I. PRÉSENTATION DES CRÉDITS

Le budget 2002 est volontiers présenté comme « historique », dans le la mesure où, enfin, il représente 1 % du budget de l'État. Certes, la Culture n'est pas, selon les termes mêmes de la réponse ministérielle, placée parmi les ministères prioritaires de 2002, mais avec 2 % de croissance à périmètre constant, ce budget continue de croître plus vite que la moyenne des dépenses de l'État.

A. LES DOTATIONS EN PERSPECTIVE

Les chiffres de la présente loi de finances doivent être mis en perspective non seulement au regard de l'exécution 2000 et des premiers mois de 2001, mais également, comme il est de tradition en fin de législature, sur une période quinquennale.

1. Le budget pour 2002

A considérer les chiffres du « bleu budgétaire », le budget de la culture croît en termes de crédits de paiement de +51,31 M€ (+336,56 MF) pour atteindre 2 602,28 M€ (17 069,86 MF) , soit une hausse de + 2,08 %.

A périmètre constant , ce budget atteint 2.573,50 M€ (16.881,08 MF) , soit une augmentation de 51,31 M€ en valeur et de + 2,00 % en pourcentage.

Telles sont les grandes masses qui caractérisent le présent projet de budget pour 2002, dont le tableau ci-dessous présente les principales évolutions par titre.

Le tableau révèle des choix sur lesquels votre rapporteur spécial reviendra lors de ses observations.

Avec +3,35% le titre III continue sur la lancée du projet de loi de finances pour 2001 au sein duquel les moyens des services croissaient déjà de plus de + 4,67%. Il y a là notamment les conséquences de créations d'emplois, qui continuent d'être importantes par suite du processus de réduction de l'emploi précaire, ainsi que, d'une façon générale, de la prise en compte des besoins de fonctionnement des grands équipements culturels.

Les dépenses d'intervention connaissent, de leur côté, une forte accélération, puisque leur croissance passe de + 2,45% dans le précédent projet de loi de finances à presque + 5%.

Avec 2 066,28 M€, le total des dépenses ordinaires augmente de presque + 4%, soit un rythme encore supérieur à celui de +3,8% constaté lors du précédent projet de loi de finances.

S'agissant des crédits de paiement , les dépenses en capital ne font pas l'objet de la même sollicitude -et votre rapporteur spécial y reviendra dans ses observations- : si le titre V connaît encore une augmentation de ses crédits de paiement de + 5% pour atteindre 256,63 M€ , il n'en est pas de même du titre VI, qui, avec 279,36 M€, marque un net recul de - 13,37%.

Le résultat net de ces deux évolutions de sens contraire reste négatif : les dépenses en capital se montent dans le projet de loi de finances pour 2002 à 535,99 M€ , soit une régression de - 4,64 %.

En termes d' autorisations de programme , la situation n'est, guère plus positive : certes, le titre V croît de + 4,01% pour atteindre 291,9 M€, mais cette augmentation vient après le net recul du projet de loi de finances pour 2001 de - 9% ; le titre VI avec 275,11 M€ régresse de - 14,31 % effaçant une bonne part de la hausse de +24% enregistrée l'an dernier.

L'évolution globale des autorisations de programme est quasi étale, puisque la hausse de + 6,19 % constatée dans le précédent projet de loi de finances, est quasiment compensée par la régression de cette année - 5,77%.

En définitive, les crédits de la culture représenteront bien 1 % du budget de l'État en 2002 . Mais, indépendamment des doutes que l'on peut exprimer sur le sens d'un tel objectif, celui-ci a été atteint dans des conditions que votre rapporteur spécial estime largement critiquables : il existe, pour les dépenses en capital, un décalage de plus en plus net, entre les crédits inscrits et ceux effectivement dépensés , décalage dont le ministère semble prendre son parti, quand il ne s'efforce pas d'en tirer parti.

