Rapport n° 320 (1993-1994) de M. Michel D'AILLIERES , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 6 avril 1994

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N° 320

SÉNAT

SECONDE SESSION ORDINAIRE DE 1993 - 1994

Annexe au procès-verbal de la séance du 6 avril 1994.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur la proposition de résolution, présentée en application de l'article 73 bis du Règlement par M. Jacques OUDIN sur le projet de directive de la commission modifiant les directives 88/301/CEE et 90/388/CEE en ce qui concerne les communications par satellites (n° E-190),

Par M. Michel D'AILLIÈRES,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Michel d'Aillières, François Abadie, Guy Penne, vice-présidents ; Jean Garcia, Michel Alloncle, Roland Bernard, Jacques Golliet, secrétaires ; Jean-Luc Bécart, Mme Monique Ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, André Bettencourt, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Paul Caron, Jean-Paul Chambriard, Yvon Collin, Claude Cornac, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Michel Crucis, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Roger Fossé, Gérard Gaud, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Jacques Genton, Yves Guéna, Bernard Guyomard, Jacques Habert, Hubert Haenel, Marcel Henry, André Jarrot, Louis Jung, Christian de La Malène, Marc Lauriol, Edouard Le Jeune, Max Lejeune, Philippe Madrelle, Michel Maurice-Bokanowski, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, Paul d'Ornano, Alain Poher, Michel Poniatowski, André Rouvière, Georges Treille, Robert-Paul Vigouroux, Serge Vinçon, Albert Voilquin.

Voir le numéro :

Sénat : 281(1993-1994).

Mesdames, Messieurs,

Le 20 décembre 1993, la commission européenne a transmis au Conseil des Communautés une proposition de directive modifiant les directives 88/301/CEE et 90/388 CEE en ce qui concerne les communications par satellites.

Cette directive vise à étendre aux communications par satellites les dispositions des deux directives précitées dont l'objet était la libéralisation d'un nombre important de services de télécommunications, à l'exception, précisément, des communications par satellites.

Elle a ensuite fait l'objet, de la part de notre collègue Jacques Oudin, d'une proposition de résolution, déposée le 11 février dernier à la Présidence du Sénat.

Avant de formuler ses différentes observations, votre rapporteur s'attachera à rappeler dans ses grandes lignes le contenu de la directive et surtout la procédure qui a été utilisée par la Commission pour la proposer (article 90, alinéa 3 du Traité), procédure que conteste l'auteur de la proposition de résolution.

I - LES PRINCIPAUX ÉLÉMENTS DE LA PROPOSITION DE DIRECTIVE

Dans ses considérants, dans son rapport liminaire comme dans son dispositif, l'auteur de la proposition de résolution s'abstient de contester le contenu de la proposition de directive à savoir la question de la libéralisation du secteur des télécommunications et plus particulièrement de celui des communications par satellite. Celle-ci, en effet, ne pose pas de problème majeur à la France qui a déjà bien avancé sa propre législation en ce domaine.

Il s'attache en revanche, et fort opportunément d'ailleurs, à contester la base juridique utilisée par la commission pour élaborer sa proposition de directive à savoir l'article 90, alinéa 3 du Traité de Rome.

Sur ces deux éléments, le contenu de la proposition de directive comme la procédure qui a été suivie par la commission, votre rapporteur croit utile d'éclairer votre commission.

1°) Le contenu de la proposition de directive Sec (93) 1 891 final

Dans son livre vert sur une approche commune dans le domaine des communications par satellite, approuvé par le Conseil dans sa résolution du 19 décembre 1991, la Commission envisageait de libéraliser, unilatéralement, les services de télécommunications par satellite en leur étendant le champ d'application de deux précédentes directives de 1988 et 1990, qui concernaient respectivement la concurrence dans le marché des terminaux et des services de télécommunications.

