N° 139

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 5a
COHÉSION DES TERRITOIRES - LOGEMENT ET VILLE
(Programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion
des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et 147 « Politique de la ville »)

Rapporteur spécial : Mme Sophie PRIMAS

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, M. Georges Patient, Mme Sophie Primas, M. Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180

Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026)

L'ESSENTIEL

Ce rapport, après une présentation d'ensemble de la mission « Cohésion des territoires », porte sur les crédits relatifs aux politiques d'hébergement, du logement, de l'urbanisme et de la ville, soit les programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et 147 « Politique de la ville ».

Les crédits de paiement de la mission « Cohésion des territoires » passent de 23,1 milliards d'euros en loi de finances initiale (LFI) pour 2025 à 22,2 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2026. Cette baisse nette des crédits de la mission, de 5,1 % après correction de l'inflation, est liée principalement aux économies effectuées sur les aides au logement et la réduction de la participation de l'État à la rénovation énergétique.

Les politiques publiques portées par la mission « Cohésion des territoires » sont également financées par 11,68 milliards d'euros de dépenses fiscales, ainsi que par 1,05 milliard d'euros de ressources affectées à des opérateurs et de 0,55 milliard d'euros de fonds de concours et attributions de produits.

Moyens globaux alloués à la mission « Cohésion des territoires »

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir de l'état F annexé au projet de loi de finances

I. LES CRÉDITS DE LA POLITIQUE D'HÉBERGEMENT ET D'ACCÈS AU LOGEMENT (PROGRAMME 177) GAGNENT EN SINCÉRITÉ

Pour 2026, les crédits demandés au titre de la politique d'hébergement et d'aide au logement des sans-abri ou mal-logés sont de 3,1 milliards d'euros en autorisation d'engagement et en crédits de paiement, en hausse de 110 millions d'euros, alors que l'objectif de 203 000 places dans le parc est maintenu.

La commission des finances salue l'ambition du gouvernement de conserver 203 000 places ouvertes dans le parc en 2025, au vu de la demande croissante.

Les crédits prévus en loi de finances initiale demeurent insuffisants, mais permettent de se rapprocher de la budgétisation nécessaire.

La commission des finances regrette profondément que les 20,6 millions d'euros votés l'an dernier pour ouvrir 2 000 places réparties à égalité pour des enfants et des femmes proches de la maternité aient finalement été utilisés pour combler le besoin de financement des mesures existantes du programme.

Prévision et exécution des crédits du programme 177

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des lois de finances initiales et des lois de règlement

Si les enjeux budgétaires peuvent expliquer la nécessité de contraindre ce budget, il existe néanmoins un risque de réduire le nombre de places d'hébergement de bonne qualité et de voir les nuitées hôtelières repartir à la hausse.

La politique d'hébergement fait face aujourd'hui à des enjeux multiples :

II. LE GEL ET LE RECENTRAGE DES AIDES AU LOGEMENT (PROGRAMME 109) PERMETTENT DE RÉALISER DES ÉCONOMIES SUBSTANTIELLES

Le programme 109 porte principalement les aides personnelles au logement (APL) et est doté de 16,1 milliards d'euros sur le budget de l'État, en évolution de - 3,5 % euros courants. Cette baisse de 587,1 millions d'euros est permise par la non revalorisation du barème des APL et par le recentrage de ces aides pour les étudiants étrangers aux seuls boursiers. Cette mesure est proposée à l'article 67 du projet de loi de finances, rattaché à la mission « Cohésion des territoires ». Le rapporteur propose son adoption sans modification.

Financement du fonds national des aides au logement depuis 2017

(en millions d'euros)

PVI : plus-values immobilières.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Près de 5,7 millions de ménages bénéficient d'une aide au logement dont l'effet redistributif reste marqué : 87,2 % des ménages ont des revenus inférieurs au SMIC et 99,9 % inférieurs à deux fois le SMIC en 2024.

Les aides au logement constituent le principal poste d'économies du budget de l'État depuis 2017, en baisse de 24,6 %. Le montant annuel versé est passé de 21,1 à 16,1 milliards d'euros. Cette économie budgétaire de l'État pèse en réalité principalement sur les bailleurs sociaux auxquels est transférée la charge de la réduction de loyer de solidarité (RLS).

III. LA POLITIQUE DE L'HABITAT ET DE L'URBANISME (PROGRAMME 135) PEINE À AMORCER UNE SORTIE DE CRISE

La nette baisse de crédits prévue en LFI 2026, avec 748,5 millions d'euros de moins en AE et 483,1 millions d'euros de moins en CP, est due principalement au retrait de l'État du financement de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), qui met en oeuvre la rénovation énergétique des logements. Le programme est doté de 1 923,3 millions d'euros en AE et de 2 030,4 millions d'euros en CP.

