CHAPITRE II - LA DETTE PUBLIQUE

Le projet de budget pour 1996 est caractérisé par une nouvelle progression de la charge de la dette qui atteint 243,3 milliards de francs, en augmentation de 12,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1995 et de 4,5 % par rapport au collectif du mois d'août.

Par ailleurs à la fin de 1996, l'encours total de la dette publique pourrait dépasser 3 400 milliards de francs et franchir le seuil de 43 % du PIB.

Ainsi, depuis 1981, le montant de la dette publique aura été multiplié par près de sept et la charge de la dette aura quintuplé.

La rapidité de cette évolution est préoccupante. Elle est, en outre, aggravée par le fait que, depuis 1989, elle résulte d'un phénomène d'auto alimentation de la dette : ce n'est plus seulement le déficit budgétaire qui alimente la charge de la dette, mais la charge de la dette qui créé le déficit.

De fait, le montant important des déficits budgétaires constatés à partir de 1991, et le niveau élevé des taux d'intérêt réels, ont entraîné une brusque accélération de la progression de la charge de la dette.

En 1996, malgré l'effort de réduction du déficit budgétaire d'un peu plus de 30 milliards de francs, les besoins de financement du Trésor restent élevés. En effet, l'État doit encore emprunter pour payer les intérêts de sa dette.

Néanmoins, il apparaît possible aujourd'hui d'envisager le respect, à moyen terme, des critères du traité sur l'Union économique et monétaire à la fois en termes de dette et de déficit publics.

I. L'ENCOURS DE LA DETTE

Trois évolutions majeures sont intervenues au cours des années 80 et se poursuivent aujourd'hui :


• l'augmentation sans précédent de l'endettement de l'État, passé de 500 à plus de 3 000 milliards de francs,


• une recomposition de la structure de la dette,


• une modernisation de la gestion de la dette publique.

A. LA PROGRESSION DE L'ENCOURS DE LA DETTE PUBLIQUE

1. L'évolution du stock de la dette au cours des années récentes

L'encours de la dette publique a atteint 2 904,5 milliards de francs au 31 décembre 1994, soit 39,4 % du PIB.

Le tableau ci-après retrace l'évolution des principaux éléments concourant à l'analyse de la "dynamique de la dette".

Ainsi, depuis 1981 :

ï l'encours de la dette publique a été multiplié par près de sept, passant de 500 à plus de 3 400 milliards de francs.

ï sa part au sein du PIB est passée d'un peu plus de 15 % à environ 43 %.

Chaque année, le taux de croissance de la dette a été nettement supérieur à celui du PIB, ce qui a eu pour conséquence une progression rapide de la part de la dette dans le PIB.

En effet, le montant important des déficits budgétaires à financer tout au long de la période, ainsi que le niveau élevé des taux d'intérêt réels, en particulier au début des années 90, qui ont gravement alourdi le coût de la dette, ont créé un phénomène nouveau d'auto alimentation de la dette.

Or, jusqu'au début des années 80, la dette publique croissait moins vite que le PIB.

Aujourd'hui, pour stabiliser la part de l'endettement public au sein du PIB, les calculs effectués montrent qu'il faudrait dégager un solde primaire du budget positif (c'est-à-dire un excédent budgétaire hors charge de la dette) de l'ordre de 60 milliards de francs.

Le poison de la dette

- Une dynamique redoutable

La dette publique recèle une redoutable dynamique. L'accroissement du pourcentage de la dette publique dans le PIB combiné à des taux d'intérêt nominaux supérieurs au taux de croissance du PIB engendrent une croissance des dépenses d'intérêt sensiblement plus vive que celle du PIB. Dans cette situation, la dérive des charges d'intérêt entraîne en elle-même une progression des dépenses publiques plus rapide que celle du PIB.

Or, une telle évolution n'est pas souhaitable car elle se traduit soit par un accroissement du déficit qui lui-même engendre spontanément une dérive des dépenses publiques, soit par une hausse des prélèvements obligatoires.

- L'effet d'éviction sur les dépenses publiques.

