B. AUDITION DE M. MICHEL JALMAIN, SECRÉTAIRE NATIONAL DE LA CONFÉDÉRATION FRANÇAISE DÉMOCRATIQUE DU TRAVAIL (CFDT)

Puis la commission a entendu M. Michel Jalmain, secrétaire national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT).

M. Louis Souvet, rapporteur, a souhaité connaître le bilan que dressait la CFDT des accords conclus dans le cadre de la loi du 13 juin 1998, et son opinion sur la reprise, par le projet de loi, des dispositions signées par les partenaires sociaux. Il s'est interrogé sur la procédure du mandatement, ainsi que sur la question de la représentativité syndicale que le projet de loi posait indirectement. Il a souhaité également connaître la position de la CFDT sur la prise en charge du financement des allégements de charges sociales par les régimes sociaux.

Après avoir rappelé que la CFDT avait depuis longtemps fait de la réduction négociée du temps de travail une priorité de son action, M. Michel Jalmain a estimé que le bilan des accords passés dans le cadre de la loi du 13 juin 1998 et de la loi " de Robien " était encourageant et prouvait que la réduction du temps de travail (RTT) était créatrice d'emplois.

Il s'est félicité que le dialogue social ait été relancé au sein des entreprises et que la RTT ait ouvert un nouvel espace de négociation.

Il a observé que 115 accords de branche avaient été signés, en rappelant que ce résultat était inattendu dans la mesure où la loi du 13 juin 1998 privilégiait la négociation d'entreprise.

Puis il a indiqué que la CFDT tirait quatre enseignements de l'application de la loi du 13 juin 1998.

Tout d'abord, la réduction du temps de travail a permis des embauches supplémentaires dans les entreprises où elle est effectivement appliquée.

De plus, elle permet une approche différente par les salariés des questions relatives à la flexibilité du travail en mettant en avant l'amélioration des conditions de travail.

Ensuite, les salariés portent un jugement positif sur la RTT : 70 à 75 % des salariés concernés ne souhaitent pas revenir à la situation antérieure lorsqu'ils bénéficient d'un accord sur la RTT.

Enfin, la RTT apparaît comme un instrument de relance du dialogue social et de la négociation collective, y compris dans les petites entreprises qui devront mettre en oeuvre obligatoirement la RTT en 2004 seulement, mais qui ont été beaucoup plus nombreuses que prévu à signer des accords.

M. Michel Jalmain a considéré que le projet de loi reprenait " à 90 % " le contenu des accords signés dans le cadre de la loi du 13 juin 1998.

Puis il a évoqué les principales modifications du projet de loi demandées par la CFDT. Il a considéré tout d'abord que la majoration de salaire pour heures supplémentaires devrait être de 50 % dès la 43 e heure.

Il a demandé, dans une logique de création d'emploi, que le repos compensateur corresponde aux heures supplémentaires effectuées et ne corresponde pas à la seule majoration de ces heures.

Il a souhaité que, dans les entreprises de moins de dix salariés, le repos compensateur, applicable à partir de la 131 e heure supplémentaire, soit de 100 % au lieu de 50 %, pour rester dans la logique de création d'emploi.

Le deuxième point concerne la durée annuelle maximale de travail qui a été fixée à 1.600 heures dans le projet de loi alors que quelques accords, notamment dans le secteur du bâtiment, prévoient une durée supérieure. M. Michel Jalmain a considéré que l'horaire maximum sur douze semaines devrait être réduit à 42 heures hebdomadaires au lieu de 46 heures actuellement prévues.

En troisième lieu, le projet de loi ne définit pas assez clairement la catégorie des cadres pour lesquels un régime de convention de forfait peut être mis en oeuvre.

Enfin, se pose la question du lien entre la formation professionnelle et la réduction du temps de travail.

M. Michel Jalmain a rappelé qu'il existait déjà un accord interprofessionnel de 1991 autorisant la prise en charge de 25 % du temps de formation en dehors du temps de travail, mais il a souligné que cette disposition était très peu appliquée en pratique sauf pour quelques catégories de cadres. Il a estimé que cet accord de 1991 devait être rediscuté par les partenaires sociaux ou que la question pourrait être abordée dans un projet de loi relatif à la formation professionnelle.

S'agissant des leçons à tirer du mandatement, M. Michel Jalmain a estimé que, si quelques dizaines d'accords négociés par des salariés mandatés pouvaient paraître contestables, ceux-ci n'en demeuraient pas moins réguliers au sens de la loi. Il a précisé que les sujets litigieux, portant notamment sur la possibilité de travailler le samedi, étaient largement " subjectifs " et pouvaient être appréciés au regard des circonstances locales.

D'une manière générale, il a estimé que le recours au mandatement avait eu des aspects positifs en soulignant que 45 % des accords étendus avaient été signés dans le cadre de cette procédure, pourtant vivement critiquée par certains en 1998.

Concernant le référendum dans l'entreprise, M. Michel Jalmain a estimé que cette procédure pouvait se comprendre lorsqu'un ou des syndicats majoritaires veulent s'opposer à des accords conclus par un ou des syndicats minoritaires. En revanche, il a regretté que le projet de loi introduise automatiquement une validation de l'accord par référendum lorsque celui-ci est conclu par une ou des organisations syndicales minoritaires, par un salarié mandaté ou par décision de l'employeur.

Il a estimé que l'institutionnalisation du référendum par la loi fournissait un moyen de contournement des organisations syndicales, alors que ces dernières sont nécessaires pour permettre un dialogue social construit et efficace.

Il a estimé que le référendum ne manquerait pas de réveiller des comportements corporatistes et individualistes. Rappelant qu'un accord sur la réduction du temps de travail était toujours le résultat d'un compromis équilibré mais parfois difficile et que l'intérêt collectif n'était pas la somme des intérêts particuliers, il a souligné le risque que des accords soient remis en cause au cours des campagnes provoquées par les référendums au détriment des organisations signataires.

Il a souhaité que le référendum ne soit pas obligatoire lorsque l'accord est conclu dans une entreprise pourvue de délégués syndicaux ou par des personnels mandatés ; il s'est prononcé en revanche en faveur d'une amélioration du recours au droit d'opposition des syndicats en tenant compte des suffrages exprimés aux élections professionnelles.

S'agissant de la représentativité syndicale, il a indiqué que la CFDT était prête à débattre du décret du 31 mars 1966, tout en soulignant que cette question était indépendante de celle de la RTT.

Enfin, concernant le financement des allégements de charges sociales par les régimes sociaux, M. Michel Jalmain s'est déclaré très défavorable à l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en rappelant que les régimes gérés par l'Association des régimes de retraites complémentaires (ARRCO) et par l'Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) connaissaient déjà des difficultés et que, par ailleurs, il était souhaité une meilleure indemnisation du chômage par l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC).

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