le projet de loi de finances pour 2026 est ainsi fixé à un niveau sensiblement inférieur au plafond fixé par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

Pour l'année à venir, la trajectoire des dépenses de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » (hors contribution au CAS « Pensions ») devraient demeurer inférieures au plafond fixé par la LPFP : avec 17,4 milliards d'euros en 2026, ce plafond serait confortablement respecté (21,6 milliards d'euros).

Comparaison des trajectoires pluriannuelles des crédits de la mission
dans la LPFP 2023-2027 et le PLF 2026

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et le projet annuel de performances annexé au PLF 2026

Toutefois, cette trajectoire a été largement revue à la hausse entre le dépôt du projet de loi de programmation à l'Assemblée nationale, en septembre 2022, et sa promulgation fin 2023. En effet, les moyens alors dévolus à la mission « Travail et emploi » étaient prévus pour être ramenés à 17 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement en 2024, puis à 16,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 16,3 milliards d'euros en crédits de paiement en 2025.

Ce n'est qu'en nouvelle lecture que les plafonds des crédits de la mission ont été réhaussés à 22,4 milliards d'euros en 2024 et en 2025, et à 21,6 milliards d'euros en 2026.

Les dépenses prévues pour 2026 s'établissent donc encore, malgré la baisse annoncée des crédits, légèrement au-dessus de cette trajectoire initiale. Les rapporteurs spéciaux relèvent néanmoins que les plafonds de crédits proposés pour 2026 se rapprochent sensiblement de la trajectoire qui était initialement prévue.

Or, il convient également de rappeler que la mission « Travail et emploi », en devenant la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux », a fait l'objet d'une importante mesure de périmètre, d'environ un milliard d'euros. Il semble donc que les dépenses de la mission rentrent lentement dans le lit creusé par la version initiale du projet de LPFP, dont la crue des crédits exceptionnels et de l'apprentissage les avait faites sortir.

II. LA DIMINUTION DES DÉPENSES DE LA MISSION AURAIT UN EFFET NÉGATIF SUR L'EMPLOI, MAIS UN IMPACT INCERTAIN SUR LE CHÔMAGE

A. UNE HAUSSE PRÉVUE DES DÉPENSES D'INDEMNISATION DE LA PERTE D'ACTIVITÉ, SIGNE D'UN MARCHÉ DU TRAVAIL MALMENÉ

1. Les dépenses liées au chômage partiel repartent à la hausse en raison du ralentissement de l'activité

Destinée à éviter le licenciement économique, l'activité partielle permet à l'entreprise rencontrant des difficultés ponctuelles de réduire l'horaire de travail ou de fermer temporairement l'établissement. L'employeur verse alors aux salariés une allocation pour les heures non travaillées et reçoit en contrepartie une aide financée par l'État et l'Unédic.

Ce dispositif a été fortement remanié en mars 2020, à l'occasion de la crise sanitaire, avec une prise en charge exceptionnelle supprimant le reste à charge des entreprises et un élargissement des catégories d'entreprises et de salariés concernés. Il a été resserré à partir du printemps 2021, en fonction de l'allègement des mesures de restriction d'activités.

En parallèle, a été mis en place en 2020 un dispositif d'activité partielle de longue durée (APLD) pour les entreprises confrontées à une réduction d'activité durable2(*). Reposant sur la négociation collective, il leur permettait de diminuer l'horaire de travail, dans la limite d'une réduction de 40 % de la durée du travail par salarié, en contrepartie d'engagements portant notamment sur le maintien de l'emploi et la formation. Dans ce dispositif, seuls 15 % de la rémunération du salarié en activité partielle était à la charge de l'employeur.

Le recours à l'activité partielle de longue durée est appelé à se réduire dans la mesure où il n'est plus possible pour une entreprise de mettre en place un dispositif d'APLD depuis le 1er janvier 2023, et les dispositifs qui l'ont été avant cette date ne pourront continuer à s'appliquer que jusqu'au 31 décembre 2026. En revanche, l'article 193 de la loi de finances pour 20253(*) a institué le dispositif d'activité partielle de longue durée rebond (APLD-R) qui vise à soutenir les entreprises confrontées à une baisse d'activité durable dans le contexte actuel d'incertitude et de dégradation de la conjoncture économique. Ce dispositif est ouvert jusqu'au 28 février 2026, et s'éteindra progressivement jusqu'au 28 février 2028.

Au 24 août 2025, 207 demandes d'autorisations ont été validées par l'autorité administrative pour 12 623 949 millions d'heures de placement autorisées ; parmi ces entreprises, 78 % relèvent d'industries manufacturières. Ce ressaut des demandes de placement en activité partielle illustre la fragilité de la conjoncture économique et le ralentissement de l'activité. L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) observe ainsi un « recul quasi généralisé » de l'emploi dans l'ensemble des secteurs d'activité : « à la mi-2025, le volume total d'heures travaillées (salariés et non-salariés) diminue de 0,2 % par rapport aux trois mois précédents. »4(*)

Compte tenu de la date butoir de demande d'activité partielle le 28 février 2026, le recours à l'APLD-R doit connaître une accélération en fin d'année 2025 et aboutir à un déploiement complet en cours d'année 2026. Ainsi, en 2026, le montant prévu par le projet de loi de finances pour le financement des dispositifs d'activité partielle s'élève à 220 millions d'euros, dont 118,24 millions d'euros pour le dispositif « rebond », en hausse de 41,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2025.

2. Une remontée attendue du chômage, cause d'une forte hausse des indemnités en faveur des demandeurs d'emploi prises en charge par l'État

L'évolution de la situation de l'emploi a un effet direct sur les dépenses d'allocations chômage prises en charge par l'État. En effet, une augmentation du nombre d'allocataires implique nécessairement une hausse de la prise en charge, quand une diminution des effectifs indemnisés conduit mécaniquement à une baisse des crédits.

En LFI 2024, les crédits s'étaient établis à 1,796 milliard d'euros. En 2026, les crédits destinés à la prise en charge par l'État des dépenses du régime de solidarité s'élèveraient à 2 061 milliards d'euros, en hausse de près de 265 millions d'euros (+ 14,8 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2025. Ces crédits concernent principalement l'allocation de solidarité spécifique destinée aux chômeurs arrivés en fin de droits dans le régime d'assurance chômage.

La forte progression attendue de crédits en 2026 traduit des anticipations pessimistes sur l'état de l'emploi en 2026. En effet, l'OFCE anticipe « une remontée du chômage de + 0,7 point d'ici 2026 », pour atteindre 8,2 % de la population active - étant précisée que cette prévision ne prend en compte aucune incidence spécifique de la loi pour le plein emploi.

Évolution du taux de chômage entre début 2025 et fin 2026

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'OFCE

3. Le coût des exonérations de cotisations sociales en faveur de l'emploi, directement conditionné par le nombre de travailleurs concernés, diminuerait en 2026

La mission « Travail et emploi » finance, sur le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », l'essentiel de la compensation aux administrations sociales des exonérations « ciblées » de cotisations sociales, les missions « Outre-mer » et « Agriculture » assurant celles concernant certains dispositifs spécifiques. S'agissant des exonérations « ciblées », les principaux dispositifs compensés par la mission concernent :

- la déduction forfaitaire sur les heures supplémentaires (884 millions d'euros en 2026) dite TEPA ;

- l'aide aux créateurs ou repreneurs d'entreprise - ACRE (322 millions d'euros en 2026) ;

- la déduction forfaitaire pour les particuliers employeurs (205 millions d'euros en 2026) ;

- l'aide à domicile employée par un particulier fragile ou une association ou une entreprise, auprès d'une personne fragile (2 058 millions d'euros en 2026).

Dans l'ensemble, le coût de ces exonérations « ciblées » diminuerait entre la LFI pour 2025 et le PLF pour 2026 (- 6,5 %). Dans le détail, seule la déduction TEPA augmenterait légèrement (+ 2,8 %) tandis que le coût des autres exonérations connaitrait une baisse (de - 5,6 % pour l'exonération particulier fragile direct à - 47,4 % pour l'exonération particulier employeur en passant par - 16,8 % pour la déduction ACRE).

B. SI L'IMPACT DE LA BAISSE DES DÉPENSES DE LA MISSION SUR LE CHÔMAGE EST INCERTAIN, IL SERA TRÈS PROBABLEMENT NÉGATIF SUR L'EMPLOI

1. La dépense publique en faveur de l'alternance diminuerait à nouveau en 2026

Les dépenses de l'État soutenant l'alternance - et en premier lieu l'apprentissage - ont été très élevées jusqu'en 2024. Les rapporteurs spéciaux l'estime à environ 6,2 milliards d'euros pour 2025. En retenant le même périmètre, ce coût serait de 4,6 milliards d'euros pour 2026, principalement en raison :

- d'une part, de la forte diminution des crédits dédiés à l'aide à l'embauche d'apprentis (- 31 %) ;

- d'autre part, de la diminution, également très importante, du coût de la prise en charge des cotisations salariales des apprentis, qui en sont exonérées (- 20,5 %).

Évolution du coût de l'alternance pour la mission
entre la LFI pour 2025 et le PLF pour 2026

(en millions d'euros)

 

2025

2026

Évolution 2026/2025

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Aide exceptionnelle aux contrats d'apprentissage

3 127

3 432

2 158

2 369

- 31,0 %

- 31,0 %

Aide aux contrats de professionnalisation

0

26

0

0

-

- 99,4 %

France compétences

913

913

673

673

- 26,3 %

- 26,3 %

Exonération de cotisations sociales des contrats d'apprentissage

1 310

1 310

1 043

1 042

- 20,4 %

- 20,5 %

Exonération IR du salaire des apprentis (perte de recette estimée)

533

526

- 1,3 %

TOTAL

5 883

6 214

4 400

4 610

- 25,2 %

- 25,8 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Ce chiffre porte néanmoins sur un périmètre très incomplet, l'apprentissage étant principalement financé par France Compétences via les opérateurs de compétences (Opco). La Cour des comptes a chiffré le coût des dispositifs d'alternance à 16,8 milliards d'euros en 20235(*). Quant à la revue des dépenses conduite par les inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (Igas)6(*), elle actualise certains chiffrages et apporte de nombreuses informations nouvelles mais sans en consolider le coût.

À la connaissance des rapporteurs spéciaux, l'estimation la plus récente et la plus complète du coût élevé de l'apprentissage pour les finances publiques a été publiée dans un Policy Brief de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)7(*) : il s'élèverait à 24,9 milliards d'euros en 2023 et à 24,6 milliards d'euros en 2024.

La baisse, dans la budgétisation initialement soumise au Parlement, du coût de l'exonération de cotisations salariales dont bénéficient les apprentis, résulte de la présence dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, dans sa rédaction au moment de son dépôt à l'Assemblée nationale, de la suppression de cette exonération, qui générerait environ 400 millions d'euros d'économies en 2026 selon le cabinet du ministre du travail et des solidarités. L'estimation de dépenses de compensation de ces exonérations inscrites sur la mission pour 2026 (20,5 %) tient compte de cette mesure.

2. La contrainte sur les dépenses de la mission aura vraisemblablement un impact négatif sur l'emploi

Le recul de l'emploi, déjà à craindre en 2025, devrait advenir en 2026. L'OFCE8(*) anticipe ainsi une hausse du taux de chômage d'environ 0,7 point, jusqu'à 8,2 % à fin 2026 (cf. supra).

La résorption des politiques volontaristes en faveur de l'emploi annoncée dans le PLF pour 2026 ne permettrait pas d'inverser cette tendance. En effet, selon les conjoncturistes, « le nombre de bénéficiaires des politiques de l'emploi reculerait [au total] de 128 000 en 2025 et de 87 000 en 2026, correspondant à 60 000 emplois aidés en moins en 2025 et 45 000 en 2026. »

Les rapporteurs spéciaux craignent néanmoins que la situation ne soit plus inquiétante encore que ne l'envisagent les économistes. En effet, s'ils soulignent avec raison l'impact de la suppression des emplois francs (47 000 bénéficiaires fin juillet 2024 contre une quasi-disparition attendue fin 2026), l'extinction progressive des contrats aidés dans le secteur marchand (plus de nouveaux bénéficiaires à partir de fin 2025), et la forte baisse des contrats aidés dans le secteur non marchand (- 40 000 bénéficiaires sur 2025, puis - 1 000 par mois en 2026)9(*), ils sous-estiment, en raison du dépôt tardif du projet de loi de finances cette année, l'ampleur de la baisse qui concerne l'insertion par l'activité économique (IAE). En effet, les estimations de l'OFCE tiennent compte, « d'une hausse de crédits de près de 300 millions d'euros (+ 22 %) » 10(*) pour les structures de l'IAE, qui ne figure pas - loin s'en faut - dans la budgétisation soumise au Parlement.

La baisse du soutien public à l'apprentissage conduirait à un reflux de ce dispositif, qui diminuerait au second semestre 2025 et en 2026 en raison de la concentration des entrées en apprentissage autour du mois de septembre. Une part significative des suppressions d'emplois, à hauteur de 109 000 emplois non créés, dont 65 000 emplois nets, en résulterait.

En revanche, comme l'a relevé l'économiste Bruno Coquet, entendu par les rapporteurs spéciaux, la baisse des entrées en apprentissage n'a que peu d'impact sur l'évolution du taux de chômage, dans la mesure où la majorité des apprentis étaient, avant leur entrée dans le dispositif, des étudiants et non des chômeurs. L'OFCE11(*) relève ainsi que « l'impact [du ralentissement de l'apprentissage] sur le chômage serait limité ».

C. LE MAINTIEN D'UNE CONTRIBUTION DE L'UNÉDIC MALGRÉ LE RETOUR DE L'ASSURANCE CHÔMAGE EN SITUATION DÉFICITAIRE

1. De 2023 à 2026, une moindre compensation des exonérations de cotisations versée à l'assurance chômage

Le principe d'une reprise par l'État des excédents de l'Unédic a été posé dans le document de cadrage par lequel la Première ministre d'alors avait fixé les conditions de la négociation de la convention de l'assurance chômage12(*). Ainsi, entre 2023 et 2026, des prélèvements sur la fraction de TVA affectée à l'Unédic devaient lui permettre de faire contribuer le régime d'assurance chômage « au financement des politiques visant le plein emploi13(*) ».

En 2023, le montant de cette reprise a été de 2 milliards d'euros ; il a ensuite été de 2,6 milliards d'euros en 2024 et de 3,35 milliards d'euros en 202514(*). Pour 2026, il serait de 4,1 milliards d'euros (+ 750 millions d'euros).

Reprise d'excédents de l'Unédic
prévue et en cours de réalisation entre 2023 et 2026

(en millions d'euros)

 

2023

2024

2025

2026

Document de cadrage

2 000

2 500

3 000 < x < 3 200

3 500 < x < 4 100

Lois de finances et PLF 2026

2 000

2 600

3 350

4 100

Source : document de cadrage relatif à la négociation de la convention de l'assurance chômage et projet de loi de finances pour 2026

Cette trajectoire est globalement conforme à la prévision du document de cadrage. Elle lui est légèrement supérieure pour les années 2024 (+ 100 millions d'euros à la suite de l'adoption d'un amendement du Gouvernement en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale) et 2025 (+ 150 millions d'euros). Elle l'est également pour 2026, même si elle s'établit au montant maximal envisagé.

2. Une contribution controversée de l'Unédic au financement des politiques de l'emploi
a) La position du rapporteur spécial Emmanuel Capus : un prélèvement conforme aux prévisions pour 2026, mais dont la justification interroge pour l'avenir

Le rapporteur spécial constate que le prélèvement proposé pour 2026 est conforme à la trajectoire fixée dans le document de cadrage à l'été 2023. Pour regrettable que ce soit pour l'Unédic, ce prélèvement était donc attendu par l'ensemble des acteurs et pouvait être anticipé.

Le rapporteur spécial relève également que, comme les prévisions de l'Unédic le relèvent elles-mêmes, le nombre de chômeurs indemnisés devrait diminuer en 2025 et 2026 en raison de la mise en oeuvre de la loi pour le plein emploi - entrainant une stabilisation des dépenses d'allocation à 37,2 milliards d'euros - alors que les contributions d'assurance chômage augmenteraient pour s'établir à 48,3 milliards d'euros en 2026. Le rapporteur spécial s'interroge sur les effets de la modification de l'assiette de cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants, qui aboutiraient selon l'Unédic à une perte de recettes d'environ 800 millions d'euros en 2026.

En tout état de cause, les fondamentaux de l'Assurance chômage demeurent donc relativement solides.

L'originalité de l'année 2026 consisterait en revanche dans le fait que le prélèvement aurait lieu alors même que, contrairement à ce qui valait ces dernières années, le solde de l'Unédic serait cette fois franchement négatif.

Contributions d'assurance chômage (haut)
Dépenses d'allocation chômage (bas)

(en milliards d'euros)

Source : Unédic, prévisions financières de l'Unédic - octobre 2025

En effet, l'excédent du régime d'assurance chômage aurait pu être de 3,4 milliards d'euros en 2025 - alors qu'il est déficitaire du fait du prélèvement. En 2026, le déficit attendu est de 1,3 milliard d'euros, alors qu'un excédent de 3 milliards d'euros aurait pu être dégagé en l'absence de prélèvement de l'État à hauteur de 4,1 milliards d'euros.