Une seule solution s'impose alors qui est de modérer l'évolution des dépenses publiques autres que les dépenses d'intérêt.

Cet impératif est d'ailleurs l'un des premiers poisons de la dette publique : son effet d'éviction sur les autres dépenses publiques.

La part des dépenses consacrées par les administrations publiques au paiement des charges d'intérêt a plus que doublé entre 1980 et 1994.

Pour l'État, ses dépenses d'intérêt ont fait plus que doubler entre 1987 et 1994 et leur part dans le total des dépenses a connu une évolution du même ordre.

La stabilisation du pourcentage de la dette publique dans le PIB suppose que le déficit des administrations publiques conduise à une progression de la dette publique strictement parallèle à celle du PIB.

Si les taux d'intérêt nominaux sont supérieurs au taux de croissance du PIB, les dépenses d'intérêt croissent davantage que ce dernier. Dans cette situation, le seul équilibre du solde des recettes et des dépenses hors intérêts, c'est-à-dire du solde primaire, s'accompagne d'un déficit public égal au montant des intérêts qui provoque une croissance du ratio dette publique/PIB égale au différentiel entre le taux d'intérêt de la dette et le taux de croissance du PIB. Cette hausse ne peut être évitée que si le solde primaire est excédentaire d'un même montant.

Ceci implique -à recettes inchangées- que les dépenses publiques soient strictement maîtrisées.

Comment stabiliser la dette de l'État par rapport au PIB ?

Moyennant une dette de l'État de 3 211 milliards en 1995 et un coût de la dette de 7,05 % (charges d'intérêt/montant de la dette), la stabilisation du ratio dette de l'État/PIB en 1996 supposerait, compte tenu d'un taux de croissance de 2,8 %, que le déficit de l'État n'excède pas un montant de l'ordre de 160 milliards de francs.

Comme les charges d'intérêt s'élèvent à 226,4 milliards de francs, il conviendrait de dégager un excédent primaire de 66,4 milliards de francs.

Ce chiffre est à comparer avec le déficit primaire de la loi de finances qui est égal à 63,7 milliards de francs.

En conséquence, à recettes inchangées, l'effort d'économies sur les dépenses de l'État requis par une stabilisation de la part de la dette de l'État dans le PIB à son niveau de 1995 -41,4 %- s'élève ainsi à quelques 130 milliards de francs.

Source : Rapport général sur le projet de loi de finances pour 1996 par M. Alain Lambert n° 77 (1995-1996), tome 1 "Le budget de 1996 et son contexte économique et financier".

Le projet de loi de finances pour 1996 est encore loin d'une telle stabilisation puisque le solde primaire qui résulte de l'équilibre qu'il propose s'établit à -63,3 milliards de francs. Ce montant est néanmoins inférieur de moitié à celui de la loi de finances pour 1995, soit -112,4 milliards de francs.

On observera qu'en 1989, 1990 et 1991, hors charge de la dette, l e budget de l'État affichait un solde excédentaire, notamment grâce à la politique menée entre 1986 et 1990 pour réduire le montant du déficit budgétaire.

Celui-ci était en effet passé de 153,3 milliards de francs en gestion en 1985, soit 3,3 % du PIB, à 93,1 milliards de francs en 1990, soit 1,4 % du PIB.

Par la suite, le ralentissement de la conjoncture, le maintien de taux d'intérêt réels à un niveau très élevé, ainsi que, surtout, le dérapage des déficits à partir de 1991, ont rendu impossible tout effort de stabilisation du poids de la dette.

En outre, deux décisions ont contribué à accroître le stock de la dette :

. la suppression de la règle du décalage d'un mois de la TVA, à compter du 1er juillet 1993, pour un montant de 83 milliards de francs,

. la reprise par l'État de la dette de l'ACOSS à l'égard de la Caisse des dépôts et consignations, à hauteur de 110 milliards de francs.

