- L'ESSENTIEL
- PREMIÈRE PARTIE
UN BUDGET POUR 2026 QUI ACCROÎT L'EFFORT
DE DÉFENSE AU-DELÀ DE LA PROGRAMMATION
- I. DANS UN ENVIRONNEMENT STRATÉGIQUE
DÉGRADÉ, UNE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE PLURIANNUELLE
ACCÉLÉRÉE
- A. À LA SUITE DE L'AGRESSION RUSSE CONTRE
L'UKRAINE, LA LPM 2024-2030 A RENFORCÉ L'EFFORT DE
DÉFENSE SANS ÉLARGIR LE FORMAT DES ARMÉES
- B. UN DÉBUT D'EXÉCUTION DE LA
PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE MARQUÉ PAR DE FORTES TENSIONS ET DES
RIGIDITÉS ACCRUES
- C. FACE À LA POURSUITE DE LA
DÉGRADATION DE L'ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL, UN CADRE
STRATÉGIQUE RENOUVELÉ ET DES ENGAGEMENTS BUDGÉTAIRES
DURCIS
- D. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE A
ANNONCÉ UNE ACCÉLÉRATION DE L'EFFORT DE DÉFENSE
POUR 2026 ET 2027, QUI RESTE AUJOURD'HUI MESURÉ EN COMPARAISON
INTERNATIONALE
- A. À LA SUITE DE L'AGRESSION RUSSE CONTRE
L'UKRAINE, LA LPM 2024-2030 A RENFORCÉ L'EFFORT DE
DÉFENSE SANS ÉLARGIR LE FORMAT DES ARMÉES
- II. LE BUDGET POUR 2026 AUGMENTE FORTEMENT
L'EFFORT DE DÉFENSE, SOULIGNANT LA NÉCESSITÉ D'UNE
NOUVELLE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE
- A. UNE PROGRESSION DU BUDGET DE 6,78 MILLIARDS
D'EUROS EN 2026, PORTANT LES CRÉDITS À 66,7 MILLIARDS
D'EUROS...
- 1. Un effort budgétaire exceptionnel, dans
un contexte de redressement des finances publiques
- 2. Une répartition
différenciée entre les quatre programmes de la mission
« Défense »
- 3. Un poids structurant de certaines
opérations stratégiques
- 4. Une identification seulement partielle des
dépenses financées spécifiquement par la surmarche de
3,5 milliards d'euros
- 5. Une revalorisation bienvenue de la provision
pour les opérations extérieures et missions
intérieures
- 1. Un effort budgétaire exceptionnel, dans
un contexte de redressement des finances publiques
- B. ... QUI SOULIGNE LA NÉCESSITÉ
D'UNE ACTUALISATION DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE
- 1. Corriger les déséquilibres apparus
dès le début d'exécution
- 2. Inscrire l'effort supplémentaire pour
2026 et 2027 dans une trajectoire pluriannuelle
cohérente
- 3. Concilier effort de défense et
soutenabilité des finances publiques
- 4. Une présentation par le Gouvernement de
la proposition d'actualisation attendue à la fin de l'automne
2025
- 1. Corriger les déséquilibres apparus
dès le début d'exécution
- A. UNE PROGRESSION DU BUDGET DE 6,78 MILLIARDS
D'EUROS EN 2026, PORTANT LES CRÉDITS À 66,7 MILLIARDS
D'EUROS...
- I. DANS UN ENVIRONNEMENT STRATÉGIQUE
DÉGRADÉ, UNE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE PLURIANNUELLE
ACCÉLÉRÉE
- DEUXIÈME PARTIE
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
- I. UN NIVEAU DE REPORT DE CHARGES ET DE RESTES
À PAYER QUI CONTINUE DE PESER SUR LA SOUTENABILITÉ
BUDGÉTAIRE DE LA MISSION « DÉFENSE »
- II. LES ÉQUIPEMENTS : LA POURSUITE DES
PROGRAMMES D'ACQUISITION CAPACITAIRE
- III. UNE HAUSSE DES EFFECTIFS CONFORME À LA
LPM MAIS INSUFFISANTE POUR COMPENSER LES RETARDS PASSÉS
- IV. UN MANQUE DE TRANSPARENCE SUR LA
DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS ET L'ACTIVITÉ DES FORCES,
MALGRÉ DES EFFORTS BUDGÉTAIRES CROISSANTS
- I. UN NIVEAU DE REPORT DE CHARGES ET DE RESTES
À PAYER QUI CONTINUE DE PESER SUR LA SOUTENABILITÉ
BUDGÉTAIRE DE LA MISSION « DÉFENSE »
- EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
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N° 139 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026 |
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Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025 |
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RAPPORT GÉNÉRAL FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026, |
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Par M. Jean-François HUSSON, Rapporteur général, Sénateur LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES (seconde partie de la loi de
finances) |
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Rapporteur spécial : M. Dominique de LEGGE |
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(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, M. Georges Patient, Mme Sophie Primas, M. Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel. |
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Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180 Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026) |
L'ESSENTIEL
I. UN BUDGET POUR 2026 QUI ACCROÎT L'EFFORT DE DÉFENSE AU-DELÀ DE LA PROGRAMMATION
A. UNE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE ACCÉLÉRÉE DANS UN ENVIRONNEMENT STRATÉGIQUE TRÈS DÉGRADÉ
L'année 2026 marque la troisième annuité de la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, entrée en vigueur le 1er août 2023, dans un contexte géostratégique profondément déstabilisé par la guerre en Ukraine. Elle prévoit 400 milliards d'euros de crédits budgétaires.
Dans un environnement stratégique très dégradé, la France et ses alliés ont depuis engagé, en 2025, une réévaluation de leurs doctrines et de leurs engagements stratégiques, y compris budgétaire. Deux événements ont marqué cette inflexion : d'une part, en France, la publication, en juillet 2025, d'une Revue nationale stratégique (RNS) actualisée, qui constate l'entrée dans une ère stratégique nouvelle, caractérisée par un risque accru de guerre de haute intensité sur le continent ; d'autre part, le sommet de l'OTAN de La Haye (juin 2025), au cours duquel les Alliés ont décidé de porter leur objectif de dépenses militaires de 2 % à 3,5 % du PIB d'ici 2035.
Dans ce contexte, le président de la République a annoncé le 13 juillet 2025 une accélération de l'effort budgétaire en faveur des armées pour 2026 et 2027. Aux marches annuelles de 3,2 milliards d'euros prévues par la LPM en 2026 et 2027, doivent ainsi s'ajouter des surmarches représentant « un effort de 3,5 milliards d'euros en 2026 et de 3 milliards d'euros supplémentaires l'année suivante ». Les documents budgétaires annexés au budget pour 2026 laissent quant à eux entrevoir une surmarche d'environ 1,5 milliard d'euros en 2028.
Évolution des crédits de la mission « Défense » selon différentes hypothèses
(en milliards d'euros, hors CAS « Pensions »)
Source : commission des finances, d'après les annonces du président de la République du 13 juillet 2025, la LPM 2024-2030, le PLF pour 2026 et les réponses au questionnaire budgétaire
Cette dynamique est compatible avec l'atteinte de l'objectif d'un niveau de dépenses militaires de 3,5 % du PIB en 2035 - à condition de poursuivre l'effort chaque année (+ 0,15 % du PIB annuellement)1(*) -, soit un budget de l'ordre de 140 milliards d'euros à cet horizon.
Mise en regard de différentes trajectoires
budgétaires des dépenses militaires
de 2025 à
2035
(en milliards d'euros courants et en % de PIB)
Note : l'ensemble des dépenses militaires sont ici prises en compte, y compris le CAS « Pensions » et des dépenses annexes à la mission « Défense », conformément à la méthodologie de l'OTAN.
Source : commission des finances, d'après les données du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2026, de l'INSEE, de la trajectoire budgétaire prévue par la LPM 2024-2030, du projet de loi de finances pour 2026, et des réponses aux questionnaires du rapporteur spécial
Les autorisations d'engagement (AE) prévues pour la mission « Défense » s'élèveraient en 2026 à 93,1 milliards d'euros, soit une baisse de 0,5 % par rapport à 2025. Les crédits de paiement (CP) s'établiraient à 66,7 milliards d'euros, soit une hausse de 6,78 milliards d'euros (+ 11,3 %).
Cet effort important doit être salué, dans un contexte général d'efforts significatifs de redressement des finances publiques. La politique de défense constitue, en 2026, la deuxième politique publique de l'État en termes d'effort budgétaire en CP, après l'enseignement scolaire, et la première en AE. Sur le périmètre de la LPM (hors pensions), les crédits demandés s'établissent à 57,15 milliards d'euros, en hausse de 6,67 milliards d'euros par rapport à la LFI 2025. La mission « Défense » est ainsi celle qui enregistre la plus forte progression de crédits dans le PLF 2026.
La hausse des crédits concerne l'ensemble des 16 « opérations stratégiques »2(*), à la seule exception des dépenses hors titre 2 pour les missions intérieures. La progression concernerait principalement les programmes d'équipements à effet majeur (+ 3,36 milliards d'euros), l'entretien des matériels (+ 609 millions d'euros), la masse salariale hors pensions (+ 552 millions d'euros), le fonctionnement et les activités spécifiques (+ 538 millions d'euros), la dissuasion nucléaire (+ 487 millions d'euros), et les infrastructures de défense (+ 152 millions d'euros). Par ailleurs, il est prévu l'acquisition de munitions (y compris complexes et téléopérées), pour un total de plus de 2,4 milliards d'euros en 2026.
La trajectoire de crédits de la mission « Défense » entre 2019 et 2026
(en milliards d'euros courants)
Note : la LPM applicable utilisée est celle de 2019-2025 jusqu'en 2023 et celle de 2024-2030 à compter de 2024.
Source : commission des finances du Sénat d'après les LFI annuelles et les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial
B. LA NÉCESSITÉ D'UNE ACTUALISATION DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE
Ainsi que s'y est engagé le Président de la République dans son discours du 13 juillet 2025, la présentation d'une actualisation de la LPM apparaît désormais indispensable. Trois séries principales de raisons le justifient, à savoir :
· corriger les déséquilibres apparus dès le début d'exécution de la LPM 2024-20303(*), marqué par d'importantes tensions et rigidités budgétaires de nature à interroger l'alignement effectif des moyens budgétaires et des objectifs capacitaires à l'horizon de l'échéance de la LPM ;
· inscrire les surmarches prévues pour 2026 et 2027 dans une trajectoire pluriannuelle cohérente ;
· garantir la soutenabilité et la crédibilité internationale de la dépense pluriannuelle de défense dans le cadre des contraintes générales des finances publiques.
Selon la ministre des armées, Catherine Vautrin4(*), le projet de loi d'actualisation de la LPM devrait être présenté à la fin de l'automne 2025.
II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
A. UNE IDENTIFICATION SEULEMENT PARTIELLE DES DÉPENSES FINANCÉES PAR LA SURMARCHE DE 3,5 MILLIARDS D'EUROS
Le budget de la mission « Défense » pour 2026 est principalement marqué par l'application d'une surmarche de 3,5 milliards d'euros. Cette enveloppe complémentaire viserait notamment à financer un renforcement de capacités jugées critiques, en particulier :
- les munitions, dans le cadre de l'accélération du plan en la matière, afin d'accroître les stocks de munitions complexes, de constituer les premiers stocks de munitions téléopérées, et de consolider les capacités technico-logistiques et industrielles de soutien aux forces ;
- les drones, pour permettre la « dronisation » rapide et généralisée des unités opérationnelles des trois armées ;
- les capacités spatiales, électromagnétiques et de connectivité, afin d'améliorer l'interconnexion des forces, le renseignement et la résilience face aux menaces ;
- les défenses sol/air et les moyens aériens, notamment pour le remplacement des avions de détection et de commandement aéroporté (AWACS) ;
- l'activité opérationnelle des forces, pour accroître leur niveau de préparation.
Les travaux du rapporteur spécial ont toutefois montré que le ministère des armées n'est pas en mesure d'isoler clairement ce qui relève de la surmarche décidée pour 2026.
Si cette approche a sans doute permis une certaine souplesse, un travail de clarification et de transparence s'imposait au regard des montants en jeu et des efforts consentis par d'autres missions budgétaires pour 2026.
En définitive, la surmarche semble en réalité poursuivre trois finalités complémentaires :
- sécuriser le financement intégral des engagements de la LPM, dont l'enveloppe pluriannuelle initiale était possiblement insuffisante pour financer les objectifs fixés à l'horizon 20305(*) ;
- accélérer la réalisation de certaines cibles capacitaires déjà prévues, notamment en matière de livraisons d'équipements et, dans certains cas, d'entraînement ;
- ajouter à la programmation, à la lumière des enseignements stratégiques et tactiques récents tirés notamment des conflits en Ukraine et au Moyen-Orient, d'autres investissements nécessaires, par exemple en matière de drones.
B. LES ÉQUIPEMENTS : UN EFFORT TRÈS IMPORTANT EN FAVEUR DES PROGRAMMES D'ACQUISITION CAPACITAIRE
Le budget pour 2026 consacre un effort très significatif en faveur des équipements militaires. Les CP affectés à l'opération stratégique (OS) « Programmes à effet majeur » (PEM) atteindraient 13,9 milliards d'euros, en hausse de 3,36 milliards d'euros par rapport à la LFI 2025 (+ 32 %).
Évolution des crédits prévus
au titre de l'opération stratégique
« Programmes
à effet majeur » depuis 2019
(en CP, en milliards d'euros et en pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires.
Au-delà de la seule OS « PEM », le programme 146 « Équipement des forces » - dont le niveau de CP augmente de 22,4 % par rapport à 2025 (soit + 4,2 milliards d'euros) - concourt également en 2026 au financement de programmes d'une importance déterminante.
Sont notamment concernés la projection, la mobilité et le soutien (+ 1,1 milliard d'euros, dont une part au titre de l'avion A400M), le commandement et la maîtrise de l'information (+ 1,0 milliard d'euros, notamment pour la cyberdéfense, les avions de détection et de commandement, les drones et l'espace), l'engagement et le combat (+ 920 millions d'euros, notamment au titre des sous-marins et du porte-avions de nouvelle génération), la protection et la sauvegarde (+ 650 millions d'euros, y compris pour les systèmes de défense sol-air) et la dissuasion nucléaire (+ 380 millions d'euros).
C. LES EFFECTIFS : UNE HAUSSE CONFORME À LA LPM MAIS INSUFFISANTE POUR COMPENSER LES SOUS-RÉALISATIONS PASSÉES DES SCHÉMAS D'EMPLOI
Depuis 2020, les armées ont connu de grandes difficultés pour atteindre les schémas d'emplois fixés. De 2021 à 2023, les schémas d'emplois réalisés se sont établis à un niveau très inférieur aux cibles d'augmentation nette d'effectifs prévus par la LPM 2019-2025. Au total, les effectifs ont connu une diminution de - 4 018 ETP sur la période 2021-2023, contre + 2 250 ETP prévus en LPM, soit un écart de près de 6 300 ETP en trois ans.
Prévision et exécution des schémas d'emplois depuis 2019
(en ETP)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Le schéma d'emplois prévu par la LFI pour 2024 a quant à lui été respecté, s'établissant à + 479 ETP (sur le périmètre des + 456 ETP prévus en LFI), tout en restant inférieur à l'objectif prévu en LPM (+ 700 ETP). Celui prévu pour 2025 devrait également être tenu.
Le PLF pour 2026 prévoit un schéma d'emplois de + 800 EPT en 2026 (auxquels s'ajoutent 30 ETP pour la direction des applications militaires du CEA6(*)), soit un niveau conforme à la LPM. Malgré la surmarche budgétaire de 3,5 milliards d'euros en 2026, aucun effort supplémentaire n'est prévu en matière d'effectifs.
D. UN NIVEAU DE REPORT DE CHARGES ET DE RESTES À PAYER QUI CONTINUE DE PESER SUR LA SOUTENABILITÉ BUDGÉTAIRE DE LA MISSION « DÉFENSE »
Ainsi que l'a récemment montré le rapporteur spécial dans un rapport de mai 20257(*), depuis la fin de l'exercice 2022, le stock de report de charges de la mission « Défense » connaît une progression rapide et continue. Il regroupe les dépenses exigibles non réglées en fin d'exercice, qu'il s'agisse de charges à payer (prestations effectuées mais non encore payées) ou de dettes fournisseurs (factures non liquidées faute de crédits disponibles).
