EXAMEN DES ARTICLES

Article unique
(Section X (nouvelle) du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation)

Appellation de boulanger et enseigne de boulangerie

Cet article instaure une nouvelle section X relative à l'appellation de boulanger et enseigne de boulangerie au sein du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation. Il introduit quatre nouveaux articles dans ce code .

Article L.121-80 (nouveau) du code de la consommation

Protection de l'appellation de boulanger et de l'enseigne commerciale de boulangerie

Selon le texte proposé par cet article pour l'article L.121-80 (nouveau) du code de la consommation, seuls les professionnels qui assurent eux-mêmes à partir de matières premières choisies, le pétrissage de la pâte, sa fermentation et sa mise en forme ainsi que la cuisson du pain sur le lieu de vente au consommateur peuvent utiliser l'appellation de " boulanger " et l'enseigne commerciale de " boulangerie ".

Cette protection vaut tant sur le lieu de vente du pain au consommateur final que dans les publicités. Elle n'est cependant pas applicable aux documents commerciaux. Enfin il est précisé que pour bénéficier de cette protection, les produits ne doivent à aucun stade de la production de la vente être surgelés ou congelés.

Plusieurs précisions sont nécessaires pour une bonne compréhension du dispositif proposé par l'Assemblée nationale :

Le texte adopté par l'Assemblée nationale interdit l'utilisation de l'appellation de " boulanger " et l'enseigne commerciale de " boulangerie " tout d'abord à des non-professionnels : un long débat a porté sur cette question lors de la discussion du texte en séance publique à l'Assemblée nationale. En effet, d'aucuns ont estimé que la protection de l'appellation devait être réservée aux artisans boulangers et non pas seulement aux professionnels.

Depuis une quinzaine d'années, les grandes et moyennes surfaces ont embauché des salariés qui peuvent être d'anciens boulangers et qui fabriquent du pain selon les méthodes et avec de la farine classiques. Ainsi, adopter comme seul critère de protection de l'appellation une fabrication selon des techniques et une méthode particulière peut paraître insuffisante. En effet, si cette disposition permet de se prémunir contre les dépôts de pain constitués dans certaines grandes et moyennes surfaces, elle ne garantirait pas véritablement la survie de la filière des artisans boulangers.

Votre rapporteur comprend cette démarche.

Néanmoins, au-delà de la nécessaire sauvegarde du métier d'artisan, votre commission considère que la parution du décret n° 98-246 du 2 avril 1998 relatif à la qualification professionnelle exigée pour l'exercice de certains métiers dont celui de boulanger -pris en application de loi n° 96-603 du 5 juillet 1996- constitue une garantie suffisante pour la protection de l'appellation de " boulanger ". En effet, désormais, seules les professionnels, titulaires d'un CAP ou d'un BEP ou d'un diplôme ou d'un titre homologué de niveau égal ou supérieur au CAP peuvent exercer l'activité de boulanger. A défaut de diplôme ou de titre homologué, les personnes doivent justifier d'une expérience de trois ans dans le métier.

Dès lors, réserver la protection de l'appellation aux artisans boulangers, traduirait certes une volonté louable de protéger ce secteur artisanal mais serait fondé non pas sur la qualification professionnelle ou la qualité du produit, mais sur un statut juridique et fiscal. Votre commission considère qu'une telle démarche s'avère quelque peu restrictive.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a élargi la protection de l'appellation. Elle a, en effet, interdit non seulement l'utilisation du terme de boulangerie mais aussi de toute dénomination " susceptible de porter à confusion ", permettant ainsi d'éviter tout détournement de l'appellation. Certains pourraient en effet utiliser les termes " la boulangerie merveilleuse " ou le " pro de la boulangerie " rendant inefficace le dispositif.

Votre rapporteur approuve cette précision qui complète utilement le texte de la proposition initiale.

La protection de l'application s'applique sur le lieu de vente du pain au consommateur final ainsi que dans les publicités : néanmoins, elle est écartée pour les documents commerciaux à usage strictement professionnels. Le but recherché est la protection du consommateur : ainsi les pratiques commerciales intervenant dans les rapports entre les professionnels ne les concernent pas directement. Il n'y a donc pas d'inconvénient à ce que la boulangerie industrielle puisse exporter du pain à l'étranger sous les appellations de " boulanger " ou " boulangerie ", ni à ce qu'elle vende aux hôpitaux ou aux entreprises leurs produits sous ces dénominations en les faisant figurer dans ses documents commerciaux et contractuels.

Ce qui paraît être nécessaire d'interdire, est l'utilisation de ces appellations et enseignes dans les relations entre la boulangerie industrielle et le consommateur final, c'est-à-dire dans les publicités, à l'exclusion des documents commerciaux, et sur les lieux de vente au public. L'exclusion des documents commerciaux est justifiée car selon l'interprétation de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, l'envoi ou la remise à des clients de documents commerciaux, tels que bons de commande, étiquettes ou factures, constitue une publicité. Or, cette forme d'information ne touche pas le consommateur final mais est un élément de la vie courante des affaires qui ne concerne que les professionnels.

Cette disposition a été précisée lors du débat en séance publique à l'Assemblée nationale. En effet, il a été indiqué que seuls étaient concernés par l'exclusion de l'appellation les documents commerciaux " à usage strictement professionnel ".

Enfin, si les entreprises qui soumissionnent à des offres de services d'hôpitaux ou d'autres collectivités, ainsi que celles qui exportent du pain, doivent pouvoir utiliser sur leurs factures l'appellation boulangerie, il faut éviter qu'elles n'utilisent ensuite les documents comptables ou juridiques correspondants pour les actions publicitaires. En effet, si les professionnels ne se trompent pas sur la qualité des prestataires, la confusion est possible chez les consommateurs.

