3. Les directeurs des ressources humaines estiment que les 35 heures n'auront pas d'effet sur l'emploi

L'Association nationale des directeurs et cadres de la fonction personnel (ANDCP) qui regroupe des praticiens des ressources humaines et du droit du travail estime qu'à la lumière de l'expérience de ses membres, " l'adaptation des entreprises aux 35 heures dès le 1 er janvier 2000 sera difficile compte tenu de l'impréparation de celles-ci ". 70( * )

Cette association a réalisé une enquête 71( * ) auprès de 400 directeurs des ressources humaines en juin 1999. Les résultats de ce travail sont instructifs quant à l'état d'esprit des responsables de terrain chargés de la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail.

Une certaine confusion semble régner dans les entreprises dans la mesure où 1/3 des sondés considère la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans leur entreprise comme un frein, 1/3 comme une opportunité et un troisième tiers reste indécis.

Globalement, pour votre entreprise/pour la France, estimez-vous que le passage aux 35 heures constitue : une opportunité, un frein ou ni l'un ni l'autre ?

Perception du passage aux 35 heures

Source : Sondage Association nationale des directeurs et des cadres de la fonction personnel (ANDCP) : Les directeurs de ressources humaines et l'aménagement du temps de travail - juin 1999.

Le fait que le passage aux 35 heures soit perçu comme un frein au niveau de l'entreprise s'explique dans de nombreux cas par deux raisons principales.

La loi sur les 35 heures a cassé le dialogue social dans certaines entreprises. Certains accords engagés sur la flexibilité, l'organisation ou les rémunérations ont été complètement " ruinés " par cette loi selon les auteurs de l'enquête.

Par ailleurs, il semblerait que certains partenaires sociaux aient profité de l'occasion pour remettre en question l'ensemble de la politique sociale et notamment salariale de leur entreprise, de plus en plus de mouvements sociaux naissent d'ailleurs à l'occasion des négociations sur les 35 heures.

La confusion au niveau de l'entreprise laisse la place à une franche défiance quant à l'effet des 35 heures sur l'économie française, 50 % des directeurs des ressources humaines considèrent qu'elles constituent un frein.

Le différentiel entre la perception au niveau de l'entreprise et la perception au niveau national provient de l'effet de masse : les directeurs des ressources humaines de grandes entreprises, qui sont les plus pessimistes pour la France, pensent généralement qu'ils arriveront à se débrouiller (plus de gisements de productivité, d'économies d'échelles) mais que les petites entreprises n'auront pas la même chance. Ils estiment donc que les 35 heures seront globalement un frein pour la France.

Par ailleurs, le passage aux 35 heures nécessite tout un arsenal juridique, des négociations avec les syndicats, une réorganisation du travail. Les directeurs des ressources humaines estiment que cette lourdeur au plan national devrait être préjudiciable aux entreprises et qu'il y aura forcément un temps d'adaptation pendant lequel l'activité économique pourrait se ralentir.

Interrogés sur l'effet des 35 heures sur l'emploi, 61 % des directeurs des ressources humaines considèrent qu'il n'y aura pas d'effet positif sur l'emploi que ce soit dans leur entreprise ou pour l'économie française en général.

Pensez-vous que les 35 heures puissent avoir un effet positif sur l'emploi :

- dans votre entreprise ?

- en France ?

Source : Sondage Association nationale des directeurs et des cadres de la fonction personnel (ANDCP) : Les directeurs de ressources humaines et l'aménagement du temps de travail - juin 1999.

Si le passage aux 35 heures n'apparaît pas comme un facteur positif pour l'emploi, c'est que les directeurs des ressources humaines considèrent que les emplois annoncés dans ce cadre sont souvent " factices " . Nombre de directeurs des ressources humaines considèrent en effet que les emplois créés aujourd'hui dans le cadre de la loi Aubry auraient été créés de toute façon.

Ceci confirme l'analyse de votre commission sur l'importance des effets d'aubaine dans le nombre d'emplois créés ou préservés du fait de la loi du 13 juin 1998.

Dans quelle mesure le passage aux 35 heures vous a-t-il ou va-t-il vous inciter à créer des emplois ? (en pourcentage des effectifs) (question ouverte)

Réduction du temps de travail et création d'emplois

Source : Sondage Association nationale des directeurs et des cadres de la fonction personnel (ANDCP) : Les directeurs de ressources humaines et l'aménagement du temps de travail - juin 1999.

Lorsque l'ANDCP a demandé aux directeurs des ressources humaines dans quelle mesure le passage aux 35 heures pourrait les amener à créer des emplois, il est apparu que plus de 60 % des entreprises ayant conclu un accord de réduction du temps de travail avaient prévu d'augmenter leurs effectifs de plus de 5 %. Par contre, il apparaissait que 43 % des entreprises qui n'en étaient qu'au stade de la réflexion pensaient qu'un accord de réduction du temps de travail ne leur permettrait pas d'augmenter leurs effectifs.

Les auteurs de l'enquête considèrent que cela " signifiait que la majorité des emplois qui auraient pu être créés dans le cadre de la réduction du temps de travail, l'avait été, ou tout du moins avait déjà été annoncée et prévue dans le cadre d'accords d'entreprises déjà signés ou en cours de négociation " 72( * ) .

Cette analyse confirme le sentiment de votre commission comme quoi les entreprises qui pouvaient créer des emplois à travers la réduction du temps de travail l'avaient déjà fait que ce soit à travers les lois Robien et Aubry et que la généralisation de l'abaissement de la durée du travail pourrait poser de nombreux problèmes aux entreprises qui n'avaient pas " tendance " à augmenter leurs effectifs.

Il ressort de ce qui précède que la rédaction de l'article 11 du projet de loi, qui ne prévoit pas d'exigences de créations d'emplois en contrepartie des aides financières, signifie que le Gouvernement est tout à fait conscient des faibles perspectives de créations d'emplois du fait des 35 heures.

L'objectif de la seconde loi Aubry est la signature d'accords sur la réduction du temps de travail, pas les créations d'emplois, car enfin " l'engagement pris doit être tenu " .

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