Le report de charges est passé de 3,88 milliards d'euros fin 2022 à environ 8,02 milliards d'euros fin 2024, soit plus du double en deux ans (+ 106,8 %), manifestant les difficultés pour le ministère à régler l'ensemble des engagements pris. En proportion des crédits de la mission hors dépenses de personnel, il atteignait près de 24 % en 2024, contre 13,7 % en 2022.
Le plafond du stock de report de charges est fixé par le ministère à 7,5 milliards d'euros à fin 2025, soit une baisse d'environ 500 millions d'euros par rapport à fin 2024. Ce niveau représenterait environ 20,5 % des CP (hors dépenses de personnel). Il serait porté 8,6 milliards d'euros à fin 2026, soit environ 20 % des CP à cet horizon (hors dépenses de personnel).
Évolution du report de charges de la mission « Défense » en valeur et en pourcentage des crédits (hors dépenses de personnel) entre fin 2019 et fin 2026
(en milliards d'euros) (en % des crédits, hors dépenses de personnel)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial
Le rapporteur spécial considère que la réduction du report de charges doit constituer un objectif prioritaire du ministère des armées, sa maîtrise répondant à des enjeux de sincérité budgétaire et de respect des engagements pris auprès de la base industrielle et technologique de défense.
Par ailleurs, le niveau des restes à payer de la mission « Défense » continue d'augmenter en cohérence avec la montée en puissance des acquisitions pluriannuelles d'armement. Alors qu'il était de 64 milliards d'euros à fin 2020 et de 99 milliards d'euros à fin 2024, il s'établirait à 126,5 millions d'euros à fin 2025, soit + 28 % en un an. Cette dynamique fortement ascendante constitue une contrainte forte pour le ministère des armées, qui devra être intégrée dans la construction de l'actualisation de la LPM.
Réunie le 12 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission. Elle a également décidé de proposer d'adopter l'article 68 sans modification.
Réunie à nouveau le 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France de 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation », « Sport, jeunesse et vie associative » ainsi que les comptes spéciaux et les articles qui s'y rattachent.
L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, le rapporteur avait reçu 40 % des réponses.
À la date d'examen en commission de la mission le 12 novembre, il a obtenu 80 % des réponses.
PREMIÈRE
PARTIE
UN BUDGET POUR 2026 QUI ACCROÎT L'EFFORT
DE
DÉFENSE AU-DELÀ DE LA PROGRAMMATION
I. DANS UN ENVIRONNEMENT STRATÉGIQUE DÉGRADÉ, UNE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE PLURIANNUELLE ACCÉLÉRÉE
A. À LA SUITE DE L'AGRESSION RUSSE CONTRE L'UKRAINE, LA LPM 2024-2030 A RENFORCÉ L'EFFORT DE DÉFENSE SANS ÉLARGIR LE FORMAT DES ARMÉES
L'invasion de l'Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, a constitué un tournant stratégique majeur pour la sécurité européenne. Elle a marqué le retour de la guerre de haute intensité sur le continent et la réapparition de l'affrontement entre États souverains, avec un emploi décomplexé de la force. Le conflit a par ailleurs révélé l'élargissement du champ de la conflictualité. À la terre, à la mer et à l'air s'ajoutent désormais notamment l'espace, le cyberespace, l'information et les fonds marins.
Ce contexte a conduit le Parlement, à l'initiative du Gouvernement, à interrompre par anticipation la loi de programmation militaire (LPM) 2019-20258(*) et à en adopter une nouvelle couvrant la période 2024-2030, entrée en vigueur le 1er août 20239(*). Cette LPM poursuit et amplifie l'effort dit de « réparation » entrepris par la LPM 2019-2025.
Une contraction durable du format des armées sous l'effet de la baisse de l'effort de défense dans les dernières décennies
La part des dépenses militaires dans la richesse nationale (PIB) est passée, en France, de 7,6 % du PIB en 1953 à 1,85 % en 2013, avant de se stabiliser autour de 2 %. En volume (à valeur de monnaie constante), les crédits de défense n'ont progressé que d'un peu moins de 10 % entre 1986 et 2021, tandis que le coût des équipements augmentait beaucoup plus rapidement, en raison de leur sophistication technologique croissante.
Ce déséquilibre a conduit à une réduction marquée du format des armées. Entre 1991 et 2021, le nombre de chars de combat est passé de 1 349 à 222, celui des avions de chasse de 686 à 254, et celui des grands bâtiments de surface de 41 à 1910(*).
Ce mouvement traduit la tension entre ressources budgétaires contraintes et exigences capacitaires toujours plus élevées.
Source : commission des finances
Part des dépenses militaires en proportion du PIB en France entre 1950 et 2021
(en proportion du PIB)
Source : commission des finances, d'après les chiffres de la Banque mondiale et du SIPRI11(*)
La LPM 2024-2030 prévoit une enveloppe de 400 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) pour la période, hors contribution au CAS « Pensions », en hausse de 105 milliards d'euros par rapport à la précédente programmation.
Trajectoire budgétaire de la LPM 2024-2030
(en milliards d'euros courants)
|
|
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
Total |
|
LPM 2024-2030 |
47,2 |
50,5 |
53,7 |
56,9 |
60,4 |
63,9 |
67,4 |
400,00 |
|
Variation par rapport à l'année N - 1 |
+ 3,3 |
+ 3,3 |
+ 3,2 |
+ 3,2 |
+ 3,5 |
+ 3,5 |
+ 3,5 |
Note : Le périmètre de la LPM 2024-2030 porte sur les CP de la mission « Défense » à périmètre constant, hors contribution au CAS « Pensions ».
Source : commission des finances du Sénat
Les CP de la mission, à périmètre constant, hors contribution au CAS « Pensions », doivent, selon la LPM12(*), être portés à 67,4 milliards d'euros en 2030. La trajectoire programmée prévoit ainsi un taux de croissance annuel moyen de 6,1 % des crédits de la mission.
Trajectoire en crédits de paiement prévue par la LPM 2024-2030
(en milliards d'euros courants et en pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat, d'après la LPM 2024-2030
Doivent s'y ajouter 13,3 milliards d'euros tirés de trois leviers :
- un financement interministériel du soutien à l'Ukraine (1,2 milliard d'euros) ;
- des ajustements de dépenses (6,2 milliards d'euros) ;
- des ressources extrabudgétaires (5,9 milliards d'euros, REB).
L'effort budgétaire porté par la LPM vise plusieurs priorités, dont les principales sont :
- la modernisation des équipements, qui n'avait néanmoins pas empêché de décaler des cibles à l'horizon 2035 sur certains segments pourtant majeurs concernant les trois forces, notamment le programme Scorpion de l'armée de Terre et le programme Rafale ;
- le renforcement net des effectifs du ministère des armées de 6 300 ETP et de 40 000 réservistes ;
- l'augmentation des niveaux de préparation, de capacités opérationnelles et de disponibilité des matériels ;
- le renforcement de la base industrielle et technologique de défense (BITD) en France et en Europe.
Dans un contexte de hausse du coût des matériels, l'enveloppe budgétaire prévue par la LPM 2024-2030 permet ainsi d'assurer la modernisation des armées. En revanche, elle ne permet pas véritablement le rehaussement de leur format.
B. UN DÉBUT D'EXÉCUTION DE LA PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE MARQUÉ PAR DE FORTES TENSIONS ET DES RIGIDITÉS ACCRUES
Dans un rapport publié en mai 202513(*), le rapporteur spécial a souligné que le démarrage de l'exécution de la LPM 2024-2030 s'est effectué dans un contexte de fortes tensions et rigidités budgétaires, traduisant l'absence de toute marge de manoeuvre.
En effet, si les lois de finances pour 2024 et 2025 respectent la trajectoire fixée par la LPM, la première année de mise en oeuvre a révélé des limites en exécution. En 2024, les dépenses de la mission « Défense » se sont élevées à 58,43 milliards d'euros, soit un dépassement de 1,67 milliard d'euros par rapport aux crédits initiaux. Ce surcroît de consommation résulte principalement des surcoûts liés aux opérations extérieures et aux missions intérieures (OPEX et MISSINT), au renforcement du flanc Est de l'OTAN et au soutien apporté à l'Ukraine.
Malgré l'ouverture en gestion de crédits supplémentaires destinés à couvrir une partie de ces surcoûts, un besoin de financement d'environ 1,2 milliard d'euros demeurait en fin d'exercice, concentré pour l'essentiel sur le programme 146 « Équipement des forces ». Cette situation trouve son origine dans plusieurs facteurs : une sous-évaluation initiale et récurrente des surcoûts opérationnels, une interprétation divergente du périmètre du financement interministériel prévu par la LPM pour les OPEX et MISSINT, ainsi que des difficultés à mobiliser en cours d'année des crédits additionnels suffisants, dans un environnement budgétaire général particulièrement contraint pour l'État.
Soucieuse de préserver la trajectoire capacitaire prévue par la programmation, le ministère des armées a veillé à maintenir le niveau d'acquisitions. Cependant, cette situation s'est accompagnée d'une dégradation préoccupante du niveau de report de charges14(*) de la mission, qui a doublé en deux ans, passant de 3,9 milliards d'euros fin 2022 à plus de 8 milliards d'euros fin 2024. Parallèlement, les restes à payer - engagements juridiques à honorer dans les années à venir - atteignaient 99 milliards d'euros à la même date. La mission « Défense » apparaissait ainsi contrainte par une rigidité croissante et aiguë de ses dépenses, réduisant très fortement sa capacité d'adaptation aux aléas.
C. FACE À LA POURSUITE DE LA DÉGRADATION DE L'ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL, UN CADRE STRATÉGIQUE RENOUVELÉ ET DES ENGAGEMENTS BUDGÉTAIRES DURCIS
Dans un environnement stratégique toujours plus instable, marqué notamment par la persistance du conflit en Ukraine, les conflits au Proche-Orient et les incertitudes pesant sur la relation transatlantique, la France et ses alliés ont engagé, en 2025, une réévaluation de leurs doctrines et de leurs engagements stratégiques.
Deux événements majeurs ont marqué cette inflexion : d'une part, en France, la publication, en juillet 2025, d'une Revue nationale stratégique (RNS) actualisée, et, d'autre part, le sommet de l'OTAN de La Haye de juin 2025, au cours duquel les Alliés ont décidé un relèvement substantiel de leurs objectifs de dépenses militaires. Parallèlement, la Commission européenne a présenté, en mars 2025, un livre blanc pour une défense européenne, définissant une approche stratégique et industrielle commune à l'échelle du continent.
Le livre blanc « pour une défense européenne »
Présenté le 19 mars 2025 par la Commission européenne, le livre blanc « pour une défense européenne » entend renforcer la cohérence de l'action européenne dans le domaine de la défense. Il met l'accent sur la correction des lacunes capacitaires recensées par les États membres, notamment en matière de défense antiaérienne et antimissile, d'artillerie, de munitions, de drones, de mobilité militaire, de cyberdéfense, de technologies de rupture et de protection des infrastructures critiques.
Le texte énonce plusieurs grandes lignes d'action, notamment un soutien renforcé à l'industrie européenne de la défense (notamment par le regroupement de la demande et une passation collaborative des marchés publics), une aide accrue à l'Ukraine et une intégration progressive de son industrie de défense dans l'écosystème européen, une meilleure préparation de l'Europe face aux crises futures (à travers notamment la constitution de stocks stratégiques, l'amélioration de la mobilité militaire et le renforcement des frontières extérieures), une accélération de l'innovation de défense et, enfin, un renforcement des partenariats stratégiques avec les pays tiers.
Source : commission des finances, d'après le livre blanc pour une défense européenne et les informations de la Commission européenne
1. La Revue nationale stratégique de juillet 2025
Commandée en janvier 2025 par le président de la République au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), la Revue nationale stratégique (RNS) de juillet 2025 met à jour le précédent document de 2022 à la lumière des bouleversements récents. Elle constate l'aggravation de la dégradation de l'environnement sécuritaire mondial, marquée par la multiplication des crises régionales, la montée des menaces transnationales et la combinaison d'enjeux globaux (climatiques, énergétiques, commerciaux, etc.).
La Russie y est désignée comme la menace la plus directe pour la France et la stabilité européenne. Le texte évoque également le rôle déstabilisateur de l'Iran, le durcissement de la posture chinoise et, plus largement, la remise en cause du modèle démocratique libéral européen. Il décrit une entrée dans une ère stratégique nouvelle, caractérisée par un risque accru de guerre de haute intensité sur le continent et par la multiplication d'actions hybrides touchant directement le territoire national.
La RNS de 2025 appelle à un changement d'échelle de l'effort de défense. Elle souligne la nécessité d'accélérer la transformation capacitaire des armées, de renforcer la BITD et de moderniser la dissuasion nucléaire, toujours considérée comme le socle de la souveraineté stratégique. À l'horizon 2030, elle fixe l'ambition d'une France souveraine, résiliente et capable de répondre à l'ensemble du spectre des menaces, au sein d'une Europe plus intégrée et d'une Alliance atlantique15(*) rééquilibrée.
Cette ambition s'articule autour de onze objectifs stratégiques prolongeant les six fonctions définies en 2022 (connaissance-anticipation, dissuasion, protection-résilience, prévention, intervention, influence).
Les onze objectifs stratégiques
consacrés par la Revue nationale stratégique
de
juillet 2025
Objectif n° 1 : une dissuasion nucléaire robuste et crédible ;
Objectif n° 2 : une France unie et résiliente : contribuer au réarmement moral de la nation pour faire face aux crises ;
Objectif n° 3 : une économie qui se prépare à la guerre ;
Objectif n° 4 : une résilience cyber de premier rang ;
Objectif n° 5 : la France, allié fiable dans l'espace euro-atlantique ;
Objectif n° 6 : la France, un des moteurs de l'autonomie stratégique européenne ;
Objectif n° 7 : la France, partenaire de souveraineté fiable et pourvoyeuse de sécurité crédible ;
Objectif n° 8 : une autonomie d'appréciation et une souveraineté décisionnelle garanties ;
Objectif n° 9 : une capacité à agir dans les champs hybrides ;
Objectif n° 10 : la capacité d'emporter la décision dans les opérations militaires ;
Objectif n° 11 : une excellence scientifique et technologique au service de la souveraineté française et européenne.
Source : Revue nationale stratégique de juillet 2025
2. Le sommet de l'OTAN de La Haye : un relèvement historique des objectifs de dépenses militaires
Réunis les 24 et 25 juin 2025 à La Haye, les chefs d'État et de gouvernement des 32 pays membres de l'OTAN ont décidé de porter l'objectif commun de dépenses militaires à 3,5 % du PIB d'ici 2035, contre 2 % actuellement, conformément à l'engagement pris en 2014. Ils ont également fixé un objectif complémentaire de 1,5 % du PIB consacré à la résilience et à l'innovation en matière de sécurité et de défense16(*). Chaque État devra désormais présenter un plan national annuel, et un réexamen collectif est prévu en 2029 afin d'évaluer la soutenabilité budgétaire et l'adéquation capacitaire de ces engagements.
L'OTAN, le coeur de la défense de l'Europe
Créée par le traité de l'Atlantique Nord signé le 4 avril 1949, l'OTAN constitue l'alliance politico-militaire de référence pour la défense collective des États européens, bien davantage que l'Union européenne. Elle rassemble aujourd'hui 32 pays, dont 29 européens, ainsi que la Turquie, le Canada et les États-Unis. L'article 5 du traité prévoit qu'une attaque armée contre un membre est considérée comme une attaque contre tous. Seuls quatre États membres de l'Union européenne - l'Irlande, l'Autriche, Malte et Chypre - ne font pas partie de l'alliance.
