II. QUELLE STRATÉGIE POUR LE PARLEMENT ?

Le succès d'une politique de maîtrise des déficits publics exige une action déterminée sur les dépenses. Mais ces dépenses ne sont pas si facilement ajustables, comme en témoignent les développements qui précèdent. Le parallèle souvent établi entre une entreprise qui sait "tailler dans les dépenses" pour rétablir sa compétitivité et un État qui n'y parvient qu'à grand peine, n'est guère convaincant.

Toutefois cette rigidité des dépenses publiques ne saurait ni conduire à accepter le statu quo ni à se satisfaire de mesures ponctuelles.

Elle nous enseigne toutefois qu'une politique d'économies ne peut faire l'économie d'une politique.

Cette politique nouvelle doit dégager des orientations claires, faisant l'objet d'un consensus "à l'allemande". Elle impose une redéfinition des compétences entre les grands acteurs du jeu économique (Europe, collectivités locales, régimes sociaux, initiative privée). Elle suppose une meilleure efficacité des "grandes machines" que sont l'Éducation nationale ou le système de santé. Il ne sera pas longtemps supportable que l'effort collectif en matière d'enseignement ou de soins ait un rapport performances/coût inférieur à celui de nos grands partenaires, même si les statistiques comparées sont à interpréter avec précaution. Elle implique des mutations en termes de revenus distribués, d'emploi et d'aménagement du territoire, dont les conséquences sont potentiellement considérables. Elle appelle une méthode adaptée qui tienne compte des inerties inévitables et qui se situe dans une perspective temporelle suffisamment longue.

Elle devrait enfin rendre caduques les procédures détestables de la régulation budgétaire qui, soit rend les responsables de services incapables de gérer convenablement leurs dotations, soit les conduit à prendre des libertés avec les exigences formelles de la comptabilité budgétaire.

A. LA RECHERCHE D'ÉCONOMIES SUPPOSE UNE RÉFLEXION PRÉALABLE SUR LES MISSIONS ET LE FONCTIONNEMENT DE L'ÉTAT

Comme nous l'avons observé dans le chapitre premier, l'État est tenu d'intervenir massivement en direction des collectivités locales, des régimes sociaux, de l'Europe et des entreprises du secteur public. Le rapport Picq (l'État en France -Servir une Nation ouverte sur le monde -mai 1994) en tire une conséquence que votre rapporteur général ne peut que partager.

"L'État doit distinguer les domaines respectifs de l'initiative privée et de l'intervention publique. Il doit surtout clarifier la répartition des compétences entre les différentes collectivités publiques (collectivités locales, État, Union européenne). "

Cette affirmation est partagée par les rédacteurs de l'ouvrage "La France de l'an 2000", plus communément appelé "Rapport Mine" qui écrivent "Une double tension doit donc présider au redéploiement de l'État : le restaurer dans sa vocation, le soumettre au principe d'efficacité".

Optimiser la dépense publique

"Cela implique naturellement que l'État sache mieux distinguer l'essentiel de l'accessoire... Cette capacité dépend à l'évidence de sa faculté de programmation budgétaire à moyen terme, qui ne peut elle-même s'effectuer de manière cohérente et claire que si des choix politiques ambitieux permettent d'opérer un redéploiement des grandes masses financières... Le desserrement de la contrainte financière, seul à même de permettre à l'État de remplir ses grandes fonctions collectives, est à ce prix. " (rapport Minc)

L'examen du projet de loi de finances pour 1996 conduit à penser que la mise en oeuvre de ces orientations n'est pas particulièrement aisée. A titre d'illustration, il est possible de rendre compte de cette difficulté en analysant sommairement deux dossiers.

1. Le budget de la culture

Le rapport Picq remet en question le rôle central de l'État en matière de culture.

"Mais doit-il garder le rôle central, qu'il a aujourd'hui ? Si les collectivités locales ont considérablement accru leurs dépenses culturelles depuis vingt ans (elles consacrent aujourd'hui à la culture entre deux et trois fois plus d'argent que l'État), l'État demeure le "grand maître des cérémonies" : il définit les règles applicables, mais il est aussi le principal opérateur artistique ; il est enfin le banquier de beaucoup d'activités dans ce domaine. Les excès de ce tout-État culturel ont été souvent dénoncés. Leur conséquence est connue : développement d'un art officiel et liste d'abonnés" aux subventions de l'État. C'est pourquoi le comité considère que les responsabilités culturelles de l'État doivent être beaucoup mieux hiérarchisées et ses modalités d'intervention profondément revues. "

Les débats de l'Assemblée nationale consacrés à l'examen du budget de la culture semblent démontrer que cette remise en cause du "tout État" est une oeuvre de longue haleine que l'affichage d'un objectif de "1%" du budget, malgré quelques acrobaties budgétaires, ne viendra pas accélérer.

2. La fonction publique

Le rapport Picq met fortement en évidence que l'État ne connaît pas le nombre de ses fonctionnaires et qu'il n'est pas doté d'instruments de gestion prévisionnelle des effectifs. Il estime toutefois que le statut de la fonction publique n'est pas fondamentalement incompatible avec une modernisation des structures et des comportements. Le rapport Minc est plus cinglant. Il estime que "la fonction publique a le choix entre évoluer aujourd'hui avec intelligence ou subir demain un séisme statutaire".

Malgré quelques initiatives intéressantes, l'évolution des effectifs n'est pas encore maîtrisée (3.557 créations nettes d'emplois en 1996, y compris les appelés) et nous en sommes restés plus au stade de l'analyse qu'à celui des propositions. L'excellent rapporteur spécial de l'Assemblée nationale, M. Charles de Courson, note en effet dans son rapport qu'"il lui semble que toutes les administrations devraient être appelées à se livrer à un examen très approfondi des missions dévolues aux services compte tenu, notamment, des décentralisations intervenues et des changements introduits par l'Union européenne et qu'elles devraient en outre étudier toutes les possibilités de réorganisation de structures pour les adapter aux évolutions démographiques, mais aussi aux évolutions des techniques et des modes de gestion. Ainsi, il deviendrait possible de supprimer les structures faisant double emploi et de rationaliser les dispositifs d'intervention redondants.

De surcroît, une norme de réduction des emplois calquée sur les gains de productivité générés dans les entreprises privées par l'utilisation de l'informatique (de l'ordre de 0,8 % par an) pourrait être transposée aux administrations publiques ».

Sur la base du flux de départs en retraite observé en 1994 et du coût moyen d'un agent évalué sur la même année, l'économie budgétaire en année pleine qui résulterait du non remplacement d'un départ à la retraite sur trois peut être estimé à 2,8 milliards de francs (charges patronales comprises) pour l'ensemble des budgets civils et militaires (hors budgets annexes).

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