B. LES FINANCES SOCIALES

1. Des prévisions de déficits aggravées

Les comptes définitifs du régime général pour 1994 présentés dans le rapport de la Commission des comptes du mois d'octobre 1995 font apparaître un solde négatif global un peu moindre que celui affiché par les comptes provisoires présentés dans le rapport de juillet 1995 : -54,8 milliards de francs contre -55,9 milliards de francs. La différence concerne essentiellement la branche famille, dont le déficit pour 1994 est réduit d'environ 1,1 milliard de francs.

En revanche, le nouveau compte prévisionnel pour 1995 fait apparaître un déficit global aggravé d'environ 2,5 milliards de francs par rapport à la prévision présentée en juillet : -64,5 milliards de francs contre -62 milliards de francs. Avec un déficit de -36,6 milliards de francs, la branche maladie représente plus de la moitié du déficit global du régime général. La différence entre les prévisions d'octobre et celles de juillet s'explique par la révision à la baisse des recettes, à concurrence de 2,5 milliards de francs : alors que la masse salariale devrait s'accroître de + 5,1 % en 1995, l'assiette déplafonnée des cotisations sociales ne progresserait que de + 4,6 %, en raison d'un "effet de structure" lié aux exonérations de cotisations.

Pour 1996, le nouveau compte prévisionnel d'octobre retient un déficit global de -60,5 milliards de francs, s'inscrivant dans la fourchette de -56,5 à 63,2 milliards présentée en juillet. Les dépenses prévisionnelles de la branche famille ne prévoient pas la reconduction de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, décidée en 1993, puis prorogée en 1994 et 1995, ce qui explique leur évolution modérée (+ 1,4 % en 1996 contre + 4,3 % en 1995). Le rythme de croissance des dépenses de la branche vieillesse amorcerait une lente décélération, en raison de l'amplification des effets de la réforme des retraites de 1993 (+ 5,3 % en 1996 contre + 5,0% en 1995). Les dépenses de santé retrouveraient leur rythme modéré de 1994, permettant aux dépenses de la branche maladie de progresser moins vivement, en dépit d'un alourdissement des charges de transferts de compensation (+ 3,9 % en 1996 contre + 4,9 % en 1995).

La nouvelle prévision intègre les conséquences de toutes les décisions gouvernementales déjà rendues publiques, notamment celles concernant le taux directeur d'évolution des budgets hospitaliers, fixé à + 2,1%, et la majoration du forfait hospitalier, relevé de 55 à 70 francs. En revanche, elle n'anticipe la mise en oeuvre d'aucune des mesures qui devraient être annoncées à la fin de 1995.

En ce qui concerne les autres régimes, les prévisions de la Commission des comptes de la sécurité sociale sont également préoccupantes. Elles font apparaître en 1996 une détérioration du solde des opérations courantes de la quasi totalité d'entre eux.

L'amélioration, toute relative, du solde de la CNRACL en 1995 et 1996 résulte du relèvement de 3,8 points du taux de la cotisation employeur intervenu au 1er janvier 1995.

L'amélioration, tout aussi relative, des soldes de la CANAM, de l'ORGANIC et de la CANCAVA résulte de l'élargissement du taux et de l'assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés réalisé par la loi de finances rectificative pour 1995 du 4 août dernier.

2. Une progression sensible des concours de l'État à la sécurité sociale

En 1996, les concours financiers de l'État aux régimes de sécurité sociale s'élèveront à 187,7 milliards de francs, soit une augmentation de 11,2% par rapport à 1995 (crédits ouverts en loi de finances initiale, modifiés en loi de finances rectificative).

La diminution de la subvention d'équilibre au régime des exploitants agricoles explique à elle seule la baisse de - 6,3 % de l'ensemble des subventions d'équilibre aux régimes de sécurité sociale. Elle est rendue possible par la mesure d'extension des attributions du FSV aux majorations de pensions pour enfants des exploitants agricoles votée en première lecture par l'Assemblée nationale (article 17 bis nouveau) : les transferts de compensation dont bénéficie le BAPSA s'en trouveront accrus de 1,9 milliard de francs, et la subvention d'équilibre de 1' État diminuée d'autant.

Toutefois, en volume, ce sont les compensations d'exonérations de cotisations sociales qui expliquent l'essentiel de l'augmentation des concours de l'État à la sécurité sociale : les remboursements dus à ce titre s'accroissent de 19,4 milliards de francs par rapport à 1995, pour atteindre 52,8 milliards de francs.

Cette forte hausse, de 58,2 %, résulte de la création de deux exonérations nouvelles par la loi du 4 août 1995 relative aux mesures d'urgence pour l'emploi : le Contrat initiative emploi (CIE), auquel est attachée une exonération totale des cotisations patronales, et la ristourne dégressive de 800 francs par mois pour les salaires inférieurs à 1,2 fois le SMIC, qui sera fusionnée à compter du 1er juillet 1996 avec l'abattement sur les cotisations d'allocations familiales.

