C. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale reprend les principales orientations définies par le rapport remis au Premier ministre par M Jean-François Mattéi.

1. Faciliter l'adoption en modifiant certaines de ses conditions légales

Sans bouleverser les règles de fond relatives à la filiation adoptive, la proposition de loi :

- assouplit certaines des conditions requises pour adopter,

- modifie les modalités de l'intervention du juge dans la procédure d'adoption,

- tente de résoudre les difficultés juridiques résultant de l'adoption internationale,

- et s'efforce de revaloriser l'adoption simple renommée adoption « complétive ».

a) L'assouplissement des conditions requises pour l'adoption


• L'âge minimum pour adopter

Actuellement fixé à trente ans, l'âge minimum pour adopter est réduit à vingt-huit ans, au motif qu'il s'agit de l'âge moyen de la première maternité. Quant à la durée du mariage en cas d'adoption conjointe, elle est réduite de cinq à deux ans, étant précisé que seule la condition de mariage et de vie commune est exigée lorsque les deux époux sont âgés de plus de vingt-huit ans.

À l'initiative du rapporteur de sa commission spéciale, l'Assemblée nationale a en outre institué un écart d'âge maximum de quarante-cinq ans entre l'adopté et l'adoptant, M. Jean-François Mattéi estimant qu'il est « souhaitable que la filiation adoptive soit, autant que possible, calquée sur la filiation biologique ».


La prorogation de la période d'adoption plénière

L'adoption plénière ne peut être prononcée lorsque l'enfant a atteint l'âge de 15 ans. Toutefois, lorsqu'il a été accueilli au foyer de l'adoptant avant cet âge et que celui-ci ne remplissait pas les conditions légales pour l'adopter, ou lorsqu'il a fait l'objet d'une adoption simple avant cet âge, l'enfant peut être adopté jusqu'à l'âge de 18 ans.

La proposition de loi proroge cette dérogation jusqu'à 20 ans.


• L'extension des cas d'adoption plénière de l'enfant du conjoint

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 8 janvier 1993 relative à l'état-civil, la famille, les droits de l'enfant et le juge aux affaires familiales, l'enfant du conjoint ne peut faire l'objet d'une adoption plénière que s'il n'a pas de filiation établie à l'égard d'une autre personne.

La proposition de loi élargit cette faculté au cas dans lequel l'enfant a une filiation établie à l'égard de son parent décédé sous réserve que celui-ci n'ait pas laissé d'ascendants ou que ceux-ci se soient « manifestement désintéressés » de l'enfant.


• Le prononcé d'une adoption « complétive » en cas d'échec d'une adoption plénière

Le code civil prohibe toute nouvelle adoption en cas d'adoption plénière, tirant ainsi les conséquences du caractère irrévocable du lien de filiation qu'elle fonde.

La proposition de loi autorise le prononcé d'une adoption simple en cas d'« échec avéré » de l'adoption plénière, l'existence de celui-ci devant être appréciée par le juge.


La réduction du délai de rétractation du consentement à l'adoption

Actuellement, le délai pendant lequel le consentement à l'adoption peut être rétracté est fixé à trois mois.

Considérant que « la rétractation reste très exceptionnelle et intervient presque toujours dans les premiers jours ou, mais encore plus rarement, dans les derniers jours du délai », M. Jean-François Mattéi a proposé de réduire ce délai à six semaines afin de donner au plus vite une nouvelle famille à l'enfant et de « sécuriser davantage les parents adoptifs ».


La suppression de la faculté de choix de l'adoptant par les parents

La proposition de loi supprime la faculté actuellement reconnue aux parents qui remettent un enfant de moins de deux ans aux fins d'adoption de choisir l'adoptant.

