PRINCIPALES OBSERVATIONS
1. Le budget des Affaires étrangères ne figure pas au rang des priorités gouvernementales, et s'inscrit dans un contexte de régression des crédits affectés à l'action extérieure de la France
Gonflé en 2002 par le rattachement des crédits
représentatifs de la contribution française au Fonds
européen de développement, soit 218 millions d'euros
(1,43 milliard de francs) en crédits de paiement et
3,36 milliards d'euros (22 milliards de francs) en autorisations de
programme, le budget des Affaires étrangères atteint 3,7
milliards d'euros (23,81 milliards de francs).
Hors transfert du FED, ceci correspond à une évolution de
1,3 % en francs courants, alors que la progression moyenne de l'ensemble
des budgets civils s'élève à 2,2 %, et que
l'hypothèse inflationniste est fixée à 1,5 %.
En d'autres termes, le budget des Affaires étrangères ne figure
pas au rang des priorités gouvernementales, et les moyens qui lui sont
affectés se traduisent par une légère diminution de son
pouvoir d'achat.
De fait, en 2002, le budget des Affaires étrangères
représentera à peine plus de 1 % du total du budget
général (1,28 % hors transfert du FED) alors qu'il en
représentait presque 2 % (1,7 %) en 1992. Figurant au
onzième rang des budgets civils, son montant est désormais
inférieur à celui des Anciens combattants.
En réalité, il n'est sans doute plus suffisant de se targuer de
posséder le deuxième réseau diplomatique et consulaire au
monde après celui des Etats-Unis, et bien avant celui de la Russie, avec
151 ambassades, 17 missions multilatérales et 105 postes
consulaires et assimilés. Il n'est d'ailleurs sans doute guère
adéquat aujourd'hui de mesurer la présence d'un pays et son
influence dans les affaires internationales à l'aune de ce seul
critère. Avec un réseau pratiquement inférieur de
moitié, le Royaume-Uni joue aujourd'hui un rôle croissant, dont
les facteurs, qui méritent d'être médités,
correspondent davantage à la croissance réelle de ses moyens
d'intervention « à l'international », qu'à
celle de ses moyens de fonctionnement.
Certes, le budget des Affaires étrangères ne couvre pas
l'ensemble des crédits affectés à l'action
extérieure de la France. En 2002, ceux-ci devraient s'élever
à 8,92 milliards d'euros (58,5 milliards de francs).
Toutefois, bien qu'en légère progression par rapport à
2001, ce montant ne permet pas de retrouver le niveau atteint en 1996 :
9,47 milliards d'euros (62,1 milliards de francs).
2. Dans ce contexte de baisse globale des moyens, les coûts de gestion se sont sensiblement alourdis
Près du quart de ce montant (22,5 %), soit
1,68 milliard d'euros (11,02 milliards de francs), correspond en 2002
à ce qui est qualifié -mot d'enfant, en quelque sorte... - de
« coût d'animation des services »
25(
*
)
.
Or, en 1996, ils n'en représentaient que 16,4 %
26(
*
)
.
En d'autres termes, si, au cours de la législature, les crédits
globalement consacrés à l'action extérieure de la France
ont régressé, en valeur absolue comme en pourcentage du PIB, leur
coût administratif de gestion s'est sensiblement alourdi.
De fait, en 2002, au titre de sa « présence dans le
monde », la France compte, outre les 273 postes diplomatiques
évoqués, 255 postes dépendant du ministère de
l'Economie et des finances (dont 157 postes d'expansion
économique), 17 bureaux de la Datar et 277 postes
dépendant d'autres ministères techniques (attachés de
défense, personnels du SCTIP, réseau des Anciens combattants,
attachés agricoles, conseillers des affaires sociales, magistrats de
liaison, conseillers maritimes, agents de l'aviation civile). Ceci
représente un total de 14 535 agents, hors recrutement local,
et compte non tenu des réseaux parallèles de l'Agence
française de développement, de l'Agence pour l'enseignement du
français à l'étranger, des centres et instituts culturels,
des alliances françaises et des chambres de commerce et d'industrie...
3. Multiforme, la « grande réforme » du ministère s'est clairement arrêtée au recalibrage du réseau
Certes, des efforts de rationalisation ont été
menés depuis cinq ans, qui se traduisent par une évolution qui
peut être qualifiée de « mesurée ».
Entre 1997 et 2001, le nombre total des ambassades est passé de 154
à 151, et le nombre de postes consulaires de 109 à 104.
Il reste que l'ampleur du réseau français n'est pas sans doute
pas dénuée d'effets pervers, qu'il convient de mesurer.