L'objectif que le Conseil a, depuis, validé, était -et demeure- au travers du projet de directive concerné, d'obtenir "la libéralisation totale des services par satellite et des équipements de satellites, y compris l'abolition de tous les droits exclusifs ou spéciau x dans ce domaine, sous réserve de procédures d'autorisations appropriées, et à l'accès lib re (sans restriction) à la capacité du secteur spatial". Plus précisément, le livre vert mettait en avant trois objectifs :

- la libéralisation de l'utilisation, tout en permettant la mise en oeuvre de mesures réglementaires de sauvegarde au moyen de système d'agrément et d'autorisation appropriés, conformément au droit communautaire et, notamment, aux règles de concurrence ;

- séparation des fonctions de réglementation et d'exploitation de façon à éviter des conflits d'intérêts ;

- mise en oeuvre de l'harmonisation, dans la mesure nécessaire pour garantir un fonctionnement efficace des marchés européens des services et des équipements.

La commission se propose donc de modifier, d'une part, la directive du 16 mai 1988 relative à la concurrence sur les marchés de terminaux de télécommunications pour y inclure les équipements de stations terriennes de satellites, et d'autre part, la directive du 28 juin 199 0 relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunications, en y incluant les services de communication par satellites.

Nul ne semble, ni le Conseil, ni le Parlement européen, ni l'auteur de la proposition de résolution lui-même, contester le bien-fondé du principe général contenu dans la présente proposition de directive. Au demeurant, la France, depuis la loi de 1990 sur les télécommunications, a d'ores et déjà procédé, pour ce qui la concerne, à la libéralisation demandée.

Ainsi, si le contenu des propositions de directive, dans son principe, ne suscite nulle hostilité ( ( * )1) , il n'en va pas de même de la procédure à laquelle la Commission des Communautés a eu recours pour préparer son adoption : l'article 90, alinéa 3, du Traité de Rome, et qui seule justifie la compétence de votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées.

2°) La procédure suivie par la Commission

La proposition de directive qui fait l'objet de la proposition de résolution a été formulée par la Commission des Communautés sur la base de l'article 90, alinéa 3 du Traité de Rome. Votre rapporteur croit utile de rappeler les termes de cet article 90 dont l'objet consiste à prévoir un équilibre entre, d'une part, les règles de concurrence prévues au sein de la Communauté et, d'autre part, les "droits exclusifs ou spéciaux" accordés par certains Etats à certaines entreprises oeuvrant dans des secteurs économiques déterminés : entreprises publiques, monopoles publics, entreprises investies d'une mission de service public.

article 90

1. Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques, et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du présent traité, notamment à celles prévues aux articles 7 et 85 à 94 inclus.

2. Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté.

3. La Commission veille à l'application des dispositions du présent article et adresse, en tant que de besoin, les directives ou décisions appropriées aux Etats membres.

Ainsi, comme le précise le dernier alinéa de l'article, un pouvoir de surveillance est reconnu à la commission quant à l'application des dispositions en question, qui lui permet d'adresser, "en tant que de besoin", les directives ou décisions appropriées aux Etats membres.

Ce pouvoir normatif reconnu à la Commission pose deux problèmes principaux :

- D'une part, ni le Conseil, ni le Parlement européen ne sont appelés à intervenir dans le processus d'élaboration de la directive, alors même qu'ils constituent, comme le rappelle opportunément notre collègue Jacques Oudin ( ( * )1) , "les seules instances communautaires pourvues d'une légitimité démocratique".

- D'autre part, ces directives communautaires mettent en jeu, non seulement d'importantes questions de principes -faculté de chaque pays de laisser à la puissance publique la maîtrise principale de réseaux et d'infrastructures majeurs- mais de substantiels intérêts industriels et économiques.

C'est sur la base de ce constat que le gouvernement français avait, à deux reprises, contesté devant la Cour de justice des Communautés la procédure du 90-3 suivie par la Commission.

En 1988, lorsque la Commission eut pris la directive précitée relative à la concurrence dans les marchés de terminaux de télécommunications, la France, pour des raisons de principe et non de fond, puisqu'elle avait déjà procédé à la libéralisation du secteur, fît un premier recours mais vit celui-ci rejeté par la CJCE, celle-ci considérant que "le pouvoir de surveillance confié à la Commission comporte la possibilité, fondée sur l'article 90-3, de préciser les obligations découlant du Traité. Par conséquent, l'étendue de ce pouvoir dépend de la portée des règles dont il s'agit d'assurer le respect ".

