B. AUDITION DE M. MARCEL RAVOUX, PRÉSIDENT DE LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE ET MATERNITÉ DES TRAVAILLEURS NON SALARIÉS DES PROFESSIONS NON AGRICOLES (CANAM), ET DE M. DANIEL POSTEL-VINAY, DIRECTEUR GÉNÉRAL AINSI QUE DE M. DANIEL LENOIR, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE (MSA).

M. Marcel Ravoux a exprimé les inquiétudes que soulevait le projet de loi de la part de la CANAM.

S'agissant de la couverture de base, il a souligné tout d'abord que le principe de la déconnexion entre le paiement des cotisations et le versement des prestations dans le cadre de la CMU allait à l'encontre du principe appliqué aux personnes assujetties au régime de base de la sécurité sociale qui subordonne le droit aux prestations en nature des assurances maladie et maternité au paiement de cotisations.

Il a considéré que la déconnexion susciterait une contestation croissante du monopole des régimes obligatoires d'adhésion à la sécurité sociale, contestation qui était déjà à l'oeuvre dans le secteur professionnel des artisans. Il a craint une baisse du taux de recouvrement des cotisations.

Il a émis des réserves sur la rénovation de la procédure d'opposition à tiers détenteur applicable pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale dues par les travailleurs indépendants, en soulignant les risques d'un allongement des délais de procédure et d'un accroissement des contentieux.

Concernant le régime de protection complémentaire, M. Marcel Ravoux a rappelé que, dans la mesure où la CANAM connaissait les revenus professionnels des travailleurs non salariés non agricoles, mais qu'elle ne disposait pas d'informations sur les autres sources de revenus, l'évaluation du nombre d'assujettis au régime de l'assurance maladie des professions indépendantes susceptibles de bénéficier de la nouvelle protection complémentaire était très approximative.

Il a estimé toutefois que 390.000 ressortissants de la CANAM faisant état de revenus professionnels inférieurs à 67.000 francs par an étaient susceptibles de bénéficier de la couverture complémentaire.

Il a noté, par ailleurs, que la CANAM ne connaissait ni les revenus des assurés qui étaient en début d'activité, ni ceux des assurés qui présentaient un déficit d'exploitation.

Il a rappelé que, si le régime d'assurance maladie des professions indépendantes ne gérait pas l'assurance personnelle, il existait néanmoins environ 700 personnes qui avaient adhéré volontairement à ce régime en vertu de l'ordonnance du 21 août 1967 et pour lesquelles le projet de loi ne contenait aucune disposition. Il a souhaité le maintien du statu quo pour ces personnes.

Il a observé, par ailleurs, que la CMU était de nature à remettre en cause le principe de la cotisation minimale due actuellement par les travailleurs indépendants.

La cotisation minimale, calculée en fonction du taux de cotisation et du plafond de l'assiette de calcul des cotisations de sécurité sociale, s'élève à 4.098 francs par an pour les commerçants et les professions libérales et à 4.445 francs pour les artisans et concerne environ 400.000 travailleurs indépendants.

M. Marcel Ravoux a considéré que, dès lors que, au titre de la CMU, il n'était pas prévu de cotisation minimale et qu'en outre les personnes concernées étaient exonérées du paiement de cotisation en dessous d'un certain plafond, des ajustements seraient nécessaires, qui auraient un coût pour la CANAM.

S'agissant de la protection complémentaire, M. Marcel Ravoux s'est inquiété de l'effet de seuil important qui apparaîtrait entre les personnes qui seraient en dessous du seuil de revenus ouvrant droit à la CMU et celles qui se situeraient à peine au-dessus du seuil et devraient acquitter une assurance complémentaire de droit commun.

Il a rappelé que le coût minimal d'une telle protection complémentaire était de l'ordre de 6.000 francs par an pour un ménage de travailleurs indépendants d'âge actif sans enfant et de 9.000 francs à 10.000 francs environ par an pour un couple de retraités.

Il a estimé que les prélèvements pesant sur les ménages actifs seraient une incitation forte au développement du " travail au noir ".

Abordant les amendements proposés par la CANAM, M. Marcel Ravoux a souhaité tout d'abord la possibilité de prélever le montant des cotisations non acquittées sur le paiement des prestations dans l'hypothèse où le principe de la déconnexion serait maintenu.

Il a demandé, par ailleurs, que le dispositif actuellement en vigueur de cotisation minimale soit remplacé par un régime de cotisation proportionnelle au revenu.

Concernant la couverture complémentaire, il s'est prononcé en faveur du maintien du principe de la gratuité pour les personnes titulaires du RMI, pour le versement d'une cotisation symbolique par les personnes dont les ressources seraient comprises entre celles ouvrant droit au RMI et le seuil de revenu prévu par la CMU, et pour le versement d'une cotisation proportionnelle au revenu, assortie d'une aide dégressive jusqu'à un niveau de ressources correspondant à deux fois le plafond de la sécurité sociale, pour les autres assurés.