Sous l'impulsion déterminée et constante du Ministre et du
Secrétaire général, le ministère a entrepris une
profonde réforme de sa gestion, assise tout à la fois sur la
déconcentration des crédits, la globalisation des moyens de
fonctionnement, la réforme des instruments comptables, et celle de la
gestion des moyens immobiliers notamment. Cet effort considérable
mérite d'être salué.
Mais précisément parce qu'il était notamment
justifié par les dysfonctionnements et les inefficacités
potentiellement liées à l'étendue du réseau, cet
effort trouve sans doute ses limites dans le fait qu'il n'a pas
été précédé, comme il aurait pu l'être
en début de législature, par un recalibrage du réseau
auquel il s'appliquait. Il est vrai qu'est intervenue en parallèle
l'absorption de l'ancien ministère de la coopération, qui a
considérablement contribué à compliquer l'exercice, et ne
paraît d'ailleurs toujours pas pleinement digérée.
4. Partiellement seulement pris en compte dans la loi de finances initiale, l'effet-change pèse de façon croissante sur le budget du ministère
L'importance du réseau à l'étranger
alourdit
d'autre part la contrainte forte de l'effet-change qui intervient d'abord dans
le calibrage du budget initial, et pèse ensuite sur les conditions
d'exécution budgétaire.
Dans le calibrage du budget initial d'abord, parce que, de plus en plus, une
part croissante des majorations de crédits de fonctionnement dont
paraît disposer le ministère correspond en réalité
à la prise en compte de la hausse du dollar sur les
rémunérations des agents du ministère servant dans les
postes concernés. En cours d'exécution ensuite, parce que le
réseau diplomatique français à l'étranger
fonctionne avec près de 6 000 agents recrutés
localement, non comptabilisés dans les emplois budgétaires du
ministère, et représentant près de 70 % du total de
ces effectifs, pour un coût supérieur à 500 millions de
francs. Le ministère des Finances a toujours refusé de prendre en
compte, en loi de finances initiale, la dérive liée à une
évolution défavorable de l'effet change-prix sur les coûts
de fonctionnement des services et sur la rémunération des
recrutés locaux. Considérable au cours de la législature,
celle-ci a lourdement pesé en gestion sur l'enveloppe initiale des
crédits, et diminué d'autant les moyens réels du
ministère.
A cet égard, la modification introduite en 2002, qui permet de
globaliser au sein d'une enveloppe unifiée les moyens
généraux de fonctionnement et la rémunération des
recrutés locaux, constitue sans doute un élément de
souplesse bienvenu.
Mais elle ne résout pas le problème de la dérive en francs
constants des moyens de fonctionnement des postes à l'étranger.
En d'autres termes, plus le réseau est ample, plus les contraintes des
budgets de fonctionnement à l'étranger obèrent le budget
global du ministère, exerçant mécaniquement, au sein d'une
enveloppe globale réduite, un effet d'éviction sur ses moyens
d'intervention, nécessairement nocif pour le contenu et l'image de
l'action extérieure de la France.
C'est bien ce que souligne d'ailleurs la progression importante, en
cinq ans, du coût de gestion de notre action extérieure.
Il reste que, compte tenu de la spécificité internationale, par
nature et par destination, du budget des Affaires étrangères, on
ne peut que continuer à considérer que la pusillanimité
dont fait preuve le ministère de l'Economie et des finances est peu
justifiée, voire malhonnête. Les combats constants menés
sur le simple maintien du pouvoir d'achat des moyens de fonctionnement et des
indemnités de résidence finissent en outre par occuper
au-delà du raisonnable le temps, l'énergie et les
capacités de réflexion des chefs de poste concernés, pour
un coût finalement non négligeable, et sans doute également
au détriment de la qualité de l'action menée.
5. Face au contexte international souligné par les événements du 11 septembre, ou issu d'eux, les choix du budget 2002 paraissent particulièrement inadéquats
L'analyse de l'évolution des crédits 2002 fait
ressortir des impasses conséquentes, précisément sur des
postes qui, dans la situation internationale actuelle, appellent sans doute un
effort particulier. Certes, les attentats du 11 septembre sont intervenus
après les arbitrages budgétaires, mais il est difficile de les
qualifier d`« accident conjoncturel ». Et qui, en outre,
est mieux placé que le ministère des Affaires
étrangères pour apprécier les germes et analyser les
facteurs des grandes évolutions du monde contemporain
27(
*
)
?
Or, dans le budget 2002, ni les contributions de la France à des
dépenses internationales -obligatoires ou volontaires-, ni l'aide
d'urgence et humanitaire, ni l'aide aux sorties de crise, ni les concours
financiers aux pays en développement ne font
l'objet de la
moindre progression de moyens. Les crédits affectés au
financement d'actions et de projets de coopération diminuent. La
coopération militaire supporte à elle seule la
quasi-totalité des économies demandées au
ministère, et voit ses crédits amputés de près de
6 %.