Dans le premier cas, les titres de créances ont été inscrits dans le stock de la dette non négociable, leur taux d'intérêt, défini par arrêter, étant au maximum de 4,5 %. La dette de l'ACOSS, reprise par l'État figure dans le stock de la dette négociable.

En raison de ces décisions et de la situation budgétaire, le stock de la dette a progressé très fortement en 1994, de 17,4 % Il devrait à nouveau augmenter en 1995, d'environ 10 % et de près de 9 % en 1996.

L'encours de la dette de l'État atteindrait ainsi à la fin de 1996 un peu plus de 3 400 milliards de francs, soit environ 43 % du PIB.

2. Le respect des impératifs de convergence européens

Depuis la fin des années quatre-vingts, la plupart des pays industrialises ont accumulé des déficits publics importants qui avec le ralentissement de la croissance, ont entraîné un accroissement significatif des dettes publiques.

Or, la vigilance des marchés, qui portent une appréciation de plus en plus sévère sur la capacité des gouvernements à maîtriser ou non les déficits, impose des politiques budgétaires rigoureuses, également justifiées par les risques de hausse des taux et d'effet d'éviction que le poids des dettes publiques crée inévitablement au détriment de l'investissement et de l'emploi.

On rappellera que la France connaissait, en 1989, un besoin de financement des administrations publiques de 1,2 % du PIB et un endettement de 34,4 % du PIB, soit l'une des meilleures positions de la Communauté européenne, pour laquelle ces chiffres atteignaient, en moyenne, 4 % et 55,6 %. Cinq ans plus tard, en 1994, la France avait un déficit budgétaire multiplié par trois, un besoin de financement de 6 % du PIB et un endettement public s'élevant à 48,5 % du PIB (2 ( * )) .

a) Les impératifs de convergence européens

En adoptant par référendum le traité de Maastricht au mois de septembre 1992, le peuple français a choisi la voie de la réduction des déficits.

En effet, aux termes de ce traité, pour participer à l'Union économique et monétaire, les économies des États membres doivent respecter cinq critères de convergence, dont deux en matière de finances publiques : un déficit public inférieur à 3 % du PIB et un endettement inférieur à 60 % du PIB.

Or, actuellement, deux pays seulement de l'Union européenne respectent ces deux critères : l'Allemagne et le Luxembourg. Deux pays -dont la France- respectent le critère "dette publique" et deux autres pays respectent le critère "déficit public".

La France n'est donc pas dans une situation plus mauvaise que la majorité des autres États membres de l'Union européenne.

Toutefois, la rapidité de la progression de la dette publique française est inquiétante. Celle-ci pourrait même rapidement dépasser le seuil de 60 % du PIB en raison de l'effet "boule de neige", mécanisme aujourd'hui bien connu d'une dette qui s'accroît d'elle-même, par le poids de la charge des intérêts, du simple fait de l'écart entre les taux d'intérêt et le taux de croissance.

Situation des États membres de l'Union européenne au regard du respect des critères de convergence en matière de finances publiques

Source : Perspectives économiques de l'OCDE, juin 1995. Pour 1995, les chiffres sont prévisionnels.

La maîtrise de la progression de la dette publique, en cours dans la plupart des pays membres de l'Union européenne, où l'on constate une stabilisation, voire une réduction de part de la dette dans le PIB, est donc indispensable. Or, cette maîtrise passe nécessairement par une réduction des déficits.

Il s'agit d'ailleurs bien de la priorité du gouvernement, énoncée à travers "la règle des 5-4-3" , c'est-à-dire l'objectif d'un niveau de déficits publics égal à 5% du PIB en 1995, 4 % en 1996 et 3% en 1997.On observera que compte tenu de l'importance de l'effort à accomplir , ce cheminement retarde d'une année l'objectif inscrit dans le traité de Maastricht et précédemment adopté dans la loi du 24 janvier 1994 d'orientation quinquennale relative à la maîtrise des finances publiques, soit un déficit public égal à 3 % du PIB en 1996.