Source : commission des finances
Cette décision marque une rupture majeure dans la politique de défense euro-atlantique, mais elle met également en lumière plusieurs limites :
- les situations nationales demeurent très hétérogènes. En 2024, seul un pays (la Pologne) atteignait l'objectif de 3,5 % du PIB, tandis que neuf États n'atteignaient pas encore les 2 %, la France ne le respectant que de justesse ;
Part des dépenses militaires en 2024 au sein de l'OTAN
(en proportion du PIB)
Source : commission des finances, d'après les données de l'OTAN
- les capacités budgétaires et le consensus politique pour y parvenir varient fortement entre pays ;
- des divergences stratégiques sur les menaces, le soutien à l'Ukraine et la position des Etats-Unis au sein de l'OTAN.
D. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE A ANNONCÉ UNE ACCÉLÉRATION DE L'EFFORT DE DÉFENSE POUR 2026 ET 2027, QUI RESTE AUJOURD'HUI MESURÉ EN COMPARAISON INTERNATIONALE
Dans un contexte stratégique et conventionnel renouvelé, le président de la République a annoncé le 13 juillet 202517(*) une accélération de l'effort budgétaire en faveur des armées pour 2026 et 2027, précisant que « s'ajoutera à loi de programmation militaire actuelle un effort de 3,5 milliards d'euros en 2026 et de 3 milliards d'euros supplémentaires l'année suivante », en cohérence avec l'objectif d'un niveau de dépenses militaires à hauteur de 3,5 % du PIB en 203518(*).
Aujourd'hui, l'effort de défense reste relativement modeste lorsqu'il est comparé aux puissances étrangères.
1. Une hausse généralisée des dépenses militaires depuis 2022
La dégradation accélérée du contexte stratégique depuis 2022 a conduit la quasi-totalité des grandes puissances à renforcer leurs budgets de défense.
Au niveau mondial, la part des dépenses militaires dans la richesse produite est passée d'environ 2,2 % du PIB en 2021 à 2,5 % en 2024. Cette tendance se traduit par une croissance marquée, en particulier au sein de l'OTAN, où 23 des 32 États membres atteignent désormais la cible de 2 % du PIB, contre seulement 8 sur 30 en 2022.
Les évolutions récentes illustrent la rapidité de cette dynamique. À prix constants de 2023, entre 2021 et 2024, les dépenses militaires ont augmenté de 119 % en Russie, 93 % en Pologne, 47 % en Allemagne, 14 % au Royaume-Uni, 6,8 % aux États-Unis et 6,6 % en France. Cette montée en puissance simultanée des principaux acteurs traduit une recomposition profonde des équilibres militaires continentaux et confirme l'entrée dans une nouvelle phase de compétition stratégique.
2. Une position française relativement stable
En 2024, la France se situe au 4? rang des pays de l'OTAN en volume de dépenses, derrière les États-Unis, l'Allemagne et le Royaume-Uni, et devant la Pologne, l'Italie, la Turquie et l'Espagne. À l'échelle mondiale, elle occupe le 9? rang, derrière les trois pays précités, la Chine, la Russie, l'Inde, l'Arabie Saoudite et l'Ukraine (quasiment à égalité).
En proportion du PIB, la position française apparaît en revanche plus modeste puisqu'elle figure en 20? place sur 32 membres de l'Alliance en 2024, avec un effort voisin de 2 % du PIB. Les dépenses françaises représentent environ 6,5 % de celles des États-Unis, 43 % de celles de la Russie, 73 % de celles de l'Allemagne, 79 % de celles du Royaume-Uni et environ 170 % de celles de l'Italie.
Malgré la trajectoire ascendante fixée par la LPM 2024-2030, la position relative de la France n'évolue donc pas sensiblement. Le renforcement rapide des budgets de défense de plusieurs alliés européens contribue à atténuer la portée comparative de l'effort français. L'exemple de l'Allemagne est particulièrement significatif : son budget de la défense a progressé d'environ 19 milliards d'euros en un an entre 2023 et 202419(*), soit un accroissement équivalent à la totalité des marges budgétaires prévues pour la France sur l'ensemble de la période de la LPM 2024-2030 (20,2 milliards d'euros).
De ce point de vue, il apparaît que les surmarches annoncées par le président de la République pour 2026 et 2027, bien qu'importantes, ne devraient pas modifier profondément les équilibres comparatifs au sein de l'OTAN, d'autant que plusieurs États européens ont déjà annoncé de nouvelles hausses de crédits dans les années à venir.
Montant estimé des budgets militaires de plusieurs pays, en 2024
(en milliards de dollars américains de 2023)
Source : commission des finances, d'après les données du SIPRI et de l'OTAN (pour le chiffrage des dépenses de l'OTAN sans les Etats-Unis)
II. LE BUDGET POUR 2026 AUGMENTE FORTEMENT L'EFFORT DE DÉFENSE, SOULIGNANT LA NÉCESSITÉ D'UNE NOUVELLE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE
En cohérence avec les annonces du président de la République de juillet 2025, le budget pour 2026 prévoit une hausse significative des crédits en faveur de la mission « Défense ». Cette modification de la trajectoire budgétaire prévue par la LPM 2024-2030 appelle son actualisation rapide par la voie législative.
A. UNE PROGRESSION DU BUDGET DE 6,78 MILLIARDS D'EUROS EN 2026, PORTANT LES CRÉDITS À 66,7 MILLIARDS D'EUROS...
1. Un effort budgétaire exceptionnel, dans un contexte de redressement des finances publiques
Les autorisations d'engagement (AE) prévues pour la mission « Défense » s'élèvent en 2026 à 93,1 milliards d'euros, soit une baisse de 0,5 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2025. Les crédits de paiement (CP) prévues s'élèvent quant à eux à 66,7 milliards d'euros, soit une augmentation significative de 6,78 milliards d'euros (+ 11,3 %). En neutralisant l'inflation, la hausse est de 9,9 % en CP, en euros constants.
Cet effort important doit être salué, a fortiori dans un contexte général d'efforts significatifs de redressement des finances publiques. La politique de défense constitue en 2026 la seconde politique publique de l'État en termes d'effort budgétaire en CP, après l'enseignement scolaire, et la première en AE.
Crédits des missions du budget
général en crédits de paiements,
et hors
remboursements et dégrèvements, avec et sans contribution au CAS
« Pensions »
(en milliards d'euros)
Source : Rapport général (Tome I) relatif au projet de loi de finances pour 2026, fait par Jean-François Husson au nom de la commission des finances du Sénat20(*)
Sur le périmètre de la LPM (soit hors contribution au CAS « Pensions »), les crédits demandés au titre de la mission « Défense » s'élèvent à 57,15 milliards d'euros en PLF 2026, soit une hausse de 6,67 milliards d'euros par rapport à la LFI 2025.
Le respect de la trajectoire de crédits
prévue dans les LPM entre 2019 et 2025
et la
surmarche prévue en 2026
(en milliards d'euros courants)
Note : la LPM utilisée est celle de 2019-2025 jusqu'en 2023 et celle de 2024-2030 à compter de 2024.
Source : commission des finances du Sénat d'après les LFI annuelles et les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial
Cette hausse est nettement plus élevée que celle prévue par la LPM 2024-2030. En effet, à la marche annuelle prévue (3,2 milliards d'euros), s'ajoute une surmarche de 3,5 milliards d'euros, soit un total de + 6,7 milliards d'euros, conformément aux annonces du président de la République de juillet 2025.
La mission « Défense » est par ailleurs celle qui connaît la plus forte hausse de crédits dans le PLF pour 2026.
Évolution des crédits des missions
entre la loi de finances initiale pour 2025
et le projet de loi de finances
pour 2026
(en milliards d'euros)
Crédits hors remboursements et dégrèvements, hors contributions directes de l'État au compte d'affectation spéciale « Pensions ». Crédits de la loi de finances initiale pour 2025 au format du projet de loi de finances pour 2026.
Source : Rapport général (Tome I) relatif au projet de loi de finances pour 2026, fait par Jean-François Husson au nom de la commission des finances du Sénat21(*)
2. Une répartition différenciée entre les quatre programmes de la mission « Défense »
La mission se décompose en quatre programmes :
- le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » rassemble les crédits destinés à éclairer le ministère des armées sur l'environnement stratégique présent et futur ainsi que sur la stratégie internationale du ministère, par le renseignement, la recherche stratégique et industrielle et la diplomatie de défense. Les crédits demandés pour 2026 s'élèvent à 2,8 milliards d'euros en AE (+ 26,8 % par rapport à 2025) et à 2,3 milliards d'euros en CP, soit une hausse de 10,5 % ;
- le programme 178 « Préparation et emploi des forces », placé sous la responsabilité du chef d'état-major des armées, vise à satisfaire aux exigences définies par les contrats opérationnels des armées. Il constitue ainsi le coeur de la mission « Défense ». Les crédits demandés pour 2026 s'élèvent à 17,3 milliards d'euros en AE (+ 13,4 %) et à 15,9 milliards d'euros en CP (+ 11,2 %) ;
- le programme 212 « Soutien de la politique de défense », rassemble les crédits destinés aux fonctions dites « support » du ministère des armées, hors achats d'armement. Il comprend en particulier l'intégralité des crédits de titre 2 (T2) dédiés aux dépenses de personnel, y compris la contribution au CAS « Pensions ». Les crédits demandés pour 2026 s'élèvent à 25,8 milliards d'euros en AE (+ 4,6 %) et à 25,6 milliards d'euros en CP (+ 3,1 %). En particulier, les dépenses de titre 2 s'élèvent à 23,8 milliards d'euros (+ 2,9 %, soit + 660 millions d'euros) ;
- le programme 146 « Équipement des forces », co-piloté par le chef d'état-major des armées et par le délégué général pour l'armement (DGA), vise à mettre à disposition des armées les armements et matériels nécessaires à la réalisation de leurs missions et concourt au développement et au maintien de la BITD française. Les crédits demandés pour 2026 s'élèvent à 47,2 milliards d'euros en AE (- 8,2 %)22(*) et à 22,9 milliards d'euros en CP, soit une hausse de 22,4 %.
Les crédits des programmes de la mission
« Défense »
en LFI 2025 et en
PLF 2026
(en millions d'euros et en pourcentage)
|
Programme |
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Variation 2026/2025 |
|||
|
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
|
Programme 144 « Environnement et prospective de la défense » |
2 172,5 |
2 075,6 |
2 753,7 |
2 293,7 |
+ 26,8 % |
+ 10,5 % |
|
Programme 178 « Préparation et emploi des forces » |
15 265,8 |
14 317,9 |
17 314,4 |
15 919,3 |
+ 13,4 % |
+ 11,2 % |
|
Programme 212 « Soutien de la politique de défense » |
24 710,6 |
24 863,3 |
25 841,7 |
25 628,6 |
+ 4,6 % |
+ 3,1 % |
|
Programme 146 « Équipement des forces » |
51 373,6 |
18 689,5 |
47 168,7 |
22 883,9 |
- 8,2 % |
+ 22,4 % |
|
TOTAL |
93 522,5 |
59 946,3 |
93 078,5 |
66 725,5 |
- 0,5 % |
+ 11,3 % |
Note : hors attributions de produits et fonds de concours.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
3. Un poids structurant de certaines opérations stratégiques
Le ministère des armées a, outre les programmes budgétaires, développé une nomenclature propre pour assurer le pilotage de ses crédits, en les regroupant par opérations stratégiques (OS), transversales aux différents programmes. Les cinq principales OS concernent :
- les rémunérations, pensions comprises23(*), qui représentent une dépense de 23,8 milliards d'euros, soit 35,7 % des CP de la mission en 2026 ;
- les programmes à effet majeur (PEM), qui regroupent les activités associées aux opérations d'armement les plus structurantes, et représentent une dépense de 13,9 milliards d'euros, soit 20,9 % des CP de la mission ;
- la dissuasion nucléaire, qui représente une dépense de 7,4 milliards d'euros, soit 11,1 % des CP de la mission ;
- l'entretien programmé du matériel (EPM), c'est-à-dire le maintien en condition opérationnelle (MCO) des équipements, qui représente - hors dissuasion nucléaire - une dépense de 6,5 milliards d'euros et 9,8 % des CP de la mission ;
- l'agrégat « fonctionnement et les activités spécifiques », qui regroupe les dépenses liées aux fonctions dites « support » du ministère et représente une dépense de 3,4 milliards d'euros, soit 5,1 % des CP de la mission.
Répartition des crédits de paiement
de la mission « Défense »
par opération
stratégique en PLF 2026
(en pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial
Selon le Gouvernement, l'objectif du budget pour 2026 est d'améliorer l'équipement des forces et d'accélérer leur livraison pour être prêt à un engagement au plus tôt, tout en développant les capacités futures indispensables au maintien de leur supériorité opérationnelle. La priorité est donnée aux moyens de souveraineté (dissuasion et espace), aux munitions et à la capacité des armées à s'engager à court terme (drones, défense sol/air, guerre dans le champ électromagnétique, frappes dans la profondeur, etc.), tout en accentuant l'investissement dans les technologies de rupture et en initiant un durcissement capacitaire dans tous les milieux et un renforcement des soutiens opérationnels et des éléments d'environnement des forces. Il poursuit en outre les efforts prioritaires, dans le domaine capacitaire notamment (innovation, espace, drones, défense sol-air, munitions) et en matière de numérique24(*) et d'intelligence artificielle.
La hausse des crédits concerne l'ensemble des 16 opérations stratégiques, à la seule exception des dépenses hors titre 2 pour les missions intérieures. Concrètement, la progression des crédits concernerait principalement les OS suivantes (en CP) :
- les programmes d'équipements à effet majeur (PEM, + 3,36 milliards d'euros, soit + 31,8 %), ainsi que les autres opérations d'armement (+ 220 millions d'euros, soit + 13,5 %) ;
- l'entretien programmé du matériel (EPM), pour son maintien en condition opérationnelle (+ 609 millions d'euros, soit + 10,3 %) ;
- la masse salariale (+ 552 millions d'euros, soit + 4,0 %)25(*) ;
La hausse des dépenses de masse salariale
En 2026, la masse salariale portée par la mission « Défense » augmente de 552,5 millions d'euros, hors CAS « Pensions », soit + 4,0 %. Cette hausse, est imputable, outre une dynamique d'augmentation tendancielle (liée y compris au glissement vieillesse-technicité et aux augmentations du salaire minimum) :
- à une progression de la provision OPEX/MISSINT de 150 millions d'euros en dépenses de personnel26(*) ;
- à une montée en charge de la réserve opérationnelle, avec le recrutement de 4 400 réservistes et une norme d'activité portée à 45 jours d'activité par réserviste, pour un total de 98 millions d'euros27(*) ;
- au complet déploiement des mesures catégorielles entrées en vigueur en 2025, pour 86 millions d'euros ;
- à la progression de l'activité opérationnelle, pour 30 millions d'euros ;
- à la mise en place de la protection santé complémentaire prévoyance, pour 23 millions d'euros.
Source : commission des finances, d'après les réponses du ministère au questionnaire du rapporteur spécial.
- le fonctionnement et les activités spécifiques (+ 538 millions d'euros, soit + 18,8 %), en raison notamment d'une mesure d'évolution du référentiel budgétaire interne au programme 17828(*), de la hausse des contributions à l'OTAN et des subventions et transferts (y compris pour l'investissement de l'ONERA), de dépenses supplémentaires d'énergie et de soutien aux ressources humaines ;
- le renforcement des moyens concourant à la dissuasion nucléaire (+ 487 millions d'euros, soit + 7,1 %), au profit notamment de la réalisation des SNLE de 3e génération, du développement incrémental du missile balistique M5129(*) et de la rénovation à mi-vie du missile ASMP-A30(*), ainsi que du maintien en condition opérationnelle de la dissuasion nucléaire ;
- les infrastructures de défense (+ 152 millions d'euros, soit + 6,2 %), au profit notamment des conditions de vie et de travail des personnels, des installations dédiées aux équipements et à leur mise en oeuvre et des infrastructures opérationnelles (par exemple l'hôpital d'instruction des armées de Marseille).
En outre, un effort significatif est fait en faveur du renseignement, qui bénéficie d'une augmentation de ses crédits hors personnel de 77,5 millions d'euros (+ 15,2 %), au bénéfice notamment de la DGSE31(*) et de la DRSD32(*).
Enfin, il est prévu l'acquisition de munitions (y compris complexes et téléopérées), pour un total de plus de 2,4 milliards d'euros en 2026.
