Mme Fabienne KELLER
PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA MISSION « ÉCOLOGIE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE »
1. Trois programmes de natures différentes
a) Les crédits de la mission
La mission ministérielle « écologie et développement durable » rassemble 632,97 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 615,59 millions d'euros en crédits de paiement (CP), répartis en trois programmes :
- le programme « prévention des risques et lutte contre les pollutions » , placé sous la responsabilité du directeur de la prévention des pollutions et des risques, qui mobilise 178,1 millions d'euros en AE et 174 millions d'euros en CP (28,3 % des crédits de la mission) ;
- le programme « gestion des milieux et biodiversité » , placé sous la responsabilité du directeur de la nature et des paysages, qui se base sur 167,35 millions d'euros en AE et 154,14 millions d'euros en CP (25 % des crédits de la mission) ;
- le programme « conduite et pilotage des politiques environnementales et développement durable » , placé sous la responsabilité du directeur général de l'administration, qui contient 287,52 millions d'euros en AE et 287,46 millions d'euros en CP (46,7 % des crédits de la mission).
Ces trois programmes ne sont pas de même nature : alors que les deux premiers sont des programmes de politiques, le dernier est un programme support qui contient essentiellement des dépenses de personnel.
Il convient de noter que la mission écologie et développement durable devrait également bénéficier de crédits provenant de fonds de concours , à hauteur de 6,5 millions d'euros en AE et 10,5 millions d'euros en CP.
Par ailleurs, plusieurs dépenses fiscales contribuent à cette mission et représentent environ deux fois et demie les crédits de la mission : leur montant atteint environ 84 millions d'euros pour les dépenses fiscales directes et 1,49 milliard d'euros pour les dépenses fiscales qui contribuent aux différents programmes de la mission sans que ce soit leur objet principal.
b) La création du programme des interventions territoriales de l'Etat (PITE) modifie le périmètre de la mission
La mission « écologie et développement durable » est affectée par la mise en place du programme des interventions territoriales de l'Etat (PITE). Sept projets sont ainsi transférés vers ce programme : plan Loire grandeur nature ; programme exceptionnel d'investissements en faveur de la Corse ; plan gouvernemental sur le Marais poitevin ; plan Durance multi-usages ; plan eau-agriculture en Bretagne ; plan Rhin et bande rhénane ; plan filière bois en Auvergne et Limousin. Ces actions relèvent essentiellement des programmes « prévention des risques et lutte contre les pollutions » (10,6 millions d'euros en AE et 1,1 million d'euros en CP) et « gestion des milieux et biodiversité » (4,5 millions d'euros en AE et 3,8 million d'euros en CP), la participation du troisième programme étant minime (110.000 euros en AE et 105.000 euros en AP au titre de l'action « développement durable »).
Une fongibilité interministérielle est instaurée dans chaque action du PITE, mais ne peut être étendue à l'ensemble du programme.
Le rôle du ministère de l'écologie et du développement durable dans la gestion des actions du programme des interventions territoriales de l'Etat Dès lors qu'il contribue au financement de l'action, le ministère de l'écologie et du développement durable (MEDD) est dit « associé ». Il n'est pas dessaisi de sa responsabilité quant aux politiques publiques auxquelles ces actions concourent. Le ministère de l'écologie et du développement durable a ainsi souligné à votre rapporteur spécial qu'il conserverait la responsabilité de la mise en oeuvre de sa politique alors qu'il ne disposerait plus de la maîtrise de la définition, ni du suivi, des objectifs. Ce type de situation recouvre notamment le plan d'action Marais poitevin, la Filière bois en Auvergne et en Limousin ou le plan Rhin et bande rhénane. Le rôle du ministère de l'écologie et du développement durable se limitera, en l'espèce, à donner un avis sur les propositions de valeurs-cibles formulées par les préfets en fonction des objectifs assignés à l'action et à recevoir les informations transmises par les préfets de région sur les modalités de mise en oeuvre de l'action du PITE (consommations de crédits pour les destinations qui les concernent ou résultats affichés par les indicateurs et calculs qui ont permis de les obtenir). Le ministère de l'écologie et du développement durable a indiqué à votre rapporteur spécial que « dans l'hypothèse d'une mise en cause de l'Etat à l'échelle nationale ou communautaire , le partage induit par le PITE entre pilotage budgétaire relevant du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et pilotage technique relevant du ministère associé contribuera sans nul doute à une dilution des responsabilités » ; Le MEDD peut également être qualifié de « ministère référent » lorsqu'il est désigné comme responsable politique de l'action . Tel est notamment le cas pour le Plan Loire grandeur nature. Les crédits transférés seront alors gérés dans un budget opérationnel de programme (BOP), dont la responsabilité incombera au préfet de région territorialement compétent. Ce BOP comprendra, en recettes, les contributions des ministères et les fonds de concours et, en dépenses, les activités qui seront sélectionnés par le préfet, une fongibilité interministérielle étant autorisée au sein de l'action. Le MEDD sera amené à animer le débat interministériel et à piloter le dialogue de gestion avec le préfet de la région Centre en lui fixant des objectifs et des critères d'évaluation. A ce titre, il devra recevoir régulièrement du préfet de région toute information lui permettant de suivre l'exécution de l'action qu'il transmettra aux ministères associés. Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial |
2. Le plafond d'emplois
Les effectifs de la mission « écologie et développement durable » s'élèvent à 3.717 ETPT. Ce plafond correspond à un socle 2005 de 3.647 ETPT auxquels s'ajoutent 46 ETPT provenant d'un transfert des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) au titre du renforcement des installations classées et 26 ETPT provenant d'un transfert des emplois de l'INSEE correspondant aux personnels des corps concernés exerçant au ministère de l'écologie et du développement durable, tandis que deux emplois ont été supprimés.
