2. La controverse relative à la politique de change

L'adoption prochaine de l'euro a donné naissance à un débat sur la valeur externe de la monnaie européenne.

Une querelle institutionnelle est née de la perspective d'un dessaisissement des Etats en matière de change.

Elle s'est doublée d'un débat entre les partisans de l'euro fort et ceux de l'euro faible.

S'agissant des questions institutionnelles,
les clauses du traité relatives à la détermination de la politique de change de l'euro figurent pour l'essentiel à l'article 109.

Cet article distingue deux situations selon que la parité de l'euro est fixée par un accord international formel ou non.

Dans la première hypothèse, le Conseil statuant à l'unanimité , peut conclure des accords de change. Une fois ceux-ci conclus, le Conseil est également l'institution communautaire qui, à la majorité qualifiée adopte, modifie ou abandonne les cours centraux de l'euro.

Dans la seconde hypothèse, soit en l'absence d'un accord formel instituant un système de taux de change, le Conseil peut formuler les orientations générales de la politique de change de l'euro vis à vis des monnaies tierces. Ces orientations sont décidées à la majorité qualifiée du Conseil.

La compétence pour définir le taux de change de l'euro appartient donc au Conseil.

Au terme de l'article 109 K, le Conseil devrait, dans cette hypothèse, être composé des seuls représentants des Etats ayant adopté la monnaie unique européenne. Ainsi, les Etats ne participant pas à l'euro n'auraient aucune part dans les décisions ou les orientations générales relatives à la valeur extérieure de l'euro.

La compétence du Conseil est, on l'a dit, affirmée par le traité, mais il s'agit d'une compétence limitée et conditionnelle.

L'action du Conseil est d'abord encadrée par des conditions procédurales. Son initiative
est conditionnée à une recommandation de la Banque Centrale Européenne -BCE- ou de la Commission. Le Conseil n'en est pas pour autant à la merci du bon vouloir de la Commission ou de la BCE. L'article 109 D du traité permet en effet au Conseil ou à un Etat membre de demander à la Commission de formuler la recommandation qui conditionne son initiative. En ce cas, la Commission doit rendre ses conclusions sans délai. Le dispositif laisse la Commission entièrement libre de choisir le sens de sa recommandation ou de ses conclusions. Mais le Conseil est lui-même libre de décider ce qu'il souhaite.

De plus, une consultation du Parlement européen est prévue.

Une difficulté doit cependant être signalée.

Les parlements nationaux sont ignorés par le dispositif. Il est, dès lors, souhaitable que le gouvernement transmette toutes recommandations au Conseil susceptibles de donner lieu à l'application de la procédure afin que le Parlement français soit en mesure de se prononcer sur des accords dont l'importance pourrait être considérable.

Doit être encore soulignée la place éminente réservée à la BCE qui, au terme du dispositif de l'article 109, devra être consultée lorsqu'elle n'aura pas elle-même pris l'initiative d'une recommandation adressée au Conseil.

Enfin, la Commission doit être étroitement associée aux négociations susceptibles de déboucher sur un accord de change.

Mais l'action du Conseil est également soumise au respect de règles de fond . Les accords conclus sur les orientations générales formulées par le Conseil ne doivent pas affecter l'objectif principal du système européen de banque centrale -SEBC- à savoir le maintien de la stabilité des prix.

Cette règle formellement posée par le paragraphe 2, dans l'hypothèse où le Conseil décide de formuler des orientations générales, devrait s'appliquer également lorsqu'il entend conclure des accords de change formels puisqu'en ce cas un consensus devra être recherché avec la BCE afin que ces accords n'altèrent pas l'objectif de stabilité des prix.

Cette condition de fond est cohérente compte tenu de l'impact du système de change sur l'inflation et le niveau des taux d'intérêt.

On conclura en soulignant qu'une lecture attentive du Traité permet d'établir que la responsabilité en matière de change reviendra au Conseil, c'est-à-dire à une instance politique. Il est de plus loisible d'observer que les gouvernements continueront d'avoir, dans la pratique, l'influence qu'ils tiennent de leur participation dans les institutions monétaires internationales et lors des sommets qui dessinent régulièrement le paysage monétaire international.

Quant au débat sur la valeur de la parité extérieure de l'euro, son existence démontre combien, grâce à l'euro, l'Europe est appelée à regagner de sa souveraineté monétaire.

L'euro sera, et c'est souhaitable, un concurrent du dollar. Pour qu'il le soit, il lui faut être crédible, inspirer confiance. Cette perspective permet de maximiser les avantages propres à l'adoption de l'euro en termes d'attraction de capitaux et de modération des coûts de financement ; on imagine mal dès lors comment l'euro pourrait être une monnaie faible.

D'ailleurs, une politique monétaire et économique crédible devrait permettre de gagner des marges de manoeuvre ; un euro fort pourrait s'accompagner de taux d'intérêt réduits. La situation extérieure de la zone européenne justifierait sans doute cette prime de risque négative qui permettrait de dégager un avantage de compétitivité pour les entreprises européennes.

Si l'euro doit être attractif, il lui faut aussi être maîtrisable . Les perturbations que pourraient traverser le système monétaire international seront d'ailleurs plus susceptibles d'être réglées au profit d'une Europe unie monétairement que dans un contexte de polycentrisme monétaire. Il faudra veiller à exploiter cet avantage propre de l'euro. C'est d'ailleurs ce que reconnaît sans ambiguïté la résolution du Conseil européen de Luxembourg -voir infra- qui confirme à ce titre les pouvoirs du Conseil.

Une dernière considération : l'Europe monétaire étant constituée, l'exposition de l'économie européenne à l'extérieur sera du même ordre quantitatif que celle de l'économie américaine ; dès lors, les problèmes posés par les rapports extérieurs de change de l'euro devraient être, sinon minimes, du moins beaucoup moins sensibles que ceux rencontrés par une Europe monétairement éclatée.

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