Au total, les hausses de crédits dédiées aux programmes à effet majeur, à la dissuasion nucléaire et à l'entretien programmé du matériel représentent à elles-seules deux tiers (66 %) de la progression totale des CP de la mission en 202633(*).
4. Une identification seulement partielle des dépenses financées spécifiquement par la surmarche de 3,5 milliards d'euros
Le budget de la mission « Défense » pour 2026 est principalement marqué par l'application d'une surmarche de 3,5 milliards d'euros.
Selon les informations recueillies par le rapporteur spécial, cette enveloppe complémentaire vise à financer un renforcement ciblé de capacités jugées critiques, notamment :
- les munitions, dans le cadre de l'accélération du plan d'action en la matière, afin d'accroître les stocks de munitions complexes, de constituer les premiers stocks de munitions téléopérées, et de consolider les capacités technico-logistiques et industrielles de soutien aux forces ;
- les drones, pour permettre la « dronisation » rapide et généralisée des unités opérationnelles des trois armées ;
- les capacités spatiales, électromagnétiques et de connectivité, afin d'améliorer l'interconnexion des forces, le renseignement et la résilience face aux menaces ;
- les défenses sol/air et les moyens aériens, notamment pour le remplacement des avions de détection et de commandement aéroporté (AWACS) ainsi que pour le remplacement des avions C130H, dont la maintenance est devenue extrêmement onéreuse34(*), par des avions A400M ;
- l'activité opérationnelle des forces, pour accroître leur niveau de préparation.
Les travaux du rapporteur spécial ont toutefois montré que le ministère des armées n'est pas en mesure d'isoler clairement ce qui relève de la marche annuelle prévue par la LPM (+ 3,2 milliards d'euros) et de la surmarche décidée pour 2026.
L'absence de ventilation détaillée traduit une gestion globale de la hausse des crédits, sans que soient identifiés les postes effectivement financés par la surmarche. Si cette approche permet une certaine souplesse, le rapporteur spécial considère qu'au regard des montants en jeu et des efforts consentis par d'autres missions budgétaires, un travail de clarification et de transparence s'imposait.
Il apparaît en définitive que la surmarche semble en réalité poursuivre trois finalités complémentaires :
- sécuriser le financement intégral des engagements de la LPM, dont l'enveloppe initiale était probablement insuffisante pour financer les objectifs fixés à l'horizon 203035(*) ;
- accélérer la réalisation de certaines cibles capacitaires déjà prévues, notamment en matière de livraisons d'équipements et, dans certains cas, d'entraînement ;
- ajouter à la programmation, à la lumière des enseignements stratégiques et tactiques récents tirés des conflits en Ukraine et au Moyen-Orient, d'autres investissements nécessaires, par exemple en matière de drones.
5. Une revalorisation bienvenue de la provision pour les opérations extérieures et missions intérieures
Le budget 2026 marque une évolution significative du traitement budgétaire des opérations extérieures (OPEX) et des missions intérieures (MISSINT). La provision inscrite à ce titre est portée de 750 millions d'euros en 2025 à 1,2 milliard d'euros l'année prochaine, soit une hausse de 60 %.
De manière récurrente, la mission « Défense » a connu une sous-estimation structurelle des surcoûts liés aux OPEX et MISSINT, les montants effectivement exécutés dépassant systématiquement les crédits prévus en loi de finances initiale. Cette situation résulte pour une large part des lois de programmation militaire, qui fixent une provision souvent inférieure au coût réel des engagements opérationnels.
Chaque année, plusieurs centaines de millions d'euros doivent ainsi être ouverts en cours de gestion pour couvrir les dépassements. La LPM 2024-2030 n'a pas échappé à cette logique, la provision ayant été réduite de 1,1 milliard d'euros en 2023 à 800 millions en 2024, puis 750 millions en 2025.
Si le désengagement progressif du continent africain a permis de réduire le coût global des OPEX, un financement complémentaire de 391 millions d'euros a néanmoins été nécessaire en 2024 pour équilibrer l'exécution. Par ailleurs, la LPM ne prévoyait pas de provision spécifique pour les opérations de réassurance du flanc Est de l'OTAN, pourtant devenues durables.
Dans ce contexte, la revalorisation opérée en 2026 constitue une inflexion positive. L'augmentation de la provision, conjuguée à l'intégration de nouvelles missions opérationnelles dans son périmètre, vise à mieux aligner la prévision budgétaire sur la réalité opérationnelle.
Le rapporteur spécial salue cette évolution, qui contribue à améliorer la sincérité du budget et la prévisibilité de la dépense, tout en soulignant que le montant prévu devra être suivi avec attention au regard du poids des engagements extérieurs et de la pérennisation des déploiements sur le flanc Est de l'Europe.
B. ... QUI SOULIGNE LA NÉCESSITÉ D'UNE ACTUALISATION DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE
Ainsi que s'y est engagé le Président de la République dans son discours du 13 juillet 2025, la présentation d'une actualisation de la LPM apparaît désormais indispensable. Trois séries principales de raisons le justifient, à savoir corriger les déséquilibres apparus dès le lancement de la LPM 2024-2030, inscrire les hausses de crédits prévues pour 2026 et 2027 dans une trajectoire pluriannuelle cohérente, et garantir la soutenabilité de la dépense de défense dans le cadre des finances publiques.
1. Corriger les déséquilibres apparus dès le début d'exécution
L'exercice 2024 a mis en évidence plusieurs fragilités structurelles dans le début d'exécution de la programmation militaire actuelle. Ces évolutions traduisent une rigidité et des tensions croissantes, réduisant la capacité d'adaptation du ministère face aux aléas opérationnels ou industriels36(*).
Dans ce contexte, il est nécessaire de s'assurer, dans le cadre d'une actualisation de la LPM, de l'alignement effectif des moyens budgétaires et des objectifs capacitaires.
2. Inscrire l'effort supplémentaire pour 2026 et 2027 dans une trajectoire pluriannuelle cohérente
La deuxième justification tient à la nécessité d'inscrire dans le moyen terme les hausses exceptionnelles de crédits décidées pour 2026 et 2027. Les surmarches annoncées par le Président de la République - 3,5 milliards d'euros en 2026 et 3 milliards d'euros en 2027 - ainsi que les premières indications pour 2028, qui semblent laisser entrevoir une surmarche d'environ 1,5 milliard d'euros37(*), doivent s'accompagner d'une visibilité renforcée et d'une cohérence à moyen terme.
Évolution des crédits de la mission « Défense » selon différentes hypothèses
(en milliards d'euros, hors CAS « Pensions »)
Source : commission des finances, d'après les annonces du président de la République du 13 juillet 2025, la LPM 2024-2030, le PLF pour 2026 et les réponses au questionnaire budgétaire
La future LPM devra aussi traduire les ambitions de la revue nationale stratégique de juillet 2025, tout en assurant, si cela est possible budgétairement, l'articulation de la trajectoire française avec les engagements internationaux, notamment l'objectif de 3,5 % du PIB consacré à la défense d'ici 2035 fixé par le sommet de l'OTAN de La Haye.
Les surmarches pour 2026 et 2027 placeraient la trajectoire française sur un rythme compatible avec l'atteinte de l'objectif d'un niveau de dépenses militaires de 3,5 % du PIB en 2035 - à condition de poursuivre l'effort chaque année (+ 0,15 % du PIB annuellement)38(*) -, soit un budget de l'ordre de 140 milliards d'euros à cet horizon.
Mise en regard de différentes trajectoires
budgétaires des dépenses militaires
de 2025 à
2035
(en milliards d'euros courants et en % de PIB)
Note : l'ensemble des dépenses militaires sont ici prises en compte, y compris le CAS « Pensions » et des dépenses annexes à la mission « Défense », conformément à la méthodologie de l'OTAN.
Source : commission des finances, d'après les données du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2026, de l'INSEE, de la trajectoire budgétaire prévue par la LPM 2024-2030, du projet de loi de finances pour 2026 et des réponses aux questionnaires du rapporteur spécial
3. Concilier effort de défense et soutenabilité des finances publiques
Enfin, la révision de la LPM doit permettre d'articuler la stratégie de défense avec la trajectoire globale des finances publiques. Dans un contexte d'endettement élevé et de marges de manoeuvre limitées, l'accroissement durable des crédits militaires - qui pourraient atteindre près de 140 milliards d'euros en 2035 pour respecter l'objectif de l'OTAN - ne pourra être soutenable et internationalement crédible que s'il s'accompagne d'un ajustement global de la dépense de l'État.
Tout effort supplémentaire en faveur de la défense devra donc être financé par des redéploiements ou des économies sur d'autres politiques publiques, afin de préserver la crédibilité financière et la soutenabilité de la trajectoire. La nouvelle LPM constituera le cadre de référence permettant d'assurer cet équilibre sur la durée.
4. Une présentation par le Gouvernement de la proposition d'actualisation attendue à la fin de l'automne 2025
Selon la ministre des armées, Catherine Vautrin39(*), le projet de loi d'actualisation de la LPM devrait être présenté à la fin de l'automne 2025.
Cette actualisation aura notamment pour objet, selon les réponses du ministère au questionnaire du rapporteur spécial, d'accélérer l'effort de sécurisation du territoire et d'affirmation de l'autonomie stratégique de la France (dissuasion et renseignement), d'améliorer la disponibilité des matériels et la préparation opérationnelle et d'intensifier l'investissement en matière d'innovation. Les priorités annoncées portent en particulier sur les drones, la défense surface-air, les munitions et le cyber. La cible de 275 000 ETP au sein du ministère en 2030 serait par ailleurs maintenue.
DEUXIÈME
PARTIE
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
I. UN NIVEAU DE REPORT DE CHARGES ET DE RESTES À PAYER QUI CONTINUE DE PESER SUR LA SOUTENABILITÉ BUDGÉTAIRE DE LA MISSION « DÉFENSE »
A. UN NIVEAU DE REPORT DE CHARGES QUI DOIT ÊTRE MAÎTRISÉ
Ainsi que l'a récemment montré le rapporteur spécial dans un rapport de mai 202540(*), depuis la fin de l'exercice 2022, le stock de report de charges de la mission « Défense » connaît une progression rapide et continue. Ce stock regroupe les dépenses exigibles non réglées en fin d'exercice, qu'il s'agisse de charges à payer (prestations effectuées mais non encore payées) ou de dettes fournisseurs (factures non liquidées faute de crédits disponibles).
Le report de charges est passé de 3,88 milliards d'euros fin 2022 à environ 8,02 milliards d'euros fin 2024, soit plus du double en deux ans (+ 106,8 %). En proportion des crédits de la mission hors dépenses de personnel, il atteignait près de 24 % en 2024, contre 13,7 % en 2022.
Cette hausse, supérieure à une marche annuelle moyenne de crédits de paiement prévue par la LPM 2024-2030 (+ 3,3 milliards d'euros), résulte, dans un contexte de sauvegarde du programme d'acquisitions, de trois facteurs principaux :
- la hausse de l'inflation par rapport aux niveaux attendus en 2023 et 2024, qui a conduit à décaler certains paiements pour maintenir le niveau des livraisons prévues ;
- l'utilisation du report de charges comme variable d'ajustement en 2023 et 2024 ;
- et la volonté gouvernementale de contenir le déficit public fin 2023, traduite par le report de 1,65 milliard d'euros de crédits sur 2024.
Le programme 146 « Équipement des forces » concentre l'essentiel de la dégradation : son report de charges a augmenté de 1,9 milliard d'euros entre fin 2023 et fin 2024.
La LPM 2024-2030 ne fixe pas de trajectoire formelle de réduction de ce stock. Un plafond a néanmoins été établi par la Première ministre Elisabeth Borne à 20 % des crédits hors titre 2, contre 10 % dans la précédente LPM. Cette cible, déjà très élevée, a été dépassée de 3,9 points en 2024. Un objectif de retour progressif à 17 % en 2029 puis 13 % en 2030 a par ailleurs été récemment fixé.
Le rapporteur spécial souligne que le maintien d'un niveau aussi élevé de report de charges fragilise la soutenabilité budgétaire du ministère et pose trois difficultés principales. Sur le plan budgétaire, elle accroît la dette à court terme du ministère, dont le paiement devra être assuré dans les années à venir. Sur le plan financier, elle entraîne une hausse des intérêts moratoires versés aux fournisseurs, passés de 12,7 millions d'euros en 2022 à environ 60 millions d'euros en 2025, au 1er octobre41(*). Sur le plan industriel, elle transfère de facto une partie du financement des dépenses de défense vers les entreprises, notamment les sous-traitants de la BITD, dont la trésorerie se trouve fragilisée, en dépit des efforts effectués par le ministère pour épargner les petites et moyennes entreprises.
Dans ses réponses au questionnaire du rapporteur spécial, le ministère des armées indique que le plafond du stock de report de charges est fixé à fin 2025 à 7,5 milliards d'euros, soit une baisse d'environ 500 millions d'euros par rapport à fin 2024. Ce niveau représenterait environ 20,5 % des CP (hors personnel) de l'année, contre 23,9 % en fin d'année 2024. En outre, le plafond de report de charges prévu pour fin 2026 serait de 8,6 milliards d'euros, « plafond actualisé au regard des hypothèses de budgétisation du PLF 2026 », établissant le taux à environ 20 % des CP à cet horizon, hors dépenses de personnel.
Évolution
du report de charges de la mission
« Défense »
en valeur et en pourcentage des
crédits (hors dépenses de personnel)
entre
fin 2019 et fin 2026
(en milliards d'euros) (en % des crédits, hors dépenses de personnel)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial
Il convient en outre de rester très prudent sur cette prévision, y compris pour 2025, en ce qu'elle est encore tributaire notamment d'annulation de crédits ou de reports de crédits de 2025 vers 2026. Le rapporteur spécial a ainsi eu l'occasion de constater les années précédentes que l'estimation fournie au moment de l'examen du projet de loi de finances initial de l'année n+1 pouvait être ultérieurement dépassée, parfois nettement.
Le rapporteur spécial considère que la réduction du report de charges doit constituer un objectif prioritaire du ministère des armées.
B. UN NIVEAU DE RESTE À PAYER QUI CONTINUE D'AUGMENTER, DANS UN CONTEXTE DE TRÈS FORT DYNAMISME DES ACQUISITIONS
Le rapporteur spécial constate que le niveau des restes à payer de la mission « Défense » continue d'augmenter en 2025, en cohérence avec la montée en puissance des acquisitions pluriannuelles d'armement. Alors qu'il était de 64 milliards d'euros à fin 2020 et de 99 milliards d'euros à fin 2024, il s'établirait à 126,5 millions d'euros à fin 2025, soit + 28 % en un an. La dynamique est la plus forte pour le programme 146, qui porte la majeure partie des restes à payer du fait de la pluri-annualité des programmes d'armement.
Cette dynamique fortement ascendante constitue une contrainte lourde pour le ministère des armées. Elle devra être intégrée à la conception de la future actualisation de la LPM, d'autant que le ministère indique que « les restes à payer devraient continuer à croître durant toute la LPM, et sans doute de manière plus importante qu'initialement prévu en raison du réarmement décidé en 2025 par le Président de la République »42(*).
Évolution du niveau des restes à payer en fin d'année entre 2020 et 2025
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire
C. UN DÉBUT D'EXERCICE 2025 MARQUÉ PAR LA CONTRAINTE DU RÉGIME DES « SERVICES VOTÉS »
Le début de l'année 2025 a été marqué, sur le plan budgétaire, par la mise en oeuvre du régime des « services votés », qui a constitué une contrainte forte pour le ministère des armées.
En l'absence de promulgation de la loi de finances initiale au 1?? janvier, ce régime provisoire n'a autorisé l'exécution budgétaire qu'à hauteur des crédits votés l'année précédente, à l'exclusion des hausses prévues pour 2025. Ainsi, pendant plus de deux mois, la hausse de 3,3 milliards d'euros prévue pour la mission « Défense » (hors CAS « Pensions ») est restée inaccessible en gestion.
Cette situation a conduit à un gel temporaire des engagements, retardant la mise en oeuvre de certains marchés prévus par la LPM 2024-2030, et a perturbé la planification industrielle.