Ce retour en territoire déficitaire provoque en conséquence une inversion de la courbe de désendettement de l'Unédic. Ainsi, alors que la dette de l'Assurance chômage était d'environ 59,5 milliards d'euros en 2025 sans prélèvement, elle s'établirait à 60,8 milliards d'euros à fin 2026.

Prévision d'évolution de l'endettement
du régime d'assurance chômage entre 2022 et 2027

(en milliards d'euros)

Source : Unédic, prévisions financières de l'Unédic - octobre 2025

Au lieu de se réduire, la dette de l'Unédic repartirait donc à la hausse en 2026, éloignant d'autant plus les perspectives d'apurement de 50 % de la dette de l'Assurance chômage à horizon 2026, objectif qui apparaît désormais hors de portée.

Le risque lié à l'endettement de l'Assurance chômage semble toutefois réduit dans la mesure où l'article 59 du présent projet de loi prévoit d'accorder à l'Unédic la garantie de l'État pour un montant de 10 milliards d'euros en principal. Il paraît donc exagéré d'affirmer que le prélèvement opéré par l'État sur les recettes de l'Unédic se serait fait sans soutien de la part du Gouvernement.

Passée l'année 2026 en revanche, se posera la question de la pérennité du prélèvement de l'État sur les recettes de l'Unédic. Au temps de l'embellie du marché du travail, la participation d'une Assurance chômage aux comptes excédentaires au financement des politiques de soutien à l'emploi semblait à la fois justifiée sur le plan théorique et équilibrée sur le plan financier ; mais si les perspectives d'emploi demeuraient assombries et que l'Unédic renouait durablement avec les déficits, la pérennité du prélèvement serait-elle confirmée ?

b) La position de la rapporteure spéciale Ghislaine Senée : un prélèvement maintenu malgré la dégradation de la situation de l'Unédic et en méconnaissance du fonctionnement contracyclique de l'Assurance chômage

La rapporteure spéciale considère que le prélèvement sur les recettes de l'Unédic ne se justifie pas, compte tenu du niveau d'endettement important de l'assurance chômage et de retour en situation déficitaire à compter de 2025. Elle relève qu'une partie de cette dette - environ un tiers - résulte des mesures décidées par l'État durant la crise sanitaire, et que si l'État procède à une ponction de recettes lorsque la situation s'améliore, il n'a pas procédé à une reprise de cette dette lorsque la situation était critique.

Or, après une année 2025 proche de l'équilibre, l'Assurance chômage connaîtrait en 2026 un déficit de 1,3 milliard d'euros. Dans ces circonstances, les moindres compensations versées par l'État, qui s'apparentent à un prélèvement sur les recettes de l'Unédic, auraient pour effet de compromettre l'équilibre financier du régime.

Prévision d'évolution du solde financier de l'Unédic
avec et sans prélèvement de l'État entre 2022 et 2027

(en milliards d'euros)

Source : Unédic, prévisions financières de l'Unédic - octobre 2025

Ce retour aux déficits, qui empêche le désendettement de l'Unédic, est loin d'être anecdotique compte tenu du rôle de « stabilisateur automatique » de l'Assurance chômage, qui s'endette lorsque la conjoncture est défavorable et doit se désendetter lorsque celle-ci présente une embellie - en prévision de la prochaine crise qui impliquera une nouvelle hausse de l'endettement.

La rapporteure spéciale relève en outre que, depuis 2023, le remboursement des emprunts de moyen et long terme n'a pas pu être effectué grâce aux ressources propres du régime. En effet, la variation de trésorerie de l'Unédic est depuis lors inférieure au montant des remboursements obligataires de l'année, du fait des prélèvements opérés par l'État.

En 2026, cette situation devrait se reproduire puisque 6,3 milliards d'euros d'emprunts de moyen et long terme seront remboursés. Alors que les prélèvements de l'État limitent la capacité de désendettement de l'Unédic, elle recourt de manière accrue aux marchés financiers, dans un contexte cette fois de taux d'intérêt élevés, engendrant ainsi une hausse des dépenses nettes d'intérêts qui représenterait près de 1 milliard d'euros sur la période 2023-2027.

La rapporteure spéciale s'interroge également sur la portée de la « contribution » de l'Unédic aux politiques de l'emploi dans la mesure où, si l'évaluation préalable de l'article 40 du PLF 202615(*) indique toujours que la contribution de l'Unédic a « vocation à financer les politiques visant le plein emploi », elle s'accompagnerait pour 2026 de la diminution sensible des crédits de la mission « Travail et emploi ». En l'absence de « fléchage » du prélèvement de l'État sur les recettes de l'Assurance chômage spécifiquement vers les dépenses de la mission « Travail et emploi », il semble difficile d'affirmer qu'il s'agit d'une contribution à une politique publique et non, plus cyniquement, au désendettement désordonné de l'État.

La rapporteure spéciale rappelle, enfin, que l'Unédic est appelée à doublement participer au financement des politiques menées par l'État car, outre une reprise de ses excédents, elle doit également contribuer à hauteur de 11 % de ses recettes au financement de France Travail.

DEUXIÈME PARTIE
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

La quasi-totalité des dispositifs financés par la mission fait face à une diminution de crédits liée aux restrictions budgétaires.

Évolution des crédits des principaux dispositifs en faveur de l'emploi et des compétences portés par la mission « Travail et emploi »

(en millions d'euros)

 

LFI 2025

PLF 2026

Évolution 2024/2023

Programme 102

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Indemnisation demandeurs d'emploi

1 796

1 796

2 061

2 061

+ 14,8 %

+ 14,8 %

Financement missions locales

598

492

520

535

- 13,0 %

+ 8,7 %

Contrats aidés

80

154

34

36

- 58,0 %

- 76,6 %

dont PEC (secteur non-marchand)

229

231

34

36

- 85,3 %

- 84,5 %

dont CIE (secteur marchand)

1

3

0

0

- 100,0 %

- 100,0 %

Insertion par l'activité économique (IAE)

1 835

1 462

1 293

1 304

- 29,5 %

- 10,8 %

dont ateliers et chantiers d'insertion (ACI)

1 319

1 036

916

924

- 30,6 %

- 10,8 %

dont entreprises d'insertion (EI)

344

266

224

226

- 34,9 %

- 15,0 %

Dispositifs en faveur des personnes handicapées

595

508

435

432

- 26,9 %

- 15,0 %

dont entreprises adaptées (EA)

550

472

432

428

- 21,5 %

- 9,4 %

Territoire zéro chômeur de longue durée

81

81

69

69

- 15,1 %

- 15,1 %

Dispositifs en faveur de l'emploi des jeunes

973

989

921

948

- 5,3 %

- 4,1 %

dont allocation "contrat d'engagement jeunes" (CEJ)

786

786

755

755

- 3,9 %

- 3,9 %

dont allocation "parcours contractualié d'accompagnement dans l'emploi et l'autonomie" (PACEA)

44

44

43

43

- 2,3 %

- 2,3 %

Programme 103

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Aides aux employeurs d'apprentis

3 127

3 432

2 158

2 369

- 31,0 %

- 31,0 %

Exonérations contrats d'apprentissage

1 310

1 310

1 043

1 043

- 20,4 %

- 20,4 %

Activité partielle

155

155

220

220

+ 41,9 %

+ 41,9 %

Formation des salariés

108

109

8

24

- 92,6 %

- 78,3 %

dont FNE-Formation

100

101

0

16

- 100,0 %

- 84,6 %

dont Transitions collectives

8

8

8

8

0,0

0,0

Dotation à France compétences

913

913

673

673

- 26,3 %

- 26,3 %

Exonérations diverses

3 711

3 711

3 470

3 470

- 6,5 %

- 6,5 %

dont déduction forfaitaire sur les heures supplémentaires (TEPA)

860

860

884

884

+ 2,8 %

+ 2,8 %

dont aide aux créateurs et repreneurs d'entreprises (ACRE)

387

387

322

322

- 16,8 %

- 16,8 %

dont exonération particulier-employeur

390

390

205

205

- 47,4 %

- 47,4 %

dont exonération particulier-employeur fragile (direct ou mandataire)

1 027

1 027

969

969

- 5,6 %

- 5,6 %

dont exonération particulier-employeur fragile (prestataire)

1 047

1 047

1 089

1 089

+ 4,0 %

+ 4,0 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

I. LES STRUCTURES D'ACCOMPAGNEMENT VERS L'EMPLOI SONT FORTEMENT MISES À CONTRIBUTION PAR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2026

A. DES MOYENS FORTEMENT CONTRAINTS POUR LE SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI

1. France Travail, premier opérateur de l'État par la taille, verrait ses moyens humains et financiers diminuer en 2026

Les financements versés à France Travail via la mission diminueraient légèrement par rapport à la LFI pour 2025, traduisant deux évolutions en sens contraires : ainsi, la subvention pour charges de service public budgétée sur le programme 102 est orientée à la baisse (1,16 milliard d'euros, soit - 12 % par rapport à 2025), alors que les transferts en provenance des programmes 102 et 103, qui s'établissent à 2,16 milliards d'euros pour 2026, connaissent une augmentation de 5,2 % par rapport à 2025.

Les crédits alloués par l'État à France Travail enregistreraient donc une baisse de 1,6 % entre la loi de finances initiale pour 2025 et le projet de loi de finances pour 2026. Toutefois, ces crédits ne représentent qu'environ 23 % des ressources de l'opérateur. Dans le même temps, la contribution de l'Unédic au financement de France Travail - qui représente environ 74 % de ses ressources - connaitrait une hausse d'environ 200 millions d'euros, pour s'établir à 5,2 milliards d'euros.

France Travail serait surtout confronté, en 2026, à une diminution de ses effectifs sous plafond. Dans le PLF pour 2026, le plafond d'emploi serait ainsi fixé à hauteur de 48 632 ETPT, soit une baisse de 515 ETPT par rapport à la LFI 2025 (pour laquelle le plafond était fixé à 49 147 ETPT). Ce recul correspond à la diminution du plafond d'emploi qui avait été proposée l'année dernière par le Gouvernement de Michel Barnier, avant d'être abandonnée au cours de la discussion parlementaire par le Gouvernement de François Bayrou.

Selon le directeur général de France Travail, l'opérateur comprend la nécessité de participer à l'effort national par la baisse de sa dotation financière. Toutefois, France Travail souhaiterait que cette trajectoire financière nouvelle ne s'accompagne pas d'une baisse d'effectifs qui mettrait en péril cette démarche d'efficience et l'atteinte des objectifs qui lui ont été fixés. En effet, l'engagement pris par l'opérateur dans le cadre de la loi pour le plein emploi16(*), qui consiste principalement à renforcer l'accompagnement des demandeurs d'emploi, avec un effort particulier en direction des publics éloignés de l'emploi comme les personnes handicapées ou les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), nécessite un accompagnement renforcé.

Le directeur général de France Travail fait valoir que la diminution de ses effectifs pourrait à terme remettre en cause l'objectif de permettre à chaque conseiller de l'opérateur d'accompagner l'ensemble des demandeurs d'emploi orientés vers lui.

Si l'administration souligne que France Travail est le premier opérateur de l'État en termes d'effectifs (48 632 ETPT prévus pour 2026) et qu'une contribution à hauteur de 1 % de son plafond d'emplois ne semble pas excessive, le directeur général de France Travail a esquissé une autre voie : selon lui, le « pilotage par l'impact » initié par l'opérateur dans le cadre de son plan d'efficience, a permis en 2025 une diminution sensible de ses dépenses d'intervention, en concentrant les moyens sur les dispositifs présentant les meilleurs retours à l'emploi et en cessant de financer les dispositifs moins efficaces.

Dans l'optique de poursuivre ce plan d'efficience, le directeur général de France Travail a ainsi incité l'État à ne pas poursuivre dans la voie des baisses d'effectifs - ces moyens humains étant indispensables à la réalisation de nouvelles économies à l'avenir via la mise en oeuvre du plan d'efficience.

2. Au sein du service public de l'emploi, la situation financière des missions locales est très préoccupante

La loi de finances pour 2025 a procédé à une diminution des financements de l'État alloués aux missions locales. Si les AE restaient relativement stables, à 598 millions d'euros, les CP ont connu une diminution de 22,2 %, s'établissant à 492 millions d'euros. L'administration avait indiqué que cette diminution des décaissements correspondrait à la mise à contribution des excédents de trésorerie de certaines missions locales, qui ont pu bénéficier d'un phénomène de surfinancement les années précédentes.

S'il est encore trop tôt, selon le cabinet du ministre du travail et des solidarités, pour apprécier l'impact de cette reprise de trésorerie sur les missions locales, les rapporteurs ont été alerté sur les difficultés de certaines structures et de certaines collectivités. Interrogé, le cabinet a indiqué avoir demandé aux services déconcentrés de suivre de très près la situation sur le terrain, afin de demeurer flexible et de pouvoir apporter un soutien ponctuel aux structures en difficulté.

En 2026, la tendance s'inverse, puisque les crédits dédiés au financement des missions locales diminueraient en AE (- 13 %) mais augmenteraient légèrement en CP (+ 8,7 %).

Interrogée par les rapporteurs spéciaux, l'administration a expliqué que la diminution des autorisations d'engagements traduit l'effort à venir pour les missions locales, à hauteur de 78 millions d'euros. Si la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) a souligné que ce niveau de financement demeurait encore largement supérieur (+ 50 %) au niveau de 2019, les rapporteurs spéciaux considèrent qu'il aurait mieux valu moins augmenter les crédits les années précédentes, afin d'éviter un reflux trop important aujourd'hui.

Cette diminution porterait pour partie sur les crédits de fonctionnement des missions locales, et pour partie sur le financement de l'accompagnement, par ces structures, des bénéficiaires de contrats d'engagements jeunes (CEJ). Le nombre de jeunes accompagnés, qui était déjà passé d'un dispositif ouvert sur demande à un dispositif contingenté en 2024, verrait ainsi ses effectifs de bénéficiaires diminuer, probablement de 200 000 CEJ en 2025 à environ 190 000 CEJ en 2026 - les effectifs des CEJ accompagnés par France Travail restant stables, à 85 000.

À ce titre, la rapporteure spéciale Ghislaine Senée souligne sa grande inquiétude sur le sort des jeunes qui ne pourraient pas bénéficier, du fait des coupes dont les missions locales sont l'objet, de l'accompagnement dont ils ont besoin. Dans la Sarthe, les acteurs de terrain constatent en effet une hausse, qui résulte du décrochage scolaire, de 12 % des demandes, dont + 33 % de mineurs. Elle dénonce l'impact nécessairement délétère qu'auront les baisses de crédits de la mission sur la situation précaire de ces jeunes en rupture.

Enfin, la légère hausse des CP en 2026 est la conséquence de la mesure de trésorerie prise en 2025 : cette mesure a pris la forme d'un report du versement, à hauteur de 30 %, des crédits finançant l'accompagnement en CEJ par les missions locales. Le versement de ces crédits, reporté sur 2026, explique la légère hausse des CP prévue pour l'année à venir.

B. LES DISPOSITIFS D'EMPLOI AIDÉS FINANCÉS PAR LA MISSION FONT TOUS L'OBJET DE DIMINUTIONS DE CRÉDITS

1. La suppression des emplois francs se confirme, la disparition des contrats aidés se poursuit

Deux mesures conséquentes du projet de loi de finances pour 2025 consistent en la suppression de deux dispositifs d'emploi aidé : les contrats aidés dans le secteur marchand, d'une part, et les emplois francs, d'autre part. Cette suppression fait suite aux constats répétés de la faible efficience de ces dispositifs, voire d'effets d'aubaines importants.

Ainsi, il est reconnu que, pour les contrats aidés dans le secteur marchand (les « contrats uniques d'insertion » et « contrats initiatives emploi » - CUI et CIE), l'effet d'aubaine17(*) était supérieur à celui observable pour les contrats aidés dans le secteur non-marchand (dits « parcours emplois compétences » - PEC).

Une étude de 2023 a ainsi estimé l'effet d'aubaine des contrats aidés à 26 % dans le secteur non-marchand, mais jusqu'à 61 % dans le secteur marchand18(*). En conséquence, la LFI pour 2025 a prévu l'extinction des CUI-CIE, dont les crédits ont chuté à 1 million d'euros en AE et 3 millions d'euros en CP, des montants résiduels traduisant la fin du dispositif.

Poursuivant dans cette voie, le projet de loi de finances pour 2026 prévoit une baisse très significative des crédits dédiés aux contrats aidés dans le secteur non-marchand, puisqu'ils passeraient de 228,8 millions d'euros en AE et 111,8 millions d'euros en CP à 33,7 millions d'euros en AE et 23,3 millions d'euros en CP dans le secteur non-marchand, soit une diminution de 85 % en AE et de 79 % en CP. En conséquence, le nombre d'entrées en PEC en 2026 serait de 16 000, alors qu'il était de 50 000 en 2025 (soit une baisse de 68 %). Il s'agit, selon la rapporteure spéciale Ghislaine Senée, d'une véritable régression, pour les bénéficiaires des PEC comme pour le secteur non-marchand, en particulier les collectivités territoriales.

