CHAPITRE I

LES RECETTES DU PROJET DE BUDGET POUR 1999

I. L'ARCHITECTURE DU FINANCEMENT EUROPÉEN : UN SYSTEME COMPLEXE ET OPAQUE :

Répartition des ressources propres par catégories
dans le projet de budget de la Communauté pour 1999

(en Meuros)

Origine de la recette

Projet de budget 1999

En %

Prélèvements agricoles

949,0

1,1

Cotisations sucre et isoglucose

972,0

1,1

Droits de douane

11 983,8

13,9

Contribution TVA

30 374,2

35,4

Contribution PNB

41 052,8

48,4

Excédents disponibles

p.m.

p.m.

Total

85 241,9

100,0

Le montant total des ressources propres s'élève à environ 1,08 % du PNB communautaire prévu pour 1999.

Ce pourcentage est inférieur, en tout cas sur la base des prévisions économiques associées à l'exercice budgétaire, à celui prévu l'an dernier -1,13 %- et aussi au plafond fixé par la décision relative aux ressources propres du 31 octobre 1994 qui est de 1,27 % pour 1999.

L'architecture des ressources du budget européen se caractérise par sa particulière complexité et opacité. Ces caractéristiques privent les citoyens de l'Union européenne de l'idée même de participer au financement de l'Union européenne.

Hors recettes diverses, on a coutume de distinguer entre les ressources propres traditionnelles et les autres ressources propres. Les premières seraient composées des prélèvements agricoles, des "cotisations sucre et isoglucose" et des droits de douane, les secondes des " contributions TVA et PNB ".

L'on met alors en évidence l'infléchissement continu des premières au profit de l'accroissement résolu de la part relative des secondes (voir le tableau ci-dessous).

Composition des ressources propres de l'Union européenne

(en pourcentage du total, chiffres consolidés ; les données pour 1998 et 1999
sont des projections)

 

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Ressources propres traditionnelles


29,1


28,7


29,4


26,4


23,6


20,3


20,6


21,3


19,1


18,8


16,7


16,1

TVA 1

60,0

60,7

69,9

59,5

61,9

54,0

51,9

57,8

51,3

45,5

39,7

35,4

PNB

10,9

10,6

0,7

14,1

14,5

25,7

27,5

20,9

29,6

35,7

43,6

48,4

1. Y compris la correction en faveur du Royaume-Uni

L'effritement des ressources traditionnelles est incontestable . Leur niveau absolu s'est, au cours des dernières années, toujours situé entre 12 et 14 milliards d'écus, ce qui s'est traduit par une baisse de leur part dans le financement du budget européen.

On en connaît certaines raisons : pour les droits de douane, un désarmement tarifaire continuel, pour les prélèvements agricoles, le rapprochement des prix intérieurs et mondiaux et l'autosuffisance de la Communauté.

On en devine d'autres : la volonté inégale des Etats de recouvrer certaines de ces ressources, évoquée en ces termes par la Commission européenne :

" Dans ces conditions, les Etats membres préfèrent apparemment financer le budget de l'Union européenne par le biais du PNB plutôt que d'instaurer un système plus efficace de perception des ressources propres traditionnelles... en effet, pour des raisons compréhensibles, ils ne sont disposés ni à renforcer le cadre réglementaire du système douanier ni à engager les ressources nécessaires au recouvrement des droits de douane " 2( * ) .

Parallèlement, les " autres ressources propres " connaissent une montée en charge continue mais inégale . Elles représentent 83,8 % du total en 1999, contre 70,9 % en 1988. Mais, une inversion de tendance doit être soulignée. A partir de 1994, la part de la " ressource-TVA " se réduit et celle de la ressource-PNB augmente.

Cette évolution asymétrique des deux " contributions " résulte pour l'essentiel des dispositions de la décision 94/728/CE du 31 octobre 1994 qui a amplifié les effets d'une précédente décision de 1988. Alors, l'assiette-TVA des Etats membres qui sert à calculer leur contribution avait été plafonnée à 55 % de leur PIB. En 1994, cet écrêtement fut ramené à 50 % du PIB, immédiatement pour le Portugal, la Grèce, l'Espagne et l'Irlande, progressivement pour les autres Etats. En outre, le taux maximal d'appel de la ressource fut abaissé passant, là aussi progressivement, de 1,4 à 1 % en 1999.