Ce décalage a mis en évidence la vulnérabilité du calendrier d'exécution budgétaire des armées face aux aléas institutionnels et la nécessité de garantir, à l'avenir, une continuité effective de l'effort de défense dès le début de chaque exercice.
II. LES ÉQUIPEMENTS : LA POURSUITE DES PROGRAMMES D'ACQUISITION CAPACITAIRE
A. DE PREMIÈRES DIFFICULTÉS QUANT AU RYTHME D'ACQUISITION ONT ÉTÉ RELEVÉES EN DÉBUT D'EXÉCUTION DE LA LPM 2024-2030
Si la programmation militaire 2024-2030 a conforté deux piliers essentiels de la politique de défense française - la dissuasion nucléaire et le groupe aéronaval -, elle a également conduit à décaler plusieurs cibles capacitaires à l'horizon 2035, sur des segments majeurs touchant les trois armées.
Sont notamment concernés le programme SCORPION de modernisation de l'armée de Terre, le programme des frégates de défense et d'intervention (FDI) pour la Marine nationale, ainsi que le programme Rafale pour l'armée de l'Air et de l'Espace. Selon les responsables du ministère des armées auditionnés au moment de l'examen de la LPM par le rapporteur spécial, ces ajustements répondaient à un choix assumé de privilégier la cohérence à la masse : chaque capacité doit être pleinement opérationnelle - en termes de soutien logistique, de maintien en condition opérationnelle (MCO), de munitions et de formation notamment -, quitte à retarder l'atteinte des cibles initialement prévues.
Le rapport annexé à la LPM 2024-2030 présente, dans un tableau intitulé « Équipement de nos forces », les capacités constatées en 2023 et celles prévues pour 2030 et 2035, couvrant près de soixante catégories d'équipements interarmées, terrestres, navals et aériens.
Quelques objectifs capacitaires prévus par la LPM 2024-2030
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Force |
Capacités |
Parc fin 2023 |
Parc fin 2030 |
Parc à horizon 2035 |
||
|
Équipements |
Description |
|||||
|
Armée de Terre |
Leclerc rénovés |
Char de combat. Les travaux de rénovation doivent permettre d'intégrer cette capacité au programme SCORPION pour le combat collaboratif avec les autres blindés. |
19 |
160 |
200 |
|
|
SCORPION (programme de renouvellement des capacités de l'armée de Terre autour d'un système de combat collaboratif) |
Jaguar |
Engin blindé de reconnaissance. Appelé notamment à remplacer l'AMX-10 RC. |
60 |
238 |
300 |
|
|
Griffon |
Véhicule blindé multirôle (VBMR) lourd destiné au transport de soldats au plus près des combats. Appelé à remplacer les véhicules de l'avant blindés (VAB). |
575 |
1437 |
1818 |
||
|
Serval (dont Scorpion) |
VBMR léger tactique polyvalent (transport de troupe, pose de commandement...). Appelé à remplacer les véhicules de l'avant blindés (VAB). |
189 (nc) |
1405 (660) |
2038 (978) |
||
|
Marine nationale |
Frégates de premier rang |
Frégates multi-missions (FREMM) et frégates de défense aérienne (FDA) |
8 FREMM + 2 FDA |
8 FREMM + 2 FDA rénovées |
8 FREMM + 2 FDA |
|
|
Frégates de défense et d'intervention (FDI) |
Bâtiments de combat capables d'opérer dans tous les domaines de lutte (antinavire, antiaérien, anti-sous-marin et projection de forces spéciales). Appelées à remplacer les Frégates type La Fayette (FLF). |
5 FLF |
3 FDI + |
5 FDI |
||
|
Sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) |
Sous-marins à propulsion nucléaire non dotés de l'arme nucléaire, chargés de missions de protection, de renseignement et de projection de puissance. |
2 SNA de nouvelle génération (Barracuda) et 4 SNA de génération antérieure |
6 SNA Barracuda |
6 SNA Barracuda |
||
|
Rafale version Marine |
Avion de défense et de supériorité aérienne, d'attaque au sol et à la mer, de reconnaissance et de dissuasion nucléaire. |
41 |
41 |
41 |
||
|
Armée de l'Air et de l'Espace |
Rafale version Air |
Idem. |
100 Rafale + 36 M2000 D rénovés |
137 Rafale + 48 M2000 D rénovés |
185 Rafale |
|
Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport annexé à la LPM 2024-2030
Les informations disponibles suggèrent que le rythme d'exécution reste compatible avec les objectifs de 2030, encore relativement éloignés, comme les travaux récents du rapporteur spécial sur l'exécution de la LPM ont été l'occasion de le confirmer43(*).
Cependant, le taux de réalisation des opérations d'armement principales (commandes, livraisons ou franchissement d'étapes clés) n'a atteint que 62,7 % en 2024, contre un objectif de 85 %. Des retards ont également été enregistrés, en particulier dans la Marine nationale, concernant les frégates de défense et d'intervention et les patrouilleurs.
B. LE BUDGET 2026 CONSACRE UN EFFORT FINANCIER TRÈS IMPORTANT AUX PROGRAMMES D'ÉQUIPEMENT
Le projet de loi de finances pour 2026 consacre un effort très significatif en faveur des équipements militaires.
Les CP affectés à l'opération stratégique (OS) « Programmes à effet majeur » (PEM) atteindraient 13,9 milliards d'euros, en hausse de 3,36 milliards d'euros par rapport à la LFI 2025 (+ 31,8 %). Cette progression marque une accélération nette de la modernisation capacitaire.
Évolution des crédits prévus
au titre de l'opération stratégique
« Programmes
à effet majeur » depuis 2019
(en CP, en milliards d'euros et en pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial et les documents budgétaires
D'importantes livraisons sont en effet prévues, notamment sur les segments suivants :
- 2 avions A400M de transport, 1 avion MRTT44(*), 4 hélicoptères NH90, 1 Rafale, 1 avion Atlantique 2, 3 avions de surveillance maritime, etc. ;
- 1 sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) Barracuda et ses infrastructures, et 1 patrouilleur outre-mer ;
- 242 véhicules SCORPION et 21 chars Leclerc rénovés ;
- 8 000 fusils d'assaut HK416, des missiles, des drones et des systèmes anti-drones, des stations de communication satellitaire, etc.
Le programme Scorpion
Lancé en 2014, le programme Scorpion consiste en la modernisation des groupements tactiques interarmes (GTIA) afin d'accroître, dans une approche globale et cohérente, leur efficacité et leur protection, en utilisant au mieux les nouvelles capacités d'échanges d'information au sein du GTIA.
Il comprend notamment les composantes suivantes :
- des véhicules blindés multi-rôles (VBMR) Griffon et Serval, destinés à remplacer les véhicules de l'avant blindés (VAB) - actuellement en service ;
- des engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC) Jaguar, destinés à remplacer l'AMX10-RC, l'engin blindé ERC Sagaie et le VAB HOT ;
- un système d'information du combat Scorpion (SICS) unique destiné à l'ensemble du groupement tactique interarmes ;
- l'adaptation du système de préparation opérationnelle aux nouvelles capacités Scorpion ;
- un premier standard de robotique à des fins de reconnaissance, d'observation, de cartographie et de dépose de charge ;
- des mortiers embarqués pour l'appui au contact (MEPAC) destinés à remplacer une part importante des mortiers de 120mm tractés, par l'intégration d'un mortier semi-automatique de 120mm sur Griffon adapté.
Le programme Scorpion s'accompagne d'un programme de rénovation à mi-vie (RMV) des chars Leclerc, visant à intégrer ce char de la génération précédente dans le combat collaboratif Scorpion, à l'adapter aux nouvelles menaces (renforcement des fonctions de protection et d'agression) et à traiter les obsolescences lourdes.
Source : commission des finances, d'après les informations du ministère des armées
D'importantes commandes sont en outre prévues en 2025. Peuvent être cités l'acquisition de 97 véhicules blindés SCORPION, 260 SERVAL, 2 Rafale, 1 frégate de défense et d'intervention, des aéronefs de patrouille maritime du futur, des bâtiments de guerre des mines et des drones navals, des munitions, fusils d'assaut, missiles, etc.
Au-delà de la seule OS « PEM », le programme 146 « Équipement des forces » - dont le niveau de CP augmente de 22,4 %, soit + 4,2 milliards d'euros - concourt au financement de programmes structurants.
L'année 2025 avait été marquée par un niveau d'engagements très élevé lié notamment au financement de la commande du marché principal de réalisation du porte-avion de nouvelle génération (PA-NG, 10,2 milliards d'euros en AE), appelé à succéder au Charles-de-Gaulle à l'horizon 2038, et des travaux de réalisation des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de 3e génération (SNLE 3G, 11,5 milliards d'euros en AE) qui doivent remplacer les quatre SNLE actuels au-delà de l'horizon 2035.
En 2026, la hausse se porte, pour le programme « 146 », sur les CP notamment au titre de :
- la projection, la mobilité et le soutien (+ 1,1 milliard d'euros), par exemple au titre de l'A400M (+ 290 millions d'euros) ;
- le commandement et la maîtrise de l'information (+ 1,0 milliard d'euros), au profit notamment de la cyberdéfense (+ 250 millions d'euros), des avions de détection et de commandement aéroporté (SDCA, aujourd'hui de type E-3F ou « AWACS », + 250 millions d'euros), des communications satellitaires (+ 130 millions d'euros), et des drones aériens (+ 115 millions d'euros) ;
- l'engagement et le combat (+ 920 millions d'euros), notamment au titre des SNA Barracuda (+ 400 millions d'euros), du porte-avions actuel et du PA-NG (+ 205 millions d'euros) et du SCAF45(*) (+ 160 millions d'euros) ;
- la protection et la sauvegarde (+ 650 millions d'euros), notamment pour les systèmes de défense sol-air futurs (+ 340 millions d'euros) ;
- la dissuasion (+ 380 millions d'euros), principalement au titre du missile ASMP-A46(*), qui emporte la charge nucléaire aéroportée (+ 90 millions d'euros), et d'autres dépenses assurant la crédibilité technique et opérationnelle des deux composantes de la dissuasion nucléaire française (aéroportée et océanique).
Par ailleurs, il est prévu l'acquisition de munitions (y compris complexes et téléopérées), pour 2,4 milliards d'euros en 2026.
III. UNE HAUSSE DES EFFECTIFS CONFORME À LA LPM MAIS INSUFFISANTE POUR COMPENSER LES RETARDS PASSÉS
A. UNE REPRISE DE LA CROISSANCE DES EFFECTIFS DEPUIS 2024, QUI SE CONFIRME EN 2025 MAIS RESTE CONTRAINTE
À l'instar de la précédente, la LPM 2024-2030 fixe un objectif de rehaussement des effectifs du ministère des armées, y compris pour la réserve opérationnelle. Son article 7 prévoit une augmentation nette de + 6 300 ETP sur la période, pour atteindre un total de 275 000 ETP pour le ministère en 2030.
La chronique annuelle de la hausse des effectifs actée par la LPM prévoit une augmentation annuelle nette des effectifs de 700 équivalents temps plein (ETP) en 2024 et 2025, soit un net ralentissement par rapport à la cible établie la même année par la précédente LPM (+ 1 500 ETP), avant d'atteindre + 1 200 ETP en fin de période (en 2030).
Cibles d'augmentations nettes d'effectifs du ministère des Armées (périmètre LPM)
(en ETP)
|
LPM |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
Total |
|
LPM 2019-2025 |
450 |
300 |
300 |
450 |
1 500 |
1 500 |
1 500 |
- |
- |
- |
- |
- |
6 000 |
|
LPM 2024-2030 |
- |
- |
- |
- |
- |
700 |
700 |
800 |
900 |
1 000 |
1 000 |
1 200 |
6 300 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les LPM 2019-2025 et 2024-2030
La traduction des trajectoires de création d'effectifs prévue par les deux plus récentes LPM dans les faits est apparue difficile.
Programmation et exécution des schémas d'emplois depuis 2019
(en ETP)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Sur la période 2019-2023, la cible annuelle prévue en LPM a été respectée seulement lors des deux premières années. De 2021 à 2023, les schémas d'emplois négatifs réalisés (respectivement - 485, - 1 018 et - 2 515 ETP) se sont ainsi établis à un niveau très inférieur aux cibles d'augmentation nette d'effectifs du ministère des armées prévus par la LPM 2019-2025 (respectivement + 300, + 450 et + 1 500 ETP). Au total, les effectifs ont connu une diminution de - 4 018 ETP sur la période 2021-2023, contre + 2 250 ETP prévus en LPM, soit un écart de près de 6 300 ETP en trois ans.
Au regard des difficultés constatée dans la politique d'augmentation des effectifs lors des années précédentes, la prévision de schéma d'emplois inscrite au PLF 2024 était de + 456 ETP (dont 26 ETP dédiés au SIAé47(*) et 30 ETP en vue de la ré-internalisation de postes dans le domaine numérique), correspondant en particulier à + 400 ETP sur le périmètre de la LPM, soit 300 ETP de moins que ne le prévoyait cette dernière. Le PLF pour 2025 a quant à lui prévu un schéma d'emplois de + 630 pour 2025 (+ 70 ETP ne relevant pas du périmètre du ministère des armées), soit un niveau relativement conforme à la LPM.
Le schéma d'emplois prévu par la LFI pour 2024 a été respecté et même dépassé, s'établissant à + 479 ETP (sur le périmètre des + 456 ETP prévus en LFI). Cela devrait être aussi le cas pour celui prévu pour 2025.
Cette tendance favorable résulterait de candidatures en nombre suffisant pour intégrer le ministère des armées et de succès en matière de fidélisation des personnels, qui fait l'objet d'une politique dédiée depuis plusieurs années. Depuis mars 2024, un nouveau plan, intitulé « fidélisation 360 », est en effet déployé dans l'objectif d'adopter une démarche de fidélisation globale et consolidée. L'atteinte d'un niveau de schéma d'emploi exécuté supérieur serait d'ailleurs empêché par le plafond de création de postes prévu et la consommation de l'ensemble des crédits de masse salariale disponibles, et non par une incapacité à recruter davantage.
Néanmoins, le rapporteur spécial rappelle que l'effectif total réalisé à fin 2024 reste très en-deçà des objectifs fixés par la LPM, essentiellement du fait de la très forte sous-réalisation de son schéma d'emplois en 2023.
Évolution des effectifs du ministère des armées de 2019 à 2030 (périmètre LPM)
(en ETP)
Note : périmètre LPM (hors volontaires du service militaire volontaire et apprentis), SIAé compris.
Source : Cour des comptes48(*), d'après les données du ministère des armées
B. UN SCHÉMA D'EMPLOIS 2026 CONFORME À LA LPM, PORTÉ PAR UNE STRATÉGIE DE FIDÉLISATION RENFORCÉE
Le PLF prévoit un schéma d'emplois de + 800 EPT pour 2026 (auxquels s'ajoutent 30 ETP pour la direction des applications militaires du CEA49(*)), soit un niveau conforme à la LPM50(*). Il convient de noter qu'aucun schéma d'emplois n'a été exécuté à ce niveau depuis 2019.
Les hausses d'effectifs concerneraient principalement, sous réserve d'ajustements, les domaines prioritaires, à savoir notamment les capacités majeures d'armée et leurs soutiens (environ 400 ETP), la transformation numérique et l'intelligence artificielle (environ 240 ETP) et la cyberdéfense et le renseignement (environ 100 ETP).
Le rapporteur spécial constate toutefois que, malgré la surmarche budgétaire de 3,5 milliards d'euros en 2026, aucun effort supplémentaire n'est prévu en matière d'effectifs par rapport à la trajectoire de la LPM.
La réserve opérationnelle verrait quant à elle ses effectifs augmenter de 4 400 réservistes, là encore sans dépasser la trajectoire prévue en LPM, pour atteindre 52 000 réservistes à fin 2026.