L'effort à accomplir est important puisqu'à la fin de 1994, le besoin de financement de l'ensemble des administrations publiques (État et administrations publiques centrales, administrations locales et administrations de sécurité sociale) est encore de 442,1 milliards de francs, soit 6 % du PIB, en retrait d'à peine 0,1 point de PIB par rapport à 1993.

Besoin de financement des administrations publiques

(*) Y compris Fonds de stabilisation des changes Source : Comptes nationaux 1994, INSEE.

b) Le cadre fixé pour le budget de l'État

La loi d'orientation quinquennale de maîtrise des finances publiques du 18 janvier 1994 a fixé le cadre de la stratégie de maîtrise des déficits pour l'État.

La loi du 18 janvier 1994 relative à la maîtrise des finances publiques

Adoptée au lendemain de la loi de finances pour 1995, la loi relative à la maîtrise des finances publiques s'appuyait sur la nécessité de retrouver des marges de manoeuvre budgétaires, autant que sur l'objectif de respecter, à partir de 1997, le critère de déficit public global, pour proposer un scénario de réduction du déficit de l'État.

Les trois principes du redressement

Le rapport annexé à la loi du 18 janvier 1994 précisait fort justement : "l'apurement des déficits n'aurait pas de sens s'il reposait uniquement sur l'augmentation des prélèvements obligatoires. Nécessaire pendant la phase d'assainissement, une telle politique ne serait pas soutenable à long terme. "

Dès lors, la stratégie de redressement des finances publiques reposait sur trois principes :

1) Le redressement du budget de l'État devait prendre place dans la remise en ordre des comptes des autres administrations publiques. Il était également utilement précisé : "Compte tenu de la structure budgétaire très dégradée, la programmation quinquennale impose que le redressement de la sécurité sociale soit réalisée sans contribution de l'État".

2) Le redressement du budget de l'État devrait nécessiter plusieurs années d'efforts, en vue d'atteindre un plafond de déficit de 2,5 % du PIB en 1997.

3) La programmation pluriannuelle reposant sur l'hypothèse -ouvertement optimiste de progression des recettes fiscales parallèle à celle de la richesse nationale à partir de 1995, l'objectif de réduction du déficit imposait de stabiliser les dépenses en francs courants dès 1994. Compte tenu de la progression mécanique de la charge nette de la dette, cette stabilisation des dépenses impliquait une réduction des charges hors dette à partir de 1995.

Projection quinquennale du budget de l'État

(Les années 1994,1995, 1996, 1997 sont en francs 1994)

La loi de finances rectificative du 4 août 1995 a substantiellement modifié l'équilibre du budget, compte tenu de la dégradation spontanée du solde, notamment du fait de l'érosion des recettes de l'État.

En outre, il a été décidé -conformément aux prescriptions expresses du Traité de Maastricht- de ne plus affecter les recettes de privatisation à des dépenses courantes, ce qui a eu pour effet mécanique d'augmenter le déficit budgétaire du montant des recettes réaffectées au désendettement de l'État et aux dotations en capital des entreprises publiques.

Compte tenu de ces changements, une nouvelle programmation quinquennale a été élaborée, prenant comme point de départ le collectif du printemps 1995, excluant les recettes de privatisation du financement des dépenses courantes.

L'hypothèse de croissance retenue est de + 2,8 % par an, les taux d'intérêt correspondent par convention à ceux prévus pour 1996, la progression des recettes est supposée égale à celle du PIB en valeur.

L'actualisation de la projection quinquennale figure dans le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

*) Hors recettes de privatisation affectées à des dépenses courantes ; hors fonds de concours.

B. LA STRUCTURE DE LA DETTE PUBLIQUE

L'évolution de la structure de la dette publique au cours des dernières années est marquée par une augmentation sensible de la part de la dette négociable, d'une part, et de la part de la dette à long terme, d'autre part. En conséquence, la part de la dette non négociable s'est notablement réduite.

Le tableau ci-après permet de comparer la structure de la dette publique en 1981 et 1994.