La dégradation de la situation financière des régimes de sécurité sociale va ainsi de pair avec une progression sensible des concours de l'État à leur financement. Dans les années à venir, la réduction du déficit budgétaire pourra difficilement être acquise sans un rétablissement parallèle des comptes sociaux.

3. Le plan du gouvernement pour réformer la protection sociale

a) Un préalable : le cantonnement de la dette sociale

Le régime général de sécurité sociale est entré depuis 1991 dans une spirale d'endettement que n'a pas interrompu la reprise de sa dette par l'État à la fin de 1993, à hauteur de 110 milliards de francs. Faute d'un retour à l'équilibre financier en gestion, les déficits de trésorerie ont continué de se creuser et devraient atteindre de nouveau en cumulé 120 milliards de francs à la fin de cette année.

Les charges d'intérêt s'accroissent en conséquence : d'un montant de 4,5 milliards de francs en 1995, elles s'élèveraient à 8,2 milliards de francs en 1996. Ce poids croissant de la dette fait obstacle à toute tentative de rétablissement financier de la sécurité sociale.

Préalablement à toute mesure nouvelle, le plan de réforme de la protection sociale présenté par le Premier ministre le 15 novembre 1995 propose une opération de cantonnement de la dette passée de la sécurité sociale.

Une caisse d'amortissement de la dette sociale prendra à sa charge la dette cumulée du régime général depuis 1992, soit 230 milliards de francs, son déficit prévisionnel pour 1996, soit 17 milliards de francs, et le déficit de la Caisse autonome nationale d'assurance maladie, soit 3 milliards de francs. La caisse devra donc amortir au total 250 milliards de francs, en principal.

En conséquence, le fonds de solidarité vieillesse n'aura plus à contribuer au remboursement de la dette du régime général reprise par l'État en 1993, qui sera transférée à la nouvelle caisse d'amortissement. Le FSV pourra ainsi se recentrer entièrement sur ses missions de financement des prestations de retraite non contributives et, à compter de 1997, de la prestation d'autonomie en faveur des personnes âgées dépendantes. Jusqu'à présent, les versements du FSV à l'État au titre du remboursement de la dette du régime général ont absorbé un peu plus de 10 % de ses ressources.

La caisse d'amortissement de la dette sociale sera alimentée par le produit des cessions immobilières des caisses, par le remboursement des créances de soins de santé détenues par la France sur les pays étrangers et surtout par une contribution exceptionnelle au Remboursement de la Dette Sociale.

Avec une assiette plus large que celle de la CSG et un taux de 0,5 %, ce RDS rapportera annuellement 25 milliards de francs, ce qui devrait suffire pour rembourser sur 13 ans le capital et les intérêts de la dette sociale.

b) Les réformes structurelles

Le plan de réforme du gouvernement ouvre des voies de réformes structurelles extrêmement ambitieuses :

- révision constitutionnelle, qui permettra au Parlement de se prononcer par un vote annuel sur l'équilibre prévisionnel des recettes et des dépenses des régimes de base de sécurité sociale ;

- réforme institutionnelle des caisses nationales de sécurité sociale, dont les conseils d'administration seront élargis et doublés de comités de surveillance auxquels participeront des parlementaires ;

- institution d'un régime universel d'assurance maladie ;

- réforme de l'hôpital (régionalisation du financement sur la base de contrats d'objectifs avec les établissements, évaluation des services hospitaliers par une agence indépendante, coordination au plan local entre l'hospitalisation publique et l'hospitalisation privée) ;

- renforcement de la maîtrise médicalisée des dépenses de médecine de ville (ajustement automatique des rémunérations des médecins en fonctions du respect des objectifs, développement d'outils de bonne pratique médicale) ;

- rationalisation des prestations familiales, qui deviendront imposables en contrepartie d'un aménagement du quotient familial ;

- redéfinition des conditions d'équilibre des régimes spéciaux de retraite ;

- création d'une caisse autonome des fonctionnaires distincte du budget de l'État ;

- réforme du financement de la protection sociale dans un sens moins défavorable à l'emploi.

L'ensemble de ces réformes de structure devrait créer à moyen terme les conditions durables d'une maîtrise des évolutions financières du système de protection sociale.

A court terme, le gouvernement prévoit de réduire dès 1996 le déficit prévisionnel du régime général (hors charges d'intérêts, puisque la dette aura été préalablement transférée) de - 53,3 milliards de francs à - 16 milliards de francs.

Cette réduction du déficit de 36,6 milliards de francs sera acquise grâce à 27,1 milliards de francs d'économies et de mesures de gestion et à 9,6 milliards de francs de prélèvements nouveaux (2,5 milliards au titre d'une contribution de 6 % des entreprises sur les primes d'assurance de groupe et 7,1 milliards de francs au titre d'un relèvement de 1,2 point des cotisations d'assurance maladie sur les revenus de transferts).

Le régime général devrait retrouver une situation légèrement excédentaire en 1997, avec un solde des opérations courantes positif de 3 milliards de francs.

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