M. Jean-François Mattéi a en effet estimé que cette faculté pouvait être la source de détournements et encourager le recours à des mères porteuses. Désormais, le choix de l'adoptant est laissé au tuteur avec l'accord du conseil de famille des pupilles de l'État ou du conseil de famille de la tutelle organisée à l'initiative de l'organisme privé pour l'adoption.

b) L'intervention du juge dans la procédure d'adoption


La désignation d'un administrateur ad hoc aux fins de faire transcrire le jugement étranger d'adoption

La commission spéciale avait souhaité introduire une disposition nouvelle dans la proposition de loi pour attirer l'attention du Gouvernement sur les délais de transcription des jugements étrangers d'adoption sur les registres du service central de l'état civil. Afin d'accélérer la procédure, elle avait prévu la désignation d'un mandataire ad hoc pour faire transcrire le jugement.

En séance publique, le Gouvernement a indiqué qu'il allait renforcer les moyens du parquet du tribunal de grande instance de Nantes compétent en matière de transcription de ces jugements.

En conséquence, la commission a retiré son amendement.


L'adoption post-mortem

Le code civil admet le prononcé de l'adoption après le décès de l'adoptant si une requête en adoption a été déposée avant le décès et reprise par un ayant-droit. En revanche, il n'autorise pas le prononcé de l'adoption après le décès de l'enfant, alors même que la requête avait été introduite.

Considérant qu'en pareil cas, « la souffrance (des parents) de perdre cet enfant s'ajoute à celle de ne pouvoir le faire reconnaître comme le leur », la proposition de loi prévoit que, même si l'enfant est décédé, l'adoptant peut présenter une requête en adoption dès lors qu'il avait régulièrement recueilli l'enfant en vue de son adoption.


Le contrôle de l'agrément par le tribunal

La procédure d'adoption comporte une phase administrative et une phase judiciaire. Le contrôle de la qualité des candidats à l'adoption est effectué par les services départementaux qui, au vu de l'enquête à laquelle ils ont procédé et des motivations avancées par les parents, accordent ou non un agrément pour adopter valable pour cinq ans.

La proposition de loi, tirant notamment les conséquences de la convention de La Haye et du souci de garantir aux États d'origine la qualité des parents adoptifs, entend lier la phase administrative à la phase judiciaire en faisant obligation au juge de vérifier, avant de prononcer l'adoption, que les parents ont obtenu l'agrément.

Dans le rapport présenté au nom de la commission spéciale, M. Jean-François Mattéi indique que cette disposition est destinée à « ne pas ouvrir la porte à des trafics ». Il prévoit toutefois que le juge peut prononcer l'adoption s'il estime que celle-ci est de l'intérêt de l'enfant et que les parents sont aptes à l'accueillir. Lors de l'examen en séance publique, il a été en outre précisé que cette dérogation devait présenter un caractère exceptionnel.

c) Les conséquences juridiques de l'adoption internationale

La proposition de loi initiale entendait résoudre les difficultés juridiques auxquelles se heurte l'adoption d'un enfant étranger en introduisant dans le code civil une disposition transposant la jurisprudence de la Cour de cassation, récemment complétée par un arrêt du 10 mai 1995 prononçant l'adoption plénière d'un enfant marocain dont le représentant légal avait accepté, en l'absence de législation nationale relative à l'adoption, la rupture de la filiation d'origine

Sur proposition de Mme Véronique Neiertz, la commission spéciale a modifié la rédaction initiale pour préciser que les conditions de l'adoption sont régies par la loi du pays de l'adopté et ses effets par la loi française lorsque l'adoptant est de nationalité française ou réside habituellement en France.

La proposition de loi précise en outre qu'en l'absence dans le pays d'origine de législation retenant une forme d'adoption équivalente à l' adoption plénière, le juge français peut attacher au jugement étranger les effets d'une adoption plénière si le représentant légal de l'enfant a donné son consentement, en pleine connaissance de cause, aux effets d'une telle forme d'adoption.

Enfin, elle dispose que la loi française s'applique aux conditions et aux effets de l'adoption, lorsque la loi nationale de l'enfant ignore cette procédure.

d) La revalorisation de l'adoption simple


Une nouvelle dénomination

La proposition de loi remplace la dénomination actuelle d'adoption simple par celle d'adoption « complétive » que son rapporteur considère comme « plus parlante et moins dépréciative ».