Les emplois francs sont quant à eux un dispositif réglementaire19(*) consistant en une aide à l'embauche pour les employeurs recrutant des salariés résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), visant à lever les freins qu'ils rencontrent dans l'accès à l'emploi et notamment les discriminations à l'embauche dont ils font l'objet. Ayant fait l'objet de revues de dépenses en 202420(*), ce dispositif a été jugé « peu dynamique, avec un nombre d'entrées faible », sans « effet concluant sur l'accès à l'emploi des habitants de QPV », et présentant « des effets d'aubaines importants ».

La réduction des crédits dédiés aux emplois francs dans le PLF 2026 (nuls en AE et de 52,1 millions d'euros en CP pour solder les contrats déjà signés) traduit la décision du Gouvernement d'abandonner entièrement ce dispositif compte tenu des effets d'aubaine importants (77 %) qu'il génère21(*).

2. Les moyens alloués à l'insertion par l'activité économique (IAE) connaitraient la plus forte baisse de leur histoire

Les crédits dédiés à l'insertion par l'activité économique (IAE) sont, prévus en baisse pour 2026. Ils s'établiraient en effet à 1 293,0 millions d'euros en AE et à 1 909,6 millions d'euros en CP dans le présent projet de loi de finances, soit une nette diminution par rapport aux crédits budgétés dans la LFI pour 2025 (- 31 % en AE et - 12,9 % en CP).

Surtout, l'ensemble des structures d'insertion par l'activité économique serait concerné par cette diminution, qui n'épargnerait aucun dispositif.

En effet, les crédits de paiement dédiés à chaque catégorie de structure d'IAE diminueraient en 2025, de - 15,2 % pour les entreprises d'insertion (EI) à - 10 % pour les ateliers et chantiers d'insertion (ACI).

Évolution des crédits alloués aux structures d'insertion par l'activité économique entre la LFI 2025 et le PLF 2026

(en millions d'euros)

 

LFI 2025

PLF 2026

Évolution 2026/2025

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Ateliers et chantiers d'insertion (ACI)

1 319,4

1 036,3

916,3

924,2

- 30,6 %

- 10,8 %

Associations intermédiaires (AI)

36,7

29,3

22,4

22,6

- 39,0 %

- 22,9 %

Entreprises d'insertion (EI)

343,8

266,2

224,1

225,7

- 34,8 %

- 15,2 %

Entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI)

98,0

79,8

64,9

65,5

- 33,8 %

- 17,9 %

Entreprises d'insertion par le travail indépendant (EITI)

12,8

12,8

9,7

9,7

- 24,2 %

- 24,2 %

Autres dispositifs

72,8

72,6

55,6

55,9

- 23,6 %

- 23,0 %

TOTAL

1 883,5

1 497,0

1 293,0

1 303,6

- 31,3 %

- 12,9 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Entendue par les rapporteurs spéciaux, la fédération des entreprises d'insertion (FEI) considère qu'il s'agit d'une baisse sans précédent du budget de l'IAE, la plus forte de son histoire. Les crédits diminueraient en effet de 509 millions d'euros en AE et de 193 millions d'euros en CP.

Toujours selon la FEI, cette baisse de budget aurait pour conséquence directe la suppression de 20 058 ETP, soit environ 60 000 parcours en insertion, auxquels s'ajoutent les permanents qui accompagnent les salariés en insertion, ce qui représenterait un niveau équivalent à celui de 2020-2021.

Si cette baisse des financements de l'État est indéniable, sa sévérité peut néanmoins être quelque peu nuancée.

Interrogée, la DGEFP a souligné que, malgré la baisse des crédits prévue pour 2026, ce repli substantiel fait suite à une forte augmentation au titre des années précédentes, le financement des SIAE par l'État étant maintenu à un niveau 60 % supérieur à ce qu'il était en 2017. En outre, la diminution des AE entre la LFI 2025 et le PLF pour 2026 est partiellement due à l'ouverture, en 2025, « d'AE techniques », jeu d'écriture qui accentue la baisse entre 2025 et 2026. La DGEFP a ainsi indiqué qu'en neutralisant cet effet, les AE ne diminueraient plus « que » de 12 %.

En outre, l'observation de l'exécution des crédits de la mission lors des derniers exercices clos (2023 et 2024) montre une tendance à la sous-consommation des crédits ouverts au titre de l'IAE et la réalisation partielle des objectifs d'effectifs de l'IAE.

Ainsi, en 2024 sur les 1 456,6 millions d'euros en CP ouverts pour l'ensemble des dispositifs d'IAE, seuls 1 324,8 millions d'euros avaient été consommés (soit un écart de 131,8 millions d'euros et un taux de consommation de 91 %). La tendance est la même s'agissant des effectifs, puisque sur les 100 227 ETP prévus en 2024, seuls 84 614 ETP ont bien été accompagnés par les structures.

En comparant les prévisions pour 2026, non aux prévisions pour 2025, mais au réalisé en 2024, la sévérité des coupes budgétaires sur l'IAE apparaît moindre qu'anticipée : les crédits de paiement diminueraient non de 193 millions d'euros mais de « seulement » 77,1 millions d'euros ; de même, les effectifs ne diminueraient pas de 20 058 ETP mais « uniquement » de 4 445 ETP - soit des baisses de l'ordre de 6 %.

Évolution des crédits et des effectifs de l'IAE entre le PLF 2026
et les dernières exécutions connues

(en millions d'euros et en pourcentage)

 

2023

2024

2026

Évolution PLF 2026 / réalisé 2024

 

Prévu

Réalisé

Prévu

Réalisé

Prévu

M €

%

Ateliers et chantiers d'insertion (ACI)

Crédits (CP)

891,1

958,7

1 053,2

982,6

924,2

- 58,4

- 5,9 %

Effectifs

37 073

38 647

42 257

38 815

36 220

- 2 595

- 6,7 %

Associations intermédiaires (AI)

Crédits (CP)

31,9

23,9

30,4

24,6

22,6

- 2,0

- 8,1 %

Effectifs

19 609

14 718

18 027

13 546

13 200

- 346

- 2,6 %

Entreprises d'insertion (EI) et entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI)

Crédits (CP)

314,5

276,1

360,0

306,4

291,2

- 15,2

- 5,0 %

Effectifs

36 911

30 481

37 955

30 767

28 949

- 1 818

- 5,9 %

Entreprises d'insertion par le travail indépendant (EITI)

Crédits (CP)

7,9

0,4

13,0

11,2

9,7

- 1,5

- 13,4 %

Effectifs

1 189

1 219

1 988

1 486

1 800

+ 314,0

+ 21,1 %

TOTAL

 

 

 

 

 

 

 

Crédits (CP)

1 245,4

1 259,1

1 456,6

1 324,8

1 247,7

- 77,1

- 5,8 %

Effectifs

94 782

85 065

100 227

84 614

80 169

- 4 445

- 5,3 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires et la note d'exécution budgétaire 2024

Si l'ampleur des coupes budgétaires peut donc être mise en perspective, leur réalité ne peut être niée. En l'absence d'une atténuation de l'effort demandées au SIAE - que la rapporteure spéciale Ghislaine Senée appelle de ses voeux - les rapporteurs spéciaux s'accordent pour considérer qu'il convient a minima que l'administration tienne ses engagements de suivre au plus près du terrain la situation des structures afin de garantir que les conditions de prise en charge et d'accompagnement demeurent satisfaisantes - sans quoi les taux d'insertion en pâtiront certainement.

3. La pérennisation de l'expérimentation « Territoire zéro chômeur de longue durée » pose la question de son financement dans la durée

L'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée (ETCLD) a été créée par la loi du 29 février 201622(*), avec comme objectif de recruter les « personnes privées durablement d'emploi » (PPDE) qui le souhaitent, pour mobiliser leurs compétences dans le cadre d'activités socialement utiles dans lesquelles ces personnes souhaitent s'engager. Avec la loi de 2016, dix territoires avaient été sélectionnés pour participer à l'expérimentation. Avec la loi du 14 décembre 202023(*), l'expérimentation a été étendue : elle concerne désormais jusqu'à 60 territoires volontaires, y compris les dix territoires initiaux.

L'expérimentation s'appuie sur des entreprises à but d'emploi (EBE) qui reçoivent des financements des collectivités territoriales concernées et du mécénat, ainsi que de leurs clients via leur chiffre d'affaires. Des financements proviennent également de l'Association ETCLD qui elle-même est financée par les départements concernés (à hauteur d'au moins 15 %) et par l'État, via la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP).

En 2026, les financements de l'État s'élèveraient à 68,8 millions d'euros en AE et en CP, afin de financer :

la contribution au développement de l'emploi (CDE), qui correspond à la contribution financière de l'État à la production supplémentaire d'emplois par les EBE. L'hypothèse retenue pour 2026 est celle d'une CDE à hauteur de 95 % du salaire minimum de croissance (Smic) appliquée à 3 069 ETPT ;

la dotation d'amorçage, qui représente un financement supplémentaire pour chaque nouvel ETP l'année de sa création. Étant fixée à 30 % du Smic, elle permettrait la création de 247 nouveaux ETP en 2026 ; les effectifs continueraient donc leur progression, mais celle-ci serait ralentie.

le complément temporaire d'équilibre (CTE), destiné à compenser en tout ou partie le déficit d'exploitation courant de l'EBE au cours d'une année déterminée.

La budgétisation de crédits au titre de ce dispositif en 2026 témoigne de la volonté du Gouvernement de pérenniser, ou a minima proroger, l'expérimentation « Zéro chômeur de longue durée », qui arrive à échéance au 1er juillet 2026. La proposition de loi du député Stéphane Viry24(*) prévoit ainsi la pérennisation et la généralisation de l'expérimentation et pourrait constituer le véhicule adéquat.

Les rapporteurs spéciaux considèrent néanmoins que la pérennisation et la généralisation de l'ETCLD posent au moins deux défis majeurs.

Le premier est celle de la gouvernance et de l'articulation entre les comités locaux pour l'emploi (CLE), qui pilotent l'expérimentation sur le terrain, et les comités territoriaux pour l'emploi (CTE) créés par la loi pour le plein emploi de 2023, qui réunissent les partenaires du réseau pour l'emploi (RTE) que sont l'État, les collectivités territoriales et le service public de l'emploi (SPE), dont France Travail. Sur ce point, le défi semble en voie d'être relevé, puisque le rapport du comité scientifique25(*) sur l'ETCLD indique que l'offre d'accompagnement proposée par l'expérimentation est « globalement complémentaire au SPE » et que « dans la grande majorité des cas, la crainte que TZCLD puisse concurrencer l'action locale du SPE a été levée au profit d'un travail de coopération ».

Le second est celui des économies associées à la création d'emploi en EBE, qui correspondent certes à des coûts importants (26 600 euros par an et par ETP) mais qui sont compensés par des coûts sociaux évités et des recettes fiscales et sociales additionnelles. Le rapport du comité scientifique indique que ces économies sont « bien réelles, même si certains effets sont difficiles à mesurer ». Les coûts évités seraient de l'ordre de 15 300 euros par an et par ETP, soit un « coût net » d'un emploi en EBE de 11 300 euros. Le même rapport précise toutefois que « ces calculs ne comprennent pas les dépenses complémentaires et certains coûts collectifs évités en lien avec le chômage de longue durée qui sont très difficiles à monétiser ». Pour la rapporteure spéciale Ghislaine Senée, la véritable ampleur des coûts du chômage n'est donc pas assez finement prise en compte, à ce stade, dans l'évaluation de l'expérimentation.

Il convient donc de mieux mesurer l'impact de « l'activation des dépenses passives » afin de mieux maîtriser le coût du dispositif.

C. UNE CONTRIBUTION DES OPÉRATEURS DE LA MISSION AUX EFFORTS BUDGÉTAIRES

Le financement des opérateurs rattachés à la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » diminuera sensiblement en 2026. Au total, la somme des subventions pour charges de service public et des transferts inscrits sur la mission passerait de 5 076,4 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2025, à 4 825,7 millions d'euros pour 2026, soit une baisse de 4,9 %.

Évolution des subventions pour charges de service public (SCSP)
et des transferts versés aux opérateurs (CP)

(en milliers d'euros)

Opérateur
(Programme de rattachement)

LFI 2025

PLF 2026

Variation 2026-2025

France Travail (SCSP - P102)

1 321 578

1 162 913

- 12,0 %

France Travail (transferts P102 et P103)

2 052 254

2 158 578

+ 5,2 %

France Travail (total)

3 373 832

3 321 491

- 1,6 %

EPIDE (P102)

83 339

101 648

+ 22,0 %

GIP plateforme inclusion (P102)

7 643

4 359

- 43,0 %

Centre INFFO (P103)

2 638

0

- 100,0 %

AFPA (P103)

113 849

123 849

+ 8,8 %

France compétences (P103)

850 283

613 043

- 27,9 %

GIP Les entreprises s'engagent (P103)

4 695

1 525

- 67,5 %

ANACT (P111)

11 072

11 250

+ 1,6 %

ANACT (transferts P103 et P111)

3 291

6 984

+ 112,2 %

ANACT (total)

14 363

18 234

+ 27,0 %

Agences régionales de santé (P124-155)

612 749

627 142

+ 2,3 %

INTEFP (P155)

12 987

14 387

+ 10,8 %

TOTAL

5 076 378

4 825 678

- 4,9 %

Note : Établissement pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE), Centre pour le développement de l'information sur la formation permanente (Centre INFFO), Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT), Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (INTEFP).

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette diminution résulte principalement d'évolutions contrastées des principales subventions versées par la mission aux principaux opérateurs qui lui sont rattachés : en effet, alors que le financement par la mission de France Travail diminue (- 1,6 %), de même que le soutien accordé à France compétences à la faveur d'un allègement progressif des charges contraintes de cet opérateur (- 27,9 %), la subvention pour charge de service public versée aux agences régionales de santé, transférées à la mission dans la loi de finances pour 2025, augmenterait légèrement (+ 2,3 %).

Les évolutions qui affectent ces « gros » opérateurs sont déterminantes dans l'équilibre d'ensemble du financement des opérateurs de la mission. Ainsi, la suppression de la subvention versée à Centre Inffo, qui cesse à compter de 2026 de figurer parmi les opérateurs de l'État, ou les variations parfois importantes des subventions de l'ANACT ou de l'Épide, n'ont qu'une influence relative sur l'évolution de l'ensemble.

Il en va de même pour les effectifs des opérateurs de la mission, France Travail représentant, de loin, les effectifs les plus importants. Ainsi, la diminution du plafond d'emploi de France Travail de 515 ETPT, et plus encore la suppression de ses effectifs hors plafond (- 3 905 ETPT) telle que présentée dans les documents budgétaires, constitue l'élément déterminant de l'évolution d'ensemble des effectifs des opérateurs de la mission.

Évolution des plafonds d'emplois des opérateurs
entre la LFI 2025 et le PLF 2026

(en ETPT)

Opérateur
(Programme de rattachement)

2025

2026

Variation 2026-2025

France Travail (P102)

53 052

48 632

- 4 420

dont sous plafond

49 147

48 632

- 515

dont hors plafond

3 905

0

- 3 905

EPIDE (P102)

1 142

1 142

0

GIP plateforme inclusion (P102)

35

35

0

Centre INFFO (P103)

72

0

- 72

AFPA (P103)

5 330

4 824

- 506

France compétences (P103)

91

96

5

GIP Les entreprises s'engagent (P103)

11

11

0

ANACT (P111)

290

290

0

dont sous plafond

265

265

0

dont hors plafond

25

25

0

Agences régionales de santé (P124-155)

8 273

8 114

- 159

INTEFP (P155)

100

91

- 9

dont sous plafond

91

91

0

dont hors plafond

9

0

- 9

TOTAL

68 396

63 235

- 5 161

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

II. UN RETOUR À L'ÉQUILIBRE DE LA POLITIQUE DE L'APPRENTISSAGE ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE QUI N'APPARAÎT PLUS HORS DE PORTÉE

A. LE DÉSÉQUILIBRE FINANCIER DE FRANCE COMPÉTENCES SERAIT PROGRESSIVEMENT RÉSORBÉ

1. Jusqu'en 2025, France compétences était confronté à une véritable « impasse financière »26(*)

Établissement public à caractère administratif, France compétences a été créé en 2019, en application de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, par fusion de quatre organismes préexistants27(*).

Les missions de France Compétences

France compétences est chargée de répartir le versement des contributions à la formation professionnelle et à l'apprentissage aux différents acteurs concernés, principalement les opérateurs de compétences (Opco), la Caisse des dépôts et consignations, pour le financement du compte personnel de formation (CPF), les régions, pour le financement des centres de formation d'apprentis (CFA), mais aussi l'État, au titre de la formation des demandeurs d'emploi.

France compétences assure également une fonction de régulation et de contrôle. Elle établit notamment le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et le répertoire spécifique, habilite les instances de labellisation pouvant délivrer aux formations la certification Qualiopi et émet des recommandations sur le niveau et les règles de prise en charge du financement de l'alternance.

