II. LE CADRE ÉVOLUTIF DU BUDGET DE L'ÉTAT

A. DES RELATIONS MULTIPLES ENTRE LES ACTEURS PUBLICS

L'analyse des débats tenus à l'Assemblée nationale, comme celle des articles parus dans la presse, illustre la difficulté d'un exercice limité au seul examen des fascicules budgétaires.

Le financement croissant des dépenses sociales sur fonds budgétaires ne permet plus d'isoler l'analyse de la loi de finances de celle des régimes sociaux. Par voie de conséquence, le débat sur les prélèvements obligatoires prend le pas sur l'analyse traditionnelle des recettes budgétaires.

Les relations croisées, sans cesse plus complexes et plus serrées, entre l'État et les collectivités locales interdit de se borner à une étude qui ferait abstraction des débats récurrents sur l'autonomie, les charges indues et les dépenses nécessairement orientées à la hausse de ces collectivités territoriales.

La situation des entreprises publiques vient également obscurcir cette situation. Les privatisations créent des ressources immédiates mais tarissent les flux de dividendes. Les "canards boiteux" consomment des subventions qui n'ont peut être pas atteint leur apogée. Les catastrophes du Crédit Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs viennent grever les finances publiques de charges qu'il faut bien qualifier de considérables. La discussion du projet de loi de finances est rendue plus profuse et plus diffuse.

Quelques chiffres permettent de rendre compte, fût-ce imparfaitement, de ce "puzzle public", qui contribue à étendre toujours plus loin les limites de l'exercice budgétaire.

B. UN ENGAGEMENT CROISSANT DE L'ETAT

1. Les régimes sociaux

Le premier rapport annuel au Parlement sur la sécurité sociale, établi par la Cour des comptes, permet de rendre compte des contributions publiques aux régimes sociaux.

Le tableau ci-dessous est particulièrement éclairant. Il met en évidence une croissance de 50 % en 3 ans des contributions publiques et des impôts et taxes affectés.

Ce tableau, que la Cour des comptes estime encore incomplet 3 ( * ) illustre la pluralité des actions de l'État qui :

- subventionne directement certains régimes (BAPSA, mines,...),

- prend en charge des prestations autrefois assurées par les régimes de base (allocation adultes handicapés),

- compense des exonérations de cotisations,

- attribue le produit d'impôts (cotisation TVA pour le BAPSA) ou affecte certaines taxes (contribution sociale de solidarité des sociétés).

Ce tableau permet enfin de mettre en évidence le caractère incomplet des données strictement budgétaires qui évaluent à 126 milliards de francs les concours de l'État aux régimes sociaux en 1994.

2. Les collectivités locales

Les concours de l'État, pour des raisons multiples faisant l'objet d'interprétations contrastées, se sont accrus de 30 % entre 1989 et 1994. Si l'on compare les prévisions pour 1996 aux réalisations pour 1989, le taux de croissance dépasse 36 %.

Évolution des concours de l'État aux collectivités locales (en exécution)

3. Les entreprises publiques

Les relations entre l'État et ses entreprises publiques sont également fortement entrecroisées. L'État perçoit des produits de ses participations, verse des subventions diverses et apporte des dotations en capital qui lui procurent des recettes d'intérêt. Il cède en tout ou partie certaines de ses participations (privatisations).

Pour 1996, les données principales sont les suivantes :

Si l'on ne considère que les dotations en capital, qui correspondent assez souvent à des appels en provenance d'entreprises en difficulté, on peut mettre en évidence une accélération certaine.

En effet, si ces dotations cumulées ont atteint 59 milliards de francs de 1989 à 1994 (sur 6 ans), elles devraient s'établir à 31 milliards pour les seuls exercices 95 et 96. Des opérations lourdes comme Air France (20 milliards de francs) et le Crédit Lyonnais (7,5 milliards de francs), expliquent cette accélération que l'on peut juger inquiétante.

Elle se cumule en effet avec une détérioration sensible des dividendes perçus par l'État actionnaire. Au titre de ses participations dans des entreprises financières, l'État recevait 9,4 milliards de francs en 1990 contre 3 milliards en 1995 (estimation). Au titre des entreprises non financières (hors France Telecom), les produits sont restés plus stables : ils ont décru de 4,4 à 3,5 milliards de francs. La poursuite des privatisations et la situation du secteur banques-assurances expliquent cette évolution.

La Caisse des dépôts et la Française des jeux demeurent, fort opportunément pour l'État, de gros contributeurs.

4. La contribution au budget communautaire

Les prélèvements sur recettes au profit des Communautés européennes devraient atteindre 89 milliards de francs en 1996 contre 83 milliards de francs en 1995. Ils renouent ainsi avec la forte croissance qui les caractérise sur longue période. Les versements effectués ont dépassé 30 milliards de francs en 1984, 40 milliards de francs en 1986, 50 milliards de francs en 1988, 80 milliards en 1992 et 90 milliards de francs en 1994.

Quels que soient les "retours" qui apparaissent sous des formes diverses (fonds de concours, crédits budgétaires, versements directs hors budget), une fraction croissante du budget est ainsi consacrée au financement des politiques communautaires.

* 3 Ce tableau ne retrace pas l'intégralité des versements financiers de l'Etat aux régimes : ne sont pas pris en compte dans ce total les versements de l'Etat au titre du RMI, de l'allocation du fonds spécial d'invalidité et des aides personnelles au logement. Pour les deux premières, il s'agit de prestations dont le Parlement a confié la gestion aux organismes de sécurité sociale pour le compte de l'Etat ; pour les troisièmes il s'agit d'un financement partagé avec le régime général. Ces allocations ne relèvent pas du code de la sécurité sociale et, à ce titre, ne figurent pas dans les comptes des organismes. La différence de traitement entre les deux catégories de prestations s'explique essentiellement par des raisons historiques : prestations assurées à l'origine par les régimes de base puis prises en charge par l'Etat comme l'AAH, prestations récentes créées par l'Etat dont la gestion est confiée aux CAF, comme le RMI.

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