b) Les raisons pour lesquelles l'aide au retour ne peut constituer une solution au problème des personnes non régularisées

Cet échec doit inciter à réfléchir aux raisons pour lesquelles l'aide au retour ne peut être une solution à la question du retour dans leur pays d'origine des personnes non régularisées.

Plusieurs explications paraissent devoir être avancées.

•  Tout d'abord, la nouvelle aide au retour n'apparaît pas fondamentalement différente de celle qui la précédait.

Même si le ministre de l'Intérieur a estimé, lors de son audition par la commission d'enquête le 15 janvier 1998, que la nouvelle aide à la réinsertion tenait " compte des réussites et des échecs des expériences antérieures ", force est de constater que la nouvelle aide ressemble beaucoup à l'ancienne . A l'exception du montant du pécule financier qui a été augmenté, le reste des améliorations apportées revêt une allure très " cosmétique "...

•  De plus, le nouveau dispositif d'aide au retour n'a été connu qu'à la fin du mois de janvier 1998, soit sept mois après la circulaire du 24 juin 1997 et seulement trois mois avant la fin théorique de l'opération de régularisation.

Ce retard a été préjudiciable aux résultats du nouveau dispositif mis en place et aux rares personnes dont la régularisation a été refusée avant l'entrée en vigueur de la circulaire du 19 janvier 1998 et qui avaient effectivement quitté la France à cette date.
Au nombre d'une dizaine environ, ces personnes n'ont pu bénéficier que de l'aide résultant du dispositif antérieur, datant de 1991. Le Directeur de l'OMI a toutefois affirmé, lors de son audition par la commission d'enquête, que ses services s'efforceraient de retrouver ces personnes dans leur pays d'origine.

Il est assez paradoxal de constater que les personnes dont la régularisation a été refusée avant le 19 janvier 1998 et qui n'avaient pas quitté le territoire, se maintenant ainsi illégalement en France, ont pu, quant à elles, bénéficier du nouveau dispositif d'aide au retour plus avantageux que l'ancien.

L'aide au retour repose en outre sur le volontariat des personnes concernées. Elle est une possibilité offerte -et non une obligation- pour les personnes invitées à quitter le territoire. Elle ne peut donc convenir qu'à des personnes désireuses de rentrer dans leur pays.

Or il apparaît que ces personnes sont très rares. L'opération de régularisation a suscité des espérances bien compréhensibles. Comme en témoignent les associations que la commission d'enquête a auditionnées, l'annonce d'un refus de régularisation est très mal acceptée des demandeurs qui se considèrent comme des victimes. Ils s'efforcent de tirer partie de toutes les voies de recours qui s'offrent à eux et ne sont guère dans une disposition d'esprit propre à les inciter au retour volontaire.

Selon certains représentants d'associations auditionnées par la commission d'enquête, les demandeurs à qui la régularisation a été refusée doivent au préalable accomplir un " travail de deuil " de leur présence en France et comprendre que leur avenir doit désormais se jouer ailleurs.

La mauvaise articulation entre les délais offerts par les recours et les délais de demande d'aide au retour compromet fortement le dispositif.

En effet, les personnes non régularisées reçoivent une invitation à quitter la France (IQF) qui les informe, d'une part, qu'il leur est possible de bénéficier d'une aide à la réinsertion en s'adressant avant la fin du délai d'un mois à l'OMI, d'autre part, qu'ils disposent d'un délai de deux mois pour former un recours gracieux, hiérarchique ou juridictionnel.

La coexistence de ces deux délais n'incite guère à demander l'aide au retour, les demandeurs non régularisés cherchant essentiellement à gagner du temps. En outre, beaucoup de demandeurs considèrent que la demande d'une aide au retour est incompatible avec un recours gracieux ou contentieux dans la mesure où une telle demande pourrait fragiliser leur dossier. Il est en effet psychologiquement difficile de contester une décision de refus de régularisation tout en se préparant parallèlement à rentrer dans son pays d'origine.

Dans la pratique, l'aide au retour repose sur une collaboration active avec certaines associations avec qui l'OMI aura passé une convention. L'OMI attend beaucoup de cette collaboration pour faire connaître et comprendre le nouveau dispositif aux populations concernées.

L'aide que peuvent apporter ces associations est toutefois à évaluer avec prudence. Les finalités des associations - dont beaucoup sont favorables à une régularisation de l'ensemble des demandeurs - divergent très nettement des objectifs de l'OMI.

Dans les cas de refus de régularisation, les associations cherchent davantage à aider les personnes concernées à former un recours qu'à les inciter à quitter le territoire français.

Il est permis de s'interroger sur l'enthousiasme avec lequel elles vont faire la promotion du dispositif d'aide au retour et sur l'efficacité réelle de leur action dans ce domaine.

A ces raisons de fond, s'ajoutent des difficultés administratives. La circulaire du 19 janvier 1998 prévoit que les préfectures sont tenues d'adresser sans délai à l'OMI un double des notifications d'IQF envoyées aux intéressés. Ces doubles permettent à l'OMI, lorsqu'il constate que l'intéressé ne s'est pas présenté, d'envoyer au bout de trois ou quatre semaines une lettre de relance effectués dans le cadre de l'aide au retour rappelant l'aide que peut lui apporter l'OMI. Parallèlement, l'OMI informe les préfectures des départs de personnes auxquels il a contribué.

Or les transmissions par les préfectures des IQF à l'OMI ne semblent pas se faire de manière très efficace . A la date du 26 février 1998, soit plus d'un mois après la parution de la circulaire relative à l'aide au retour, seules 2.000 notifications d'IQF avaient été transmises à l'OMI. A cette date pourtant, près de 30.000 refus de régularisations avaient déjà été prononcés par les préfectures.

On ne peut qu'être frappé du " fossé " séparant, d'une part, 70.000 personnes non régularisées qui doivent rentrer chez elles et, d'autre part, le très petit nombre de personnes qui se sont jusqu'à présent déclarées intéressées par l'aide au retour.

Sans condamner l'aide au retour - qui donne des résultats qualitatifs intéressants - il convient de souligner que cette procédure ne peut être en aucun cas une solution au problème soulevé par la présence sur notre territoire de plus de 70.000 personnes non régularisées qui devront repartir dans leur pays d'origine. Comparée à cette population, l'aide au retour n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan.

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