Une seconde fois, après l'adoption de la directive de 1990 relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunications, la CJCE renouvela son analyse faisant valoir que "le pouvoir de la Commission ne se limite pas à la simple surveillance de l'application des règles communautaires déjà existantes".

II - LES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR

1°) Une modification de l'article 90-3 permettrait une légitime clarification des pouvoirs de la commission

Sur le fond, la proposition de résolution de notre collègue Jacques Oudin revêt donc une incontestable pertinence qui "demande au gouvernement de tout mettre en oeuvre pour qu'une réforme de l'article 90-3 du Traité de Rome intervienne lors de la révision constitutionnelle de 1996 afin que le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne soient systématiquement associés au processus décisionnel".

Certes en l'état actuel des textes, le droit, tel qu'interprété par la Cour de justice des Communautés européennes, conforte la Commission dans sa démarche. Toutefois, aux yeux de votre rapporteur, la procédure en cause contribue, malgré tout, à renforcer ce "déficit démocratique" de la Communauté sur des sujets fort sensibles, et au moment même où, de toutes parts, se manifeste une volonté claire de redonner aux instances politiques, Parlement et Conseil, des compétences et des responsabilités dont ils s'étaient vu, au cours des récentes années, progressivement dépouillés.

Par conséquent, la révision institutionnelle prévue par le Traité sur l'Union européenne pour 1996 constituera une excellente occasion pour fixer, dans le texte du traité révisé, de nouvelles modalités d'application de l'article 90-3.

Quelles formes pourraient revêtir la nouvelle formulation de l'article 90-3 ? A tout le moins pourrait-on insérer l'obligation pour la commission de procéder à la consultation du Conseil et du Parlement européen, consultation qui ne constitue à ce jour qu'une simple faculté qu'au demeurant la Commission, dans le cas de la présente proposition de directive, a opportunément utilisé. On pourrait tout aussi bien considérer que pour l'élaboration de directives destinées à faire application de l'article 90 du Traité, il soit prévu de donner au Conseil la possibilité de demander, à la majorité qualifiée, à la Commission, de recourir à l'article 100 A du Traité, qui, dans le cadre du processus de co-décision, implique la participation active tant du Conseil que du Parlement européen.

Il n'appartient pas à votre rapporteur d'élaborer ici telle ou telle formule juridique, pour peu que, d'une façon ou d'une autre, le Conseil soit désormais, avec le Parlement européen, systématiquement associé au processus de décision.

2°) La procédure de l'article 88-4 de la Constitution dans le cas de recours à l'article 90-3 du Traité de Rome

Comme le relève M. Robert Pandraud, député, dans un récent rapport d'information : "On peut (...) s'interroger sur la portée d'une éventuelle résolution (...) sur le projet de directive alors que le gouvernement français est exclu du processus de décision " .

En effet, la proposition de résolution soumise à notre examen, s'inscrit dans un processus atypique d'élaboration d'une directive en ce que le Conseil ne dispose pas en l'occurrence d'un pouvoir de décision mais fait seulement l'objet d'une procédure de consultation non contraignante.

Au demeurant, votre rapporteur concentrera son examen sur un autre élément : il relève que la procédure de décision rapide, liée à l'article 90-3 du Traité, en ce qu'elle bouscule le calendrier et les formes habituelles d'adoption d'une directive, conduit à affecter, en l'occurrence, tant la finalité que l'efficacité de la procédure de résolution.

a) L'article 90-3 : Un processus de consultation rapide

L'avis du Conseil de l'Union européenne n'a été formulé qu'au niveau du comité des représentants permanents, lequel s'est réuni une ultime fois pour délivrer les avis des délégations (faisant office d'avis du Conseil) le mardi 22 mars dernier.