A. LES CRÉDITS PORTANT SUR LA RÉNOVATION THERMIQUE DES LOGEMENTS FONT L'OBJET D'UNE MISE EN COHÉRENCE AVEC LES ACTIONS RÉALISÉES

Les crédits budgétaires globaux portés par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour la rénovation thermique des logements privés sont en baisse de 18,3 %, compensé par un fléchage d'une partie du montant du dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE). En 2025, le guichet d'aide a été fermé du 23 juin au 30 septembre, non seulement à cause des fraudes potentielles, mais aussi en lien avec l'insuffisance des crédits face à l'accroissement de la demande.

La loi1(*) contre toutes les fraudes aux aides publiques adoptée en juin 2025 a permis à l'ANAH de rendre plus efficace son contrôle des dossiers malhonnêtes.

Financement de l'ANAH par l'État

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

La réduction de l'effort de l'État pour financer l'ANAH depuis deux ans a eu pour effet, en 2024, de mobiliser considérablement la trésorerie de l'agence. À ce rythme, l'État devra dès 2027 rehausser la subvention en crédits budgétaires pour maintenir le rythme de rénovation énergétique.

Évolution de la trésorerie de l'ANAH depuis 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

B. LE LÉGER REBOND OBSERVÉ EN 2024 ET POTENTIELLEMENT CONFIRMÉ EN 2025 NE SIGNIFIE PAS QUE LES CAUSES STRUCTURELLES DE LA CRISE DU LOGEMENT ONT DISPARU

La crise est d'abord une crise de l'offre, avec un bas historique au deuxième trimestre 2024. C'est aussi une crise de la demande, en lien avec une capacité d'achat moindre, compte tenu en lien avec des taux qui demeurent élevés et d'un coût de l'immobilier qui n'amorce pas de baisse franche.

Autorisations et commencements de logements sur les douze derniers mois

(en nombre de logements autorisés)

Source : commission des finances, données INSEE

La solution de la création d'un statut du bailleur privé proposée par le gouvernement par amendement2(*) en première partie du projet de loi de finances, qui consiste à instaurer une exonération fiscale pour les investisseurs, devra être étudiée. Elle devra être proportionnée et son coût maîtrisé.

Logements sociaux financés et mis en service

(en nombre de logements)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

La crise touche aussi fortement le logement social : le financement du Fonds national des aides à la pierre (FNAP) manque de visibilité à long-terme et la réduction de loyer de solidarité tend à réduire les capacités d'investissement des bailleurs sociaux.

La commission rappelle, enfin, que la fiscalité du logement doit faciliter la mobilité au sein du parc et, ainsi, frapper moins l'acte d'achat que la rétention de bien.

IV. LA POLITIQUE DE LA VILLE (PROGRAMME 147) : UNE DOTATION DE L'ÉTAT EN CROISSANCE, UNIQUEMENT LIÉE AU RATTRAPAGE ATTENDU DU FINANCEMENT DU NOUVEAU PROGRAMME NATIONAL DE RENOUVELLEMENT URBAIN (NPNRU)

Le programme 147 porte les crédits de la politique de la ville, pour un montant de 651,7 millions d'euros en 2025, en hausse de 42,2 millions d'euros en valeur et de 5,5 % en euros constants.

Après le Comité interministériel des villes de juin 2025, certains dispositifs clés sont mieux financés : le dispositif adulte-relais gagne 5 millions d'euros, autant que les dotations allouées aux cités éducatives. Cependant, toutes actions territorialisées confondues, la politique de la ville connaît une baisse de 24 millions d'euros des crédits ouverts.

Afin d'accroître les moyens de la politique en faveur de l'intégration des jeunes en difficulté portée par l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE), la commission a adopté sur proposition du rapporteur un amendement ajoutant 1,5 million d'euros de crédits pour cet établissement.

La participation de l'État au NPNRU, fixée à 116 millions d'euros, vient en rattrapage des manquements des années précédentes et prend la mesure des difficultés de trésorerie de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

Financement du NPNRU par l'État

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

L'article 67 du PLF 2026 rattaché à la mission tire les conclusions du retard pris dans le décaissement des crédits pour le NPNRU et décale d'un an la possibilité de contractualiser. Le rapporteur prend acte de cette situation et propose l'adoption sans modification de cet article.

Réunie le 4 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission. Elle a également décidé de proposer d'adopter les articles 66 et 67 sans modification.

Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Cohésion des territoires » tels que modifiés par son amendement tendant à accroître de 1,5 million d'euros les crédits fléchés vers l'EPIDE et a confirmé sa décision de proposer d'adopter sans modification les articles rattachés 66 et 67.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, le rapporteur spécial n'avait reçu aucune des réponses.

À la date d'examen en commission de la mission, le 4 novembre 2025, il a obtenu 81 % des réponses.


* 1 La loi n° 2025-594 du 30 juin 2025 contre toutes les fraudes aux aides publiques.

* 2 Amendement n° I-3763 du gouvernement déposé à l'Assemblée nationale le 23 octobre 2025.

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