2. L'exécution budgétaire 2000

L'exécution 2000 appelle les observations suivantes. Les annulations de crédits sont restées relativement limitées, tandis que venaient abonder le budget du ministère d'importants reports, qui se sont accrus du fait, notamment, des dotations complémentaires en loi de finances rectificatives allouées à la suite de la tempête de décembre 1999.

Sont d'abord intervenus par une série d'arrêtés, un certain nombre de virements à caractère opérationnel. 1( * ) Ensuite, le décret de virement du 14 novembre 2000 a abouti à un solde positif sur le chapitre 36-60 correspondant :

• d'une part, à une annulation de 1,48 M€ (9,71 MF) redéployés pour les besoins suivants : le fonctionnement du Secrétariat d'État au patrimoine et à la décentralisation culturelle, pour 0,27 M€ (1,8 MF) ; les besoins du chapitre indemnitaire, pour 0,9 M€ (6 MF), le chapitre 33-90, pour 0,29 M€ (1,91 M) ;

• d'autre part, à un abondement de 2,05 M€ (13,47 MF) correspondant :

- à l'ajustement, à hauteur globale de 1,86 M€ (12,28 MF), des gages réalisés en LFI 2000 pour les stabilisations de vacataires après concours dans certains établissements publics administratifs (Louvre, Versailles, écoles d'architecture, écoles d'art, Bibliothèque nationale de France) ;

- au complément consécutif au transfert des enseignants réalisés en LFI 2000 2( * ) pour 0,37 M€ (2,48 MF) ;

- enfin, à un prélèvement de 0,19 M€ (1,2 MF) sur l'article « écoles d'architecture » correspondant au transfert des moyens du Centre des hautes études de Chaillot.

L'arrêté d'annulation du 15 novembre 2000 a été pris pour la préparation de la loi de finances rectificative de fin d'année et correspond à l'annulation du reste de crédits du chapitre 36-60 mis en réserve dans le cadre du contrat de gestion. Il s'agit d'un montant contracté : annulation de 2,62 M€ (17,2 MF), d'une part, et + 0,29 M€ (+ 1,91 MF), corollaire du mouvement opéré sur le chapitre 33-90, d'autre part.

Les arrêtés d'annulation relatifs aux dépenses en capital concernent essentiellement, outre les opérations clôturées d'office parce que non mouvementées depuis quatre ans, des annulations de fonds de concours.

Indépendamment d'un report exceptionnel pour un montant de 1,01 M€ (6,61 MF), qui représente la part gagée par le ministère pour le financement du passage aux 35 heures des personnels des établissements publics à caractère industriel et commercial, il faut mettre l'accent une fois de plus sur l'importance des reports.

Ainsi, en matière de dépenses ordinaires, des reports ont été opérés :

• Sur le titre III, ils s'élèvent à 11,70 M€ (74,6 MF) et sont particulièrement élevés sur le chapitre 34-97 (7,68 M€ soit 50,35 MF). Sur ce chapitre, en sus des causes habituelles 3( * ) , le volume important des reports 2000/2001 a plusieurs origines :

- une première explication, d'ordre technique, tient au changement de nomenclature intervenu en 2000 (suppression des chapitres 34-95 et 37-93) et au regroupement des crédits disponibles fin 1999, sur le chapitre 34-97. Cette modification en effet augmente optiquement le niveau des reports du chapitre 34- 97.

- une autre cause réside dans la mise en place, en 2000, de la centralisation de la gestion des crédits de fonctionnement, ayant entraîné le rodage de nouvelles procédures administratives internes.

- l'attente d'un accord définitif sur le décret de virement de novembre 2000 et l'incertitude de l'abondement qui était demandé pour couvrir les besoins du nouveau Secrétariat d'État au patrimoine et à la décentralisation culturelle, ont été sources d'un ralentissement du rythme des engagements.

- Enfin, la mise en oeuvre, à deux reprises, de nouveaux textes de délégation de signature, a ralenti la progression des dossiers.