Afin de pouvoir bénéficier de l'appellation, deux conditions cumulatives sont indispensables, selon les termes de l'article L.121-80 :

- le professionnel doit assurer, à partir de matières premières choisies, le pétrissage de la pâte, sa fermentation et sa mise en forme ainsi que la cuisson du pain sur le lieu de vente au consommateur final. Les termes de " matières premières choisies " englobent les différentes sortes de forme utilisées pour la fabrication du pain et les levures et levain, mais peuvent également concerner le sel et l'eau, dont la qualité est importante. Les étapes de la fabrication du pain doivent, en outre, être assurées par le même professionnel.

- à aucun stade de la production et de la vente les produits utilisés ne doivent être surgelés ou congelés. Cette disposition constitue un signe de qualité indéniable et connu de tous, ainsi qu'un trait distinctif de l'artisanat de la boulangerie : le consommateur doit avoir l'assurance que son boulanger vend un pain frais fabriqué avec des produits frais.

Par ailleurs, si la viennoiserie n'est pas concernée par la proposition de loi, les pains spéciaux sont inclus et ce malgré les difficultés que pourraient rencontrer les boulangers en fonction des capacités de production et du volume des ventes.

Article L.121-81 (nouveau) du code de la consommation -

Vente itinérante de pain

Cet article accorde une dérogation pour une forme traditionnelle de distribution du pain dans les zones rurales : il s'agit de la vente itinérante. Les tournées en camions des artisans boulangers s'avèrent être un moment privilégié dans la vie du bourg, du village ou de la petite commune tant sur le plan économique que social.

Lors de cette vente itinérante, l'appellation de boulanger peut être utilisée si les conditions de fabrication énoncées dans l'article L.121-80 sont respectées. En outre, le texte adopté par l'Assemblée nationale précise que le professionnel peut utiliser l'appellation de boulanger lorsqu'il effectue lui-même la vente mais aussi lorsque celle-ci est faite par l'un de ses salariés ou son conjoint.

Cette extension est tout à fait logique puisque l'artisan boulanger effectue aujourd'hui rarement en personne la tournée.

Votre commission souhaite en outre tirer toutes les conséquences de la possibilité de bénéficier de l'appellation de " boulanger " lors d'une vente itinérante . En effet, dès l'instant où la vente itinérante est autorisée, on peut très bien envisager que le pain soit fabriqué sur place par un artisan et que la qualité de boulanger puisse lui être attribuée s'il le vend dans un autre point de vente. La seule différence est que le point de vente n'est pas mobile mais fixe. Ainsi dans un cas le pain est vendu dans le véhicule, dans l'autre, le véhicule le transporte en un point fixe.

C'est pourquoi votre rapporteur vous propose un amendement tendant à autoriser le bénéfice de la protection de l'appellation lorsque le pain est vendu dans les établissements secondaires de l'entreprise, dans les limites de deux établissements secondaires par entreprise. Rappelons que près de 5.000 boulangeries seraient concernées par une telle disposition.

Article L. 121-83 (nouveau) du code de la consommation -

Contrôle et sanctions

Cet article prévoit des sanctions pénales en cas d'infraction aux dispositions des articles L.121-80 et L.121-81. Ces infractions sont des délits afin de constituer un dispositif réellement dissuasif.

Il appartient aux agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ainsi qu'aux agents de la direction générale de l'alimentation le soin de contrôler le respect de la loi et constater les infractions.

La procédure applicable est celle prévue en matière de publicité trompeuse (article L.121-2 de la consommation).

Une fois l'infraction constatée, le contrevenant encourt deux ans d'emprisonnement et 250 000 francs d'amende comme le prévoit l'article L.213-1 du code de la consommation, applicable aux cas de tromperie.

En outre, afin de lutter efficacement contre d'éventuelles campagnes publicitaires nationales, le montant maximal de l'amende peut être porté à 50 % des dépenses de publicité constituant le délit, comme le prévoit le second alinéa de l'article L.121-6 du code de la consommation.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article unique

Fermeture hebdomadaire obligatoire de tous les points de vente de pains

Cet article vise à rappeler l'obligation pour tous les points de ventes de pain d'une fermeture hebdomadaire obligatoire.

La réglementation en vigueur en matière de fermeture hebdomadaire des boulangeries figure aux articles L.221-9 et R.221-4 du code du travail. Elle permet aux magasins fabriquant des produits alimentaires destinés à la consommation immédiate de bénéficier de dérogations permanentes pour ouvrir les dimanches en entier dès lors qu'ils accordent à leurs employés un repos hebdomadaire de 24 heures consécutives par roulement ou collectivement.

Pour les magasins dont l'activité principale est la vente au détail de denrées alimentaires (ce qui exclut les hypermarchés mais pas de nombreux supermarchés), des dérogations de plein droit sont accordées par la loi pour ouvrir le dimanche matin jusqu'à midi, les personnels pouvant prendre leur repos hebdomadaire le dimanche à partir de 12 heures avec un repos compensateur d'une journée entière pris tous les quinze jours par roulement.

Une circulaire du 19 septembre 1995 a été adressée aux préfets par le ministre des PME, du commerce et de l'artisanat et le ministre du travail et des affaires sociales afin de leur rappeler l'obligation de faire respecter la réglementation en vigueur.

Afin de mettre fin aux nombreuses infractions constatées, votre commission vous propose un amendement tendant à assurer une meilleure application de la législation relative au repos hebdomadaire.

Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel.

* *

*

Sous réserve des observations qu'elle vous a présentées et des amendements qu'elle vous propose, votre Commission des Affaires économiques vous demande d'adopter la proposition de loi n° 375 adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale tendant à la détermination des conditions juridiques de l'exercice de la profession d'artisan boulanger.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page