Votre rapporteur se propose ici de détailler le calendrier de la consultation opérée par la Commission :

Le 7 décembre 1993 : présentation informelle au Conseil "Télécommunications" de la proposition de directive par la Commission

Le 24 février 1994 : Réunion d'un groupe de travail Télécom où les délégations expriment, dans les grandes lignes, leurs positions sur la directive.

Le 22 mars 1994 : Ultime réunion d'un Coreper où les positions des délégations sur la directive sont formulées par écrit. Ces lettres, collectées par la Commission, constituent la substance de l'avis du Conseil.

Il faut signaler que ces réunions successives n'ont revêtu qu'un caractère très informel et qu'en tout état de cause, les propositions d'amendement soumises à la Commission n'ont pour elle aucun caractère contraignant.

Ainsi, depuis le 22 mars dernier, le Conseil n'est plus susceptible de délibérer au fond du projet de directive en cause, ni par conséquent le gouvernement d'exprimer, sur le fond ou la forme, son point de vue.

L'avis sera donc très prochainement, officiellement et définitivement entériné par le Conseil de l'Union européenne sans possibilité d'en débattre plus au fond, le sujet figurant en effet en "point A" de l'ordre du jour.

Par ailleurs, les délais requis pour l'adoption d'une proposition de résolution sont tels qu'elle n'aurait pu, en tout état de cause, devenir résolution du Sénat avant le 22 mars dernier, date de l'ultime réunion du COREPER au cours de laquelle le texte de la directive pouvait faire l'objet d'un débat.

b) Le souhait de votre rapporteur de saisir rapidement le gouvernement

Conscient de ce risque d'une procédure communautaire accélérée, pour l'adoption du projet de directive, qui prive la procédure de sa véritable signification, votre rapporteur a, dès le 4 mars dernier, adressé au ministre la lettre suivante :

Monsieur le Ministre,

La proposition d'acte communautaire E 190 relatif au projet de directive de la Commission, modifiant les directives 88/301 CEE et 90/388 CEE concernant les communications par satellite, a fait l'objet, le 11 février dernier au Sénat, d'une proposition de résolution de mon collègue Jacques Oudin, en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Au cours de sa réunion du 22 février dernier, la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat a bien voulu me désigner comme rapporteur de cette proposition de résolution. C'est en cette qualité que je me permets de vous faire part de mes premières observations.

Il semble que sur le fond, à savoir la libéralisation des communications par satellites, ce projet de directive ne suscite pas d'opposition particulière.

Il en va différemment de la procédure à laquelle la Commission a recours pour l'adoption de ce projet. On observe en effet une nouvelle fois que la Commission, en se fondant sur l'article 90-3 du traité de Rome, se reconnaît en quelque sorte un pouvoir normatif autonome sans que le Conseil ni le Parlement soient appelés solennellement à se prononcer sur le sujet. Si dans le cas présent, la Commission a estimé opportun de procéder à la consultation de ces deux institutions, rien toutefois n'en garantit pour l'avenir son renouvellement.

L'objet de la proposition de résolution sénatoriale est précisément de demander que la révision prévue du traité de Rome à l'horizon 1996 soit l'occasion de modifier cet article 90-3 en vue de systématiser une procédure de consultation du Parlement européen et du Conseil.

Au demeurant, le Gouvernement français a déjà eu, dans le passé, l'occasion de contester la présente procédure devant la Cour de Justice des Communautés, celle-ci n'ayant toutefois pas donné une suite positive à la démarche française.

Dans le rapport que je présenterai dès sa prochaine réunion devant notre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, il est dans mes intentions de soutenir sur le fond la proposition de résolution sénatoriale. Celle-ci, je le pense, rejoint les préoccupations du Gouvernement, tendant à prévoir dans le cadre du recours à l'article 90-3 le principe d'une procédure systématique de consultation du Conseil et du Parlement européen selon des modalités à préciser.

Il est toutefois à redouter que, compte tenu des délais et procédures nécessaires pour l'adoption par le Sénat d'une résolution, celle-ci ne puisse intervenir avant que la Commission ait statué définitivement sur le projet de directive en question.