A. LE DÉCLIN DE LA "RESSOURCE-TVA" :

Ces réformes ont provoqué une baisse accusée du poids relatif de la " ressource-TVA  " décrite dans le tableau ci-dessus .

Le calcul de la "contribution-TVA"

Le calcul de la "contribution-TVA" des Etats-membres suppose d'abord la définition d'une assiette commune dont les modalités ont été arrêtées dans la 6 ème directive TVA du 17 mai 1977. Il s'agit pour l'essentiel de rapporter les recettes nettes de TVA dans chaque Etat à un taux moyen pondéré de TVA qui résulte d'une pondération des différents taux appliqués par chaque Etat en fonction de la structure de l'assiette fiscale (la consommation pour l'essentiel) dans chaque Etat. Un certain nombre de compensations sont alors effectuées pour tenir compte des particularités nationales en matière d'exonération de TVA. Puis, l'assiette de TVA fait l'objet d'un écrêtement à hauteur, désormais, de 50 % des PIB nationaux.

L'assiette se voit alors appliquer un taux d'appel.

Le taux maximal d'appel est en 1999 de 1 % -v. supra. Le taux uniforme d'appel tient compte de la compensation britannique et le taux d'appel effectif est le quotient entre le versement effectif et l'assiette uniforme écrêtée.

Cette diminution de la part de la " contribution-TVA " a, dans une certaine mesure, permis d'atténuer les inconvénients des biais statistiques d'un système difficilement maîtrisable -v. encadré ci-dessus. En effet, comme la définition de l'assiette-TVA européenne dépend de la qualité des systèmes nationaux de perception des impôts, les Etats rigoureux en la matière se voyaient imposer des contributions comparativement plus importantes que celles que devaient supporter les Etats plus laxistes.

Le plafonnement de l'assiette a pour effet d'atténuer cette distorsion. En revanche, il laisse aux Etats laxistes en la matière, le bénéfice d'une sous-estimation de leur assiette-TVA. En conséquence, la contribution-TVA qui représente encore plus du tiers des moyens du budget européen reste probablement à l'origine de transferts de charge dissimulés entre Etats, transferts d'autant moins admissibles que le budget européen repose, précisément, pour une grande partie sur des mécanismes de solidarité entre Etats.


La diminution du poids de la " ressource-TVA " dans le total des ressources du budget européen est également susceptible de provenir des évolutions économiques constatées dans les Etats-membres. Par approximation, on peut estimer que si le taux d'épargne s'accroît dans les Etats-membres alors la ressource-TVA s'accroît moins que le PIB. Il en va de même si les exportations prennent une part croissante dans la formation du PIB.

Deux observations s'imposent donc :

- l'évolution de la " ressource-TVA " est susceptible de différer sensiblement de celle de la croissance ;

- les disparités de structure ou de conjoncture économique entre Etats-membres sont susceptibles d'influer sur la répartition de la charge de financement de l'Union.

De ce point de vue, celle-ci tenait à ce que l'écrêtement de l'assiette-TVA programmé dans la décision de 1994 a eu pour heureux effet d'éliminer une grave distorsion. Les Etats les moins riches, dans lesquels la part de l'assiette-TVA dans le PIB était comparativement importante, contribuaient au titre de la TVA relativement plus que ce qu'aurait été leur contribution si elle avait été assise sur le PIB, référence plus significative de la richesse nationale.

La réforme de 1994 a donc eu pour effet de rapprocher les contributions des Etats de leurs capacités contributives.
Toutefois, ce rapprochement n'est pas complet comme le montre le tableau ci-dessous :

Différence entre la contribution TVA réelle
et la contribution PNB théorique (1)

B

DK

D

GR

E

F

IRL

I

L

NL

A

P

FIN

S

UK

- 266

- 71

708

20

98

159

8

- 1.236

7

42

93

79

- 45

72

332

Source : " Le financement de l'Union européenne ". Rapport de la commission européenne -
7 octobre 1998.


Il apparaît ainsi que quatre pays " profitent " du " statu quo " et que leurs " contribution-TVA " sont inférieures à ce que seraient leurs contributions si elles étaient entièrement assises sur leur PNB :

- l'Italie pour 1.236 millions d'écus ;

- la Belgique pour 266 millions d'écus ;

- le Danemark pour 71 millions d'écus ;

- et la Finlande pour 45 millions d'écus.