La dégradation des moyens affectés à la coopération
et à l'aide au développement a fait l'objet d'une analyse
approfondie de M. Michel Charasse, rapporteur spécial des crédits
d'aide au développement . Pleinement d'accord avec les termes de cette
analyse qu'il ne reprendra donc pas, votre Rapporteur souhaite insister plus
particulièrement sur la situation des contributions de la France
à des dépenses internationales.
Certes, le contour exact du déploiement d'une force multinationale en
Afghanistan, à la suite de la résolution 1378 du Conseil de
Sécurité prise le 15 novembre dernier, reste encore à
préciser. Il n'en demeure pas moins que, avant même de devoir
financer sa participation à cette nouvelle opération, la France
se trouve, en fin d'exercice 2001, débitrice de près de un
milliard de francs au titre des contributions aux opérations de maintien
de la paix. Comme la dotation 2001 a été strictement reconduite
en 2002, une dette au moins de même ampleur réapparaîtra
dès le prochain exercice.
Il est par ailleurs regrettable de devoir à nouveau constater le recul
de la France, membre permanent du Conseil de sécurité,
en-deçà du dixième rang des contributeurs volontaires aux
organismes et fonds onusiens. Il est tout aussi consternant de devoir
constater, à l'occasion de la 56
ème
Assemblée
générale des Nations-Unis, que lorsque le HCR lance une
opération spécifique pour les réfugiés afghans, la
France est absente des contributions, versées à hauteur de
52 millions de dollars par vingt pays, dont le Chili et la
République tchèque...
6. En tout état de cause, la traduction concrète des priorités retenues, ou évoquées, par le Gouvernement, appellent une appréciation nuancée.
Les
priorités retenues par le budget 2002, celles en tout cas
soulignées par le Gouvernement, concernent le réseau des
établissements culturels, l'audiovisuel extérieur, l'accueil des
étudiants étrangers, l'appui aux organisations de
solidarité internationale et à la coopération
internationale, les conditions de vie des Français à
l'étranger, et le lancement d'un important programme immobilier en
Algérie. Les efforts consentis, réels, doivent toutefois
être relativisés.
On relèvera auparavant que, de façon moins
« médiatisée », le personnel du
ministère bénéficie de l'essentiel des mesures nouvelles
du Titre III sous forme de revalorisation des indemnités de
l'administration centrale, d'une nouvelle bonification indiciaire pour
l'encadrement supérieur, et de la revalorisation des dotations d'action
sociale. Par ailleurs, le Haut Conseil de la Coopération
Internationale voit ses moyens globaux majorés de 20 % par
l'attribution de sept emplois nouveaux créés pour le
ministère.
Les moyens des établissements culturels et de recherche sont
renforcés par une mesure nouvelle de 20 millions de francs,
destinée pour moitié à l'amélioration de la
situation des recrutés locaux des établissements à
autonomie financière et pour moitié au renforcement des moyens du
réseau. Parallèlement toutefois, la nécessaire
réforme du réseau, annoncée depuis plusieurs exercices,
passant notamment par la professionnalisation accrue des personnels, la mise en
place d'outils d'évaluation et le recentrage sur les missions
culturelles et scientifiques, ne paraît guère
concrétisée.
L'audiovisuel public extérieur bénéficie de
30 millions de francs de crédits supplémentaires, dont 23
sont affectés à TV5, soit une enveloppe correspondant à la
moitié des besoins.Outil essentiel de la présence
française à l'extérieur, le secteur audiovisuel a certes
enregistré de sensibles progrès au cours de la
législature : rationalisation du réseau ondes courtes,
préservation de RMC-Moyen-Orient, mise en place de TV5-Monde,
renforcement des programmes français et des aides à l'exportation
des produits culturels français. Pour autant, la part des crédits
d'intervention consacrée à l'audiovisuel au sein du
ministère -soit 5 % environ du total des crédits
d'intervention- demeure insuffisante, au regard des besoins et de l'influence
potentielle de ce vecteur contemporain. En particulier, le renforcement
souhaité de la présence française sur les bouquets
satellitaires mérite d'être concrétisé. La part des
crédits réservée à cet objectif demeure en effet
inférieure à 5 % du total des crédits audiovisuels.
De même, la part réservée à l'exportation des
programmes, soit à peine plus de 1,5 % du total, reste
dérisoire.
La volonté de renforcer l'accueil d'étudiants étrangers se
traduit par une mesure nouvelle de 15 millions de francs pour financer la mise
en place du programme de bourses « Major » destiné
à prendre le relais des bourses d'excellences de l'AEFE, après
l'admission de ses élèves étrangers dans les grandes
écoles ou en deuxième cycle universitaire en France. Bienvenue et
importante, cette mesure devra toutefois, pour être pleinement efficace,
veiller également aux conditions d'accueil, d'installation,
d'hébergement et d'accompagnement des étudiants étrangers
en France. Actuellement très en-deçà du niveau atteint par
le système américain ou même canadien, celles-ci
constituent désormais un important facteur discriminatoire.