Dès lors, compte tenu de l'imminence probable de l'adoption de la directive, vous serait-il possible de recommander à notre représentant permanent, lors de la prochaine réunion du COREPER où ce sujet sera débattu, de faire mention devant le représentant de la Commission, de la préoccupation réitérée de parlementaires français concernant l'utilisation de l'article 90-3 du traité de Rome ? A tout le moins, ne serait-il pas opportun de demander qu'à l'avenir la procédure de consultation à laquelle la Commission a en l'espèce opportunément recouru revête un caractère systématique ?

Une telle intervention permettrait de prendre date sur un problème important. Elle ne dispensera pas notre commission, et tout au moins son rapporteur, de recommander, dans le cadre de la révision annoncée du traité de Rome, une modification de l'article 90-3 qui permettrait pour l'avenir de lever toute ambiguïté quant à la portée du pouvoir qu `il reconnaît à la Commission.

Telles sont, Monsieur le Ministre, les quelques observations et recommandations dont, compte tenu de l'imminence de la décision qui va être prise à Bruxelles, je me permets de vous faire part dès maintenant en espérant que vous serez en mesure de leur donner une suite favorable.

Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l'expression de ma haute considération.

Michel d'Aillières

Cette lettre avait deux objectifs principaux :

- En premier lieu, témoigner du soutien apporté par votre rapporteur à la finalité de la proposition de notre collègue Jacques Oudin, en ce qu'elle souhaite qu'une modification de l'article 90-3 du Traité de Rome clarifie les pouvoirs de la Commission.

- En second lieu, se prémunir contre le risque d'une procédure accélérée à Bruxelles, qui aboutirait à ce qu'une fois l'avis du Conseil communiqué à la Commission, celle-ci n'ait plus qu'à attendre celui du Parlement européen pour ensuite et très rapidement, adopter définitivement la directive. C'est en l'occurrence le cas puisque, comme votre rapporteur l'a indiqué, le COREPER, à l'heure où le présent rapport est présenté, a achevé de délibérer de la question.

Votre rapporteur estimait donc opportun que notre représentant permanent fasse solennellement état, en réunion de COREPER et en présence du représentant de la Commission, de notre souci de voir le Conseil et le Parlement européen systématiquement associés à l'élaboration de la directive 90-3, afin qu'il en soit officiellement pris acte pour l'avenir. Le Ministre a fait savoir à votre rapporteur que la démarche proposée avait été effectuée le 22 mars dernier.

Par ailleurs, M. le Ministre délégué aux affaires européennes a adressé à votre rapporteur la lettre suivante :

Monsieur le Sénateur,

J'ai bien reçu votre courrier du 4 mars dernier relatif à la proposition d'acte communautaire E 190 et vous en remercie.

J'ai pris connaissance avec intérêt de la proposition de résolution pour laquelle vous avez été désigné rapporteur.

La suggestion d'une modification de l'article 90-3 doit être analysée dans la perspective de la Conférence intergouvernementale de 1996. Les travaux de la Haute Assemblée sur ce sujet seront particulièrement utiles au gouvernement qui sera en mesure d'en faire état dans les instances appropriées.

En ce qui concerne le texte qui sert de support à la réflexion du Sénat, la France a insisté pour que la proposition de modification des directives 88/301 CEE et 90/388 CEE fassent l'objet d'un débat de fond par le Conseil préparé par un travail approfondi du texte.

J'ai veillé à ce que soit ainsi rappelée l'importance de la consultation du Conseil et du Parlement européen en la matière.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Sénateur, l'assurance de ma considération distinguée.

Alain LAMASSOURE

Votre rapporteur se félicite de ce que le Ministre prend acte de notre volonté de voir le gouvernement examiner, dans la perspective de la prochaine conférence intergouvernementale qui aura à modifier certaines dispositions du Traité de Rome, une nouvelle rédaction de son article 90 et spécialement du troisième alinéa. Cet élément constitue donc le principal élément de réponse au problème posé par la présente proposition de résolution.

