EXPOSé Général

Les débats parlementaires sur le texte qui allait donner naissance à la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales ont mis l'accent sur le profond malaise des concessionnaires automobiles français.

Ceux-ci souffrent de ce qu'ils considèrent comme une concurrence déloyale de la part d'intermédiaires qui se chargent de négocier pour un meilleur prix, au nom et pour le compte de leurs clients, des véhicules français vendus dans d'autres pays européens ou même à l'extérieur de l'Europe .

Ces intermédiaires sont les mandataires en recherche ou achat de véhicules automobiles neufs pour lesquels la présente proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, prévoit de nouvelles dispositions.

Pourquoi les véhicules français vendus à l'étranger sont-ils souvent moins chers que les véhicules distribués par les réseaux de concessionnaires agréés ?

D'abord, à cause de la politique tarifaire des constructeurs français qui, pour maintenir ou accroître leur part de marché dans tel ou tel pays étranger, acceptent de vendre leurs modèles à des prix différents.

Ensuite, la variation du taux de change des devises constitue un facteur qui accroît la disparité des prix en rendant très attractifs, en francs, les tarifs proposés dans les pays qui dévaluent leur monnaie.

D'autres facteurs influencent ces écarts de prix : les réglementations administratives (blocage des prix en Belgique par exemple) ou encore le poids de la TVA (au Danemark par exemple).

Les écarts de prix par rapport aux tarifs proposés en France peuvent atteindre, selon certains mandataires, de 20 à 40 %.

D'après la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, il semble que de 7 à 9 % du marché des véhicules neufs immatriculés en France (soit 150.000 à 200.000 unités sur un marché total de 1,5 à 1,6 million de véhicules) relève aujourd'hui d'environ 700 mandataires.

Relevons que le nombre des concessionnaires agréés atteint environ 4.800. Chaque concessionnaire employant en moyenne 27 personnes, l'emploi généré par les réseaux concerne quelque 130.000 personnes.

C'est en 1985 (règlement de la Commission européenne n° 123/85 du 12 décembre 1984 entrée en vigueur le 1er juillet 1985) que sont apparus en France les mandataires automobiles.

Jusqu'à cette date, les concessionnaires agréés bénéficiaient, de la part des constructeurs, de contrats de distribution exclusive et sélective.

A compter du 1er juillet 1985, les réseaux de distributeurs agréés ont été considérés comme bénéficiant d'une règle d'" exemption " au régime général de libre concurrence.

Cette dérogation fut justifiée, principalement, par deux considérations :

- les constructeurs automobiles ont consenti d'importants efforts financiers et commerciaux en faveur de leur réseaux ;

- les distributeurs agréés réalisent des investissements lourds pour assurer la promotion de la marque dont ils détiennent l'exclusivité de la vente pour les véhicules neufs.

Les autorités européennes ont néanmoins souhaité faire prévaloir le principe de libre-concurrence en permettant à tout consommateur européen dans n'importe quel Etat membre de l'Union de pouvoir bénéficier des prix les plus compétitifs.

A cet effet, aux termes de l'article 3 du règlement précité et de sa nouvelle version (règlement n° 1475-95 applicable jusqu'au 30 septembre 2002), le distributeur agréé est tenu de vendre les véhicules soumis à la distribution sélective ou exclusive " aux utilisateurs finals utilisant les services d'un intermédiaire lorsque ces utilisateurs ont auparavant mandaté par écrit l'intermédiaire pour acheter et, en cas d'enlèvement par celui-ci, pour prendre livraison d'un véhicule automobile déterminé ".

La " profession " de mandataire n'étant pas réglementée (il ne s'agit d'ailleurs pas d'une profession mais d'une activité commerciale), votre commission n'a pu obtenir que des informations fragmentées sur son importance et ses conditions d'activité. Tout au plus, est-il apparu qu'il existait des " mandataires transparents " c'est-à-dire de véritables mandataires agissant au nom et pour le compte de clients et des " mandataires opaques " c'est-à-dire, en réalité, des professionnels de l'automobile faisant l'acquisition de véhicules en vue de la revente.

À ce stade de l'exposé, il apparaît utile de rappeler un certain nombre de règles du code civil sur le mandat :

Art. 1984. - " Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. "

Art. 1985 - " Le mandat peut être donné par acte authentique ou par acte sous seing privé, même par lettre. Il peut aussi être donné verbalement...

L'acceptation du mandat peut n'être que tacite, et résulter de l'exécution qui lui a été donnée par le mandataire. "

Art. 1991 - " Le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution. ..."