• L'extension des effets de l'adoption simple

La proposition de loi étend le lien de parenté entre l'adopté et l'adoptant aux enfants de l'adopté, qu'ils soient légitimes (comme le prévoit le droit actuel) ou naturels. De même, elle confère aux descendants de l'adopté, qu'ils soient légitimes ou naturels les mêmes droits successoraux que ceux de l'adopté dans la famille de l'adoptant.

Enfin, il est également prévu que le parquet pourra demander la révocation de l'adoption complétive « en cas d'échec avéré » de celle-ci.

e) De la déchéance au retrait total des droits d'autorité parentale

La proposition de loi remplace la notion de déchéance de l'autorité parentale par celle de retrait total des droits de l'autorité parentale afin, précise le rapport de la commission spéciale, de « porter l'accent sur le versant positif d'une telle décision qui est une mesure de protection de l'enfant avant d'être une mesure de stigmatisation des parents ».

2. Modifications des codes sociaux afin d'améliorer la situation des adoptants, des enfants pupilles de l'État et des adoptés

a) Un volet social

La commission des Affaires sociales étant chargée d'examiner les dispositions des titres II à V du projet de loi qui modifient les codes de la famille et de l'aide sociale, de la sécurité sociale et du travail, votre commission des Lois vous renvoie à l'avis de M. Lucien Neuwirth qui a étudié ces dispositions et propose d'y apporter un ensemble de modifications qu'elle vous demande d'adopter afin d'ouvrir aux familles adoptantes des droits équivalents à ceux des familles naturelles.

b) L'anonymat des parents

L'article 30 de la proposition de loi aménage l'article 62 du code de la famille et de l'aide sociale pour modifier les effets de la remise de l'enfant avec demande de l'anonymat de son état-civil devait être adapté afin de ne plus supprimer, dans l'acte de naissance de l'enfant, que la seule mention de l'état civil de ses parents sans plus modifier, comme l'autorise la pratique actuelle fondée sur l'instruction générale de l'état civil de 1958, le lieu et la date de la naissance.

Cet article limite par ailleurs à la première année de l'enfant la faculté pour les parents de demander l'anonymat alors que, dans sa rédaction actuelle, l'article 62 du code de la famille et de l'aide sociale ne fixe aucune limite d'âge.

c) L'accès aux informations laissées par les parents sous réserve qu'elles ne permettent pas leur identification

L'article 30 de la proposition de loi prévoit que des informations relatives à l'enfant et à ses parents peuvent être recueillies auprès de ceux-ci lorsqu'ils demandent le secret ou l'anonymat. L'exercice de cette faculté est à la discrétion du ou des parents.

La proposition de loi précise en outre que seules peuvent être recueillies à cette occasion des informations non identifiantes, dans des conditions précisées par décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

L'article 31 du texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit que l'enfant peut accéder à ces informations au cours de sa minorité, dès lors qu'il a l'accord de son représentant légal, et sous réserve d'être assisté par une personne spécialement désignée à cet effet par le président du conseil général.

Une fois majeur, l'enfant exerce directement ce droit.

Les informations à caractère médical ne peuvent être communiquées que par l'intermédiaire d'un médecin désigné à cet effet par le représentant légal de l'adopté, si celui-ci est mineur, ou par l'adopté devenu majeur.

3. La mise en oeuvre de la coopération internationale

L'article 51 de la proposition de loi institue, auprès du Premier ministre, une autorité centrale pour l'adoption chargée de veiller au respect et à la mise en oeuvre de la convention de La Haye. Cette autorité centrale, composée de représentants de l'État et des conseils généraux, « définit, oriente et coordonne l'action des administrations et autorités compétentes en matière d'adoption ». Elle est également responsable de la coopération avec les institutions et autorités étrangères.

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