N° 128

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 décembre 1998

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relative à la validation législative d' actes pris après avis du comité technique paritaire du ministère des affaires étrangères,

Par M. Daniel GOULET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Michel Barnier, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1205, 1218 et T.A. 213.

Sénat
: 109 (1998-1999).

Ministères et secrétariats d'Etat.

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale le 8 décembre 1998, tend à valider l'ensemble des actes pris après avis du Comité technique paritaire du Ministère des Affaires étrangères tel qu'il avait été composé sur la base d'un arrêté du 14 octobre 1994 déterminant les organisations syndicales aptes à désigner les représentants du personnel à ce Comité, et fixant la répartition des sièges entre les différentes organisations.

Le Conseil d'Etat ayant annulé cet arrêté le 29 juillet 1998, tous les actes pris après consultation du Comité technique paritaire dont la composition est ainsi contestée paraissent entachés d'illégalité. Cette constatation s'étend aux textes adoptés après avis du Comité technique paritaire suivant, institué sur la base d'un arrêté du ler octobre 1997 qui fondait la composition de ce comité sur les mêmes critères de représentativité syndicale que l'arrêté de 1994 annulé par le Conseil d'Etat.

La présente proposition de loi vise donc à consolider l'ensemble de la vie juridique du Ministère des affaires étrangères , l'arrêt du Conseil d'Etat étant à l'origine d'une situation d' insécurité juridique qui s'étend sur l'ensemble de la période 1994-1998, et concerne de surcroît la réorganisation du Ministère fondée sur la fusion entre le Quai d'Orsay et le Ministère de la coopération.

La présente proposition, il faut le souligner, ne constitue pas un blanc-seing donné par le législateur au gouvernement pour maintenir à l'avenir une situation irrégulière.

Cette proposition de loi, en effet, ne vise pas à donner force de loi à un arrêté jugé contraire au droit par le Conseil d'Etat, ce qui constituerait une violation du principe de séparation des pouvoirs et de l'autorité de la chose jugée, mais concerne la validation de textes adoptés après avis d'un comité technique paritaire dont la composition, pourtant conforme aux habitudes administratives du Ministère des affaires étrangères, est contestée par le Conseil d'Etat. Dans cette logique, la présente proposition a pour objet de valider des actes pris depuis 1994 par le ministère des affaires étrangères, ces textes étant fondés sur une base qui s'est révélée par la suite irrégulière.

Après un rappel des faits qui ont conduit à l'annulation, par le Conseil d'Etat, de l'arrêté précité du 14 octobre 1994, et après avoir commenté la situation juridique créée par cette annulation, qui permettent de conclure à l'opportunité de l'adoption de la présente proposition de loi, votre rapporteur présentera les interrogations suscitées par les mesures d'ores et déjà prévues au Ministère des affaires étrangères pour tirer les conséquences des observations formulées par le juge.

*

* *

I. RAPPEL DES FAITS AYANT CONDUIT À L'ANNULATION DE L'ARRÊTÉ DU 14 OCTOBRE 1994 PAR LE CONSEIL D'ETAT

1. Les comités techniques paritaires de la fonction publique

Institués dans la fonction publique de l'Etat par la loi du 19 octobre 1946, et maintenus par l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires, les comités techniques paritaires sont régis par le décret n° 82-452 du 28 mai 1982 modifié.

. Le décret de 1982 prévoit deux types de CTP :

- Les CTP dont la création est obligatoire : il s'agit du CTP ministériel , institué auprès de chaque ministre (article 2), ainsi que du CTP Central devant être mis en place "auprès de chaque directeur du personnel de l'administration centrale" et auprès des directeurs d'administration, comportant des services centraux et des services extérieurs (article 3). Des comités techniques paritaires régionaux ou départementaux doivent également être créés auprès des chefs de service déconcentré lorsque les effectifs du service sont supérieurs à 50 agents (article 4).

. Les CTP dont la création est facultative : il s'agit des CTP spéciaux , susceptibles d'être mis en place "dans les services (...) dont la nature ou l'importance le justifie" (article 4 bis).

. La composition des comités techniques paritaires est assise sur les organisations syndicales "regardées comme représentatives du personnel" en fonction des effectifs qu'elles représentent. Les organisations syndicales aptes à désigner des représentants au CTP sont déterminées par arrêté ministériel. Un autre arrêté fixe le nombre des sièges attribués à chaque organisation à partir du nombre de voix obtenues lors des élections des représentants du personnel aux commissions administratives paritaires (article 8).

. Le décret de 1982 permet la participation aux comités techniques paritaires d' agents non titulaires (article 3) : cette disposition tire les conséquences du fait que les attributions des CTP concernent tous les agents travaillant dans le ressort d'un CTP, que ces agents soient ou non titulaires.

. L'article 11 du décret de 1982 invite le ministre intéressé à procéder à une consultation du personnel afin de déterminer le nombre de sièges susceptibles d'être attribués à chaque organisation, "en cas d'impossibilité d'apprécier la représentativité des organisations syndicales".

. Les attributions définies par le décret de 1982 (article 12) concernent, pour l'essentiel :

- les problèmes généraux d'organisation des administrations, établissements ou services,

- les conditions générales de fonctionnement des administrations et services,

- les programmes de modernisation des méthodes et techniques de travail et leur incidence sur la situation des personnels,

- les règles statutaires,

- l'examen des grandes orientations à définir pour l'accomplissement des tâches de l'administration concernée,

- les problèmes d'hygiène et de sécurité.