1. L'augmentation de la part de la dette à long terme

Celle-ci a doublé, passant de 27 % de la dette en 1981 à près de 54 % en 1994. Au sein de cette dette à long terme, la part des OAT (obligations assimilables du Trésor), apparues en 1985, représente désormais plus de 50 % du total de l'encours de la dette.

On observera que l'encours des OAT et emprunts d'État à long terme a fortement progressé au cours des derniers exercices, essentiellement sous l'effet du grand emprunt de juillet 1993, d'un montant de 110 milliards de francs, et de la reprise de la dette de l'ACOSS, soit 110 milliards de francs également en janvier 1994.

Encours des O.A.T. :

. au 31 décembre 1992 : 1 061,9 milliards de francs

. au 31 décembre 1993 : 1 364,2 milliards de francs

. au 31 décembre 1994 : 1 531,0 milliards de francs.

Cette évolution traduit, d'une part, l'augmentation importante des besoins de financement du Trésor et, d'autre part, le souci d'assurer un financement de la dette moins sensible aux fluctuations des marchés par le maintien d'une durée moyenne de la dette élevée.

Cette politique a néanmoins deux inconvénients :


• elle s'accompagne d'une ponction accrue de l'État sur le marché financier de 1983 à 1993, la part de l'État dans les émissions brutes d'obligations a presque doublé, passant de 25,8 % à près de 50 % du total ;


• elle est particulièrement coûteuse en période de taux d'intérêt élevés -à cet égard, on rappellera la remontée des taux à long terme de février 1994 à janvier 1995 notamment si on compare le coût de ces ressources avec celui des ressources traditionnelles du Trésor, gratuites ou à bon marché.

2. L'augmentation de la part de la dette négociable

Parallèlement, la part de la dette négociable est passée de 54,9 % du total en 1981 à 85,4 % en 1994.

Cette évolution est principalement imputable à la croissance de la dette à long terme. En effet, sur la même période, la part de la dette couverte par les bons du Trésor à court et moyen terme a progressé nettement moins rapidement, passant de 27,9 % à 31,7 % du total.

Parmi ceux-ci, les BTAN (Bons du Trésor à taux fixes et intérêts annuels), émis depuis 1986, sont passés de 16,5 % en 1987 à 23,5 % du total en 1994.

Encours des BTAN :

. au 31 décembre 1992 : 456,2 milliards de francs

. au 31 décembre 1993 : 539,1 milliards de francs

. au 31 décembre 1994 : 681,7 milliards de francs.

3. La diminution de la part de la dette non négociable

Celle-ci est passée de 45,1 % du total de l'encours de la dette publique en 1981 à 14,6 % en 1994. Cette évolution traduit les mouvements suivants :

ï la diminution de plus de moitié des dépôts des correspondants du Trésor, passés de 35 % à 12,5 % du total de l'encours,

ï la quasi disparition de la part des bons du Trésor sur formules, passés de 9,3 % à 0,4 %,

ï la réduction des engagements de l'État et de la prise en charge de la dette d'organismes par l'État, passés, dans l'encours de la dette, de 1,9 % en 1981 à 5 % en 1989, mais revenus depuis à 2,6 % en 1994.

La prise en charge par l'État de la dette de divers organismes

Depuis 1985, l'État a pris en charge la dette d'un certain nombre d'organismes.

(en millions de francs)

(1) Indemnisation des actionnaires des entreprises nationalisées en 1982

(2) Restructuration financière de la Régie Renault.

Ces opérations sont venues gonfler l'encours de la dette publique, mais ont permis également, dans l'immédiat, d'alléger le déficit budgétaire.

En effet, seule la charge des intérêts est inscrite au budget de l'État.

Auparavant celui-ci prenait en charge, sous forme de dotations à chaque organisme, non seulement les intérêts de la dette, mais également le remboursement du capital.

Les intérêts de ces dettes prises en charge par l'État sont inscrits au chapitre 12-05. Ils s'élèveront en 1996 à 1.117 millions de francs, en diminution de 20,4 % par rapport à 1995.