Source : commission des finances du Sénat, d'après la Cour des comptes

France compétences bénéficie de ressources affectées, principalement la contribution unique à la formation professionnelle et à l'alternance (Cufpa), ainsi que d'autres contributions ou participations des employeurs (contribution au financement du compte personnel de formation pour les titulaires d'un contrat à durée déterminée, contribution supplémentaire à l'apprentissage, participation au financement de la formation des professions non salariées...).

Le produit de ces ressources est de l'ordre de 11,6 milliards d'euros en 2025. Elles permettent à France Compétences de financer l'alternance pour environ deux tiers, et divers dispositifs de formation professionnelle pour le tiers restant. Plus de la moitié des fonds de formation professionnelle alimentent le compte personnel de formation (CPF).

Budget initial de France compétences pour 2025

(en millions d'euros)

RESSOURCES

13 651

Contributions

11 640

dont Cufpa et CSA

11 096

dont autres contributions

544

Excédent de trésorerie

0

Dotation de l'État

1 915

Report de crédits du PIC

52

Autres

45

EMPLOIS

14 116

Formation des demandeurs d'emploi

800

Transitions Pro

435

Projets de reconversion et de transition professionnelle

45

Conseil en évolution professionnelle

110

Alternance

9 687

dont péréquation inter-branches

5 776

dont actions de l'alternance

3 600

dont aide au permis de conduire

47

dont dotation régions "fonctionnement des CFA"

88

dont dotation régions "investissement des CFA"

180

dont financement complémentaire CNFPT

5

Compte personne de formation

1 950

Fonds divers

1 030

Dépenses de fonctionnement

21

Dépenses d'investissement

4

Intérêt sur concours bancaires

35

SOLDE PRÉVISIONNEL

- 465

Source : commission des finances du Sénat, d'après France compétences

Les facteurs du déséquilibre financier de France Compétences sont en effet structurels, et sont apparus dès 2020. Comme l'a souligné la Cour des comptes28(*), les implications financières de la réforme de 2018 n'ont fait l'objet que d'évaluations sommaires et insuffisamment étayées. En outre, la très forte dynamique des entrées en apprentissage, dispositif passé d'un fonctionnement contingenté à un fonctionnement en enveloppe ouverte avec la loi « Avenir professionnel »29(*) de 2018 et « dopé » par l'élargissement du bénéfice de l'aide exceptionnelle aux employeurs aux grandes entreprises et aux apprentis de l'enseignement supérieur, a contribué à alourdir considérablement les charges de l'opérateur, sans que ses ressources ne bénéficient d'une évolution comparable.

2. En 2026, une dotation de l'État en-deçà du milliard d'euros pour la première fois depuis 2022

France Compétences s'est immédiatement trouvée dans une situation financière très déséquilibrée, avec un déficit de 4,6 milliards d'euros en 2020 qui n'a cessé de s'aggraver les années suivantes. En 2022, le déficit de France Compétences aurait été de 7,4 milliards d'euros sans les deux « dotations exceptionnelles », pour un montant total de 4 milliards d'euros, versées par l'État en cours d'exercice. Une telle dotation a ensuite été reconduite en 2023, puis en 2024, afin de pallier les déficits persistants de l'opérateur.

En 2025, le budget initial de France Compétences prévoyait la budgétisation d'une dotation d'équilibre de l'État à hauteur d'1,9 milliard d'euros ; même en tenant compte de cette recette dérogatoire et très importante, le budget initial de l'opérateur présentait encore un déficit prévisionnel de 465 millions d'euros.

Au cours des débats parlementaires sur le budget 2025, le financement de l'apprentissage a toutefois fait l'objet d'importantes mesures d'économies - qui sont détaillées infra. Ces moindres charges pour France compétences ont ainsi permis de réduire significativement la dotation versée par l'État à l'opérateur. Les principales mesures prises dans la LFI 2025 concernent :

- une nouvelle baisse des niveaux de prise en charge (NPEC) des frais pédagogiques des centres de formation d'apprentis (CFA), pour 225 millions d'euros ;

- une baisse des NPEC sur les formations réalisées intégralement à distance, pour un rendement de 10 millions d'euros ;

- la proratisation journalière du versement des NPEC aux CFA, pour un rendement de 20 millions d'euros ;

- la suppression de l'éligibilité de droit des formations à l'entrepreneuriat non-certifiantes (formations « ACRE »), pour une économie estimée à 100 millions d'euros ;

- la création d'une participation de l'employeur d'apprentis (dite « reste à charge ») au financement des CFA, pour une moindre dépense de 375 millions d'euros.

La dotation à France compétences finalement budgétée dans la LFI pour 2025 s'est ainsi établie à environ 913 millions d'euros. En 2026, cette dotation serait significativement réduite et fixée à 673 millions d'euros en CP, soit une diminution de 240 millions d'euros (- 26,3 %).

Évolution du montant de la subvention versée à France Compétences

(en millions d'euros)

2021

2022

2023

2024

LFI 2025*

PLF 2026*

0

4 000

1 596

1 350

913

673

* Selon les données du projet annuel de performances annexé au PLF 2026

Source : commission des finances du Sénat

Les rapporteurs spéciaux relèvent que la subvention versée à cet opérateur conduit dans les faits à faire financer en partie l'apprentissage et la formation professionnelle directement par l'État, alors que ces dispositifs devraient être intégralement financés grâce des ressources (Cufpa, etc.) dédiées. Ils considèrent donc comme satisfaisant le retour progressif à l'équilibre des ressources et des charges de l'opérateur, qui permet de diminuer le soutien de l'État.

Il convient à leurs yeux de poursuivre ces efforts en continuant la démarche d'examen approfondi de la pertinence de certains dispositifs financés par France compétences.

B. LE FINANCEMENT DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE, DONT LA VOILURE A DÉJÀ ÉTÉ SENSIBLEMENT RÉDUITE, POURRAIT ENCORE ÊTRE RATIONALISÉ

1. De multiples mesures de régulation financière du CPF depuis 2022, qui se poursuivraient jusqu'en 2026

Les droits à la formation professionnelle sont monétisés depuis la réforme de 2018 et peuvent être directement mobilisés par les titulaires du compte personnel de formation (CPF). Comme l'a souligné la Cour des comptes, ce dispositif, qui constitue l'un des deux principaux postes de dépenses de France compétences, s'inscrit « dans une logique dite « de guichet », contrairement aux autres dispositifs, financés par des enveloppes budgétaires fermées (...) »30(*). Les dépenses liées à l'utilisation du CPF et financées par France compétences sont passées de 740 millions d'euros en 2018 à 1,9 milliard d'euros en 2025, après un pic de 2,7 milliards d'euros en 202131(*).

Pour freiner cette très forte dynamique dépensière, plusieurs mesures ont été prises ces dernières années afin de lutter contre la fraude, de maîtriser les dépenses et de renforcer les exigences de qualité des certifications éligibles au CPF.

De nombreux déréférencements sont d'abord intervenus et les taux de refus d'éligibilité des formations au CPF ont fortement augmenté en 2022. L'usage du CPF a également été sécurisé par l'obligation, depuis octobre 2022, d'utiliser le dispositif FranceConnect +, répondant à des exigences de sécurité renforcées, pour accéder au service dématérialisé géré par la Caisse des dépôts et consignations.

Ensuite, l'article 212 de la loi de finances pour 2023 a introduit le principe d'une participation financière des bénéficiaires du CPF au financement de leur formation, par le biais d'une sorte de « reste à charge » dont serait exemptés les demandeurs d'emploi et les bénéficiaires pour lesquels l'employeur prend en charge une partie des coûts de la formation. Un an plus tard, cette disposition n'était toujours pas mise en oeuvre, faute de décret d'application. Ce décret est paru fin avril 202432(*) et a fixé le « reste à charge CPF » à la somme forfaitaire de cent euros. Les économies générées pour France Compétences par cette mesure ont permis de diminuer la subvention versée par l'État.

La loi de finances pour 2025 a en outre prévu, dans son article 190, de supprimer l'éligibilité de droit des formations à l'entrepreneuriat pour les créateurs et repreneurs d'entreprises (ACRE) au financement par le CPF. Seules les formations « ACRE » certifiantes sont donc désormais éligibles. Les moindres dépenses engendrées par cette mesure sont estimées à 100 millions d'euros en 2025 selon le cabinet du ministre du travail et des solidarités.

Dans une veine similaire, l'article 81 du présent projet de loi de finances propose de supprimer l'éligibilité au financement par le CPF des bilans de compétences, dont le coût pour les finances publiques apparaît excessif au regard de son impact sur la sécurisation des parcours professionnels, les bilans de compétences étant par nature des actions non-certifiantes. Le même article propose également de plafonner les montants qui peuvent être mobilisés au titre de CPF pour les autres formations éligibles non-certifiantes (permis de conduire, validation des acquis de l'expérience, etc.). Le rendement attendu de ces mesures varie, selon le niveau des plafonds qui seront fixés par décret, autour de 280 millions d'euros en AE et 100 millions d'euros en CP.

2. Le plan d'investissement dans les compétences (PIC) : un suivi rendu difficile par la dispersion des financements

La majorité des dépenses liées au PIC sont budgétées au sein de la mission « Travail et emploi ». Outre le volet national, des pactes régionaux d'investissement dans les compétences (PRIC) ont également été contractualisés avec les régions. Les crédits dédiés au volet national connaitraient une diminution en 2026 : ils s'établiraient ainsi à 311,1 millions d'euros en AE (- 45,7 %) et 480 millions d'euros en CP (- 28,2 %).

L'attention des rapporteurs spéciaux a notamment été attirée sur le sort des crédits du « PIC-IAE », c'est-à-dire des crédits du PIC destinés à la formation des bénéficiaires de l'insertion par l'activité économique, dont le statut hybride les rend éligibles à ce dispositif de formation des demandeurs d'emploi. Interrogée en ce sens par les rapporteurs spéciaux, l'administration a indiqué que la diminution exacte des crédits du PIC-IAE n'était pas encore connue.

Quant aux crédits des PRIC, ils seraient nuls en AE, les CP budgétés étant fixés à 148 millions d'euros au titre de restes à payer. Ils seraient néanmoins, comme chaque année, complétés par des crédits de fonds de concours versés par France compétences. En 2026, cette participation s'établit à un niveau de 626 millions d'euros en AE et 570 millions d'euros en CP. Les rapporteurs spéciaux relèvent que la légitimité d'un financement des PRIC par France compétences est contestable, dans la mesure où cette charge n'est associée à aucune ressource correspondante. Ils rappellent également que le déficit cumulé de France compétences correspond, peu ou prou, à ce financement cumulé.

3. Mettre fin au sous-financement de la formation professionnelle tout en préservant les incitations à l'embauche en apprentissage

La Cour des comptes33(*), les inspections en 202334(*) puis en 202435(*) et la commission des affaires sociales du Sénat dans son rapport sur France Compétences ont également recommandé de mobiliser des leviers en recettes pour financer les dépenses de l'opérateur.

Les inspections proposent en particulier d'engager le travail de rationalisation des dérogations concernant la taxe d'apprentissage. Il en va ainsi de la suppression du taux réduit de taxe d'apprentissage en Alsace-Moselle, qui pourrait rapporter 53 millions d'euros. Avancée l'année dernière par les rapporteurs spéciaux en leur nom propre, cette proposition n'avait pas prospéré.

En revanche, un amendement du rapporteur spécial Emmanuel Capus, déposé en son nom propre, afin de supprimer l'exonération de taxe d'apprentissage dont bénéficiaient les mutuelles, avait été adopté, pour un rendement d'environ 10 millions d'euros.

Le présent PLF prévoit, à son article 36, de supprimer l'exonération de taxe d'apprentissage dont bénéficient les associations, fondations, fonds de dotation, congrégations, syndicats et autres organismes à activités non lucratives, mettant ainsi en oeuvre l'une des recommandations avancées par l'ensemble des rapports précités. Le rendement attendu de cette mesure est de 220 millions d'euros.

Si le rapporteur spécial Emmanuel Capus regrette l'assujettissement proposé des associations à la taxe d'apprentissage, il souligne que l'impact négatif de cette mesure peut être relativisé en raison du faible taux de cette imposition (0,68 %) et de l'exonération maintenue pour les plus petites structures36(*), la rapporteure spéciale Ghislaine Senée s'opposera à cette évolution fiscale, défavorable à un secteur qui connait déjà, par ailleurs, de grandes difficultés.

La rapporteure spéciale Ghislaine Senée relève en revanche que les inspections recommandent aussi de redynamiser la contribution supplémentaire à l'apprentissage (CSA) pour en augmenter le rendement et maintenir une logique d'incitation au recrutement d'apprentis. La CSA est en effet due par les entreprises de plus de 250 salariés redevables de la taxe d'apprentissage, à un taux dégressif en fonction de la part de contrats d'insertion professionnelle dans les effectifs de l'entreprise.

Or, la progression du nombre d'apprentis a mécaniquement fait baisser le rendement de la CSA. Il serait donc possible de rehausser les taux de la CSA pour augmenter son rendement et son caractère incitatif. Le rendement supplémentaire de la CSA pourrait être de 74 millions d'euros en cas de hausse des taux de 40 %.

C. APRÈS UNE FORTE BAISSE EN 2025, LE SOUTIEN PUBLIC À L'APPRENTISSAGE POURRAIT BÉNÉFICIER D'UNE RELATIVE STABILITÉ

1. La stabilité du barème de l'aide à l'embauche des apprentis n'est pas garantie dans la situation actuelle
a) L'aide exceptionnelle aux employeurs d'apprentis a constitué le principal moteur de la dynamique de l'apprentissage dans l'enseignement supérieur

Jusqu'en 2019, les aides aux employeurs d'apprentis prenaient des formes diverses : prime à l'apprentissage, aide spécifique aux très petites entreprises, crédit d'impôt, exonération de cotisations sociales. En 2019, ce régime d'aide a été simplifié et la plupart d'entre elles ont été remplacées par une aide unique ciblée sur les entreprises de moins de 250 salariés et les diplômes de niveau inférieur ou égal au baccalauréat.

Dans le contexte de la crise sanitaire, en juillet 2020, une aide exceptionnelle beaucoup plus large et plus avantageuse que l'aide unique a été mise en place. Elle concerne toutes les entreprises, y compris, sous certaines conditions, celles de plus de 250 salariés, et les formations allant jusqu'au niveau bac + 5.

Le décret du 29 décembre 202237(*) a procédé à une « fusion » de l'aide unique avec l'aide exceptionnelle, dont les montants sont désormais identiques bien que les deux dispositifs restent formellement distincts.

L'aide unique demeure réservée aux entreprises de moins de 250 salariés, uniquement pour l'embauche en contrat d'apprentissage pour la préparation d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle de niveau inférieur ou égal au baccalauréat. L'aide exceptionnelle, qui concerne potentiellement toutes les entreprises, est désormais versée aux entreprises de moins de 250 salariés pour la signature d'un contrat d'apprentissage entre les niveaux bac + 2 et bac + 5, et aux entreprises de plus de 250 salariés38(*) jusqu'au niveau bac + 5.

Les aides à l'embauche sont usuellement ciblées dans le but d'ajouter une incitation au recrutement d'un profil particulier de salarié. Les jeunes sortant prématurément du système scolaire sont classiquement l'objectif prioritaire de cette politique, car c'est pour insérer ce public dans l'emploi que l'apprentissage est le plus efficace.

L'aide exceptionnelle instaurée dans le cadre de la crise sanitaire et depuis reconduite a cependant été conçue selon une autre logique : elle est accessible à la quasi-totalité des apprentis, et seuls les étudiants préparant un diplôme d'un niveau supérieur à bac + 5 (Master) et les entreprises de plus de 250 salariés dont les effectifs n'incluent pas assez d'alternants sont exclus.

Un tel niveau de subvention est inédit. Il constitue le principal accélérateur de la croissance de l'apprentissage39(*), notamment dans l'enseignement supérieur. En dix ans, le nombre d'étudiants apprentis est passé de 139 000 à 636 000, ce qui correspond à une hausse de 360 % et à près d'un demi-million d'étudiants supplémentaires.

L'efficience de l'apprentissage dépend néanmoins largement des niveaux de qualification : la littérature économique et administrative met ainsi en évidence la meilleure intégration des apprentis de CAP et de BTS par rapport aux simples bacheliers dans l'emploi salarié40(*). Cet effet est d'autant plus important que les qualifications concernées sont faibles : le taux de chômage est en effet plus élevé pour les moins diplômés.

Or l'évaluation de la politique de l'apprentissage à l'aune de l'intégration dans l'emploi des apprentis fait apparaître une efficience relativement faible du dispositif, dans la mesure où les étudiants du supérieur « n'ont pas besoin de ce type de coups de pouce financiers étant donné que c'est le diplôme qu'ils obtiennent qui est déterminant pour leur employabilité, et non pas qu'il ait été acquis par la voie de l'apprentissage ou à l'issue d'un cursus classique. »41(*)

b) Après la modification du barème de l'aide à l'embauche en 2025, un secteur de l'apprentissage en quête de stabilité

Début 2025, le Gouvernement a pris un décret42(*) réformant le barème de l'aide à l'embauche des apprentis, dans lequel il en modifiait le barème afin de réaliser des économies.