• Sur le titre IV , le montant global des reports constatés en fin d'année s'élève à 4,47 M€ (29,34 MF) et est particulièrement élevé sur le chapitre 43-30 (2,23 M€ soit 14,65 MF, contre 1,213 M€ soit 7,96 MF en 2000). En effet, le montant des reports constatés à l'article 40 « Entretien des monuments historiques n'appartenant pas à l'État » s'élève à 1,53 M€ (10,07 MF). Il s'agit là d'un report exceptionnel lié à l'impossibilité d'ordonnancer en totalité, dans les délais, les 4,57 M€ (30 MF) de crédits obtenus à l'occasion du collectif budgétaire du printemps 2000 pour faire face aux conséquences de la tempête. Au surplus, les reports restent traditionnellement élevés pour le chapitre 43-92 « commandes publiques et achats d'oeuvres d'art » .

En ce qui concerne les dépenses en capital , le montant total des reports de crédits de paiement 2000/2001 s'est élevé, tous chapitres confondus, à 372,82 M€ (2 445,58 MF ).

Ces reports des crédits de paiement s'expliquent en grande partie par la non-consommation des crédits du premier collectif « tempête », compte tenu des délais traditionnellement longs pour le montage des opérations d'investissement et par la mise en place tardive des crédits du deuxième collectif du 31 décembre 2000.

Les reports sont également liés aux retards pris sur les grandes opérations : Grand Palais, Cité de l'architecture et du patrimoine, Institut national d'histoire de l'art, Centre national de la danse, immeuble des Bons enfants, Théâtre national de l'Odéon et Maison du cinéma, retards qui , si on peut parfois les imputer à des difficultés juridiques ou économiques imprévisibles telles des appels d'offres infructueux, apparaissent largement la conséquence du lancement anticipé d'un certain nombre d'opérations .

Enfin, il faut mentionner parmi les causes de ces importants reports le rattachement trop tardif d'une partie des fonds de concours - au total 34,17 M€ (224,18 MF) sur le chapitre 56-20, et 1,30 M€ (8,57 MF) sur le chapitre 66-91, n'a pas permis leur consommation avant la clôture de gestion.

3. L'exécution de la loi de finances pour 2001

En ce qui concerne les crédits de fonctionnement , est d'abord intervenu l' arrêté d'annulation du 21 mai 2001 dans le cadre du contrat de gestion. Il porte sur un montant de 6,1 M€ (40 MF) répartis entre les chapitres 36-60 pour 4,57 M€ (30 MF), 43-20 pour 0,61 M€ (4 MF) et 43-92 pour 0,91 M€ (6 MF).

Une série de transferts, correspondant pour l'essentiel à des redistributions opérationnelles récurrentes , ont également été opérés en matière de dépenses ordinaires :

• Pour le titre III, sur le chapitre 32-97 « participation aux charges de pension », transfert au ministère de l'économie, des finances, et de l'industrie, pour un montant de 49,01 M€ (322 MF), au titre de la participation aux charges de pensions civiles ; sur le chapitre 35-20 « patrimoine monumental et bâtiments, entretien et réparations », transfert d'un montant de 76 225 € (0,5 MF) à destination du ministère de la défense, pour l'entretien du fort de Brégançon ; sur le chapitre 36-60 « subventions aux établissements publics », transfert d'un montant de 15 245 € (100 000 F) au profit du Centre national de la cinématographie (CNC), en provenance du Service d'Information du Gouvernement pour contribuer à la production de 12 films contre le racisme.

• Pour le titre IV , il s'agit sur le chapitre 41-10, d'abord, du traditionnel transfert d'un montant de 149,61 M€ (981,40 MF) à destination du ministère de l'intérieur et de la décentralisation, au titre de la dotation générale de décentralisation ; sur le chapitre 43-20 pour un montant de 2,48 M€ (16,29 MF) et sur le chapitre 43-30 pour un montant de 6,72 M€ (44,11 MF), transferts vers le chapitre 46-60 du ministère de l'emploi et de la solidarité au titre des interventions en faveur de la ville et du développement social urbain.

Les crédits d'équipement font, eux aussi, l'objet de divers mouvements de crédits en 2001.