Chronique de la hausse du nombre de volontaires
de la réserve opérationnelle (LPM 2024-2030)
|
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
Total |
|
+ 3 800 |
+ 3 800 |
+ 4 400 |
+ 5 500 |
+ 6 500 |
+ 7 500 |
+ 8 500 |
+ 40 000 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après la LPM 2024-2030
IV. UN MANQUE DE TRANSPARENCE SUR LA DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS ET L'ACTIVITÉ DES FORCES, MALGRÉ DES EFFORTS BUDGÉTAIRES CROISSANTS
A. UNE HAUSSE TRÈS PROGRESSIVE DE LA PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE DES FORCES ET DE LA DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS ET UNE TRANSPARENCE DÉSORMAIS TRÈS LIMITÉE
La LPM 2024-2030 porte des objectifs, dont certains sont modestes, tenant à la préparation opérationnelle, à la disponibilité des matériels, et aux capacités opérationnelles. Leur atteinte est pour partie entravée par des difficultés techniques et budgétaires, tandis que leur réalisation souffre d'un manque de transparence.
1. Une transparence devenue très limitée en matière de préparation opérationnelle des forces et de disponibilité des matériels
Depuis 2024, la refonte de la maquette de performance du programme 178 « Préparation et emploi des forces » s'est accompagnée de la suppression de la publication des indicateurs relatifs à la disponibilité des matériels et à l'activité des forces. Les données, désormais classées « diffusion restreinte - spécial France », ne sont plus accessibles en source ouverte.
Si la protection de ces informations sensibles peut se comprendre, cette évolution limite la capacité du Parlement à exercer pleinement son contrôle, alors même que les budgets dédiés augmentent51(*). Le rapporteur spécial estime nécessaire de rétablir un niveau d'information suffisant, y compris dans l'intérêt de la performance opérationnelle.
2. En dépit de progrès, une atteinte des objectifs en partie ralentie
a) La disponibilité des équipements
Malgré les efforts engagés dans le maintien en condition opérationnelle (MCO), la disponibilité des équipements reste insuffisante, comme l'avait montré le rapporteur spécial dans un rapport de 202452(*). À fin 2022, sur les 21 matériels structurants répertoriés par l'indicateur concerné, seuls 2 avaient une disponibilité supérieure à 90 %, correspondant à un niveau proche ou conforme aux contrats opérationnels, tandis que 12 avaient une disponibilité inférieure à 75 %, dont 2 en-dessous de 50 %. Or, si ce constat d'une disponibilité générale insuffisante n'est ni nouveau ni spécifique à la France, ce niveau ne s'est pas amélioré globalement entre 2014 et 2022.
Cette situation peut être expliquée notamment par les caractéristiques du parc de matériel (marqué par la coexistence de matériels en partie hétérogènes et de générations différentes, dont certains sont très vieillissants et d'autres très jeunes), un niveau technologique des matériels qui tend à progresser de façon continue, les limites de capacités de maintenance au sein la BITD française et européenne et la pratique des cessions non anticipées de matériels à des pays étrangers qui alourdissent les besoins en MCO des équipements restants dans le parc, davantage sollicités.
Cette situation induit de facto des capacités réduites d'entraînement et de formation, dans un contexte pourtant marqué par un risque d'engagement majeur.
b) La préparation opérationnelle
Dans un contexte de durcissement géostratégique, la LPM 2024-2030 avait pour objectif de renforcer la préparation opérationnelle des forces, en accroissant à la fois leur niveau d'activité et la qualité de leurs entraînements, notamment dans le domaine du « haut du spectre » de la conflictualité.
Sur le plan quantitatif, la LPM fixe dix-neuf normes d'activité annuelle à atteindre d'ici 2030, supérieures à celles constatées en 2023. Ces objectifs demeurent toutefois, pour plusieurs d'entre eux, relativement modestes et proches de ceux de la programmation précédente, à l'exception notamment des pilotes de chasse de la marine, dont la norme passe de 180 à 200 heures de vol par an.
Exemples de normes d'activités prévue par la LPM 2024-2030
|
Milieu |
Type |
Cible 2023 |
Normes et heures visées en 2030 |
|
Terrestre |
Journées d'activité du combattant terrestre (JACT) |
Nouvel indicateur |
120 |
|
Naval |
Jours de mer par bâtiment |
90 |
100 |
|
Aéronautique / armée de terre |
Heures de vol par pilote d'hélicoptère forces conventionnelles |
144 |
200 |
|
Aéronautique / marine nationale |
Heures de vol par pilote de chasse de l'aéronavale |
188 |
200 |
|
Heures de vol par équipage d'hélicoptère |
218 |
220 |
|
|
Aéronautique / armée de l'air et de l'espace |
Heures de vol par pilote de chasse |
147 |
180 |
|
Heures de vol par pilote de transport |
189 |
320 |
|
|
Heures de vol par pilote d'hélicoptère |
181 |
200 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après la LPM 2024-2030
En pratique, les niveaux d'activité restent encore éloignés des cibles fixées, notamment pour les pilotes de transport et de chasse de l'armée de l'air, ainsi que pour les équipages conventionnels des hélicoptères de l'armée de terre. En 2024, l'armée de terre estimait atteindre environ 70 % de la norme prévue pour 203053(*), tandis que la marine nationale enregistre des résultats inférieurs aux prévisions. Les indisponibilités de certains matériels - patrouilleurs, avions Atlantique 2, hélicoptères NH90 - ont limité en outre les capacités d'entraînement, freinant ainsi la montée en puissance recherchée.
B. EN 2026, UN RENFORCEMENT AFFIRMÉ, Y COMPRIS BUDGÉTAIREMENT, DE LA PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE ET DE L'ENTRAÎNEMENT À L'ENGAGEMENT MAJEUR
Dans un contexte de nouvelle dégradation du contexte stratégique constatée par la RNS 2025, le budget pour 2026 porte une volonté de renforcer l'entraînement à l'engagement majeur en haute intensité. Elle se manifeste notamment par une hausse des crédits dédiés à l'entretien programmé du matériel (EPM, ou MCO) et par le durcissement des exercices.
1. Une hausse des crédits pour le maintien en condition opérationnelle des équipements
Depuis plusieurs années, les budgets successifs de la mission « Défense » accordent opportunément des moyens croissants au maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels militaires.
En 2026, les crédits d'entretien programmé du matériel (EPM), y compris dissuasion nucléaire, augmentent de 589 millions d'euros par rapport à 2025, soit de + 9 %54(*). Le taux de croissance annuel moyen des dépenses d'EPM s'établirait ainsi à 7,8 % sur la période 2020-2026.
Évolution des crédits en faveur de
l'entretien programmé des matériels,
y compris dissuasion
nucléaire
(en millions d'euros, en CP)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire
Le rapporteur spécial ne peut que saluer cette évolution, qui est sur le principe de nature à permettre d'améliorer la disponibilité des matériels et donc le niveau d'activité et d'entraînement des forces. Elle est en outre réalisée au profit de la constitution de stocks, notamment de pièces de recharges, nécessaires en cas d'engagement majeur.
Néanmoins, comme l'a montré le rapporteur spécial55(*), la portée de la hausse des crédits est limitée par le fait que les coûts moyens de maintenance ne cessent de progresser, ce qui s'explique notamment par la sophistication croissante des matériels militaires et par la hausse du coût des intrants. Par ailleurs, comme le manifestent les éléments recueillis par le rapporteur spécial, la hausse est en partie attribuable en 2026 à un renchérissement très significatif de l'entretien de l'équipements de certains matériels, par exemple s'agissant de celui des avions C130H et E-3F (AWACS) relevant d'industriels américains.
2. Un durcissement de l'entraînement
Par ailleurs, les armées déploient une stratégie de durcissement des entraînements, tant d'un point de vue qualitatif, y compris en matière de normes d'engagement applicables, que quantitatif.
Cette logique s'applique à l'exercice majeur de haute intensité qui aura lieu en 2026, à savoir ORION 2026. Interarmées et interallié, il se déroulera dans un environnement durci, multi-milieux et multi-champs. Il vise à éprouver la capacité des armées françaises et de leurs soutiens à conduire un engagement majeur, à démontrer la crédibilité de la France en tant que nation-cadre capable de planifier et de diriger des opérations d'envergure sous un préavis court, et à renforcer la coordination interministérielle. L'exercice aura également pour ambition de tester la résilience nationale en mobilisant les forces armées, les services de l'État et les citoyens autour d'un scénario simulant un conflit de haute intensité.
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
ARTICLE
68
Validation législative de certaines
décisions de rejet relatives à l'allocation spéciale des
ingénieurs civils de la défense et à l'indemnité de
fonctions techniques des techniciens supérieurs d'études et de
fabrications
Le présent article vise à valider rétroactivement les décisions administratives de rejet des demandes indemnitaires présentées par certains ingénieurs civils de la défense (ICD) et techniciens supérieurs d'études et de fabrications (TSEF), tendant à revendiquer le bénéfice d'un cumul de primes anciennes avec un régime indemnitaire général instauré en 2016, en raison d'une omission d'abrogation des dispositions concernées par le pouvoir réglementaire jusqu'en avril 2023.
Cette validation, limitée à la période comprise entre le 1er décembre 2016 et le 19 avril 2023, et excluant toute décision de justice définitive, vise en particulier à prévenir une potentielle dépense indue estimée à 147 millions d'euros.
La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.
I. LE DROIT EXISTANT : UN CUMUL DE PRIMES SPÉCIFIQUES RENDU POSSIBLE PAR UNE ERREUR RÉGLEMENTAIRE
Le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), institué par un décret du 20 mai 201456(*), avait pour objet de rationaliser et d'unifier les primes versées aux fonctionnaires de l'État. Ce dispositif repose sur une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE), destinée à se substituer à l'ensemble des régimes indemnitaires de même nature. Elle exclut le cumul avec d'autres primes similaires et tient compte à la fois des fonctions exercées et de l'expérience professionnelle.
Deux arrêtés du 14 novembre 2016 ont mis en oeuvre ce régime pour les ingénieurs civils de la défense (ICD)57(*) et les techniciens supérieurs d'études et de fabrications (TSEF)58(*) du ministère de la défense. À compter du 1er décembre 2016, date d'entrée en vigueur de ces arrêtés, les différentes primes alors perçues par ces agents - prime de rendement, prime informatique, allocation spéciale pour les ICD, indemnité de fonctions techniques pour les TSEF - ont été intégrées dans le montant de l'IFSE.
Toutefois, la mise en place du RIFSEEP n'a pas été accompagnée de l'abrogation formelle des dispositions des deux décrets du 18 octobre 1989 instituant l'allocation spéciale pour les ICD59(*), d'une part, et l'indemnité de fonctions techniques pour les TSEF60(*), d'autre part.
Cette omission a conduit plusieurs agents à revendiquer le cumul de ces indemnités anciennes avec l'IFSE, estimant que les textes les fondant restaient en vigueur. Saisi de ces recours, le juge administratif a considéré que l'instauration du RIFSEEP n'avait pas abrogé implicitement les décrets antérieurs. Par un arrêt du 11 octobre 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a ainsi condamné le ministère des armées à verser l'allocation spéciale à un ingénieur civil de la défense61(*).
À la suite de cette décision, selon le Gouvernement, une cinquantaine de recours administratifs ont été déposés par des ICD, dont quarante-cinq ont donné lieu à des contentieux toujours pendants, ainsi que deux recours de TSEF. Deux actions en reconnaissance de droits ont par ailleurs été introduites devant le Conseil d'État, le 13 octobre 2023, par une organisation syndicale, tendant à obtenir le versement des deux indemnités à l'ensemble des agents concernés.
Un décret du 17 avril 202362(*), publié au journal officiel le 19 avril 2023 et entré en vigueur le lendemain, a finalement abrogé les dispositions des décrets de 1989 instituant l'allocation spéciale pour les ICD et l'indemnité de fonctions techniques pour les TSEF. Ces abrogations, sans effet rétroactif, laissent toutefois ouverte la possibilité de réclamations pour la période comprise entre le 1er décembre 2016 et le 19 avril 2023.
II. LE DROIT PROPOSÉ : UNE VALIDATION LÉGISLATIVE CIRCONSCRITE DES DÉCISIONS ADMINISTRATIVES DE REJET DES DEMANDES DE VERSEMENT
Le présent article procède à la validation des décisions administratives de rejet des demandes tendant à obtenir le versement, de l'allocation spéciale pour les ICD ou de l'indemnité de fonctions techniques pour les TSEF, sous réserve que trois conditions cumulatives soient remplies.
Premièrement, la validation concerne les seules décisions de rejet des demandes de versement formulées au titre de la période comprise entre le 1er décembre 2016 et le 19 avril 2023, soit la période durant laquelle les décrets instituant l'allocation spéciale et l'indemnité de fonctions techniques sont restés en vigueur en dépit de la mise en oeuvre de l'IFSE.
Deuxièmement, elle ne s'applique que dans les cas où la légalité du rejet est contestée au motif que ces décrets n'auraient été abrogés qu'à compter du 20 avril 2023.
Troisièmement, sont expressément exclues du champ de la validation les demandes ayant donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE DISPOSITION NÉCESSAIRE POUR PRÉVENIR UNE DÉPENSE BUDGÉTAIRE INDUE
Le dispositif proposé poursuit un double objectif, à savoir prévenir une dépense budgétaire indue estimée par le Gouvernement à 147 millions d'euros en cas de condamnation par le juge (en prenant en compte la prescription quadriennale) et éviter un enrichissement sans cause des requérants, les indemnités réclamées ayant déjà été intégrées dans l'IFSE. Le coût unitaire d'un éventuel versement serait particulièrement élevé, puisqu'il s'établirait à environ 31 380 euros pour un ingénieur civil de la défense divisionnaire, 27 273 euros pour un ingénieur civil, 24 761 euros pour un TSEF de première ou deuxième classe, et 20 661 euros pour un TSEF de troisième classe.
La mesure relève du domaine des lois de finances, dès lors qu'elle affecte directement le niveau des dépenses de l'État pour l'exercice 2026.
La validation législative rétroactive de décisions administratives est toutefois strictement encadrée par la jurisprudence constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel estime ainsi que « si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition que cette modification ou cette validation respecte tant les décisions de justice ayant force de chose jugée (...) que l'atteinte aux droits des personnes résultant de cette modification ou de cette validation soit justifiée par un motif impérieux d'intérêt général ; qu'en outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le motif impérieux d'intérêt général soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie. »63(*)
Ces critères semblent être remplis en l'espèce. Premièrement, les décisions de justice ayant force de chose jugée sont exclues des effets du présent article.
Deuxièmement, l'atteinte aux droits des personnes serait justifiée par un motif impérieux d'intérêt général. Selon le Conseil constitutionnel, une mesure de validation tendant à « éviter une multiplication des réclamations fondées sur une malfaçon législative » peut par exemple remplir ce critère lorsque ces réclamations tendent « au remboursement d'impositions déjà versées »64(*). En outre, le présent article éviterait un coût budgétaire conséquent et des désordres administratifs associés à l'examen de recours potentiellement nombreux, 11 494 personnels ICD ou TSEF ayant été rémunérés pendant la période. Enfin, elle préviendrait un effet d'aubaine des requérants, qui avaient été informés, selon le Gouvernement, de manière claire et univoque du fait que l'IFSE remplaçait les anciennes primes.
Troisièmement, le présent article ne semble méconnaître, outre la garantie des droits, aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle, tandis que sa portée est strictement définie, tant dans sa portée temporelle que matérielle.
Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.
EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Défense ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 12 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Dominique de Legge, rapporteur spécial, sur la mission « Défense ».
M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons nos travaux par l'examen du rapport spécial de M. Dominique de Legge sur la mission « Défense » et l'article 68 du projet de loi de finances pour 2026 qui lui est rattaché.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la mission « Défense ». - Je structurerai mon propos sur les crédits de la mission « Défense » en trois parties : le contexte, les chiffres et les questions soulevées par ce budget.
S'agissant du contexte, nous le savons tous, le cadre stratégique se dégrade rapidement et profondément.
La revue nationale stratégique publiée en juillet 2025 parle d'une « nouvelle ère », marquée par un risque élevé de guerre majeure de haute intensité en Europe, pouvant impliquer la France et ses alliés à l'horizon 2030. La Russie demeurerait la principale menace, mais d'autres puissances - l'Iran, la Chine et, plus largement, les adversaires du modèle démocratique libéral européen - contribuent, selon elle, à un environnement instable et plus ou moins directement hostile.