Régime des aides à l'embauche des apprentis

Avant 2023 - Juxtaposition de l'aide unique et de l'aide exceptionnelle

Aide unique

Aide exceptionnelle

Contrats conclus à compter du 1er janvier 2019

Contrats conclus entre le 1er juillet 2020 et le 31 décembre 2022

Entreprises du secteur privé de moins de 250 salariés

Entreprises du secteur privé :

- de moins de 250 salariés ;

- de plus de 250 salariés atteignant le seuil de 5 % de contrats favorisant l'insertion professionnelle* ou de 3 % d'alternants** avec une progression de 10 % sur un an

Contrat d'apprentissage pour la préparation d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle de niveau inférieur ou égal au bac

Contrat d'apprentissage pour la préparation d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle jusqu'au niveau bac + 5

4 125 euros la 1ère année

2 000 euros la 2ème année

1 200 euros la 3ème année

Uniquement la 1ère année du contrat

5 000 euros pour un mineur

8 000 euros pour un majeur

À compter de la 2e année, seules perçoivent une aide les entreprises éligibles à l'aide unique

À compter de 2023 - « Fusion » de l'aide unique et de l'aide exceptionnelle

Contrats conclus après le 1er janvier 2023

Entreprises du secteur privé de moins de 250 salariés

Entreprises du secteur privé :

- de moins de 250 salariés : entre le niveau bac + 2 et le niveau bac + 5 ;

- de plus de 250 salariés atteignant le seuil de 5 % de contrats favorisant l'insertion professionnelle* ou de 3 % d'alternants** avec une progression de 10 % sur un an :

jusqu'au niveau bac + 5

Contrat d'apprentissage pour la préparation d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle de niveau inférieur ou égal au bac

Uniquement la 1ère année du contrat

6 000 euros

À compter de 2025 - Révision du barème de l'aide fusionnée

Contrats conclus après le 22 février 2025

Uniquement la 1ère année du contrat

5 000 euros pour les entreprises du secteur privé de moins de 250 salariés

2 000 euros pour les entreprises du secteur privé de plus de 250 salariés

6 000 euros pour les embauches de personnes reconnues travailleurs handicapés

* Salariés en contrats d'apprentissage et de professionnalisation, volontariat international en entreprise (VIE), convention industrielle de formation par la recherche (Cifre).

** Salariés en contrats d'apprentissage et de professionnalisation.

Source : commission des finances du Sénat

La baisse du niveau de l'aide qui en a résulté a surtout concerné les entreprises de plus de 250 salariés, les PME étant globalement préservées, le barème distinguant :

- les entreprises de moins de 250 salariés, pour lesquelles le montant de l'aide était réduit de 6 000 euros à 5 000 euros ;

- les entreprises de plus de 250 salariés, pour lesquelles le montant de l'aide était réduit de 6 000 euros à 2 000 euros.

Cette mesure a conduit à diminuer sensiblement le niveau des crédits dédiés à l'aide à l'embauche pour 2025, mais uniquement en AE : cette baisse a été de - 663 millions d'euros (soit - 17 %) par rapport à la LFI 2024, mais plus importantes encore par rapport à la tendance haussière qui était prévue, l'écart avec le contrefactuel étant d'environ 1,2 milliard d'euros selon le cabinet de la ministre de l'époque. La diminution des CP a en revanche été négligeable, l'effet d'une telle mesure la première année étant très faible (- 65 millions d'euros, soit - 1,8 %).

En 2026 en revanche, la baisse des crédits dédiés à l'aide à l'embauche est également significative en AE (- 969 millions d'euros) et en CP (- 1 063 millions d'euros), puisqu'ils reculeraient de 31 %. Selon le cabinet du ministre du travail, cette diminution résulte non d'une nouvelle mesure paramétrique sur le montant de l'aide à l'embauche, mais simplement de l'effet en année pleine de la baisse du montant décidée l'année précédente et des prévisions d'entrées en apprentissage en 2026 selon une hypothèse de diminution de 10 % des entrées.

L'heure est donc à la stabilité de l'aide à l'embauche des apprentis, du moins en principe, ce dont les rapporteurs spéciaux se félicitent compte-tenu de la teneur des auditions cette année.

En effet, l'équilibre financier de la mission repose largement sur deux hypothèses qui pourraient ne pas se réaliser :

- d'abord, l'hypothèse d'une baisse de 10 % des entrées en apprentissage entre 2024 et 2025. Or, les personnes auditionnées par les rapporteurs spéciaux ont plutôt fait état, au vu des derniers chiffres disponibles - qui sont néanmoins sujets à caution compte-tenu de la volatilité de la situation - des entrées en baisse entre - 5 % et - 8 %. Cette mesure d'économies est donc, à ce stade, partiellement non-documentée ;

- ensuite, l'hypothèse de l'adoption de la mesure, prévue à l'article 36 du présent PLF, supprimant l'exonération de taxe d'apprentissage dont bénéficie le secteur non-lucratif. Cette mesure augmente les ressources de France compétences de 220 millions d'euros, diminuant d'autant le montant de la dotation inscrite sur la mission ;

- enfin, l'hypothèse de l'adoption de la mesure, prévue dans le PLFSS pour 2026, supprimant l'exonération de cotisations salariales dont bénéficient les apprentis à hauteur de 50 % du Smic. Cette exonération étant compensée à la sécurité sociale par des crédits inscrits sur la mission, son maintien aurait pour effet d'en rehausser mécaniquement les dépenses d'environ 400 millions d'euros.

Si l'une ou plusieurs de ces hypothèses devait ne pas se réaliser - ce qui ne saurait être écarté compte-tenu du rythme des entrées en apprentissage et du vote de l'Assemblée nationale maintenant l'exonération de cotisations des apprentis - l'équilibre financier de la mission devrait être réalisé par d'autres moyens. Or, à ce stade, le Gouvernement n'a pas formellement exclu de modifier à nouveau le barème ou d'autres paramètres réglementaires de l'aide à l'embauche d'apprentis.

Si un tel scénario devait effectivement échoir, les rapporteurs spéciaux renouvellent leur préférence pour un ciblage des aides à l'apprentissage à la fois en fonction de la taille de l'entreprise et du niveau de qualification des apprentis, tel qu'adopté l'année dernière par le Sénat43(*). Ils ajoutent qu'en fonction du quantum d'économies visé, la diminution de l'aide à l'embauche pourrait également permettre de compenser la suppression du dispositif de « reste à charge » (cf. infra), sur lequel les retours des professionnels sont globalement négatifs.

2. Les mesures de régulation des coûts pédagogiques des CFA ayant porté leurs fruits, une période de stabilité semble nécessaire

Depuis la réforme de l'apprentissage, l'offre de places en centres de formation d'apprentis (CFA) n'est plus contingentée. Chaque contrat d'apprentissage donne lieu à une prise en charge financière par l'opérateur de compétences dont relève l'entreprise d'accueil. Celle-ci est financée par France compétences. Le niveau de prise en charge (NPEC) est déterminé à l'échelon national par la branche professionnelle (ou, à défaut, par l'État), dans le cadre de recommandations établies par France compétences.

Selon les inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (Igas)44(*), en 2022, les CFA ont enregistré un total de 7,1 milliards d'euros de charges et 8,0 milliards d'euros de produits, dégageant un résultat net de 852 millions d'euros. En ne considérant que les recettes issues des NPEC et les charges qu'ils ont vocation à couvrir, le résultat de l'exercice 2022 s'est élevé à 904 millions d'euros et le taux de marge moyen des CFA atteignait 11,5 %.

Dans ce contexte, et en application des recommandations d'un rapport remis au Gouvernement en juillet 2023 sur les modalités de financement des CFA45(*) par les inspections, il a été procédé à trois baisses successives des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d'apprentissage. La première baisse, à l'été 2022, a généré 300 millions d'euros d'économies ; la seconde baisse, de 5 % en moyenne46(*), a été conduite en 2023 et aurait eu un impact d'environ 550 millions d'euros en année pleine. La troisième, réalisée en 2024, avait été spécifiquement ciblée sur les niveaux élevés de qualification (master et doctorat notamment) et était censée, selon les données qui figuraient sur les amendements gouvernementaux au PLF pour 2025, engendrer 225 millions d'euros en AE et en CP.

Ce sont ainsi près d'un milliard d'euros d'économies qui ont été réalisées en trois ans.

Cependant, selon le directeur général des France compétences, les travaux de préparation de la troisième baisse comme les derniers rapports de revue des dépenses ont depuis mis en évidence qu'il n'y avait plus de marge d'économies et qu'une proportion importante (désormais majoritaire) des NPEC était désormais inférieure aux coûts observés, fragilisant ainsi le modèle économique de l'apprentissage dans de nombreux CFA.

Il semble donc, aux dires de l'ensemble des personnes auditionnées par les rapporteurs spéciaux, qu'une nouvelle baisse des NPEC soit à exclure et que, là aussi, le secteur soit en quête de stabilité.

Enfin, les personnes entendues par les rapporteurs spéciaux leur ont indiqué ne pas soutenir la mise en place, en vertu de l'article 192 de la loi de finances pour 2025 d'un mécanisme de « reste à charge », introduit dans le texte en commission mixte paritaire, en vertu duquel tout employeur souhaitant embaucher un apprenti visant un diplôme ou une certification inscrite au niveau 6 ou 7 (soit Bac + 3 et au-delà) du cadre national des certifications professionnelles, devra participer au financement d'une partie du niveau de prise en charge (NPEC) du contrat d'apprentissage.

Un décret47(*) est depuis intervenu pour fixer cette participation des employeurs à la somme forfaitaire de 750 euros, applicable au 1er juillet 2025. Cette mesure, qui a permis alléger les dépenses de France compétences de 375 millions d'euros en CP en 2025 - qui rémunère aujourd'hui les CFA pour l'intégralité du niveau de prise en charge - est notamment contestée dans son application, qui nécessite que les CFA facturent directement les entreprises, une procédure complexe à laquelle ces structures ne sont pas habituées.

Les professionnels du secteur ont demandé la suppression de cette mesure, quitte à diminuer le barème de l'aide à l'embauche afin d'en compenser l'impact financier sur France compétences. Ainsi, si une nouvelle mesure devait être prise sur l'aide à l'embauche (cf. supra), les rapporteurs spéciaux soutiendraient cette évolution.

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 80

Suppression de l'aide au permis de conduire pour les apprentis

Aujourd'hui, les apprentis peuvent bénéficier d'une aide au permis de conduire d'un montant forfaitaire de 500 euros, financée par France compétences.

Le présent article propose de supprimer cette aide.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LES APPRENTIS PEUVENT BÉNÉFICIER D'UNE AIDE FINANCIÈRE AU PERMIS DE CONDUIRE FINANCÉE PAR FRANCE COMPÉTENCES

Depuis le 1er janvier 2019 et sur l'ensemble du territoire national, les apprentis peuvent bénéficier, à leur demande, d'une aide au financement du permis de conduire. Chaque apprenti doit déposer sa demande auprès du centre de formation d'apprentis (CFA) qui l'instruit. Le versement de cette aide est soumis à trois conditions d'éligibilité, fixées par décret48(*) :

- le bénéficiaire doit avoir au moins 18 ans ;

- le bénéficiaire doit être titulaire d'un contrat d'apprentissage en cours d'exécution à la date de la demande de l'aide ;

- le bénéficiaire doit être engagé dans la préparation des épreuves du permis de conduire.

L'article L. 6123-5 du code du travail, qui définit les missions de l'opérateur France compétences, dispose dans son que l'établissement est chargé « d'assurer le financement de l'aide au permis de conduire » et prévoit au e de son 3° que les fonds dédiés au financement de la formation professionnelle sont affectés, entre autres, au versement de l'aide au permis de conduire.

L'opérateur verse un montant prévisionnel destiné à financer l'aide au permis de conduire des apprentis dans le cadre d'une convention de gestion avec l'agence de services et de paiement (ASP), qui est ensuite chargée de verser les aides aux CFA.

Selon l'ASP, au 29 juillet 2025, 376 698 apprentis ont bénéficié de l'aide depuis le début du dispositif, soit une moyenne de 62 783 apprentis par an.

Il s'agit d'une aide forfaitaire d'un montant de 500 euros, quel que soit le montant des frais engagés par l'apprenti. Son financement représente 38 millions d'euros à la charge de France compétences, soit moins de 0,27 % des dépenses totales de l'opérateur en 2025.

Budget initial de France Compétences pour 2025

(en millions d'euros)

RESSOURCES

13 651

Contributions

11 640

dont Cufpa et CSA

11 096

dont autres contributions

544

Excédent de trésorerie

0

Dotation de l'État

1 915

Report de crédits du PIC

52

Autres

45

EMPLOIS

14 116

Formation des demandeurs d'emploi

800

Transitions Pro

435

Projets de reconversion et de transition professionnelle

45

Conseil en évolution professionnelle

110

Alternance

9 687

dont péréquation inter-branches

5 776

dont actions de l'alternance

3 600

dont aide au permis de conduire

47

dont dotation régions "fonctionnement des CFA"

88

dont dotation régions "investissement des CFA"

180

dont financement complémentaire CNFPT

5

Compte personne de formation

1 950

Fonds divers

1 030

Dépenses de fonctionnement

21

Dépenses d'investissement

4

Intérêt sur concours bancaires

35

SOLDE PRÉVISIONNEL

- 465

Source : commission des finances du Sénat, d'après France Compétences

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA SUPPRESSION DE L'AIDE AU PERMIS DE CONDUIRE SPÉCIFIQUE POUR LES APPRENTIS

Le présent article modifie l'article L. 6123-5 du code du travail afin de supprimer l'aide au permis de conduire des apprentis.

Son modifie les missions de France compétences afin d'y soustraire le financement de l'aide au permis de conduire des apprentis. Son  supprime l'affectation des fonds dédiés à la formation professionnelle au financement de cette aide.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION : UNE SUPPRESSION QUI NE POSE GUÈRE DE DIFFICULTÉ DÈS LORS QU'IL EXISTE DE NOMBREUX AUTRES DISPOSITIFS DE SOUTIEN AU FINANCEMENT DU PERMIS DE CONDUIRE

La suppression de l'aide au permis de conduire pour les apprentis n'est pas apparue illogique aux rapporteurs spéciaux.

En effet, cette aide forfaitaire n'est pas conditionnée au niveau de ressources de l'apprenti et n'est ajustée ni en fonction des frais qu'il a engagés, ni des autres aides qu'il perçoit.

Or il existe effectivement d'autres dispositifs d'aide au financement du permis de conduire. Le site « Service public » en dénombre pas moins de huit différents, dont plusieurs peuvent être mobilisés par les apprentis : ainsi, outre l'aide spécifique financée par France compétences, il existe ;

- une aide en faveur des jeunes de 15 à 25 ans dénommée « permis à 1 euro » qui consiste en un prêt à taux zéro (PTZ) ;

- la possibilité de mobiliser le compte personnel de formation (CPF), qui, aux termes de l'article L. 6323-6 du code du travail, peut permettre de financer « la préparation aux épreuves théoriques et pratiques de toutes les catégories de permis de conduire d'un véhicule terrestre à moteur » ;

- une aide de France Travail à destination des demandeurs d'emploi ;

- les aides locales, de nombreuses collectivités territoriales proposant des aides pour financer le permis de conduire.

La possibilité de cumuler ces aides se traduit ainsi par des coûts budgétaires élevés et induit des effets d'aubaine importants. En outre, le maintien de cette aide, dans un contexte budgétaire contraint, serait d'autant moins justifiable que l'on ne voit pas bien pourquoi les apprentis continueraient de bénéficier d'une aide qui n'est pas accessible aux autres étudiants, par exemple aux stagiaires.

Selon l'évaluation préalable du présent article, la suppression de l'aide au permis de conduire pour les apprentis vise ainsi, « à rationaliser les différents dispositifs d'aide auxquels peuvent prétendre les apprentis » et « poursuit également un objectif de convergence des dispositifs entre les étudiants en apprentissage et les autres étudiants ».

Les économies attendues s'établissent à 36 millions d'euros en 2026.

Proposition de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 81

Diverses mesures relatives à la régulation du financement du compte personnel de formation (CPF)

Le présent article prévoit tout d'abord :

- de supprimer l'éligibilité des bilans de compétences au financement par le compte personnel de formation (CPF), mesure qui devrait générer environ 260 millions d'euros de moindres dépenses ;

- de plafonner les droits mobilisables pour les autres actions éligibles au financement par le CPF (permis de conduire, validation des acquis de l'expérience).

Considérant que ces évolutions concernent des formations non-certifiantes dont les coûts pour les finances publiques sont les plus importants, ces évolutions sont apparues acceptables aux rapporteurs spéciaux.

Il propose ensuite d'organiser la « remontée » à France compétences des fonds de la contribution à la formation professionnelle des établissements et services d'aide par le travail (ESAT). Cette mesure technique paraît de bon sens.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE FONCTIONNEMENT DU COMPTE PERSONNEL DE FORMATION (CPF) DONNE LIEU À DES COÛTS CROISSANTS, VOIRE À DES ABUS

A. L'ÉLIGIBILITÉ AU COMPTE PERSONNEL DE FORMATION CONCERNE DE NOMBREUSES ACTIONS DE FORMATION ET SA MOBILISATION REPRÉSENTE UN COÛT FINANCIER CROISSANT

1. Le fonctionnement du CPF a été rénové en 2018

Régi par les articles L. 6323-1 et suivants du code du travail, le compte personnel de formation (CPF) a été créé en 201449(*) et profondément réformé par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Depuis cette loi, le CPF est monétisé, l'acquisition et la mobilisation des droits en heures ayant été remplacée par l'expression de droits en euros. Les articles L. 6323-11, L. 6323-27 et L. 6323-34 du code du travail disposent ainsi que le compte est alimenté, au titre d'une année de travail à mi-temps ou plus, à hauteur de 500 euros dans la limite d'un plafond de 5 000 euros50(*).