Le maintien du " statu quo " pénalise tout particulièrement l'Allemagne (708 millions d'écus), le Royaume-Uni - 332 millions d'écus) et la France (159 millions d'écus).

B. LA PROGRESSION DE LA " RESSOURCE-PNB " :

La montée en charge de la " ressource-PNB " qui, désormais, représente à peu près la moitié du financement du budget européen est évidemment la conséquence directe de la réforme de 1994.

Sur le plan de l'équité contributive, cette évolution doit être saluée mais des progrès restent à faire.

La précision des données statistiques doit être parfaite faute de quoi les transferts de charge dénoncés en matière de "contribution-TVA" risquent de se produire de la même manière pour les "contributions-PNB" des Etats membres.

En outre, la correction accordée au Royaume-Uni, par le Conseil européen de Fontainebleau -v. infra- de juin 1984 étant financée depuis 1988 au moyen d'une majoration de la "contribution-PNB" des autres Etats-membres un facteur de grave distorsion a été introduit qu'il convient d'éliminer.

Enfin, si les niveaux relatifs de PIB des Etats membres sont une approximation correcte de leurs capacités contributives respectives, un raffinement supplémentaire pourrait être introduit consistant à tenir compte des niveaux relatifs de PIB par habitant.

Il existe en effet des écarts significatifs entre la part du PIB européen de chaque pays et la situation de richesse relative de chaque habitant comme le montrent les deux tableaux ci-dessous.

Part des Etats membres dans le PNB de l'Union européenne à 15

(en pourcentage du total, données pour 1997, y compris la correction
en faveur du Royaume-Uni)

 

B

DK

D

GR

E

F

IRL

I

L

NL

A

P

FIN

S

UK

Part du PNB de l'UE

3,1

1,9

26,0

1,5

6,6

17,2

0,8

14,2

0,2

4,5

2,6

1,2

1,4

2,7

16,1

Capacité contributive et prospérité relative
Produit national brut aux prix du marché par habitant en écus et en SPA


(jusqu'en 1990 : D et EUR-15 sans l'Allemagne de l'Est ;
à partir de 1991 : D et EUR-15 avec les nouveaux Länder)

 

Ecus

SPA 1

 

1984

1990

1991

1995

1997

1984

1990

1991

1995

1997

B

101,0

104,0

106,0

121,5

112,8

106,8

105,3

109,2

115,7

115,3

DK

131,1

127,8

124,3

140,2

137,4

106,7

100,6

102,4

110,8

112,5

D

129,9

127,3

114,6

130,9

118,6

119,0

117,8

107,3

110,4

109,4

GR

53,5

44,0

46,6

49,2

53,3

62,8

59,3

62,3

66,5

69,0

E

52,3

66,7

71,4

63,4

62,6

69,0

74,2

79,4

76,8

77,7

F

115,7

111,4

110,3

116,4

109,9

111,7

109,7

113,0

106,7

104,3

IRL

61,9

61,3

62,4

69,1

79,9

59,6

64,3

68,7

80,5

82,4

I

92,7

101,1

105,3

83,2

92,2

101,9

101,9

105,5

103,7

102,6

L

171,4

184,0

192,3

201,8

186,4

173,5

185,2

196,6

181,6

176,2

NL

112,0

100,7

101,2

113,7

108,1

102,7

101,3

102,3

106,8

106,0

A

109,3

109,2

111,8

127,6

118,8

106,1

105,8

108,8

111,1

112,6

P

26,2

35,8

41,5

46,8

46,7

49,4

58,9

64,5

70,0

69,6

FIN

130,1

139,5

123,3

105,9

104,9

99,1

99,9

91,1

93,6

96,4

S

144,5

137,8

142,4

111,7

114,2

111,8

104,5

102,4

97,3

93,7

UK

98,6

89,1

91,2

83,8

101,8

99,6

99,5

96,3

96,4

100,3

EUR-15

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

1. SPA : Standards de pouvoir d'achats

Il apparaît ainsi que malgré une part du PIB européen leur revenant inférieure à une moyenne théorique, plusieurs pays connaissent un indice de prospérité supérieur à la moyenne des habitants des quinze Etats membres (Belgique, Danemark, Pays-Bas, Luxembourg, Autriche...) tandis que, par symétrie, ce dernier indicateur n'est pas pour d'autres pays à la mesure de la part prise par eux dans la formation du PIB européen.

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