Sur le chapitre 56-20, les annulations, qui sont d'un faible montant 270 522 € (1,77 MF), correspondent à des annulations de fonds de concours. En revanche, l'annulation de 1,52 M€ (10 MF) en crédits de paiement seulement sur le chapitre 66-91, quant à elle, correspond à des crédits annulés dans le cadre du contrat de gestion 2001.

Le transfert de 0,7 M€ (0,5 MF) en AP = CP sur le chapitre 56-20 à destination du ministère de la défense, a été réalisé au titre des travaux effectués sur le fort de Brégançon.

Sur le plan de l'exécution, on retrouve le même contraste entre les dépenses ordinaires, qui étaient déjà engagées à plus de 81% au 31 juillet dernier, par opposition à la situation des chapitres de dépenses d'investissement, dont les taux de consommation sont, sauf pour les chapitres 66-91 et 66-98, nettement inférieurs : 59,8 % pour le chapitre 56-20, 26 % pour le 56-91, 71,9 % pour le chapitre 66-20. On note que, pour ces trois derniers chapitres, le ratio crédits ouverts en loi de finances/totalité des crédits disponibles, est respectivement de 0,75, 0,53 et 0,74, ce qui traduit l'importance des reliquats en début d'exercice.

4. Un bilan de la législature apparemment flatteur

Les tableaux fournis par le ministère de la culture retracent de façon apparemment claire, cette marche glorieuse vers le 1 %. Depuis 1997, le budget du ministère de la Culture, calculé à périmètre constant (base 1998) et hors réserve parlementaire, a ainsi connu une progression de 361,13 M€ (2.368,91 MF), soit +16,32 %, ce qui représente une augmentation de 2,6 % par an.

LOI DE FINANCES INITIALE HORS RÉSERVE PARLEMENTAIRE

Année. En MF

LFI 1997

LFI 1998

LFI 1999

LFI 2000

LFI 2001

PLF 2002

Budget à périmètre constant

14512,17

15109,38

15669,78

16039,21

16494,96

16881,08

Variation en montant

 

597,21

560,4

369,43

455,75

386,12

Variation en pourcentage

 

4,1%

3,7%

2,4%

2,8%

2,3%

Variation en montant 1997-2002 : 2368,91 MF

Variation en pourcentage 1997-2002 : 16,32%

LOI DE FINANCES INITIALE HORS RÉSERVE PARLEMENTAIRE

Année. En M€

LFI 1997

LFI 1998

LFI 1999

LFI 2000

LFI 2001

PLF 2002

Budget à périmètre constant

2212,37

2303,41

2388,84

2445,16

2514,64

2573,5

Variation en montant

 

91,04

85,43

56,32

69,48

58,86

Variation en pourcentage

 

4,1%

3,7%

2,4%

2,8%

2,3%

Variation en montant 1997-2002 : 361,13 M€

Variation en pourcentage 1997-2002 : 16,32%

En fait, indépendamment des problèmes de périmètre - le choix pour base du périmètre du ministère de la culture en 1998 aboutissant à intégrer un certain nombre de transferts de compétences antérieurs -, il faudra attendre la loi de règlement pour 2002 pour savoir si l'objectif du 1% sera atteint en termes de budget exécuté.

EVOLUTION DU RATIO A STRUCTURE CONSTANTE PAR RAPPORT A 1998

LFI Hors réserve parlementaire


(en MF)

LFI 1997

LFI 1998

LFI 1999

LFI 2000

LFI 2001

PLF 2002

Budget Culture

(à structure constante 2001)

14.512

15.109

15.670

16.039

16.496

16.880

Charges nettes de l'État

1.552.900

1.589.700

1.620.500

1.637.169

1.658.908

1.687.787

Ratio culture

0,935%

0,950%

0,967%

0,980%

0,994%

1,000%

Nous verrons que ces chiffres participent, en particulier pour les dépenses en capital, d'une stratégie d'affichage non conforme à la seule réalité budgétaire incontestable, celle des budgets exécutés .