Aux termes du I de l'article L. 6323-6 du code du travail, le CPF ne peut être mobilisé que pour les actions de formation sanctionnées par une certification ou habilitation enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ou au répertoire spécifique (RS).

Le II du même article prévoit toutefois une liste d'autres types d'actions de formation ne répondant pas à ces critères. Peuvent ainsi également être financées par le CPF :

- les actions permettant de faire valider les acquis de l'expérience (VAE) () ;

- les bilans de compétences () ;

- la préparation des épreuves théoriques et pratique de toutes les catégories de permis de conduire d'un véhicule terrestre à moteur (3°) ;

- les actions de formation destinées aux bénévoles et aux volontaires en service civique d'acquérir les compétences qui leur sont nécessaires (5°) ;

- les actions de formation financées par le fonds du droit individuel à la formation des élus locaux (6°).

Enfin, les bénéficiaires peuvent directement choisir et payer leur formation via une application numérique, « Mon compte formation ». La gestion du CPF est centralisée par la Caisse des dépôts et consignations et son financement est assuré par France compétences.

2. Le coût du CPF peut paraitre disproportionné compte tenu de la faible qualité de certaines formations

Le CPF a connu une montée en charge très rapide, le nombre de formations ayant pratiquement doublé chaque année en deux ans. 984 000 formations auraient été suivies dans le cadre du CPF en 2020 contre 517 000 en 2019, selon la Dares51(*). Facilitée par la mise en place du parcours d'achat direct permettant un accès aux formations sans intermédiaire, la forte croissance du nombre de formations financées par le CPF s'est poursuivie en 2021 avec 2,1 millions de dossiers validés52(*).

Les dépenses liées à l'utilisation du CPF et financées par France compétences sont passées de 740 millions d'euros en 2018 à 1,9 milliard d'euros en 2025, après un pic de 2,7 milliards d'euros en 202153(*).

Aujourd'hui, les actions de formation non-qualifiantes (préparation du permis de conduire, bilans de compétences, etc.) sont celles qui sont le plus souscrites sur MonCompteFormation et le prix moyen constaté ne cesse d'évoluer à la hausse, notamment pour les bilans de compétences54(*).

Surtout, alors même que ces formations non-certifiantes sont bien plus courtes que les formations certifiantes, les coûts auxquels elles donnent lieu ne sont que modérément moindres, ce qui induit un coût unitaire - par heure - près de 5 fois supérieur pour les formations non-certifiantes que pour les formations certifiantes.

Ainsi, selon France compétences55(*), le coût unitaire d'une action de formation éligible en vertu d'une exception législative - c'est-à-dire non-certifiante - était en 2023 de 55 euros, contre 11 euros pour une action de formation certifiée par le répertoire nationale des certifications professionnelles (RNCP). Parmi les formations qualifiantes, les actions certifiées par le RNCP sont d'ailleurs sensiblement moins coûteuses que les actions certifiées par le répertoire spécifique (RS).

Coûts d'une action CPF en 2023 selon la nature
et la durée moyenne des formations engagées

(en euros et en euros par heure)

Source : France compétences (2024)

Entre 2023 et 2024, le prix moyen de ces actions non-certifiantes a augmenté de près de 8 % toutes actions confondues. Il est à noter que le coût moyen horaire des bilans de compétences est 8 fois plus élevé que le coût moyen horaire des formations enregistrées au RNCP.

En 2024, 316 000 actions de formation au permis B ont été souscrites sur « MonCompteFormation » pour des montants respectifs de 320 millions d'euros. Les bilans de compétences ont représenté 162 millions d'euros, pour 83 000 actions souscrites, et l'accompagnement VAE a coûté 24 millions d'euros pour 19 000 souscriptions.

Évolution des prix moyens constatés pour
deux types de formations éligibles au CPF en 2023 et 2024

 

Permis B

Bilan de compétences

2023

909 €

1 895 €

2024

1 012 €

1 946 €

Progression

+ 11,3 %

+ 2,7 %

Note : prix constatés par la Caisse des dépôts et consignations.

Source : évaluation préalable

En outre, les actions de lutte contre la fraude réalisées par la Caisse des dépôts depuis 2022 (cf. infra) ont montré la part disproportionnée des organismes proposant des bilans de compétences parmi les établissements fraudeurs.

3. Des mesures de régulation du CPF ont été prises ces dernières années

Pour freiner cette très forte dynamique dépensière, plusieurs mesures ont été prises afin de responsabiliser les ministères et organismes certificateurs et de rationaliser les dépenses du CPF.

Il s'est d'abord agi de renforcer les exigences de qualité des certifications éligibles. Des déréférencements sont ainsi intervenus et les taux de refus d'éligibilité des formations au CPF ont fortement augmenté en 2022. L'usage du CPF a également été sécurisé par l'obligation, depuis fin octobre 2022, d'utiliser le dispositif FranceConnect +, répondant à des exigences de sécurité renforcées, pour accéder au service dématérialisé géré par la Caisse des dépôts et consignations.

Ensuite, l'article 212 de la loi de finances pour 2023 a introduit le principe d'une participation financière des bénéficiaires du CPF au financement de leur formation, par le biais d'une sorte de « reste à charge » dont serait exemptés les demandeurs d'emploi et les bénéficiaires pour lesquels l'employeur prend en charge une partie des coûts de la formation. Un an plus tard, cette disposition n'était toujours pas mise en oeuvre, faute de décret d'application.

Ce décret est finalement paru fin avril 202456(*), à la suite de l'annulation de crédits sur la mission « Travail et emploi » décidée en février 2024. Il a fixé le « reste à charge CPF » à la somme forfaitaire de cent euros, engendrant de moindres dépenses à hauteur d'environ une centaine de millions d'euros pour France compétences.

Enfin, alors que les actions de formation, d'accompagnement et de conseil aux créateurs et repreneurs d'entreprises (ACRE) ayant pour objet de réaliser ou de pérenniser leur projet étaient éligibles au CPF (ancien 4° de l'article L. 6323-6 du code du travail) jusqu'en 2025, l'article 190 de la loi de finances pour 202557(*) a abrogé cette disposition.

B. LES CONTRIBUTIONS À LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES ESAT NE SONT PAS REVERSÉES À FRANCE COMPÉTENCES

Le Compte personnel de formation est financé par plusieurs contributions, en premier lieu par la contribution à la formation professionnelle (CFP) prévue aux articles L. 6331-1 et L. 6331-3 du code du travail, qui constitue avec la taxe d'apprentissage l'une des deux composantes de la contribution unique à la formation professionnelle et à l'apprentissage (Cufpa). À cette contribution, due au titre de la formation professionnelle des salariés, viennent s'ajouter d'autres contributions dues - par exemple - par les travailleurs indépendants58(*).

L'une de ces contributions, prévue par l'article L. 6323-36 du code du travail est versée par les établissements et services d'aide par le travail (ESAT). Elle est assise sur une partie forfaitaire de la rémunération garantie versée aux travailleurs handicapés concernés et ne peut excéder 0,35 % de cette rémunération.

L'article D. 6323-29-2 du code du travail dispose que le taux de cette contribution est de 0,20 %, appliqué à une assiette égale à la somme de la fraction de la rémunération garantie financée par l'ESAT et de la moitié de l'aide au poste versée par l'État.

L'article L. 6323-36 précise que cette contribution est versée à l'opérateur de compétences (Opco) dont relève l'ESAT, mais aucune disposition ne prévoit le reversement des montants perçus au titre de cette contribution à France compétences, auquel revient pourtant le financement du CPF. Selon le Gouvernement, un niveau élevé de trésorerie s'est ainsi progressivement accumulé sur le compte de l'Opco concerne - à savoir l'Opco Santé -, sommes qu'il ne peut utiliser faute d'être compétent pour le financement du CPF.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : DEUX MESURES DE RÉGULATION DU COMPTE PERSONNEL DE FORMATION

A. UNE RÉGULATION DE LA MOBILISATION DU CPF POUR LES FORMATIONS NON-QUALIFIANTES

Ledu présent article vise à limiter la mobilisation des droits au compte personnel de formation.

Son b prévoit ainsi de mettre fin à l'éligibilité des bilans de compétences au CPF.

Son c propose quant à lui qu'un décret prévoit, d'une part, les conditions d'éligibilité au CPF et, d'autre part, que certaines actions de formation soient soumises à un plafond d'utilisation des droits dont le montant serait fixé par le pouvoir réglementaire.

Enfin, son a procède à une coordination.

B. LA REMONTÉE À FRANCE COMPÉTENCES DES CONTRIBUTIONS À LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES ESAT

Le présent article vise également à assurer la remontée à France compétences des contributions dues par les ESAT au titre de la formation professionnelle.

Ainsi, son  prévoit de modifier l'article L. 6123-5 du code du travail afin d'inclure la contribution des ESAT au CPF parmi les fonds répartis et versés par France compétences. Son  propose également l'inscription dans l'article L. 6323-36 du code du travail du principe selon lequel la contribution des ESAT au financement du CPF est versée à France compétences.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION : DEUX AJUSTEMENTS AFIN DE REMÉDIER AUX DYSFONCTIONNEMENTS CONSTATÉS

A. ACCEPTABLE DANS SON PRINCIPE, UN MEILLEUR CIBLAGE DU CPF SUR LES FORMATIONS CERTIFIANTES POURRAIT ÉVOLUER DANS SES MODALITÉS

1. Le plafonnement de mobilisation des droits pour le financement des actions de formation non-certifiantes

Le ciblage du CPF vers les formations certifiantes, tel que prévu dans le présent article, prend d'abord la forme d'une limitation des montants qui peuvent être mobilisés au titre du CPF pour les formations non certifiantes rendues éligibles par le II de l'article L. 6323-6 du code du travail (permis de conduire, validation des acquis de l'expérience, etc.).

Compte-tenu de la forte augmentation des coûts unitaires de ces formations, le fait de plafonner les droits au CPF qui peuvent être mobilisés devrait limiter l'exposition des deniers publics aux prix parfois très élevés pratiqués par les organismes de formation. S'agissant de formations non-certifiantes, dont l'éligibilité même au CPF déroge au principe prévu par le code du travail, cette limitation apparaît acceptable.

La rapporteure spéciale Ghislaine Senée serait toutefois, à titre personnel, favorable à exclure les dispositifs de validation des acquis de l'expérience (VAE) du plafonnement, dans la mesure où elle considère que ces dispositifs ont intrinsèquement un caractère certifiant.

Les rapporteurs spéciaux s'interrogent à ce titre sur le niveau des plafonds, qui devraient être fixés par le pouvoir réglementaire. Le directeur général de France compétences a indiqué ne pas avoir été informé de l'avancée des travaux sur ce point, et la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) a laissé entendre que ce sujet n'était pas encore arbitré.

2. La fin de l'éligibilité des bilans de compétence

La seconde mesure concerne la fin de l'éligibilité des bilans de compétences au financement par le CPF. Cette mesure pourrait en effet permettre de réaliser environ 284 millions d'euros en AE et 100 millions d'euros en CP d'économies en moindres dépenses dès 2026. Le coût de ces actions, leur pertinence relativement faible en termes de sécurisation des parcours professionnels et la prégnance des établissements fraudeurs parmi ceux proposant des bilans de compétences conduisent effectivement à envisager une telle évolution.

Les rapporteurs spéciaux précisent que la fin de l'éligibilité des bilans de compétences au financement par le biais du CPF n'annonce pas la disparition de ces actions de formation, qui devraient simplement être financées par les personnes concernées ou par leur employeur.

Le directeur général de France compétences a toutefois avancé une solution intermédiaire, qui consisterait à conserver l'éligibilité des bilans de compétences au CPF en plafonnant les crédits mobilisables, comme le présent article le prévoit déjà pour les autres formations non-certifiantes. Cette option permettrait de « sauver » le financement public des bilans de compétences, qui pourrait conserver un intérêt du point de vue de la politique publique.

Dans ce cas, il conviendrait que les plafonds soient fixés à un niveau qui permettrait d'éviter de dégrader à nouveau l'équilibre financier de France compétences.

B. LA CONTRIBUTION À LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES ESAT DOIT LOGIQUEMENT REVENIR À FRANCE COMPÉTENCES

La « remontée » à France compétences de la contribution à la formation professionnelle des ESAT est logique, puisque l'Opco Santé, qui est le seul opérateur de compétences concerné, n'est pas habilité par la loi à utiliser ces fonds.

Les 7 millions d'euros correspondant pourront ainsi abonder les fonds versés par France compétences à la Caisse des dépôts et consignations pour la gestion du CPF, conformément à leur destination.

Les rapporteurs spéciaux s'étonnent simplement qu'il ait fallu sept ans après la loi de 2018 pour corriger cette scorie.

Proposition de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 13 novembre 2025, sous la présidence de M. Michel Canévet, vice-président, la commission des finances a examiné le rapport de M. Emmanuel CAPUS, rapporteur spécial et Mme Ghislaine SENÉE, rapporteure spéciale sur la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ».

M. Michel Canévet, président. - Nous écoutons à présent les rapporteurs spéciaux de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ».

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ». - Nous avons mené un travail à deux voix, avec la volonté farouche de trouver des points de consensus. Nous avons partiellement réussi, mais ne sommes pas parvenus à un avis commun.

Les crédits de la mission « Travail, emploi et administration et des ministères sociaux » demandés pour 2026 s'élèvent à 16,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 17,7 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2025, les crédits connaissent donc une diminution importante de 3 milliards d'euros en AE, soit une baisse de 15,1 %, et de 2,4 milliards d'euros en CP, soit une baisse de 11,8 %.

Cette mission est sans conteste l'une de celles qui contribuent le plus à la réduction des dépenses publiques.

La diminution proposée en 2026 fait suite à une très forte baisse des crédits de la mission en 2025. En effet, entre le dépôt du projet de loi de finances (PLF) et l'adoption de la LFI pour 2025, le Parlement avait adopté, à l'initiative du Gouvernement et du Sénat, d'importantes mesures d'économies dont l'impact cumulé se chiffrait à 1,6 milliard d'euros.

Les crédits demandés pour la mission dans le projet de loi de finances pour 2026 sont ainsi sensiblement inférieurs à la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027, bien qu'ils se maintiennent à un niveau supérieur à celui qui avait été proposé dans le projet de LPFP déposé par le gouvernement à l'époque.

Comme les années précédentes, l'évolution des dépenses de la mission dépend principalement de celle des crédits du programme 103, parce que ce programme participe pour une grande part au financement de l'apprentissage, qui constitue en quelque sorte sa politique phare. La baisse des crédits de ce programme, de 21,1 % en AE et 19,4 % en CP, explique ainsi largement la baisse globale des crédits de la mission.

Si l'on prend en compte l'ensemble des dépenses en faveur de la formation en alternance, les crédits dédiés à cette politique sur le budget de l'État s'élèvent à environ 4,6 milliards d'euros. Il s'agit d'une baisse sensible par rapport à 2025, puisque le coût de l'alternance pour la mission était alors de 6,2 milliards d'euros.

Cette baisse est d'abord imputable à la diminution des crédits dédiés à l'aide aux employeurs d'apprentis. En effet, pour couvrir les économies prévues sur ce poste de dépenses en 2025, le Gouvernement a revu à la baisse le barème de l'aide à l'embauche : de 6 000 euros pour tous les contrats, elle est passée à 5 000 euros pour les contrats signés par des PME et à 2 000 euros pour les contrats signés par des entreprises de plus de 250 salariés. Il devrait en résulter une diminution du nombre d'entrées en apprentissage : les prévisions reposent sur l'hypothèse d'une baisse de 10 % des entrées en apprentissage en 2025.

Cette baisse résulte ensuite de l'hypothèse d'une suppression de l'exonération de cotisations salariales dont bénéficient les apprentis, la perte de recettes pour la sécurité sociale étant compensée par l'État. La moindre dépense résultant de cette mesure est estimée à 400 millions d'euros.

Enfin, la diminution des dépenses résulte des nombreuses mesures d'économies adoptées par le Parlement et prises par le Gouvernement afin de réduire les dépenses de France Compétences, notamment la baisse de la prise en charge des formations d'apprentis intégralement réalisées à distance ou la suppression de l'éligibilité au compte personnel de formation (CPF) de formations à l'entrepreneuriat non qualifiantes. Le retour à l'équilibre espéré de cet opérateur permet de diminuer la subvention de l'État. Dans la même veine, le présent projet de loi de finances prévoit deux mesures d'économies aux articles 80 et 81, qui sont rattachés à la mission et dont je vous reparlerai.

