B. À 23 ANS, LA LOI ROYER MÉRITE D'ÊTRE REFORMÉE
1. La loi Royer présente un certain nombre de lacunes
- Le dispositif malthusien mis en place par la loi Royer n'a pas permis de maintenir un équilibre satisfaisant entre les différentes formes de commerce.
- En outre, le développement des « hard discount » rend inadéquat le niveau des seuils d'autorisation.
Rappelons que le « hard discount » est un magasin en libre-service d'une surface comprise entre 300 m 2 et 1.200 m 2 , la majorité se situant entre 600 et 800 m 2 . Ce type de magasin comporte entre 600 et 1.200 références, soit huit à dix fois moins qu'un supermarché.
L'assortiment est limité aux produits de très grande consommation comprenant généralement peu de produits frais 2 ( * ) , pour la plupart à marque propre, présentés au consommateur le plus souvent dans leur conditionnement d'origine sur des palettes, dans le cadre d'une logistique rigoureuse, pratiquement industrielle, ce qui induit un minimum de manutention et réduit considérablement les frais de personnel, estimés à environ 5,5 % (contre 7 à 8 % dans un supermarché classique).
Avec un chiffre d'affaires d'environ 40 milliards de francs en 1995, le poids du « hard discount » s'est affirmé ces dernières années.
Si le nombre d'ouvertures de supermarchés de moins de 1.000 m 2 tend à se stabiliser, la proportion de « hard discount » s'accroît quant à elle.
Ainsi, en 1994, ils ont représenté l'essentiel des ouvertures de supermarchés.
Depuis 1989, le poids de ce type de magasins n'a ainsi cessé de s'affirmer : 7 % des supermarchés ouverts en 1989, 22 % en 1990, 75 % en 1993, 82% en 1994.
La contribution des « hard discount » est plus faible en terme de surface : 75 % des ouvertures, contre 82 % en nombre de magasins. Les supermarchés de « hard discount » se caractérisent, en effet, par leur petite taille : ceux ouverts en 1994 ont une surface de vente moyenne de 680 m 2 , contre 1.039 m 2 pour les supermarchés classiques.
Ainsi, le développement de cette forme de commerce a contribué à une nette modification des caractéristiques des nouveaux supermarchés. De 1986 à 1994, la part des magasins ayant une surface de vente inférieure à 1.000 m 2 s'est fortement accrue : elle est passée de 45 % à 86 % en nombre de magasins et de 27 % à 76 % en surface de vente.
Le fait que des supermarchés de maxidiscompte, souvent situés en centre-ville, occupent généralement des surfaces inférieures à 1.000 m 2 , à l'inverse des supermarchés classiques, explique que les seuils d'autorisation actuellement retenus par la loi Royer soient devenus inadéquats et méritent donc d'être révisés à la baisse.
Parmi les autres carences de la loi, on peut citer :
- le manque de maîtrise des conséquences de l'implantation des très grosses unités ;
- l'absence de contrôle des changements d'activité. Rien ne s'oppose à ce qu'un magasin de grande surface (type bricolage ou jardinerie), soit transformé, dès l'autorisation, en un commerce d'une toute autre nature, dont les conséquences sur le tissu commercial local peuvent être pourtant importantes ;
- l'inefficacité des sanctions : les surfaces illicites, très nombreuses, ne sont sanctionnées que par une contravention de 10.000 francs maximum par jour de constatation effective de l'infraction.
Dans ce contexte, lors de la présentation du plan de soutien en faveur des PME à Bordeaux, le 27 novembre 1995, le Premier ministre a clairement manifesté sa volonté de réformer, dans un sens restrictif, le dispositif de la loi Royer. Cette réforme se fera en trois étapes, dont le présent projet de loi constitue la deuxième.
2. Une réforme en trois étapes
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Première étape : la loi
du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et
financier
Rappelons que cette loi comporte des dispositions provisoires applicables pour une période de six mois, qui prévoient notamment :
- un gel des créations de magasins de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 300 m 2 ;
- une autorisation préalable pour toute extension d'un magasin dont la surface de vente est supérieure à 300 m 2 ;
- le contrôle des changements d'activités pour les magasins dont la surface excède certains seuils (300 m 2 pour l'ouverture d'un magasin à dominante alimentaire, 1.500 m 2 dans tous les autres cas) ;
- une autorisation préalable pour les créations d'ensembles de salles de cinéma de plus de 2.000 places.
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Deuxième étape : le
présent projet de loi
Celui-ci fera l'objet d'une présentation ci-après.
En résumé, il pérennise les principales dispositions adoptées par le Parlement dans la loi précitée. En outre, il réforme plus en profondeur la loi Royer, en modifiant notamment la composition et les modalités de vote au sein des commissions d'équipement commercial.
Il prévoit l'élaboration d'un programme national de développement et de modernisation des activités commerciales et artisanales
• Troisième étape : la
généralisation de schémas d'équipement
commercial
La mise en place de schémas territoriaux d'équipement commercial devrait permettre de maîtriser l'évolution des surfaces commerciales et de l'adapter aux réalités locales.
Sur un territoire donné, dont le périmètre reste à définir), pour une durée déterminée, vont être définis des objectifs précis d'équipements commerciaux, à l'instar de ce que sont les plans d'occupation des sols pour l'aménagement du territoire.
Cette ultime étape sera celle de la décentralisation.
Lorsqu'ils auront été élaborés et rendus publics dans des conditions qui seront déterminées par décret en Conseil d'État, une loi devra préciser les modalités selon lesquelles ces schémas serviront de cadre à l'implantation des équipements commerciaux et se substitueront au régime d'autorisation administrative préalable actuellement en vigueur.
Le Gouvernement déposera sur le bureau des assemblées, avant le 31 décembre 1997, un rapport sur la mise en place et le contenu prévisionnel de ces schémas, à partir des éléments qui auront été collectés par les observatoires départementaux d'équipement commercial.
À titre comparatif, votre rapporteur a jugé intéressant de joindre au présent rapport une annexe présentant brièvement la réglementation en matière de grandes surfaces commerciales dans quelques pays d'Europe.
* 2 Mais il existe également des «hard discount» de produits frais, notamment dans le secteur de la boucherie. Or, en 10 ans, 60 % des boucheries ont disparu de notre territoire.