Art. 1993 - " Tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion, et de faire raison au mandant de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu'il aurait reçu n'eût point été dû au mandant. "

Art. 1999 - " Le mandant doit rembourser au mandataire les avances et frais que celui-ci a faits pour l'exécution du mandat, et lui payer ses salaires lorsqu'il en a été promis... "

Art. 2004 - " Le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble, et contraindre, s'il y a lieu, le mandataire à lui remettre, soit l'écrit sous seing privé qui la contient, soit l'original de la procuration, si elle a été délivrée en brevet, soit l'expédition, s'il en a été gardé minute ".

Il convient de bien distinguer le mandataire des autres intermédiaires que sont : le commissionnaire, l'agent commercial et le courtier.

L'activité du commissionnaire est prévue par l'article 94 du code de commerce. Cet intermédiaire est " celui qui agit en son nom propre ou sous un nom social pour le compte d'un commettant. " Il est soumis aux dispositions du code civil relatif au mandat dès lors qu'il agit au nom de son commettant, nom qui ne peut être le sien.

Le commissionnaire se distingue ainsi pour l'essentiel du mandataire en ce que ce dernier agit au nom de son mandant pour exécuter le mandat alors que le commissionnaire agit en son nom propre.

L'activité de l'agent commercial est réglementée par la loi n° 91-593 du 25 juin 1991 relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants. Ce professionnel est chargé de conclure des contrats " au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels et de commerçants ou d'autres agents commerciaux ". Il est une sorte de mandataire " permanent " ou " professionnel " lié à des mandants. Le contrat d'agent commercial est ainsi à caractère civil même si ce dernier est amené à signer des contrats commerciaux.

Le courtier, enfin est chargé de mettre en relation des parties afin qu'elles réalisent une transaction commerciale ou immobilière. Le courtier peut d'ailleurs cumuler son activité, de nature commerciale, avec celle de mandataire, de commissionnaire ou de représentant. L'activité de courtage est définie par les articles 74 à 90 du code de commerce et par l'article 7 de la loi du 18 juillet 1866.

Relevons encore qu'un concessionnaire, comme tout commerçant, peut dès lors qu'il contrevient pas à l'accord de distribution sélective ou exclusive auquel il est lié, effectuer des actes de mandat.

Au cours de la discussion au Sénat du texte qui allait devenir la loi du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales, le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur avait annoncé une " disposition d'ordre législatif " qui insérerait dans le code de la consommation un contrat-type pour les mandataires du secteur automobile.

A la suite de la demande du ministre, le Conseil national de la consommation a rendu, le 23 avril 1996, un avis " relatif à une meilleure protection du consommateur qui recourt aux services d'un mandataire automobile ". Dans cet avis figurent notamment des contrats-types :

- le contrat de mandat de recherche et de livraison du véhicule neuf ;

- la confirmation du contrat de mandat ;

- l'avenant au contrat de mandat ;

- le compte rendu de mandat.

Par ailleurs, un arrêté du 28 octobre 1996 " relatif à l'information des consommateurs sur les prix et services effectués par les mandataires automobiles " prévoit que les mandataires sont tenus d'afficher dans les lieux où la prestation est proposée au public :

" - le montant, toutes taxes comprises, de la rémunération perçue par le mandataire, soit en pourcentage du coût total d'acquisition et de mise à disposition du véhicule, soit en valeur absolue ;

- liste des frais annexes payés à des tiers, en précisant s'ils sont inclus dans le coût d'acquisition et de mise à disposition du véhicule ;

- les conditions de paiement et la nature des garanties financières offertes ;

- les conditions de révocation du mandat. "

L'arrêté ajoute que toute information sur les prix des véhicules proposés par un mandataire doit porter sur le prix toutes taxes comprises et couvrir à la fois le coût d'acquisition et de mise à disposition.

Il souligne aussi que le mandataire sera tenu de faire connaître au consommateur, avant que celui-ci n'accepte son offre, les indications précitées.

Celles-ci doivent être précisées dans un document écrit à remettre au destinataire de l'offre du mandataire.

La proposition de loi n° 2983 déposée par le député M. Gérard Larrat se propose, quant à elle, d'encadrer l'activité de mandataire en imposant un contrat écrit " stabilisant la relation mandataire-consommateur par une information claire, en particulier en ce qui concerne les prix et les conditions générales de la transaction ainsi que des garanties attachées au contrat. "

Le dispositif initial de la proposition de loi comportait ainsi, pour l'essentiel, trois volets :

- la nécessité pour le mandataire automobile de présenter des garanties financières (compte séquestre ou caution bancaire) et " judiciaires " (absence d'incapacités ou d'interdictions consécutives à un certain nombre de condamnations) ;

- l'exigence d'un contrat écrit comportant, à peine de nullité, un certain nombre de mentions ;

- la règle selon laquelle aucun paiement ne pourra être exigé ou obtenu avant la signature dudit contrat.

Sur le plan formel, l'Assemblée nationale a intégré les nouvelles dispositions dans le code de la consommation en ajoutant une neuvième section au chapitre 1er du Titre II du Livre 1er (art. L.121-54 à L.121-59).