Cette nouvelle et forte réduction résulte essentiellement du nouvel échéancier établi pour le FSGT le FIS la CNI et la CNB pour tenir compte de l'amortissement de la dette la reprise des titres d'emprunt effectuée lors de l'offre publique d'échange contre OAT de juin-juillet 1992, ayant entraîné une réduction de l'encours de 12,8 milliards de francs.

Une opération d'échange de titres effectuée en décembre 1992 a également permis de réduire de 1,6 milliard de francs l'encours des titres de la CAPA.

Enfin on rappellera que l'article 96 de la loi de finances rectificative pour 1992 a entraîné la prise en charge par l'État de la dette de la Caisse nationale de l'énergie.

Service de la dette de divers organismes prise en charge par l'État

Échéance 1996 des remboursements du capital

L'amortissement de ces emprunts relève des opérations de trésorerie de l'État et ne figure donc pas au budget général.

En revanche, le Trésor devra se refinancer en émettant de nouveaux emprunts, de sorte que l'allégement du service de la dette de ces divers organismes est compensé, pour tout ou partie, par un alourdissement de la charge de la dette de l'État proprement dite.

C. LA MODERNISATION DE LA GESTION DE LA DETTE PUBLIQUE

Depuis 1985, le Trésor s'est engagé dans une politique de modernisation de la gestion de la dette, notamment pour faire face à l'important accroissement des besoins de financement de l'État.

Cette réforme a consisté à :

-ouvrir et moderniser le marché des bons du Trésor (politique d'émission plus transparente, normalisation des échéances et des caractéristiques des produits),

- normaliser les appels de l'État au marché obligataire (création des OAT et généralisation de la technique de l'assimilation, modification des règles d'adjudication des emprunts),

- mettre en place un réseau de "spécialistes en valeurs du Trésor" (aujourd'hui 18 établissements figurent sur la liste des SVT ; ils ont notamment pour mission d'assurer la liquidité du marché des valeurs du Trésor).

1. Le lissage de l'échéancier de la dette

L'article 56 de la loi de finances pour 1991 a introduit une nouvelle rédaction de l'article d'équilibre, autorisant le ministre de l'économie à procéder à des opérations de restructuration de l'endettement de l'État, en recourant à des instruments diversifiés :

- rachat ou échanges d'emprunts,

- échanges de devises ou de taux d'intérêt,

- achat ou vente d'options et de contrats à terme sur titres d'État.

En effet depuis 1986, le Gouvernement a privilégié la pratique de l'émission par assimilations successives de titres sur une même ligne d'emprunt afin de constituer des gisements d'une taille suffisante pour garantir la meilleure liquidité du marché et bénéficier ainsi de meilleures conditions d'émission en terme de coût.

L'émission d'OAT disposant d'une forte capitalisation, à 10 ans notamment, se traduit par une concentration des charges d'amortissement sur certaines années, ce qui explique le profil heurté de l'échéancier en capital de la dette de l'État, ainsi que le montre le graphique ci-dessous.

Aussi était-il souhaitable de mettre en place une politique de lissage de la charge d'amortissement de la dette, notamment grâce à des procédures régulières d'échanges et de rachats de titres.

C'est à ce titre que le Trésor procède à des opérations de rachats de titres par adjudication à l'envers, à des rachats de gré à gré sur le marché ou à des offres d'échanges.

Par ailleurs, le décret du 21 mai 1992 a autorisé le ministre de l'économie et des finances à émettre au profit du fonds de soutien de rentes (FSR) des bons du Trésor et des OAT qui doivent permettre d'assurer une meilleure liquidité du marché des valeurs du Trésor.

2. L'appel croissant au financement extérieur

Depuis 1989, la gestion de la charge de la dette se caractérise par un appel croissant au financement extérieur. Celui-ci s'effectue de deux façons différentes.

- L'émission de titres du Trésor libellés en écus

D'une durée initiale de 8 à 30 ans, les émissions d'OAT libellées en écus répondent à plusieurs objectifs :

- diversifier les ressources de trésorerie de l'État, en faisant appel à une autre monnaie que le franc,

- accéder à des investisseurs internationaux intéressés par la signature de la République française en écu,

- contribuer au développement d'un marché international des capitaux à Paris en établissant un marché structuré et prestigieux d'obligations en écus.