Le Gouvernement souhaite également insister sur la nouvelle progression
des crédits d'assistance aux Français de l'étranger. En
réalité, celle-ci est inférieure de moitié à
celle enregistrée en 2001, certes partiellement liée à
l'effet d'un transfert de moyens en provenance du budget de l'Emploi. En
particulier, les crédits affectés à la
sécurité ne bénéficient d'aucune mesure nouvelle,
et demeurent fixés à 5 millions, soit la moitié du
niveau atteint en 1998.
Enfin, la répartition des moyens de l'enveloppe de crédits
immobiliers envisagée pour l'exercice 2002 fait apparaître que les
projets algériens (rénovation du lycée Ben Aknoun,
construction de logements dans le parc Peltzer, rénovation du consulat
général d'Oran, construction du consulat général
d'Annaba) préemptent le tiers de l'enveloppe globale (soit plus de
200 millions de francs). Pour autant, il ne semble pas que les moyens de
fonctionnement et de sécurité correspondants aient
également été inscrits dans le projet de loi de finances
initiale. Sauf à penser qu'il s'agit d'une décision dont la
cohérence globale n'a pas été vue, cela signifie qu'il
faudra couvrir les besoins avérés en cours d'exécution
budgétaire.
7. Fin 2002, les réserves financières du réseau des établissements d'enseignement français à l'étranger seront asséchées
Les
multiples interrogations suscitées au cours des derniers exercices par
la situation et les perspectives du réseau de l'enseignement
français à l'étranger se transforment désormais en
une réelle inquiétude.
La majoration de la subvention consentie pour 2002, soit moins de
22 millions de francs, finance la moitié seulement des
augmentations de charges liées à l'indice fonction publique et au
taux de change ; elle correspond aux deux-tiers de la demande faite en
matière de bourses ; elle ne permet aucun financement du plan de
juin 2000 destiné à améliorer le système de
rémunération des résidents ; elle laisse
entièrement de côté la question des charges correspondant
à la réouverture du lycée Ben Aknoun d'Alger ; elle
ne tient enfin aucun compte des nécessaires travaux immobiliers sur les
établissements conventionnés, dont, au cours de ses
différents déplacements, votre Rapporteur continue pourtant de
constater l'urgence, au regard du seul respect des normes minimales de
sécurité.
Au total, l'« impasse » correspondant à ces besoins
peut être évaluée à 21 millions d'euros environ
(140 millions de francs). De fait, le Fonds de réserve de l'AEFE,
qui se situait confortablement à plus de 300 millions de francs en
2000, sera très vraisemblablement complètement
asséché au cours de l'exercice 2002, fragilisant ainsi
considérablement la situation de l'AEFE.
En réalité, la configuration du réseau, comme ses
modalités de gestion, appellent une réflexion approfondie, et
surtout des décisions politiques de fond.
La comparaison du réseau entre la rentrée 1997 et la
rentrée 2001 montre que les décisions de recalibrage
géographique n'ont pas été prises, qui étaient
pourtant de nature à rationaliser le réseau. L'analyse des ratios
pédagogiques moyens fait apparaître en outre un niveau de confort
élevé, sans rapport avec les moyennes nationales, pour un impact
incertain sur le niveau pédagogique,
mais une incidence
évidente sur les coûts de scolarisation, et donc la charge qui en
découle, pour le budget de l'Etat comme pour les parents
d'élèves.
Il est clair que la gestion directe de l'ensemble des établissements est
exclue, compte tenu de son coût exhorbitant pour les finances publiques.
Mais les insuffisances, les carences ou les incohérences de la gestion
déléguée par des associations de parents
d'élèves majoritairement mobiles et donc amenés à
prendre -ou à ne pas prendre- des décisions dont ils ne
supporteront généralement pas les conséquences, implique
que soit explorée une « troisième voie ».
L'hypothèse d'une tutelle conjointe avec l'Education nationale,
justifiée après tout par la scolarisation d'enfants
français, se heurte évidemment à la question du partage de
la charge financière. Un recours accru au système des fondations,
courant chez nos principaux partenaires, pourrait sans doute être
utilement exploré.
Au minimum en tout cas, il paraît souhaitable, dans un souci tout
à la fois de bonne gestion des fonds publics et de prise en compte de
l'intérêt des élèves, de conclure un contrat
d'objectifs et de moyens comportant clairement, à partir d'un
état des lieux détaillé, un engagement sur les
résultats.