Pour résumer, la politique de formation professionnelle et d'apprentissage a été très fortement mise à contribution en 2025 et le sera inévitablement en 2026. C'est pourquoi nous pensons, avec Ghislaine Senée, qu'il convient de donner aux professionnels de ce secteur un peu de stabilité. Aussi, nous ne vous proposons pas, à ce stade, de cibler davantage l'aide à l'embauche des apprentis, comme nous vous le proposions les années précédentes.

Il est toutefois à craindre que cette stabilité, que le secteur appelle de ses voeux et que nous estimons souhaitable, n'advienne pas. En effet, les entrées en apprentissage en septembre 2025 - pour lesquelles des données devraient être disponibles très prochainement - sont sans doute plus importantes qu'anticipé par le Gouvernement. La baisse serait de 5 % à 8 % environ, contre 10 % dans les prévisions du Gouvernement. Les économies proposées seraient, dans ce cas, en partie erronées. Il en va de même pour l'exonération de cotisations sociales des apprentis, qui a été rejetée à l'Assemblée nationale. Si ces deux hypothèses s'avéraient fausses, les crédits de la mission augmenteraient mécaniquement. Il faudrait alors réfléchir à la manière de revoir notre copie.

En tout état de cause, il me semble que la situation requiert de la stabilité et la clarification des hypothèses sur lesquelles les économies proposées sont établies. C'est pourquoi je vous propose, en responsabilité et malgré l'horizon qui s'assombrit, d'adopter les crédits de la mission.

Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ». - Cette position n'est pas la mienne. Cette mission est celle qui, cette année encore, contribuera le plus à la réduction des dépenses publiques.

Je souhaite tout d'abord appeler l'attention de la commission sur le fait que France Travail voit sa subvention pour charges de service public reculer de 12 % par rapport à 2025 et son plafond d'emploi baisser de 515 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Si le Gouvernement fait valoir que cette réduction ne représente que 1 % des effectifs de l'opérateur, nous avons été alertés sur l'opportunité de conserver ces emplois, qui sont utiles dans la mise en oeuvre du plan d'efficience porté par l'opérateur, dans un contexte où ses partenaires sont mis sous tension. En effet, j'ai pu constater sur le terrain les effets de ce plan, qui produit d'ores et déjà des économies très concrètes. Dans les Yvelines, la réaffectation des moyens humains a amélioré le taux de sortie du revenu de solidarité active (RSA) : il est de 52 % contre 38 % au niveau national. Plus il y a de monde au service de France Travail, plus il y a un retour à l'emploi. Il serait contre-productif d'amputer la capacité de France Travail de mener à bien sa mission.

Au sein du service public de l'emploi (SPE), la situation des missions locales apparaît également très préoccupante puisque leurs AE diminueraient de 13 %. Cette baisse aura nécessairement un impact sur le financement de leur accompagnement des bénéficiaires de contrats d'engagement jeune (CEJ), dont le nombre devrait diminuer de 10 000 en 2026. Cette diminution de crédits inquiète grandement les élus, sur de très nombreux territoires et de manière transpartisane. Dans la Sarthe, les acteurs de terrain constatent en effet une hausse de 12 % des demandes, dont une hausse de 33 % des mineurs, fait nouveau. Ces jeunes sont arrivés en 2020 au collège en plein covid. Les taux de décrochage scolaire s'emballent ; ce n'est pas le moment de fragiliser davantage les missions locales.

Enfin, je déplore la diminution des moyens consacrés aux divers dispositifs d'emplois aidés. La très forte baisse des contrats aidés proposée pour 2026 constitue une véritable régression, pour les bénéficiaires de ces contrats comme pour le secteur non marchand, en particulier les collectivités territoriales. Surtout, les moyens consacrés à l'insertion par l'activité économique (IAE) connaîtraient une forte baisse, de 12 % en CP par rapport à la LFI 2025. Selon la fédération des entreprises d'insertion, il s'agit de la plus forte baisse de crédits de l'histoire de l'insertion par l'activité économique. Il conviendrait d'atténuer l'effort demandé aux structures de l'insertion par l'activité économique (SIAE) sans quoi les taux d'insertion en pâtiront.

Alors qu'une remontée du chômage jusqu'à 8,2 % fin 2026 est prévue, les coupes budgétaires auxquelles nous faisons face auront un impact économique très négatif. Si je n'ai pas souhaité déposer d'amendement en tant que rapporteure spéciale, ce n'est pas parce que je me résous aux baisses de crédits que je viens de dénoncer, mais parce que je vous propose de rejeter les crédits de la mission.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -J'ai entendu la dissonance des avis des rapporteurs spéciaux. Nous essayons d'apporter davantage de raison dans les comptes, et notre constat est consensuel : celui de la dérive des comptes publics, qui a connu son apogée en 2023-2024. Revenir à des normes plus conformes aux réalités économiques et sociales quand on a reçu auparavant de l'argent en surabondance est toujours douloureux.

En euros constants, cette mission bénéficie de 1 milliard d'euros supplémentaires en 2026 par rapport à 2019, année au cours de laquelle le déficit était à 3 %. En outre, les besoins ne sont pas forcément plus élevés. Le soutien à l'apprentissage a eu des effets qui n'atteignaient pas totalement leur cible. La profusion d'organismes de formation, réceptacles des financements des coûts pédagogiques de près d'un million d'apprentis, est-elle normale ? Est-il souhaitable de donner de l'argent à profusion à des organismes qui se créent quasiment du jour au lendemain, sans même améliorer le parcours individuel des uns et des autres ? Il faut couper la perfusion.

En dépit de toutes les actions menées, il reste 500 000 emplois non pourvus, par manque de correspondance entre l'offre abondante de formation et les besoins sur le terrain.

Il faut retrouver de la raison, mais aussi de la rigueur. L'apprentissage doit d'abord mieux former celles et ceux qui sortent de la voie générale, pour augmenter leur niveau de formation. Des métiers ont perdu de l'attractivité parce qu'ils ont été trop longtemps méprisés. Beaucoup louent l'intelligence de la main, mais il n'est qu'à regarder les parcours des uns et des autres : pour quelques belles réussites, combien de jeunes cabossés ?

Nous sommes dans un moment de vérité : soyons attentifs à nos objectifs.

M. Éric Jeansannetas. - Les rapporteurs spéciaux émettent des avis différents, mais ils convergent sur un point : ils demandent de la stabilité pour les opérateurs. Je partage quelques éléments de l'analyse de notre rapporteur général. Il faut utiliser l'argent public à bon escient. Je souscris à son appel au pragmatisme dans le domaine de la formation.

France Travail a changé sa stratégie et Ghislaine Senée le disait : cela fonctionne. Et c'est à ce moment-là qu'il est amputé de moyens importants. L'accompagnement renforcé pourrait être abandonné.

Les missions locales accompagnent le public le plus éloigné de l'emploi. Avant l'insertion professionnelle, il faut une insertion sociale. Amputer les crédits des missions locales deux années de suite, de manière forte, de 20 % en deux années d'exercice, c'est faire perdre des chances aux jeunes les plus en difficulté.

Aurons-nous une marge de manoeuvre en séance pour redonner confiance aux opérateurs du service public de l'emploi ? Je suis président d'une mission locale et je constate une perte de motivation et de sens chez les conseillers.

M. Grégory Blanc. - Je tiendrai un raisonnement purement économique. J'ai entendu les propos du rapporteur général sur le milliard d'euros supplémentaires par rapport à 2019. Comment et où coupe-t-on ? Je souscris aux propos de Ghislaine Senée. En haut de cycle économique, il y a eu une baisse de fiscalité et des moyens déployés par le « quoi qu'il en coûte ». J'étais moi-même chef d'entreprise à ce moment-là. Cela a entraîné des effets de levier - ainsi que des effets d'aubaine - qui ont conduit beaucoup d'entreprises à faire du social. Dans cette période marquée par une carence en main d'oeuvre, les chefs d'entreprise, sachant qu'ils recevraient des aides, sont allés chercher des personnes plus éloignées de l'emploi, car ils en avaient besoin et surtout, ils étaient dans une situation où ils pouvaient le faire. Depuis, le cycle économique s'est retourné. Cela nous conduit à devoir réaliser une consolidation budgétaire alors que les entreprises n'ont plus les moyens de mener ce travail social et que notre appareil économique est en sous-production. Si les entreprises ne réalisent plus ce travail et que l'on coupe les moyens publics des SIAE et des missions locales, qui le fera ?

Depuis 2020, les pathologies psychologiques se sont renforcées. On le constate par la crise de financement des départements. Si, demain, on veut un appareil productif qui fonctionne, on doit voter des budgets qui favorisent l'insertion.

M. Marc Laménie. - Ce budget est important. Quels sont les effectifs de l'administration de l'État, en central et sur le terrain ? Comment se répartissent-ils ? Y a-t-il suffisamment de moyens humains pour lutter contre le travail illégal ?

Dans les Ardennes, il est difficile de trouver localement des saisonniers en arboriculture. C'est aussi le cas dans les régions viticoles.

Le budget prévoit une baisse de 515 ETPT chez les opérateurs, notamment France Travail. Combien pour cet opérateur ?

L'apprentissage est une politique menée en partenariat avec l'ensemble des collectivités territoriales, mais c'est de plus en plus compliqué. Il faut susciter des vocations chez les collégiens. Nombre de secteurs, tels que le bâtiment, peinent à trouver des apprentis.

Ma dernière question porte sur les contrats aidés, qui disparaîtraient totalement. Je regrette aussi cette suppression, car ce dispositif permettait de former des jeunes dans les villages ou les petites communes et de soulager les bénévoles au sein des associations.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - En ce qui concerne le niveau des crédits de la mission, la comparaison avec 2019 n'est pas très pertinente : nous étions alors en haut de cycle en matière d'emploi et l'inflation a fortement progressé depuis lors.

Je suis assez réservée quant à l'ampleur de la diminution des crédits affectés au service public de l'emploi et aux opérateurs. Une diminution de 13 % des autorisations d'engagement pour les missions locales et pour le secteur de l'insertion par l'activité économique me paraît extrêmement sévère. Que l'État soit plus sélectif et exigeant à l'égard des missions locales ou des organismes d'insertion par l'activité économique en matière de performance et de taux de retour à l'emploi, cela me paraît légitime, de même que le fait de conditionner les financements à ces résultats, mais appliquer indistinctement cette logique à tous les organismes, car tel semble être le cas, me paraît singulier, surtout dans la période actuelle.

La suppression de l'exonération de cotisations salariales pour les apprentis ne me paraît pas judicieuse non plus. Réduire les aides à l'apprentissage pour limiter les effets d'aubaine, soit, mais diminuer le salaire des apprentis, non.

Ce manque de discernement figure ailleurs dans le PLF, par exemple dans la suppression de l'aide au permis de conduire pour les apprentis. On pourrait envisager de soumettre cette aide à une condition de revenu, comme le fait France Travail, mais le fait de ne pas disposer du permis constitue un véritable obstacle à l'obtention d'un contrat d'apprentissage pour certains jeunes. Bercy objecte qu'il existe le permis à un euro, mais il s'agit d'un prêt, non d'une aide ; quant au CPF, les apprentis n'y ont pas accès en début de contrat ; enfin, les aides locales existent, certes, mais pas partout.

Sans doute, il faut faire des économies, mais il faut le faire de façon intelligente, faute de quoi les textes ne sont pas acceptés par la population.

M. Jean-Raymond Hugonet. - Je partage l'agacement du rapporteur général sur l'apprentissage.

Ma question s'adresse à Ghislaine Senée. Je m'associe volontiers à la défense des missions locales dont chacun assure, sur son territoire, un travail de dentelle en matière sociale et d'insertion. Pourriez-vous nous préciser, madame la rapporteure spéciale, à quelle diminution en valeur, en euros sonnants et trébuchants, correspond la baisse de 13 % des crédits ?

M. Laurent Somon. - Un bon budget n'est pas forcément un budget qui augmente ; simplement, dès lors qu'on le réduit, cela pose en effet des problèmes d'organisation, et réorganiser une structure n'est pas toujours simple.

Toutefois, la réforme de France Travail porte aujourd'hui ses fruits. Le département de la Somme a mis en place l'accompagnement renforcé entre les services de France Travail et ceux du département. Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, notamment à Amiens-Nord, le nombre d'allocataires a baissé de 13 %. Cela démontre que la mutualisation des moyens et la coordination des actions donnent des résultats positifs ; plus on est cloisonné, moins on est efficace. Il faut parvenir à mutualiser l'action de France Travail avec celle des conseillers d'insertion et des conseillers sociaux des départements pour les personnes les plus défavorisées, afin de lever les blocages et de permettre l'immersion dans les entreprises.

Je citerai un autre exemple, en lien avec l'éducation nationale. A été créé dans la Somme, à Friville-Escarbotin, le premier micro-lycée professionnel. Le travail conjugué des industriels, de l'éducation nationale, du département et de France Travail, permet de trouver des solutions pour que des jeunes, même en décrochage, reviennent dans l'entreprise.

Je le répète, un bon budget n'est pas forcément un budget en hausse, c'est un budget rendu plus efficient par la mutualisation des services compétents qui travaillent ensemble.

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Je commencerai en répondant au rapporteur général sur deux points. Je veux d'abord souligner la dérive des comptes publics en 2023 et 2024 : les crédits de cette mission ont énormément augmenté au cours de ces deux années ; elle reflue donc naturellement en 2026. Cette augmentation s'explique surtout par l'accent mis sur l'apprentissage. Nous souhaitons stabiliser ce budget et rendre les dépenses pilotables ; en d'autres termes, refroidir le moteur sans casser la machine. Cela exige de faire des arbitrages pour ralentir, sans rompre la dynamique enclenchée, notamment en matière d'apprentissage. Ensuite, je partage ses propos sur la redécouverte bienvenue de certains métiers. Même s'il y a beaucoup d'apprentis dans le supérieur, nous assistons à la mise en valeur, par l'apprentissage, de certains métiers naguère dévalorisés.

Je veux souligner la grande cohérence des propos d'Éric Jeansannetas d'une année sur l'autre pour ce qui concerne les missions locales.

Nous sommes d'accord sur le besoin de stabilité des opérateurs.

L'accompagnement renforcé de France Travail est extrêmement intéressant ; comme je le disais, il faut accompagner le mouvement sans casser. Nous devons attendre de récolter complètement les fruits de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi, notamment pour ce qui a trait à l'accompagnement des bénéficiaires du RSA, car il s'agit d'un effort nouveau, important et positif, puisque l'objectif est de faire revenir vers le travail des personnes qui en étaient très éloignées. Cela passe par l'accompagnement des titulaires du RSA par les conseillers de France Travail, et, d'après Thibaut Guilluy, cela semble bien fonctionner. Il ne faudrait donc pas de casser ce dispositif.

Pour ce qui concerne les missions locales, il est vrai que ce PLF acte une baisse sensible, non des crédits de paiement, qui augmentent, mais des autorisations d'engagement, qui diminuent de 13 %, soit de 78 millions d'euros. Ce n'est certes pas neutre, cela impliquera des efforts sur les dépenses de fonctionnement des missions locales, ainsi qu'une baisse du nombre de CEJ, qui passeront de 200 000 à 190 000 ; les 85 000 CEJ gérés par France Travail ne seront pas affectés. Il y a donc une baisse, mais elle est relative et il faut se souvenir qu'en 2017 il n'y avait que 50 000 contrats de ce type. Il y a bien un léger reflux, mais il n'est pas question de casser la machine.

Nous avons en particulier demandé au Gouvernement d'être très sensible à la situation des missions locales, car nous connaissons leur importance - j'ai moi-même rédigé un rapport d'information sur leur intérêt il y a quelques années - et nous savons aussi que certaines régions diminuent leurs financements. Nous lui avons donc demandé d'être méticuleux et d'étudier les missions locales au cas par cas, pour identifier celles qui rencontreraient des problèmes de trésorerie. Nous aurons sans doute l'occasion de reparler de ce sujet d'ici à l'examen de la mission en séance.

Ce que j'ai dit sur les missions locales vaut pour l'ensemble des dispositifs d'insertion par l'activité économique.

Monsieur Laménie, les crédits de France Travail s'élèvent à 3 321 491 000 euros en tant compte de sa subvention pour charge de ses services public (SCSP) et des divers transferts en provenance de la mission. C'est la principale agence de l'État, avec près de 50 000 agents ; ce sont donc des moyens très importants, d'où la demande, qui reprend celle de Michel Barnier l'année dernière, de supprimer 515 équivalents temps plein (ETP), soit 1 % de l'effectif de l'Agence.

Il est vrai que le nombre de contrats aidés diminue chaque année. Nous actons la fin de ces contrats dans le secteur marchand et, dans le secteur non marchand, leur nombre passera de 50 000 à 16 000. Je n'ai pas réussi à connaître la localisation de ces 16 000 emplois aidés, puisque les 50 000 qui restaient étaient plutôt fléchés vers des zones particulières, notamment en outre-mer. Sera-ce toujours le cas ? Je ne le sais pas. En tout état de cause, avec 16 000 contrats, ce dispositif est en effet en voie d'extinction.

Mme Carrère-Gée formule toujours cette demande d'intelligence ; la constance de vos interventions doit aussi être soulignée, ma chère collègue. J'ai à peu près répondu à vos questions. Nous reparlerons du permis de conduire lors de l'examen de l'article 80.