Ainsi que l'ont souligné successivement les deux derniers chefs d'état-major des armées, nous devons désormais faire face à des crises qui s'additionnent et non plus à des crises qui se succèdent. Il faut, en outre, nous préparer à un éventuel choc stratégique d'ici à trois ou quatre ans.
En réponse, les nations de l'Otan ont décidé en juin dernier de porter leur effort de défense de 2 % à 3,5 % du PIB d'ici à 2035. Ce relèvement historique de l'objectif est le reflet d'une tendance mondiale à la hausse des dépenses militaires.
Pour ce qui concerne la France, le Président de la République a annoncé le 13 juillet dernier, devant les armées, un effort supplémentaire, par rapport à la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, de 3,5 milliards d'euros en 2026 et de 3 milliards d'euros en 2027, ces « surmarches » s'ajoutant aux marches prévues de 3,2 milliards d'euros. La hausse totale des crédits serait ainsi de 6,7 milliards d'euros en 2026 et de 6,2 milliards d'euros en 2027.
J'en viens maintenant aux chiffres du budget proposé.
Les crédits de paiement (CP) de la mission « Défense » atteignent 66,7 milliards d'euros en 2026, en hausse de 6,8 milliards, dont 6,7 milliards hors pensions.
Trois angles d'analyse de ces chiffres me paraissent nécessaires.
Premièrement, du point de vue des finances publiques, la défense est le budget qui augmente le plus en 2026, et de loin. Ce sera la deuxième politique publique de l'État en termes d'effort budgétaire en crédit de paiement, juste derrière l'enseignement scolaire. Cela en dit beaucoup, je le crains, sur l'assombrissement et le durcissement du monde.
Deuxièmement, la dépense militaire ne peut être appréciée qu'en comparaison avec ce que décident nos partenaires et nos compétiteurs. En effet, si la plupart de nos politiques publiques ne concernent que nous, la puissance militaire, elle, ne se mesure qu'à l'échelle du monde. Or, partout, l'effort de défense augmente nettement, souvent plus rapidement qu'en France.
Entre 2021 et 2024, selon les données de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires françaises ont augmenté de moins de 10 % en euros constants, alors qu'elles progressaient, dans le même temps, de 119 % en Russie, de 93 % en Pologne, de 47 % en Allemagne et de 14 % au Royaume-Uni.
Troisièmement, la hausse du budget doit également être appréciée à la lumière de la réalité opérationnelle de nos armées. Car derrière les milliards d'euros supplémentaires, les difficultés persistent. De nombreux matériels demeurent indisponibles et les taux d'activité restent inférieurs aux objectifs. L'armée de l'air et de l'espace ne peut, par exemple, pas exploiter pleinement tous ses avions, faute de crédits suffisants pour en assurer la mise en oeuvre. Les stocks de munitions et de pièces détachées demeurent limités, et certaines lacunes persistent dans des domaines essentiels, tels que la défense sol-air ou les drones.
Cette situation illustre la fameuse loi d'Augustine, selon laquelle le coût des matériels et de leur entretien progresse plus vite que les budgets, conduisant, paradoxalement, à un resserrement du format des armées malgré l'augmentation des moyens.
J'en viens aux questions soulevées par ce budget.
Premièrement, que finance-t-il ?
En 2026, la progression des crédits concernera les quatre programmes de la mission et quinze des seize opérations stratégiques. Les principaux postes en progression sont les équipements à effet majeur, en hausse de 3,4 milliards d'euros, l'entretien des matériels en hausse de 609 millions d'euros, la masse salariale hors pensions qui augmente de 552 millions d'euros, les fonctions supports et de logistique en hausse de 538 millions d'euros, la dissuasion nucléaire en hausse de 487 millions d'euros et les infrastructures, dont les dépenses augmentent de 152 millions d'euros.
Les livraisons prévues l'année prochaine sont par ailleurs relativement nombreuses : un sous-marin, des avions A400M, des hélicoptères, des chars Leclerc rénovés, des véhicules Scorpion, des missiles et des drones notamment.
Les effectifs augmenteront, quant à eux, de 800 équivalents temps plein (ETP), conformément à la LPM. Avec la surmarche, nous aurions pu nous attendre à un effort supplémentaire, d'autant que le schéma d'emplois avait été nettement sous-réalisé entre 2021 et 2023, mais il n'en est rien.
Par ailleurs, je dois souligner que la ventilation précise des dépenses associées à la surmarche de 3,5 milliards d'euros est insuffisamment documentée. Le ministère évoque certes un renforcement accéléré des capacités jugées critiques : munitions, drones, capacités spatiales, guerre électronique, connectivité, défense sol-air et moyens aériens. Néanmoins, il peine globalement à distinguer ce qui relève de la marche annuelle ou de la surmarche.
Si cette approche a pu offrir une certaine souplesse de conception du budget, nous avons besoin aujourd'hui de plus de transparence, compte tenu de l'ampleur des montants en cause et des économies opérées dans le même temps sur d'autres missions budgétaires.
J'ai été frappé d'entendre la réponse de la ministre Vautrin sur l'usage qui sera fait de la surmarche : elle ne pouvait pas le dire avec une précision suffisante. En réalité, il me semble qu'elle pourra servir à financer ce qui ne l'était sans doute pas dans la LPM initiale, ce qui pourrait contribuer, je l'espère, à limiter la hausse du report de charges. Elle devrait également servir à accélérer l'exécution de la LPM et à anticiper sa révision, ainsi qu'à, sur certains sujets, ajouter à la programmation des investissements non prévus initialement. Toutefois, je n'ai pas reçu de réponse précise de la part du ministère sur l'utilisation de la surmarche de 3,5 milliards d'euros, ce qui est révélateur de la manière dont le budget de la défense est géré depuis deux ans, avec une fuite en avant du report de charges. Quoi qu'il en soit, cet effort supplémentaire contribuera à nous remettre à niveau en matière d'acquisition de munitions.
La deuxième question que soulève un budget de la défense élevé, c'est celle de sa transparence et de la sincérité de l'exécution. Or la question de la transparence demeure préoccupante.
Outre le fait que la représentation nationale ne dispose pas de la ventilation précise de la surmarche cette année, depuis 2023, les indicateurs relatifs à la disponibilité des matériels et à l'activité des forces ne sont plus publiés. Je persiste et je signe en continuant à dire que c'est regrettable, car plus le budget augmente, plus l'information du Parlement doit être complète et sincère. Je doute, pour ma part, que nos compétiteurs - à commencer par la Russie - s'informent sur nos capacités à partir des annexes budgétaires. En revanche, le Parlement doit pouvoir exercer pleinement son contrôle. La transparence est en outre un gage de performance.
Concernant la sincérité de l'exécution des budgets de la défense, je souligne qu'il y a encore des progrès à faire.
Le stock de charges reportées, c'est-à-dire les factures non couvertes par les crédits de l'année et dont le paiement est renvoyé à l'année suivante, est passé de 3,9 milliards d'euros à la fin de 2022 à plus de 8 milliards d'euros à la fin de 2024, et pourrait atteindre 8,6 milliards d'euros à la fin de 2026. Dans le même temps, environ 1,8 milliard d'euros de crédits de paiement demeurait gelé début novembre - peut-être que la ministre chargée des comptes publics nous en dira plus lors de son audition. Enfin, le financement des opérations extérieures et du soutien à l'Ukraine a continué jusqu'à présent de reposer sur des ouvertures de crédits en fin de gestion, ce qui fragilise la lisibilité d'ensemble. Je n'ai d'ailleurs pas réussi à obtenir, cette année, la ventilation des surcoûts constatés à ce jour.
La troisième question que pose le présent budget est celle de l'avenir. La défense exige une visibilité longue, car les programmes d'armement engagent l'État pour plusieurs décennies. Le futur porte-avions de nouvelle génération que nous finançons aujourd'hui, par exemple, n'entrera en service qu'en 2038 et sera exploité au moins jusqu'en 2080.
C'est pourquoi une actualisation de la loi de programmation militaire s'impose, comme l'a d'ailleurs indiqué le Président de la République. Trois motifs principaux la justifient : corriger les déséquilibres et tensions budgétaires apparus dès le début de l'exécution de la LPM 2024-2030 ; inscrire les surmarches de 2026 et 2027 dans une trajectoire cohérente et soutenable ; garantir la soutenabilité et la crédibilité de l'effort de défense de la France dans le cadre général des finances publiques. Je précise qu'atteindre un effort de 3,5 % du PIB en 2035 supposerait un budget de l'ordre de 140 milliards d'euros à cet horizon, au regard des prévisions actuelles de croissance et d'inflation. Il faudrait donc que l'effort supplémentaire, de l'ordre de 0,15 % de PIB par an, soit reproduit chaque année jusqu'à cette échéance : de plus de 6 milliards d'euros aujourd'hui, jusqu'à environ 9 milliards d'euros par an en fin de période.
Je terminerai mon propos par la présentation de l'article 68, rattaché à la mission « Défense ». Il a pour objet de prévenir les conséquences budgétaires potentiellement lourdes d'une erreur de l'administration.
Il vise à valider rétroactivement les décisions administratives par lesquelles le ministère a rejeté les demandes indemnitaires de deux catégories d'agents réclamant le bénéfice cumulé d'anciennes primes et du régime indemnitaire unifié instauré en 2016 pour les remplacer. Cette situation résulte d'une omission juridique, les textes abrogeant formellement les anciens dispositifs n'ayant été pris qu'en 2023.
Une première décision de justice ayant donné raison à un agent, d'autres contentieux ont été engagés sur le même fondement, faisant peser sur le budget de l'État un risque financier évalué à environ 147 millions d'euros. Il s'agirait, pour les agents concernés, d'un effet d'aubaine. L'article 68 vise donc à sécuriser la situation juridique et à préserver les deniers publics.
En conclusion, le budget de la défense pour 2026 me semble à la fois lourd et nécessaire. Il traduit la gravité du contexte international. Mais il appelle aussi transparence et rigueur de la part du Gouvernement et incite à une actualisation de la LPM. La ministre Vautrin nous a annoncé qu'un texte en ce sens serait déposé à l'automne - nous verrons bien, car je rappelle que l'automne finit dans un mois.
Mes chers collègues, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Défense » ainsi que l'article 68 qui y est rattaché.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Je souscris aux alertes formulées par le rapporteur spécial : la ministre des armées et des anciens combattants doit vous donner les éléments sur la surmarche pour que le budget de cette mission soit examiné en séance dans la plus grande transparence. Le Gouvernement ne peut pas prévoir un tel niveau de dépense dans le budget de la défense sans éclairer le Parlement sur cette décision, car notre rôle est de contrôler l'action du Gouvernement.
Nous relaierons donc la demande du rapporteur spécial auprès du Premier ministre et de la ministre.
Certes, j'entends que certains éléments ne doivent pas être rendus publics, mais ils doivent être transmis au Parlement pour qu'il en prenne connaissance. L'armée est la « Grande muette », mais ce mutisme ne peut pas porter sur les crédits inscrits par le Gouvernement.
M. Jean-Raymond Hugonet. - A-t-on une estimation exacte de la flotte de Rafale et de sa capacité opérationnelle compte tenu de la ventilation des crédits ?
Par ailleurs, pourriez-vous nous donner quelques éléments chiffrés et préciser les perspectives qui se dessinent concernant le système de combat aérien du futur (Scaf) ? Un bras de fer oppose la maison Dassault, qui est capable de le réaliser seule, à certains de nos alliés, notamment allemands, qui ne souhaitent pas qu'il en soit ainsi.
Mme Nathalie Goulet. - Entre 2007 et 2017, j'étais membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, où nous évoquions régulièrement les drones et notre incapacité à en avoir. J'aimerais que le rapporteur spécial nous en dise plus sur le processus décisionnel du ministère des armées et des anciens combattants, car il semble que le problème ne soit pas résolu.
Ma seconde question porte sur les guerres d'influence et d'ingérence. A-t-on prévu une coordination avec le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » du ministère de l'Europe et des affaires étrangères ? En effet, les travaux de la commission d'enquête sur les politiques publiques face aux opérations d'influences étrangères ont montré que, face à cet enjeu, la communication dans le cadre de ce programme était importante. Le ministère des armées et des anciens combattants a-t-il prévu de se doter d'un programme réalisant le même type de travail, ou du moins de se coordonner avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ?
M. Marc Laménie. - Concernant les effectifs et les moyens humains, des difficultés de recrutement ont pu apparaître, ainsi qu'un problème de fidélisation. Cela représente un coût. Où en est-on ?
De nombreux sites militaires ont disparu dans les territoires. Le patrimoine militaire immobilier reste un enjeu important. Pourriez-vous nous préciser ce qui n'a pas été vendu ou cédé aux collectivités territoriales ?
M. Pascal Savoldelli. - Le fait que le ministère ait fixé le plafond du report de charges à 7,5 milliards d'euros pour fin 2025 ne peut que nous interroger individuellement et collectivement, car cela délégitimise le vote du Parlement, d'autant que cela se répète d'une année sur l'autre. Le rapporteur spécial recommande de « corriger les déséquilibres apparus dès l'exécution de la LPM 2024-2030 » et mentionne d'« importantes tensions et rigidités budgétaires » , ce qui est une formulation diplomatique pour décrire la situation. Qu'en est-il précisément de ces « tensions et rigidités budgétaires » ou, autrement dit, quel est le problème ?
M. Michel Canévet. - Nous sommes tous conscients de la nécessité de doter nos armées des moyens d'exercer leur mission, mais nous devons tenir compte d'un contexte budgétaire qui est particulièrement difficile. L'effort demandé cette année est très significatif et notre inquiétude est renforcée par le fait que les demandes supplémentaires de crédits sont très mal documentées.
Le report de charges nous préoccupe également et nous partageons l'incompréhension que le rapporteur spécial exprime à ce sujet depuis plusieurs années.
L'absence de documentation doit-elle nous inciter à resserrer les moyens dédiés aux armées ? Faut-il prévoir une augmentation plus mesurée des crédits en tenant compte de la réalité des finances publiques ?
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Il y a quelques mois, nous avons assisté à une conférence sur le financement de l'industrie de la défense, à Bercy.
La réorganisation au sein de la direction générale de l'armement (DGA) est-elle en lien avec le fait que le temps de latence entre les commandes qui sont faites auprès des industriels de la défense et le décaissement par le ministère est très important et en décalage avec ce qui avait été annoncé à Bercy ?
M. Vincent Capo-Canellas. - L'article 68 se justifie par le fait que le coût du risque de condamnation qui pèse sur le ministère est estimé à 147 millions d'euros, ce qui n'est pas rien. Toutefois, n'est-il pas paradoxal de demander au Parlement de jouer le rôle que l'administration aurait dû jouer initialement ? Pourquoi avoir attendu la chaîne des contentieux pour finalement demander - ou presque - au Parlement d'inverser la décision de la juridiction administrative ? Nous pourrons sans doute le faire, mais cela nous place dans une position qui n'est pas la meilleure. Comment expliquer autant de légèreté ?
Quant au report de charges, il a des conséquences pour les entreprises, notamment les PME. D'autres administrations publiques font état de douze à vingt-quatre mois de retard dans les règlements. Disposons-nous d'un indicateur clair pour évaluer ces retards ? Comment améliorer la situation qui est très pénalisante pour la chaîne des producteurs de l'industrie de défense ?
M. Claude Raynal, président. - Vous avez mis l'accent sur la question de la transparence et, même si, en matière militaire, les mots n'ont pas toujours le même sens qu'ailleurs, l'information du Parlement reste un enjeu fondamental.
Il semble que nous soyons dans un système à contre-emploi, avec, d'un côté, la perspective d'une diminution de la dépense publique, ou du moins une réflexion sur le sujet, et, de l'autre, un effort marqué sur le budget de la défense. Les Français en restent pour l'instant au discours qu'on leur tient : il faut remettre l'armée à niveau, car nous n'avons pas fourni les efforts suffisants durant les années précédentes. Mais il peut aussi y avoir un retournement et ils finiront par se demander pourquoi l'État met autant d'argent dans la défense au détriment d'autres missions.