Il est par ailleurs également pris acte du rôle que notre Haute Assemblée et le Parlement en général pourront tenir afin de suivre au plus près l'évolution de cette question dans les mois à venir. Aussi bien la question de la modification de certaines dispositions du Traité de Rome, dont celles de l'article 90-3 tiendra-t-elle dans les prochains débats parlementaires sur l'Union européenne une place essentielle.

Au demeurant, à la prochaine occasion, en l'occurrence l'audition par votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, de M. le ministre délégué, votre rapporteur ne manquera pas de solliciter du ministre des précisions complémentaires.

CONCLUSION

Ainsi votre rapporteur s'est-il efforcé, dans les délais très brefs qui lui étaient ouverts, de répondre à la préoccupation exprimée par l'auteur de la proposition de résolution ; il se félicite par ailleurs qu'à la suite du courrier qu'il avait adressé à M. le ministre délégué, il ait été possible à notre représentant permanent de prendre acte solennellement devant le représentant de la Commission du souci manifesté par les sénateurs de voir systématiser la procédure de consultation du Conseil et du Parlement européen en cas d'application de l'article 90-3.

Ces résultats étant acquis, la présente proposition de résolution ne semble plus, pour des raisons de procédure qu'il a expliquées, en mesure de contribuer à modifier utilement un processus de consultation d'ores et déjà considéré comme achevé par la Commission des Communautés. La présente proposition de résolution n'étant ainsi plus en mesure de peser sur le processus de décision communautaire, votre rapporteur ne peut dans ces conditions que recommander à la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées de ne pas lui donner de suite, tout en soulignant l'importance du sujet qu'elle a contribué à mettre en lumière.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a examiné le présent rapport au cours de sa séance du mercredi 6 avril 1994.

Après l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin, président, s'est interrogé sur l'adaptation de la procédure de l'article 88-4 de la Constitution aux objectifs poursuivis ainsi que sur le calendrier prévu pour la réforme des institutions européennes.

M. Michel d'Aillières, rapporteur, a rappelé que le traité de Maastricht avait prévu, pour 1996, la réunion d'une conférence inter-gouvernementale sur la réforme des institutions ; il a relevé par ailleurs l'importance du rôle des parlements nationaux dans le processus d'élaboration des projets d'actes communautaires du fait précisément de l'article 88-4 de la Constitution.

M. Jacques Genton, après avoir souligné la complexité des inter-actions entre les différentes instances parties au processus décisionnel communautaire, a relevé l'intérêt que présentait tant pour le Parlement que pour le Gouvernement la procédure de l'article 88-4.

Enfin, répondant à M. Michel Crucis , le rapporteur a indiqué que, pour les propositions de résolution au sens de l'article 88-4, chaque assemblée agissait indépendamment l'une de l'autre.

La commission a enfin adopté les conclusions présentées par le rapporteur et a décidé de ne pas donner suite à la présente proposition de résolution.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

Vu le projet de directive de la Commission modifiant les directives 88/301/CEE et 90/388/CEE en ce qui concerne les communications par satellites,

Considérant que la Commission s'apprête, pour la troisième fois dans le secteur des télécommunications, à adopter seule, en vertu de l'article 90-3 du Traité de Rome, un projet de directive dont les conséquences sont importantes,

Considérant que l'interprétation faite par la Commission et la Cour de justice de l'article 90-3 du Traité transforme un pouvoir de surveillance en un véritable pouvoir normatif et porte ainsi atteinte au fonctionnement démocratique de l'Union européenne,

- demande au Gouvernement de tout mettre en oeuvre pour qu'une réforme de l'article 90-3 du Traité de Rome intervienne lors de la révision institutionnelle de 1996 afin que le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne soient systématiquement associés au processus décisionnel.

* (1) On rappellera cependant que, tant la Direction générale des Postes et Télécommunications que la Société France-Télécom, ont manifesté le souhait que certains éléments de la directive fassent l'objet d'aménagements ou de clarification rédactionnelle

* (1) Rapport Sénat n° 6 (1993-1994) : rapport d'information fait au nom de la délégation du Sénat pour les Communautés européennes sur l'Europe et les services publics.

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