Le Trésor français est ainsi devenu le premier emprunteur souverain sur le marché de l'écu à long terme. A la fin de 1994, l'encours des OAT en écus émis par l'État français s'élevait à 14,8 milliards d'écus, soit 97 milliards de francs.

Le Trésor français est également, depuis janvier 1994, l'emprunteur le plus régulier, puisque le calendrier annuel des émissions du Trésor prévoit désormais une émission en écus tous les deux mois, le second mercredi du mois.

Émissions d'OAT en écus

Émissions de BTAN en écus

- L'acquisition de titres du Trésor par les non-résidents

Depuis 1986, l'encours des titres détenus par les non-résidents a progressé de façon très importante, passant de 6,9 à 787 milliards de francs en 1993.

Titres de la dette publique détenus par des non-résidents

Selon les réponses fournies à votre rapporteur :

"La modernisation accomplie au cours des dernières années, le développement de la liquidité du marché des valeurs du Trésor, ainsi que la politique économique suivie et les résultats économiques obtenus ont fortement développé l'intérêt des investisseurs non-résidents pour les valeurs du Trésor".

Toutefois, depuis la fin de 1993, on assiste à un retrait des non-résidents du marché français des titres d'État et, par voie de conséquence, à une "renationalisation" de la dette.

Le tableau ci-après retrace le détail de ces fluctuations par trimestre.

Selon les réponses fournies à votre rapporteur :

"La part de la dette détenue par les non-résidents a reculé en 1994. Ce mouvement de "renationalisation" de la dette a été largement observé dans d'autres pays : en période de turbulences obligataires, comme les marchés en ont connues en 1994, les investisseurs réduisent leur risque en devises. Depuis la fin de l'année 1994, la part de la dette détenue par les non-résidents est restée stable, aux alentours de 20% malgré un deuxième trimestre 1995 difficile sur les marchés financiers.

Il semble que l'on ait désormais atteint un palier. Le marché dispose d'un potentiel de rebond. Grâce à toute une série de facteurs fondamentaux et techniques positifs, il devrait retrouver les faveurs des non-résidents. "

3. L'émission directe de titres auprès des particuliers

La réforme de la gestion de la dette de l'État à partir de 1986 a permis la mise en place d'un marché modernisé des titres d'État, fondé sur une simplicité des produits offerts, une grande liquidité des lignes, une transparence et une régularité des appels au marché.

Toutefois, les particuliers en ont été progressivement écartés au profit des seuls investisseurs institutionnels.

Aussi pour revenir sur cette tendance, et afin d'offrir aux particuliers un nouvel instrument de placement de leur épargne longue, le gouvernement a décidé qu'à compter du mois d'octobre 1994, les personnes physiques pourraient souscrire chaque mois des OAT à 10 ans, assorties du taux de l'adjudication mensuelle, la fiscalité de droit commun s'appliquent à ces titres.

Dans ce cadre, 18 banques et réseaux ont pris, le 27 septembre 1994, l'engagement de placer 19,6 milliards de francs d'OAT auprès des particuliers. Sur ce total, 19,2 milliards ont été effectivement placés.

Ce dispositif a été reconduit le 29 septembre 1995 pour une année complète et un montant de 14,1 milliards de francs.

On observera que la souscription d'emprunts d'État par des particuliers existe pour des montants significatifs en Allemagne et aux États-Unis, mais sur des produits spécifiques :


• sur les "Bundesschatzbriefe" à 6 et 7 ans, en Allemagne : l'encours atteint 59,3 milliards de marks et les émissions de 1994 se sont élevées à 15,4 milliards de marks,


• sur les "savings bonds" aux États-Unis qui représentent environ 5 % de l'endettement fédéral américain.

* 2 Il s'agit de la dette cumulée de l'État, des autres administrations publiques centrales, des administrations de sécurité sociale et des administrations locales.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page