Pour ce qui est du soutien à l'apprentissage, je dirai, au risque d'être extrêmement minoritaire ici, que les exonérations de l'impôt sur le revenu et des cotisations salariales ont été instaurées lorsqu'il y avait 139 000 apprentis. Cela fonctionnait très bien. À un million d'apprentis, ce n'est plus du tout la même musique. Il convient donc de s'interroger, surtout quand les apprentis ne sont plus seulement de niveau infra bac, mais parfois de niveau bac + 5, avec un niveau d'indemnité qui leur permettrait d'être imposés sur le revenu ! En outre, cette exonération pose une autre difficulté : le jour où ils entrent dans la vie active, avec une rémunération potentiellement équivalente, la surprise risque d'être désagréable quand ils seront assujettis aux cotisations sociales et à l'impôt sur le revenu.

Nous aurons de toute façon ce débat durant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, lorsque se posera la question de l'exonération de charges sociales sur les indemnités d'apprentis. Je comprends votre interrogation, mais cette exonération coûte tout de même plus d'un milliard d'euros et sa suppression rapporterait 400 millions d'euros dès 2026. Par conséquent, si nous voulons la maintenir, il faudra trouver 400 millions d'euros ailleurs.

Enfin, je partage évidemment les propos de Laurent Somon sur la nécessaire coordination des actions entre les missions locales et les collectivités locales ; vous avez raison, mon cher collègue, le budget le plus efficient n'est pas nécessairement le budget le plus élevé.

Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. - Certes, chacun appelle de ses voeux un retour à une situation plus conforme à la réalité économique, mais le Président de la République et le Gouvernement ont fait le choix de conduire une politique très ambitieuse via la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux », avec comme objectif la signature d'un million de contrats d'apprentissage.

Je pose donc la question de la cohérence. On ne peut pas augmenter fortement les moyens consacrés à l'apprentissage à son arrivée en 2017, puis, en l'espace de deux ans, casser la machine. Il y a certes eu des effets d'aubaine, nous l'avons constaté nous-mêmes, mais nous avons oeuvré pour réduire les montants affectés à l'apprentissage, qu'il s'agisse des aides aux entreprises ou de la prise en charge des coûts de formation. Ainsi, cette année, on a réalisé 1,6 milliard d'euros d'économies sur cette mission et, on l'a vu dans le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG), quelque 886 millions d'euros de crédits seront annulés. Le travail a donc été largement engagé. C'est la raison pour laquelle nous demandons de la stabilité. De nombreux centres de formation d'apprentis (CFA), pourtant très structurés, se trouvent aujourd'hui en grande difficulté, car, après la révision générale du coût de leur formation, ils ne dégagent plus aucune marge, au point que l'État doit régler les situations une à une. Il s'agit d'une question de cohérence et de continuité de l'action de l'État : on ne mobilise pas autant de moyens pour les retirer aussi vite. Nous en débattrons dans l'hémicycle.

Monsieur Jeansannetas, M. Capus a répondu à vos questions sur les missions locales.

Monsieur Hugonet, la diminution des autorisations d'engagement affectées aux missions locales atteindrait 78 millions d'euros. Les crédits de paiement augmentent, certes, mais il s'agit simplement du rattrapage lié à la reprise d'excédent effectuée en 2025 ; en réalité, ils demeurent stables, ce qui engendre d'importantes difficultés. Je défendrai en séance, à titre personnel, des amendements visant à dégager d'autres marges de manoeuvre afin de sauver les missions locales. En effet, si celles-ci perdent des moyens, ce seront les collectivités territoriales qui devront compenser. Or, chacun le sait, elles se trouvent en grande difficulté et doivent déjà faire des choix cornéliens.

En ce qui concerne France Travail, je veux rappeler quelques chiffres, liés à l'objectif de plein emploi confié à cet opérateur. L'an dernier, le nombre d'entrées dans le dispositif d'accompagnement intensif a augmenté de 50 % par rapport à 2024, avec un objectif de 700 000 accompagnements en 2027. Les actions de prospection auprès des employeurs ont progressé de plus de 300 % en 2025, passant de 100 000 à 400 000, et l'objectif pour 2027 est de 600 000. Les contrôles de la recherche d'emploi ont augmenté de 64 %, ce qui représente 480 000 contrôles, et l'objectif fixé pour 2027 s'élève à 1,5 million.

À cela s'ajoutent la généralisation du dispositif Avenir pro, dans les lycées professionnels, la mise en place du plan Senior 50+, pour les plus de 50 ans, la lutte contre les trop-perçus et les comportements abusifs, ainsi que les mesures issues de la Conférence nationale du handicap. Il faut encore ajouter le transfert à France Travail de la gestion des fonds d'allocation des élus en fin de mandat, dont nous avons adopté le principe au travers de la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2027.

Certes, un plan d'efficience de l'opérateur lui a permis de redéployer 3 700 ETP, notamment grâce aux outils numériques, mais on ne peut pas leur en demander toujours plus tout en exerçant une pression supplémentaire sur les effectifs, d'autant que chaque demandeur d'emploi qui retrouve un poste permet de dégager des économies ailleurs.

Je veux citer une brève anecdote. Aujourd'hui, les grandes entreprises recourent à l'intelligence artificielle pour trier les curriculum vitae. Par conséquent, les conseillers de France Travail doivent accompagner les demandeurs d'emploi pour mettre en page leur CV, car certains rejets tiennent uniquement à des biais de l'IA. Cela peut sembler anecdotique, mais cela montre combien la présence humaine demeure indispensable. Je n'insiste pas davantage sur France Travail, mais vous aurez compris le sens de mon propos.

M. Capus a répondu aux questions de Grégory Blanc. Si les entreprises ne sont plus aidées, ce sont les collectivités territoriales qui devront prendre le relais.

Monsieur Laménie, les effectifs de la direction générale du travail s'élèvent à 4 375 ETPT. Les effectifs sous plafond de France Travail diminueront de 515 ETP.

Madame Carrère-Gée, merci de vos propos. En effet, quand il faut faire des choix, il faut le faire intelligemment. Sans doute, il faut remédier aux effets d'aubaine, mais je crois que nous l'avons fait. Et, vous avez raison, la comparaison avec l'année 2019 est peu pertinente. Le service public de l'emploi se transforme profondément dans le cadre de l'objectif de plein emploi. Des comités nationaux, régionaux, départementaux et locaux se mettent en place.

Bref, vous l'aurez compris, il faut impérativement sauver France Travail et les missions locales, pour le bien de nos demandeurs d'emploi, de nos jeunes et de notre économie.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ».

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 80

Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. - L'article 80 supprime l'aide forfaitaire de 500 euros pour le financement du permis de conduire des apprentis. Cet article diminuerait de 36 millions d'euros des charges de France Compétences. Il existe en effet d'autres dispositifs pour aider à financer son permis de conduire - CPF, permis à un euro, aides locales, etc. -, qui ne sont au demeurant pas réservés aux apprentis.

Nous vous proposons d'adopter cet article sans modification, puisque nous cherchons à dégager des économies.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 80.

Article 81

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - L'article 81 procède à diverses mesures de régulation du CPF, afin d'en limiter le coût pour les formations non certifiantes, qui présentent le moins d'intérêt pour sécuriser les parcours professionnels. En effet, le coût par heure de formation des formations non certifiantes est plus élevé que celui des formations certifiantes, ce qui est quelque peu étonnant...

L'article plafonne donc les montants qui peuvent être mobilisés au titre du CPF pour les formations non certifiantes : permis de conduire, validation des acquis de l'expérience, etc. Il supprime également l'éligibilité au CPF des bilans de compétences. Cela ne signifie pas que ces formations ne pourront plus être suivies, mais elles devront simplement être financées, en partie ou en totalité, par les bénéficiaires ou par leur employeur.

S'agissant de formations non certifiantes dont le coût est très élevé, nous vous proposons également d'adopter cet article sans modification.

Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. - Je précise que je soutiendrai à titre personnel le déplafonnement pour le cas spécifique de la validation des acquis de l'expérience, afin de la sortir du champ de cet article, puisque, en un sens, elle est certifiante.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 81.

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* *

Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cabinet du ministre du travail et de l'emploi

- M. Ulric DE LA BATUT, directeur de cabinet adjoint ;

- M. Léon RANGIER, conseiller budgétaire ;

- M. Alexandre BONIS, conseiller parlementaire.

Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)

- M. Benjamin MAURICE, délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle (par intérim), chef de service ;

- M. Boris SUPIOT, sous-directeur du financement et de la modernisation à la DGEFP ;

- Mme Chloé BOYAVAL, conseillère relations extérieures et élus ;

- Mme Manon ROBIN, adjointe au chef de la mission des affaires financières.

France Travail 

- M. Thibaut GUILLUY, directeur général ;

- M. Yohan BEAUX, collaborateur du directeur général dans le département « Élus et territoires ».

France compétences

- M. Stéphane LARDY, directeur général.

UNEDIC

- M. Jean-Eudes TESSON, président ;

- Mme Patricia FERRAND, vice-présidente ;

- Mme Clémence TAILLAN, directrice de cabinet ;

- Mme Pauline GONTHIER, directrice financière.

Union nationale des missions locales

- M. Martin DAVID-BROCHEN, premier vice-président, en charge de l'approche globale de l'accompagnement et des enjeux SI ;

- M. Jean-Raymond LEPINAY, vice-président, en charge de la délégation employeur et du modèle économique ;

- Mme Isabelle PERDEREAU, présidente de l'association régionale des Missions Locales d'Ile-de-France ;

- M. Nicolas GARNIER, directeur de la Mission Locale de Paris ;

- M. Jean-Marc DELAHAYE, responsable des relations institutionnelles.

Fédération des entreprises d'insertion

- Mme Mathilde AUSORT, déléguée générale adjointe.

Table-ronde

- M. Bruno COQUET, économiste.

FNADIR (Fédération nationale des directeurs de centres de formation d'apprentis)

- M. Pascal PICAULT, chargé de mission plaidoyer ;

- M. Alban MARGUERITAT, délégué national.

OPCO 2i

- Mme Stéphanie LAGALLE-BARANES, directrice générale ;

- M. Edwin LIARD, président ;

- M. Pascal LE GUYADER, vice-président.

OCAPIA 

- M. Jonathan EMSELLEM, directeur général ;

- Mme Françoise RENARD, trésorière.

OPCO MOBILITES

- Mme Isabelle MAIMBOURG, directrice générale adjointe ;

- M. Francis BARTHOLOMÉ, président.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2026.html


* 1 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.

* 2 Instauré par l'article 6 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.

* 3 Article 193 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.

* 4 OFCE, «  Un marché du travail malmené », Perspectives 2025-2026 pour l'économie française, octobre 2025.

* 5 Cour des comptes « Recentrer le soutien public à la formation professionnelle et à l'apprentissage », Note thématique, juillet 2023. Pour la Cour, l'alternance englobe les contrats d'apprentissage et de professionnalisation.

* 6 Igas/IGF, Revue des dépenses publiques d'apprentissage et de formation professionnelle, mars 2024.

* 7 Coquet B., OFCE Policy Brief, « Apprentissage : quatre leviers pour reprendre le contrôle » n° 135, 12 septembre 2024.

* 8 OFCE, «  Un marché du travail malmené », Perspectives 2025-2026 pour l'économie française, octobre 2025.

* 9 OFCE, ibid.

* 10 OFCE, ibid.

* 11 OFCE, ibid.

* 12 Document de cadrage relatif à la négociation de la convention de l'assurance chômage, juillet 2023.

* 13 Évaluation préalable du présent article.

* 14 Loi de finances de fin de gestion pour 2023 - article 2 ; loi de finances pour 2024 - article 163 ; loi de finances pour 2025 - article 131.

* 15 Cet article prévoit une ponction des recettes de l'Unédic à hauteur de 4,1 milliards d'euros en 2026.

* 16 Loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi.

* 17 «  Quels effet emploi et effets d'aubaine des contrats aidés ? Une évaluation à l'aune de la baisse de leur financement en 2017 », DARES Analyses, n° 45, juillet 2023.

* 18 Euzenat, D., « Estimation de l'effet d'aubaine des contrats aidés. Enseignements d'une expérience quasi naturelle en France », Dares, Documents d'études, n° 269, juillet 2023.

* 19 Décret n° 2019-1471 du 26 décembre 2019 portant généralisation des emplois francs et création d'une expérimentation à La Réunion.

* 20 Igas-IGF, « Revue de dépenses : dispositifs de soutien à l'emploi et à l'accompagnement des demandeurs d'emploi », avril 2024.

* 21 «  Les emplois francs incitent-ils à embaucher des personnes résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ? », DARES Analyses, n° 52, septembre 2023.

* 22 Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée.

* 23 Loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».

* 24 Proposition de loi n° 1326 visant à exercer l'accès à l'emploi, pérenniser et étendre progressivement l'expérimentation Territoires zéro chômeur longue durée comme solution de retour à l'emploi pour les personnes privées durablement d'emploi, déposée le 17 avril 2025.

* 25 Rapport d'évaluation de la deuxième phase de l'expérimentation « Territoire zéro chômeur de longue durée » (TZCLD), Vers une garantie de l'emploi ? Comité scientifique (Dares, Haut-commissariat à la stratégie et au plan, septembre 2023.

* 26 Cour des comptes, La formation professionnelle des salariés. Après la réforme de 2018, une stratégie nationale à définir et un financement à stabiliser, juin 2023.

* 27 Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Cnefop), deux instances paritaires, le Comité paritaire interprofessionnel national pour l'emploi et la formation (Copanef) et le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), et la Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP).

* 28 Cour des comptes, référé S2022-072, France Compétences, une situation financière préoccupante, 9 juin 2023.

* 29 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

* 30 Référé précité du 5 avril 2022.

* 31 Cour des comptes, France compétences, une situation financière préoccupante, 5 avril 2022.

* 32 Décret n° 2024-394 du 29 avril 2024 relatif à la participation obligatoire au financement des formations éligibles au compte personnel de formation.

* 33 Cour des comptes, La formation en alternance. Une voie en plein essor, un financement à définir, juin 2022.

* 34 IGF-Igas, rapport précité, juillet 2023.

* 35 IGF-Igas, « Revue des dépenses publiques d'apprentissage et de formation professionnelle », mars 2024.

* 36 Exonération prévue par le IV de l'article L. 6241-1 du code du travail.

* 37 Décret n° 2022-1714 du 29 décembre 2022 relatif à l'aide unique aux employeurs d'apprentis et à l'aide exceptionnelle aux employeurs d'apprentis et de salariés en contrat de professionnalisation.

* 38 Il s'agit des entreprises de plus de 250 salariés atteignant le seuil de 5 % de contrats favorisant l'insertion professionnelle ou de 3 % d'alternants avec une progression de 10 % sur un an.

* 39 Coquet B., «  Apprentissage : un bilan des années folles », OFCE Policy Brief n° 117, juin 2023.

* 40 Antoine R., Fauchon A., DEPP et DARES, Note d'Information, n° 23.26, juin 2023 et Antoine R., Fauchon A., DEPP et DARES, Note d'information, n° 23.27, juin 2023 note que les anciens lycéens professionnels de niveau CAP à BTS sont 57 % à être en emploi salarié deux ans après la fin de leurs études, alors que cette proportion est de 73 % pour les anciens apprentis de même niveau.

* 41 Coquet B., OFCE Policy Brief, « Apprentissage : quatre leviers pour reprendre le contrôle » n° 135, 12 septembre 2024.

* 42 Décret n° 2025-174 du 22 février 2025 relatif à l'aide unique aux employeurs d'apprentis et à l'aide exceptionnelle aux employeurs d'apprentis.

* 43 Amendement n° II-9 rect. de M. Emmanuel Capus et Mme Ghislaine Senée au nom de la commission des finances.

* 44 IGF-Igas, Les modalités de financement des centres de formation d'apprentis, juillet 2023.

* 45 Ibid.

* 46 Afin d'éviter un choc trop brutal pour certains CFA, aucune baisse de NPEC de plus de 10 % n'a été recommandée par France Compétences.

* 47 Décret n° 2025-585 du 27 juin 2025 relatif à la prise en charge des actions de formation par apprentissage

* 48 Décret n° 2019-1 du 3 janvier 2019 relatif à l'aide au financement du permis de conduire pour les apprentis.

* 49 Article 1er de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.

* 50 Article R. 6323-1 du code du travail.

* 51 Le compte personnel de formation en 2020. Une hausse sans précédent des entrées en formation - Dares Résultats n° 59, octobre 2021.

* 52 Questions politiques sociales - Les brèves n° 15 - septembre 2022 - Caisse des dépôts et consignations.

* 53 Cour des comptes - France compétences, une situation financière préoccupante - Référé du 5 avril 2022.

* 54 Évaluation préalable du présent article.

* 55 France compétences, Rapport sur l'usage des fonds de la formation professionnelle, 2024.

* 56 Décret n° 2024-394 du 29 avril 2024 relatif à la participation obligatoire au financement des formations éligibles au compte personnel de formation.

* 57 Loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.

* 58 Articles L. 6331-48, L. 6331-53 et L. 6331-65 du code du travail.

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