CHAPITRE VII
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Formation et réduction du temps de travail

Art. 10
(art. L. 932-2 et L. 933-3 du code du travail)
Formation hors du temps de travail

Cet article prévoit la possibilité, sur le fondement d'un accord collectif et avec l'accord du salarié, que la formation soit, pour partie, effectuée hors du temps de travail effectif.

I - Le dispositif proposé

Le paragraphe I insère un nouvel article L. 932-2 dans le code du travail entre l'article L. 932-1 relatif au coïnvestissement de formation et l'actuel article L. 932-2 relatif au capital de temps de formation, cet article devenant alors le nouvel article L. 932-3 du code du travail.

Le nouvel article L. 932-2 prévoit la possibilité pour tout accord de réduction du temps de travail, quel que soit le niveau auquel il a été conclu, ou par avenant à un tel accord, de mettre en place des formations organisées pour partie hors du temps de travail.

Cette possibilité reste néanmoins encadrée par un certain nombre de conditions :

- l'accord du salarié est nécessaire pour qu'il participe à une action de formation organisée pour partie en dehors du temps de travail effectif ;

- les actions de formation visées ne peuvent avoir pour objet que " le développement professionnel ou personnel du salarié " . Il ne s'agit donc pas des formations d'adaptation du salarié au poste de travail. En tout état de cause, les actions de formation visées doivent être définies par l'accord instituant cette possibilité de formation hors du temps de travail ;

- les dépenses de fonctionnement des actions de formation et les dépenses de rémunération des heures de formation effectuées sur le temps de travail sont à la charge de l'employeur, mais peuvent être incluses dans l'obligation légale de formation prévue par le code du travail ;

- le salarié reste couvert par la législation de sécurité sociale relative à la protection en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles, même lorsque l'action de formation a lieu hors du temps de travail.

Votre commission observe que cet article L. 932-2 du code du travail introduit un second régime de coïnvestissement de formation bien distinct de celui prévu à l'article L. 932-1 du même code.

Le coïnvestissement de formation prévu par l'article L. 932-1 du code du travail

Le " coïnvestissement " de formation est un dispositif dérogatoire au droit commun de la formation professionnelle qui permet au salarié de réaliser des actions de formation en partie en dehors de son temps de travail. Inaugurée par l'accord national interprofessionnel du 3 juillet 1991 (applicable dans les secteurs du commerce, de l'industrie et de l'artisanat), cette innovation a été introduite dans le code du travail par la loi n° 91-1405 du 31 décembre 1991.

Le code du travail fixe un cadre strict pour ce dispositif :

- il n'est possible que si un accord national interprofessionnel étendu en prévoit les conditions ;

- seules les formations qualifiantes peuvent faire l'objet d'un " coïnvestissement " ;

- le " coïnvestissement " ne peut être imposé au salarié, son refus n'étant pas considéré comme un motif de licenciement ;

- l'employeur doit s'engager, par accord avec le salarié, sur les conditions dans lesquelles l'intéressé accédera, dans le délai d'un an à l'issue de la formation, à de nouvelles fonctions.

L'accord interprofessionnel du 3 juillet 1991 prévoit que les actions de formation organisées dans ce cadre doivent être d'une durée supérieure à 300 heures et que le temps de formation effectué hors du temps de travail ne peut excéder 25 % de la durée totale de la formation.

Le paragraphe II complète l'article L. 933-3 du code du travail relatif à l'avis annuel du comité d'entreprise sur l'exécution du plan de formation de l'entreprise pour l'année passée et sur le projet de plan pour l'année à venir. Il prévoit que le projet de plan de formation examiné par le comité d'entreprise devra tenir compte du résultat des négociations relatives à l'instauration du coïnvestissement de formation, qu'il s'agisse du régime de l'article L. 932-1 du code du travail ou du régime du nouvel article L. 932-2.

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté un amendement n° 490 rectifié présenté par M. Gaëtan Gorce, rapporteur, MM. Gérard Lindeperg, Yves Rome, Gérard Terrier et les commissaires membres du groupe socialiste, sous-amendé par deux sous-amendements présentés par MM. Rome et Terrier.