Par conséquent, il serait prudent que le Gouvernement mette en place une procédure permettant d'obtenir du Parlement un soutien d'autant plus clair qu'il sera bien informé.
Notre rapporteur spécial devrait être totalement informé de manière à pouvoir nous livrer une analyse claire des sujets, pas forcément entièrement détaillée, mais engageant sa responsabilité et sa compétence. Nous gagnerions à ce que le ministère accepte cela.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Je suis intimement convaincu qu'il est impossible de continuer à demander aux Français de faire un effort en matière de défense si, à un moment donné, on ne leur donne pas l'information. Il faut justifier cette demande. Il est inacceptable que le Gouvernement cherche à faire des économies dans toutes les missions, mais annonce, au détour d'une conférence de presse, plus de 3,5 milliards d'euros de crédits supplémentaires pour la mission « Défense » sans nous expliquer précisément les dépenses associées ni proposer de trajectoire pour atteindre l'objectif de 3,5 % de dépenses militaires en proportion du PIB en 2035.
Je remercie le président de notre commission et le rapporteur général pour leur soutien concernant ma demande d'informations.
Pour être tout à fait transparent, j'ai accès à un certain nombre d'informations et je vous en ai donné quelques-unes. Il y a quelques années, nous avions des difficultés à en faire voler certains pour des raisons techniques. Cette fois cela a pu être pour des raisons budgétaires.
Le report de charges au ministère des armées n'est en soi pas choquant, car il s'agit du seul ministère ayant un véritable budget d'investissement avec des autorisations d'engagement qui, par définition, porteront sur plusieurs années. En revanche, il est préoccupant et choquant que le report de charges atteigne un tel niveau. En effet, jusqu'en 2022, le report de charges ne pouvait pas être supérieur à 10% du budget hors dépenses de personnel. Puis Mme Borne a autorisé le ministère à doubler la part du report de charges de 10 % à 20 %. Or, fin 2024, cette part atteignait 23,9 %. Les ministres temporisent en disant que ce taux augmente en début de LPM et qu'il baissera en fin d'exécution, une fois que les paiements auront été étalés, mais je constate que ce n'est pas le cas à ce jour.
Nous sommes donc confrontés à un problème de sincérité budgétaire et il est de notre responsabilité de dénoncer cette pratique. Certes, un léger report de charges est acceptable, mais il ne peut pas atteindre de telles proportions.
En outre, ce report de charges trouve en partie son origine dans le sous-financement initial de la LPM. Rappelez-vous les débats que nous avons eus il y a trois ans : le budget de la LPM avait été fixé à 400 milliards d'euros, puis abondé de 13 milliards d'euros de recettes seulement partiellement documentées. Avec mes collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, nous avions souligné dès le départ qu'il manquait 13 milliards d'euros, mais le Gouvernement avait rétorqué en évoquant le report de charges : déjà, l'on prévoyait ainsi de financer la dépense avec le report de charges. Il y avait notamment dans ces 13 milliards d'euros des recettes exceptionnelles, notamment des remboursements de la sécurité sociale vers le service de santé des armées, ainsi que des royalties pour des participations dans un certain nombre d'entreprises. Mais ces recettes n'ont pas toutes été au rendez-vous.
L'indicateur est simple : les intérêts moratoires, qui représentaient 13 millions d'euros en 2022, sont de 60 millions d'euros pour les seuls dix premiers mois de l'année.
Madame Paoli-Gagin, en ce qui concerne l'industrie de défense, la DGA est très consciente du temps de latence. Lorsqu'elle a une relation de payeur direct des sous-traitants, notamment pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les petites et moyennes industries (PMI), elle arrive à régler le problème. La situation devient plus compliquée lorsque cela n'est pas le cas et que leur paiement relève des grands donneurs d'ordre. En effet, dès lors que les grands donneurs d'ordre ne sont pas payés, ils peuvent être tentés de ne pas honorer leur propre paiement auprès de leurs sous-traitants. Quoi qu'il en soit, il n'est pas très sérieux de faire porter le financement d'une mission de souveraineté par des entreprises, quelle que soit leur importance.
Les militaires se sont mis d'accord sur la définition technique du Scaf, et c'est une bonne nouvelle. Cependant, les constructeurs sont favorables à la théorie du ruissellement, de sorte que Dassault et Airbus veulent tous les deux construire l'avion. Or comme nous l'avons vu avec l'A400M, la construction d'un avion avec plusieurs intervenants pose des problèmes de responsabilité.
Madame Goulet, les drones sont apparus comme un dispositif essentiel dans le cadre de la guerre en Ukraine. J'ai cru comprendre que Renault avait l'ambition d'investir dans ce domaine en Ukraine et il y a d'autres acteurs, français et étrangers, dans ce domaine devenu stratégique.
Nous avons eu l'occasion de travailler ensemble sur le sujet de la guerre d'influence. Les connexions que vous évoquez se font principalement au niveau du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).
Monsieur Laménie, il a en effet été très difficile d'atteindre les objectifs de recrutement en 2023, mais la situation s'est rétablie dans les années suivantes et nous n'avons plus de difficultés ni en matière de recrutement ni pour ce qui est de la fidélisation. Faut-il voir là les effets d'une amélioration de la rétribution des militaires ou bien ceux d'un contexte économique où l'offre d'emploi est moins importante ? Je dirais que c'est sans doute les deux.
Aujourd'hui, nous pourrions faire mieux si nous le souhaitions. En effet, la limite au recrutement est budgétaire et n'est pas liée à la difficulté de trouver les effectifs sur le marché du travail.
Sur la fermeture des sites et le devenir du patrimoine immobilier, il n'y a pas eu d'évolution nouvelle depuis deux ans. Le patrimoine qui est en bon état finit par se reconvertir. Cependant, certains casernements offrent peu de possibilités.
Monsieur Capo-Canellas, sur l'article 68, il apparaît que le ministère a pris un décret en 2023 pour régulariser la situation ; ce que l'on nous demande en réalité, c'est une sorte de validation législative pour conforter ce décret. Ce n'est pas glorieux, mais je suggère d'accéder à la demande de l'administration.
M. Vincent Capo-Canellas. - Comment évoluent les délais de paiement pour les PME ?
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - La situation ne semble pas empirer et aurait même tendance à s'améliorer, car le ministère et la DGA ont désormais conscience qu'il faut être vigilant. Néanmoins, le gel des crédits peut poser des difficultés supplémentaires en fin d'année.
M. Claude Raynal, président. - Avec le rapporteur général, nous vous proposons d'adresser une lettre au Premier ministre lui demandant de bien vouloir prendre les dispositions nécessaires pour disposer de l'ensemble des informations nécessaires à l'examen du projet de loi de finances. Nous lui demanderons de réfléchir à une solution qui permette de concilier la discrétion nécessaire et l'information la plus complète possible du Parlement.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Défense ».
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
Article 68
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 68.
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* *
Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
État-major des armées (EMA)
- Vice-amiral d'escadre Éric MALBRUNOT, sous-chef d'état-major « plans » ;
- Colonel Vincent MOUSSU, chargé des relations avec le Parlement ;
- Lieutenant-colonel Xavier BROCHE, expert ;
- Mme Daphné FARAVARI, adjointe auprès du chargé des relations avec le Parlement.
État-major de la Marine (EMM)
- Contre-amiral Ludovic SEGOND, sous-chef « soutien-finances » ;
- Capitaine de vaisseau Guillaume COUBE, chargé des relations avec le Parlement ;
- Mme Brune GERMAIN, adjointe auprès du chargé des relations avec le Parlement.
État-major de l'armée de Terre (EMAT)
- Général de corps d'armée Patrick JUSTEL, major général ;
- Colonel Paul SADOURNY, assistant exécutif ;
- Lieutenant-Colonel Louis-Dominique RICHARD, chargé des relations avec le Parlement ;
- Mme Jade GELLENONCOURT, adjointe auprès du chargé des relations avec le Parlement.
État-major de l'armée de l'Air et de l'Espace (EMAAE)
- Général de corps aérien Dominique TARDIF, major général ;
- Mme Julie GAUTHIER, conseillère politico-militaire.
Secrétariat général pour l'administration (SGA)
- M. Christophe MAURIET, secrétaire général pour l'administration du ministère des armées et des anciens combattants ;
- Mme Chloé MIRAU, directrice des affaires financières.
Direction générale de l'armement (DGA)
- M. Emmanuel CHIVA, délégué général ;
- Ingénieure générale de l'armement Corinne LONCHAMPT, directrice de la préparation de l'avenir et de la programmation (DPAP)
- Ingénieure générale de l'armement Laurence GABOULEAUD, directrice du cabinet du délégué général.
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2026.html
* 1 Soit jusqu'à 9 milliards d'euros supplémentaires par an en fin de période.
* 2 Le ministère des armées a développé une nomenclature propre pour assurer le pilotage de ses crédits, en les regroupant par opérations stratégiques (OS), transversales aux différents programmes.
* 3 Les perspectives de financement des objectifs fixés par la loi de programmation militaire, rapport d'information n° 615 (2024-2025), déposé le 14 mai 2025, Dominique de Legge.
* 4 Audition devant la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, mercredi 22 octobre 2025.
* 5 Les perspectives de financement des objectifs fixés par la loi de programmation militaire, rapport d'information n° 615 (2024-2025), déposé le 14 mai 2025, Dominique de Legge.
* 6 Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives.
* 7 Les perspectives de financement des objectifs fixés par la loi de programmation militaire, rapport d'information n° 615 (2024-2025), déposé le 14 mai 2025, Dominique de Legge.
* 8 Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.
* 9 Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.
* 10 Rapport d'information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat sur : « Une LPM qui laisse de nombreux enjeux capacitaires », M. Cédric Perrin et Mme Hélène Conway-Mouret, 7 juin 2023.
* 11 Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), institut de référence mondiale, spécialisé dans la recherche en matière de conflits et d'armement.
* 12 LPM 2024-2030 dont la trajectoire budgétaire est finalement réhaussée à compter de 2026 et qui va être actualisée, voir infra.
* 13 Les perspectives de financement des objectifs fixés par la loi de programmation militaire, rapport d'information n° 615 (2024-2025), déposé le 14 mai 2025, Dominique de Legge.
* 14 Le report de charges est une notion budgétaire qui regroupe les dépenses qui constituent des dettes certaines et qui auraient dû être réglées en année N mais dont le règlement est reporté en année N+1, voir infra.
* 15 OTAN.
* 16 Ces deux cibles, cumulées, permettent d'afficher une mobilisation globale équivalente à 5 % du PIB, conformément à la proposition avancée initialement par l'administration américaine.
* 17 Discours aux armées depuis l'Hôtel de Brienne.
* 18 Voir infra.
* 19 Selon les chiffres du SIPRI.
* 20 La version provisoire du rapport est consultable ici.
* 21 La version provisoire du rapport est consultable ici.
* 22 Dans un contexte d'engagement d'ouverture de nombreuses AE en 2025 du fait du lancement des programmes liés notamment au porte-avion de nouvelle génération (PA-NG) et aux sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de troisième génération (SNLE 3G).
* 23 Qui sont en réalité réparties en deux missions stratégiques distinctes, l'une relative au CAS « Pensions », l'autre à la masse salariale, y compris au titre des OPEX et MISSINT.
* 24 La gouvernance du domaine numérique a été renforcée en 2025 avec la création du Commissariat au numérique de défense (CND), chargé de moderniser les systèmes d'information et de communication (SIC) et de développer les réseaux de télécommunication adaptés aux besoins des forces.
* 25 Voir infra.
* 26 Voir infra.
* 27 Idem.
* 28 L'intégralité des contributions à l'OTAN sont imputées sur l'opération stratégique « Fonctionnement et activités spécifiques » à compter de 2026. Les contributions d'investissement au programme OTAN pour la sécurité relevaient jusqu'à présent de l'agrégat « équipement » et non de celui fonctionnement.
* 29 Missile mer-sol balistique stratégique (MSBS), porteur de la dissuasion nucléaire française et équipant les SNLE.
* 30 Missile air-sol moyenne portée amélioré, porteur de la charge nucléaire.
* 31 Direction générale de la sécurité extérieure.
* 32 Direction du renseignement et de la sécurité de la défense.
* 33 4,46 milliards d'euros sur un total de 6,78 milliards d'euros.
* 34 Voir infra.
* 35 Les perspectives de financement des objectifs fixés par la loi de programmation militaire, rapport d'information n° 615 (2024-2025), déposé le 14 mai 2025, Dominique de Legge.
* 36 Voir supra.
* 37 Selon une analyse des chiffres transmis dans les réponses au questionnaire budgétaire.
* 38 Soit jusqu'à 9 milliards d'euros supplémentaires par an en fin de période.
* 39 Audition devant la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, mercredi 22 octobre 2025.
* 40 Les perspectives de financement des objectifs fixés par la loi de programmation militaire, rapport d'information n° 615 (2024-2025), déposé le 14 mai 2025, Dominique de Legge.
* 41 La période de « services votés » en début d'année y a également contribué, les montants disponibles étant plus faibles qu'anticipés pour régler les factures.
* 42 Réponses au questionnaire du rapporteur spécial.
* 43 Les perspectives de financement des objectifs fixés par la loi de programmation militaire, rapport d'information n° 615 (2024-2025), déposé le 14 mai 2025, Dominique de Legge.
* 44 Avion multi-rôle de ravitaillement en vol et de transport.
* 45 Le système de combat aérien du futur (SCAF), appelé à succéder au Rafale à l'horizon 2040, est un programme réalisé en coopération avec l'Allemagne et l'Espagne.
* 46 Missile air-sol moyenne portée amélioré, porteur de la charge nucléaire.
* 47 Service industriel de l'aéronautique.
* 48 Analyse de l'exécution budgétaire 2024, Mission « Défense », avril 2025, Cour des comptes.
* 49 Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives.
* 50 Le plafond demandé pour 2026 s'élève quant à lui à 272 279 ETPT, en hausse de + 1 162 ETPT par rapport à 2025, essentiellement du fait de l'effet du schéma d'emplois 2025 sur 2026 et de corrections techniques.
* 51 Voir infra.
* 52 Rapport n° 4 (2024-2025), déposé le 2 octobre 2024, fait au nom de la commission des finances, sur le maintien en condition opérationnelle des équipements militaires.
* 53 Hors domaine aéroterrestre, pour lequel la norme a également été respectée.
* 54 Hors dissuasion nucléaire, la hausse est de 609 millions d'euros, voir supra.
* 55 Rapport d'information n° 4 (2024-2025), déposé le 2 octobre 2024, fait au nom de la commission des finances, sur le maintien en condition opérationnelle des équipements militaires, M. Dominique de Legge.
* 56 Décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat.
* 57 Anciennement le corps des ingénieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense. Arrêté du 14 novembre 2016 pris pour l'application au corps des ingénieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense des dispositions du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'État.
* 58 Arrêté du 14 novembre 2016 pris pour l'application au corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense des dispositions du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'État.
* 59 Décret n°89-755 du 18 octobre 1989 relatif à l'attribution d'une allocation spéciale aux ingénieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense.
* 60 Décret n°89-752 du 18 octobre 1989 portant attribution d'une indemnité de fonctions techniques aux techniciens supérieurs d'études et de fabrications et à certains contractuels de l'ordre technique du ministère de la défense.
* 61 CAA de Bordeaux, 11 octobre 2021, ministère des Armées contre Mme Cazenave.
* 62 Décret n° 2023-280 du 17 avril 2023 modifiant le décret n° 89-752 du 18 octobre 1989 portant attribution d'une indemnité de fonctions techniques aux techniciens supérieurs d'études et de fabrications et à certains contractuels de l'ordre technique du ministère de la défense et le décret n° 2001-878 du 24 septembre 2001 portant attribution d'une indemnité compensatrice à certains ingénieurs civils de la défense du ministère de la défense et abrogeant certains décrets relatifs au régime indemnitaire des ingénieurs civils de la défense, des techniciens supérieurs d'études et de fabrication et des ingénieurs des travaux maritimes.
* 63 Décision n° 2013-366 QPC du 14 février 2014. SELARL PJA, ès qualités de liquidateur de la société Maflow France.
* 64 Idem.