2. L'organisation retenue au Ministère des affaires étrangères

Le décret n° 94-726 du 19 août 1994, relatif aux comités techniques paritaires du ministère des affaires étrangères et dérogeant à certaines dispositions du décret n° 82-452 du 28 mai 1982, pose le principe d'une organisation particulière pour le ministère des affaires étrangères. D'autres départements ministériels disposent de CTP dérogeant aux principes posés par le décret de 1982 : il s'agit des ministères de la défense, de l'intérieur et de l'éducation nationale.

Au ministère des affaires étrangères, le décret de 1994 précité institue :

- un premier comité technique paritaire ministériel , "compétent pour connaître des questions intéressant les fonctionnaires du ministère des affaires étrangères et les agents contractuels en fonctions à l'administration centrale du ministère des affaires étrangères ou dans les missions diplomatiques et les postes consulaires" ;

- un second comité technique paritaire , compétent pour les questions concernant les personnels contractuels et les fonctionnaires détachés auprès du ministre des affaires étrangères et exerçant une mission dans un établissement ou organisme de diffusion culturelle à l'étranger.

La répartition des compétences entre ces deux CTP est donc essentiellement sectorielle.


Le premier comité technique paritaire ministériel connaît, en effet, des questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des services centraux, des missions diplomatiques et des postes consulaires du ministère des affaires étrangères, et des questions concernant les règles statutaires et les rémunérations, les problèmes d'hygiène et de sécurité, ainsi que les programmes de modernisation des méthodes et techniques de travail et leur incidence sur la situation des personnels. Le second comité technique paritaire (le CTP "culturel"), quant à lui, a pour attributions la situation des personnels exerçant leur mission dans un établissement ou organisme de diffusion culturelle à l'étranger. Notons, à cet égard, que l'article 4 (concernant le second CTP) du décret du 19 août 1994 vise les fonctionnaires, les contractuels recrutés en France et, s'agissant des contractuels recrutés localement, les personnels contractuels de nationalité française : cet article exclut donc les recrutés locaux de nationalité étrangère du champ de compétence du second CTP .

3. Les arrêtés fixant la composition des comités techniques paritaires du Ministère des affaires étrangères

. L'arrêté du 14 octobre 1994 du ministre des affaires étrangères annulé par le Conseil d'Etat déterminait les organisations syndicales aptes à désigner les représentants du personnel aux CTP, en se fondant sur les résultats des élections aux commissions mixtes paritaires. Dans la logique définie par cet arrêté, un second arrêté du 10 novembre 1994 fixait la composition du CTP ministériel du Ministère des affaires étrangères.

. Le mandat des CTP étant de trois ans, deux nouveaux CTP ont été institués en 1997 . Dans la même logique que précédemment, l'arrêté du ler octobre 1997 établissait la liste des organisations syndicales aptes à désigner les représentants du personnel au premier CTP ministériel, en se fondant sur les mêmes critères que l'arrêté du 14 octobre 1994. Il était donc fait référence, conformément d'ailleurs à la formule qui a toujours été retenue à cet égard par le Ministère des affaires étrangères, aux résultats des élections aux commissions mixtes paritaires. Enfin, l'arrêté du 5 novembre 1997 déterminait, comme l'arrêté du 10 novembre 1994, la composition du CTP ministériel du ministère des affaires étrangères.

4. Les arguments du Conseil d'Etat

Le Conseil d'Etat a estimé que, pour apprécier la représentativité des organisations syndicales susceptibles de représenter le personnel aux CTP du ministère des affaires étrangères, le ministère des affaires étrangères n'aurait pas dû se référer aux résultats des élections aux commissions mixtes paritaires. En effet, ces élections ne concernent pas les contractuels et, parmi ceux-ci, les recrutés locaux de nationalité étrangère. Or ces derniers, a constaté le Conseil d'Etat, représentent quasiment la moitié des agents relevant du Ministère des affaires étrangères, soit, en 1994, 5 072 personnes sur un effectif de 13 681 (dont 591 recrutés locaux de nationalité française). En 1998, le nombre de recrutés locaux est passé à 5 530 agents (au terme du schéma quinquennal d'adaptation des réseaux, qui a prévu le recrutement de deux recrutés locaux pour un emploi de titulaire supprimé), dont 1 191 Français.

Le Conseil d'Etat a souhaité tirer "mécaniquement" les conséquences de l' importance des effectifs de recrutés locaux -et, notamment, des recrutés locaux de nationalité étrangère -dans les effectifs du ministère des affaires étrangères. Il a donc estimé que le ministre des affaires étrangères aurait dû, conformément à l'article 11 du décret de 1982, procéder à une consultation des agents titulaires et non titulaires afin de déterminer le nombre de sièges susceptible d'être attribués à chaque organisation syndicale. Le Conseil d'Etat a donc fait valoir que ces organisations doivent être représentatives des personnels contractuels, sans exclure les recrutés locaux, y compris ceux de nationalité étrangère, alors que la liste qui résulte de l'arrêté du 14 octobre 1994 ne permet pas la représentation spécifique des personnels contractuels.

L'argumentation du Conseil d'Etat s'appuie sur la constatation que les personnels contractuels recrutés localement constituent une proportion très importante des effectifs du Quai d'Orsay . On peut se demander si l'interprétation faite par le juge de la composition du CTP ministériel du ministère des affaires étrangères pourrait être étendue aux CTP des autres ministères recourant aussi à des recrutés locaux, dans leurs services à l'étranger. Tel est le cas, en effet, des ministères de la défense et de l'économie. Selon les informations transmises à votre rapporteur, les recrutés locaux employés par ces départements ministériels représenteraient une proportion suffisamment modeste de leurs effectifs pour que leur représentation aux comités techniques paritaires ne soit pas considérée comme indispensable.

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