L'adoption de cet amendement a sensiblement modifié la rédaction du paragraphe I du présent article.

D'une part, le premier alinéa du nouvel article L. 932-2 du code du travail précise que l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois est une obligation pour l'employeur et que, dans ce cadre, le temps de formation correspond à un temps de travail effectif.

D'autre part, les deuxième et troisième alinéas prévoient qu'une action de formation peut être, par dérogation avec l'alinéa précédent, organisée hors du temps de travail effectif à une triple condition :

- la formation doit viser le " développement des compétences des salariés " ;

- cette formation doit être prévue par un accord de branche ou d'entreprise, conclu dans les conditions définies par un accord national interprofessionnel étendu ;

- elle nécessite l'accord écrit du salarié.

Enfin, le quatrième alinéa du nouvel article L. 932-2 propose une validation législative pour une durée maximale de trois ans des dispositions relatives à la formation négociées postérieurement à la loi " Aubry I " à la condition que soient respectés l'obligation légale d'adaptation mise à la charge de l'employeur et l'accord des salariés.

Il prévoit également qu'à l'issue de cette période, les dispositions conventionnelles devront respecter les clauses de l'accord interprofessionnel étendu visées au troisième alinéa ou devront s'intégrer dans un nouveau cadre législatif.

Parallèlement, le texte adopté à l'Assemblée nationale supprime les dispositions relatives à la prise en charge financière des actions de formation effectuées lors du temps de travail prévues dans le projet de loi initial.

III - Les propositions de votre commission

Le présent article témoigne, une nouvelle fois, des risques induits par une diminution obligatoire de la durée légale du travail.


Il est en effet à craindre que certaines entreprises, pour limiter l'impact financier du passage aux 35 heures, ne soient contraintes à limiter leur effort de formation. La formation est considérée comme faisant partie du temps de travail, à de très rares exceptions comme le dispositif du coïnvestissement qui n'est que peu mis en oeuvre. Dès lors, celle-ci pourrait servir de variable d'ajustement.

Le présent article vise donc à corriger ce possible effet pervers de la réduction de la durée légale du travail en cherchant à développer la formation hors du temps de travail.

Pour autant, votre commission estime que, sur ce point, la démarche suivie par le Gouvernement et l'Assemblée nationale n'est ni efficace, ni opportune.

La portée du présent article est tout d'abord incertaine. Les trois premiers alinéas du nouvel article L. 932-2 du code du travail n'apportent pas d'amélioration significative du droit existant. Le premier alinéa ne fait que rappeler, de manière confuse, des principes déjà inscrits dans le code du travail. Les deuxième et troisième alinéas ne favorisent pas le développement du coïnvestissement de formation en proposant des procédures analogues à celle prévue par l'article L. 932-1 du code du travail.

En outre, la rédaction adoptée à l'Assemblée nationale est pour le moins ambiguë. Les notions " d'adaptation des salariés à leurs emplois " et de " développement des compétences des salariés " qui sont sensées permettre de faire la distinction entre la formation exclusivement effectuée pendant le temps de travail et la formation pouvant pour partie être organisée hors du temps de travail sont floues et imprécises. D'importantes difficultés d'application sont à prévoir.

Le présent article apparaît, d'autre part, largement inopportun du fait de son caractère général. Le bilan d'étape de la loi du 13 juin 1998 publié le 20 mai 1999 constatait, s'agissant de la formation, que " cet aspect de la négociation sur le temps de travail n'est donc pas sans lien avec les réflexions entamées sur la réforme du système français de formation professionnelle continue, et en particulier sur la validation des acquis ainsi que sur l'acquisition et l'exercice d'un droit à la formation tout au long de la vie " .

Votre commission observe également que la négociation collective a joué un rôle utile dans la modernisation de la formation professionnelle. Elle estime préférable de laisser la négociation collective se poursuivre dans ce domaine sans la figer dans la loi.