Il a souhaité que la date de mise en oeuvre de la réforme soit reportée du 1er janvier au 1er avril 2000 pour tenir compte des délais nécessaires à l'adaptation des applications informatiques des caisses.

M. Daniel Lenoir a indiqué que la MSA partageait de nombreux éléments d'analyse de la CANAM.

Tout en faisant part de son adhésion de principe à l'objectif d'amélioration de l'accès aux soins poursuivie par le projet de loi, il s'est déclaré hostile au système de l'affiliation automatique à une caisse primaire d'assurance maladie en rappelant que certaines personnes en difficulté étaient déjà actuellement affiliées à une caisse primaire de la MSA.

Il a souligné l'importance de la question de la déconnexion entre le versement des prestations et le paiement des cotisations. Il s'est demandé si, dans la pratique, la CMU aurait bien un caractère subsidiaire par rapport au système d'assurance professionnelle et si des mesures de sanction ne devraient pas être envisagées à l'encontre des personnes relevant d'un régime obligatoire qui choisiraient abusivement de s'affilier à la CMU.

Il a regretté que le projet de loi supprime une disposition du code rural qui permettait à la MSA de recouvrer les cotisations impayées par opposition à tiers détenteur sans l'intervention d'un huissier qui avait parfois des effets négatifs.

Il a souligné que le principe de la cotisation minimale actuellement exigible dans le régime de la MSA devrait être modifié dès lors que la CMU entrerait en vigueur, en raison des effets de seuil.

S'agissant de la couverture complémentaire, il a constaté que le dispositif de la CMU créait d'importants effets de seuil, tout en remarquant que l'évaluation du nombre des assujettis à la MSA qui pourraient bénéficier de cette protection complémentaire était difficile en raison des insuffisances dans la connaissance des revenus.

Il a estimé que 800.000 personnes seraient concernées par l'assurance complémentaire de la CMU au sein de la MSA. Il a souhaité également un dispositif de lissage des effets de seuil.

Il a considéré que la CMU remettrait en cause les dispositifs de couverture complémentaire mis en place par la section sociale de la MSA sur la base de l'article 1049 du code rural. Il a rappelé que 40 % à 60 % des adhérents de la MSA bénéficiaient de la gratuité des soins grâce à ce mécanisme de couverture complémentaire.

M. Charles Descours s'est demandé comment les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) contrôleraient les informations sur les revenus non professionnels des personnes demandant à bénéficier de la CMU. Il a estimé normal que les règles de droit commun soient respectées en matière de recouvrement des créances de sécurité sociale. Il s'est interrogé sur la disparité de traitement entre, d'une part, un travailleur indépendant ou un agriculteur qui paierait des cotisations pour sa couverture de base et, d'autre part, une personne ayant les mêmes revenus mais affiliée à la CMU.

En réponse, M. Marcel Ravoux et M. Daniel Lenoir ont souligné que cette disparité de traitement prévisible était à l'origine de leur demande de la suppression du principe du versement d'une cotisation minimale dans les régimes obligatoires.

M. Guy Fischer s'est demandé sur quelle base la CANAM et la MSA estimaient que 40 à 60 % de leurs ressortissants se trouvaient en dessous du seuil de revenu prévu pour la CMU.

M. Marcel Ravoux a indiqué que cette statistique était fondée sur les déclarations des revenus professionnels des affiliés. Il a précisé que, compte tenu des ayants droit, un million de personnes déjà affiliées seraient concernées par la CMU et insisté sur le risque d'une déstabilisation du régime d'assurance complémentaire.

M. Daniel Lenoir a souligné en effet le niveau relativement faible des retraites agricoles et il a fait état du risque de déstabilisation des régimes complémentaires mis en place soit dans le cadre d'accords interprofessionnels, soit dans les sections sociales de la MSA.

M. Jean Delaneau, président , a souligné que la notion de seuil de pauvreté était variable dans le temps et qu'elle ne permettait pas de prendre en compte les ressources non monétaires ainsi que les effets de solidarité familiale.

M. Daniel Lenoir a indiqué que la MSA avait souhaité qu'une réflexion soit engagée pour mettre en place un indicateur statistique de précarité des personnes.

M. Marcel Ravoux a souligné qu'il conviendrait, au regard du dispositif mis en place dans le cadre de la CMU, d'examiner attentivement les modalités de remboursement des prothèses, notamment en matière dentaire ou optique, consenties actuellement aux assujettis des régimes obligatoires.

Il a souhaité que la discussion du projet de loi aboutisse à l'adoption d'une disposition urgente afin de permettre que les modifications du régime des indemnités journalières versées par la CANAM puissent être décidées par le vote des seuls membres élus de la section professionnelle intéressée du conseil d'administration de la CANAM, et non plus par l'assemblée des administrateurs des caisses régionales de la CANAM représentant le groupe professionnel intéressé, comme prévu actuellement par l'article L. 615-20 du code de la sécurité sociale.

M. Bernard Seillier a estimé, en effet, que des simplifications pouvaient être apportées en matière de procédure dès lors que le régime des indemnités journalières avait été institué en assemblée générale.

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