Sur le fond, elle a enrichi le dispositif sur plusieurs points : les garanties " judiciaires ", qu'elle a accrues ; les mentions figurant, à peine de nullité, sur le contrat écrit (réservé par ailleurs aux seules opérations d'achat), qu'elle a étendues ; les obligations mises à la charge du mandataire, qu'elle a renforcées (délivrance au mandant de la facture d'achat détaillée du véhicule au plus tard à la livraison du véhicule ; remise à la livraison du véhicule, du compte rendu écrit d'exécution du mandat et de l'ensemble des documents nécessaires à la mise en circulation du véhicule, à son utilisation et à son entretien).

Par ailleurs, les députés ont prévu des dispositions concernant le règlement de la taxe sur la valeur ajoutée. On sait que de nombreuses fraudes ont été constatées à l'occasion de ce règlement.

Ils ont ainsi retenu le principe du règlement de cette taxe par le mandant lui-même, même s'ils ont préservé, à l'issue de la discussion, la faculté pour l'utilisateur final de recourir au mandataire pour le règlement, au nom et pour le compte du mandant, de la taxe auprès ou à l'ordre du Trésor Public.

Enfin, l'Assemblée nationale a précisé qu'en cas de recours à un crédit pour le financement de l'achat du véhicule neuf, ce n'est qu'au terme du délai de rétractation de sept jours prévu par le code la consommation que le contrat de mandat prendra effet.

Votre Commission des Affaires économiques a pleinement adhéré aux objectifs poursuivis par la proposition de loi. La prise en compte de l'intérêt du consommateur lui est apparu comme devant prévaloir sur toute autre considération. Trop d'affaires récentes ont montré les risques que l'activité de certains mandataires peu scrupuleux fait courir à de nombreux consommateurs, notamment ceux disposant de moyens modestes et souvent désarmés en face de publicités astucieuses qui leur font miroiter des tarifs " inouïs ".

De nombreuses affaires récentes (250 victimes à Brest et à Quimper en 1995, 235 victimes à Béthune en 1996, 400 victimes récemment en Avignon) affirment la nécessité d'encadrer " toujours plus " une activité qui présente incontestablement des risques pour le consommateur. Différents types de détournements de fonds ont été constatés : non reversement de la TVA au Trésor Public (TVA pourtant acquittée entre les mains du mandataire par l'utilisateur final, qui se verra parfois contraint de la régler deux fois) ; abus de confiance caractérisé (le mandataire disparaît avec les fonds remis par le client).

Fidèle aux positions qu'elle a exprimées lors des débats sur la loi sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales, votre commission a souhaité, en second lieu, défendre les quelques 5.000 entreprises qui constituent notre réseau de concessionnaires agréés .

Ces professionnels ont réalisé des investissements lourds et offrent à leur clientèle un service de vente et d'après vente dont il n'est nul besoin de souligner les avantages pour le consommateur.

La disparition de ce réseau, outre ses conséquences sur des milliers d'emplois, ne profiterait ni aux constructeurs dont l'image de marque est conditionnée par l'existence de distributeurs sérieux, ni aux consommateurs qui ne bénéficieraient assurément plus des garanties auxquelles ils ont droit.

Votre commission a jugé indispensable, en troisième lieu, de renforcer la transparence du mandataire en évitant toute " stigmatisation ". Elle a même introduit, dans le dispositif adopté par l'Assemblée nationale des éléments de souplesse qui devraient faciliter les conditions de l'activité de tous les professionnels sérieux qui se livrent à l'activité de mandataire automobile.

Enfin, votre commission vous soumettra dans un article additionnel avant l'article unique, un amendement dont l'objectif est de faciliter la lutte contre la fraude fiscale en complétant la définition fiscale du véhicule neuf.

Cette nouvelle rédaction devrait permettre d'éviter une pratique frauduleuse courante consistant à maquiller en véhicules d'occasion des véhicules neufs acquis à l'étranger afin de ne pas avoir à acquitter la taxe sur la valeur ajoutée.

Voilà l'objet des amendements que votre commission des affaires économiques proposera à la Haute Assemblée et qui seront exposés lors de l'examen des articles.

Votre commission pourra peut être se voir reprocher d'introduire dans la proposition de loi des dispositions à caractère réglementaire. Elle a néanmoins jugé indispensable de préciser un certain nombre d'orientations afin que d'éventuelles mesures d'application ne viennent pas dénaturer le sens des amendements qu'elle propose à la Haute Assemblée.

Par ailleurs, la commission ne peut qu'appeler de ses voeux une action conjuguée de la Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), des directions des services fiscaux et des directions des Douanes pour " préserver " l'activité de mandataire automobile d'éléments douteux.

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