En outre, dans un souci de cohérence, il est à l'évidence préférable d'attendre le dépôt d'un projet de loi sur la formation professionnelle pour légiférer sur les rapports entre temps de formation et temps de travail qui restent une question centrale pour tout projet de réforme de la formation. Une réforme globale doit donc être privilégiée à l'adoption d'un article au détour d'une loi portant sur un autre sujet. Les occasions seront d'ailleurs nombreuses, le Gouvernement ayant annoncé le dépôt d'un projet de loi portant diverses mesures d'ordre social -comprenant notamment une réforme de l'apprentissage et une validation des acquis professionnels- au premier semestre 2000 et une réforme de la formation professionnelle courant 2001.

Pour ces raisons, votre commission vous propose d'adopter un amendement permettant qu'une action de formation puisse être effectuée pour partie en dehors du temps de travail dans les seuls accords collectifs de réduction du temps de travail. Il renvoie alors à la négociation collective le soin de fixer les conditions dans lesquelles une action de formation peut être organisée dans ce cadre. Votre commission retient ainsi une solution pragmatique, reportant à l'examen d'un prochain texte réformant la formation professionnelle la détermination des rapports entre temps de formation et temps de travail hors du cadre bien spécifique de la réduction négociée du temps de travail.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 10 bis
(art. L. 212-13 et L. 221-14 du code du travail)
Transposition partielle de la directive européenne du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été introduit à l'Assemblée nationale par un amendement présenté par M. Maxime Gremetz, avec l'avis favorable du rapporteur et du Gouvernement. Il vise à transposer dans le droit français certaines dispositions de la directive 94-33 du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail.

Le 1° modifie l'article 212-13 du code du travail qui réglemente la durée du travail des jeunes travailleurs âgés de moins de 18 ans. A l'heure actuelle, les jeunes travailleurs de moins de 18 ans ne peuvent travailler plus de 8 heures par jour, ni plus de 39 heures par semaine. Le présent article étend cette disposition aux jeunes âgés de moins de 18 ans qui accomplissent des stages d'initiation ou d'application en milieu professionnel dans le cadre d'un enseignement alterné ou d'un cursus scolaire. Cette disposition constitue la transposition en droit français du 1 a) de l'article 8 de la directive du 22 juin 1994.

Le 2° modifie le même article du code du travail pour prévoir que le temps consacré à la formation dans un établissement d'enseignement pour un jeune âgé de moins de 18 ans suivant une formation en alternance ou effectuant son stage en entreprise est compris dans le temps de travail. Il s'agit ici de la transposition du 3 de l'article 8 de la directive précitée.

Le 3° modifie l'article L. 221-4 du code du travail consacré à la durée du repos hebdomadaire. Il prévoit que les jeunes travailleurs de moins de 18 ans et les jeunes de moins de 18 ans suivant une formation en alternance ou effectuant un stage en entreprise bénéficient de deux jours de repos consécutifs, tout en prévoyant une dérogation limitant ce repos à 36 heures en cas d'accord collectif étendu ou, à défaut, en cas d'accord de l'inspection du travail dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il s'agit là de la transposition du 2 de l'article 10 de la directive.

II - Les propositions de votre commission

Tout en étant favorable à la transposition rapide des directives européennes, votre commission ne peut que s'interroger sur la démarche suivie par l'Assemblée nationale.

Elle constate d'abord que le présent article est sans rapport avec l'objet du texte étudié
. Le projet de loi vise à réduire la durée légale du travail. Cet article transpose certaines dispositions d'une directive européenne qui vise à protéger les jeunes au travail. Certes, les dispositions du présent article concernent le temps de travail et le repos hebdomadaire des jeunes. Mais elles n'en restent pas moins sans lien avec la notion de réduction du temps de travail.

Votre commission observe en outre que la transposition de la directive en droit français reste très incomplète . Seuls, 2 articles sont partiellement transposés alors que 11 articles de la directive appellent une modification de la législation française.

Dans ces conditions, votre commission estime qu'il aurait été préférable d'attendre des circonstances plus appropriées pour transposer la directive en droit français. Elle observe d'ailleurs que le Gouvernement a annoncé 202( * ) que le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social qui devrait être examiné par le Parlement au printemps visera notamment à assurer la transposition de plusieurs directives européennes.

Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement de suppression de cet article.

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