La ventilation analytique des effectifs entre les programmes fait apparaître le schéma suivant :
Il convient de relever que les emplois rémunérés par les organismes bénéficiaires d'une subvention pour charges de service public à partir de cette mission sont plus importants que ceux du ministère , puisqu'ils s'élèvent à 4.721,5 ETPT.
En outre, les agences de l'eau, qui ne reçoivent pas de subvention pour charges de service public, emploient 1.848 ETPT.
3. Les crédits de la mission : la partie émergée de l'iceberg
La portée des crédits de la mission « écologie et développement durable » doit être fortement relativisée, dans la mesure où elle ne représente qu'une faible partie des dépenses menées en faveur de l'environnement.
Tout d'abord, on notera que plusieurs programmes figurant dans d'autres missions (« agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », « sécurité sanitaire » et « développement et régulation économiques ») contribuent à la mise en oeuvre des politiques de cette mission. Le montant des crédits ainsi déversés vers la mission « écologie et développement durable » par les ministères partenaires est loin d'être négligeable puisque, avec 94,8 millions d'euros, il représente environ 15,4 % des crédits de la mission.
De manière plus globale, les crédits de la mission « écologie et développement durable » ne représentent que 23,3 % de l'ensemble des crédits de l'Etat consacrés à cette politique , qui s'élèvent à 2.638,66 millions d'euros, d'après les données du jaune « effort financier consenti en 2005 et prévu en 2006 au titre de la protection de la nature et de l'environnement ».
Le poids de la mission « écologie et développement durable » est également trompeur dans la mesure où elle ne rend pas intégralement compte des dépenses menées par les établissements publics placés sous la tutelle du ministère de l'écologie et du développement durable. Elle exclut en particulier les agences de l'eau, financées par ressources propres , qui ont ainsi contribué à hauteur de 2,2 milliards d'euros à l'effort en faveur de l'environnement en 2004.
On relèvera que, à côté des actions menées par l'Etat, les départements ont consacré 1,33 milliard d'euros et les régions, 692 millions d'euros, au profit de la protection de l'environnement en 2002.
Les crédits de la mission « écologie et développement durable » ne représentent qu'une très faible part de la dépense nationale liée à l'environnement : si l'on se base sur les données 2003 (26,75 milliards d'euros au total), les crédits de cette mission ne couvrent que 2,3 % de la dépense nationale.
4. Plusieurs opérations de débudgétisation doivent être prises en compte dans l'analyse du budget
a) L'affectation de taxes à plusieurs établissements publics
Le projet de loi de finances pour 2006 contient plusieurs articles prévoyant l'affectation de taxes aux opérateurs de la mission « écologie et développement durable », ce qui invite à analyser de manière prudente l'évolution de certains crédits :
- l'article 43 prévoit l'affectation à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) de la taxe intérieure sur les consommations de gaz naturel, dont le produit s'élève à 170 millions d'euros ;
- l'article 44 prévoit l'affectation au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres de 80 % du droit de francisation et de navigation, soit des recettes d'environ 28 millions d'euros pour le Conservatoire ;
- l'article 45 propose l'affectation à l'office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) du produit de droit de timbre perçu pour la validation du permis de chasser, soit 6 millions d'euros .
En outre, il ressort des débats à l'Assemblée nationale que le produit de la taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d'immatriculation applicables aux véhicules à forte émission de CO 2 créée par l'article 12 du projet de loi de finances pour 2006 (environ 12 millions d'euros ) serait également affecté à l'ADEME, même si le texte de l'article, tel qu'adopté par l'Assemblée nationale, ne le prévoit pas.
Au total, les recettes fiscales nouvelles affectées aux établissements publics sous tutelle du ministère de l'écologie et du développement durable atteindraient donc 216 millions d'euros , soit l'équivalent de 35 % des crédits de la mission « écologie et développement durable ».
b) Le fonds de prévention des risques naturels majeurs au secours de la mission « écologie et du développement durable »
Par ailleurs, le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds « Barnier », devrait également venir compléter les actions menées dans le cadre du programme « prévention des risques et lutte contre les pollutions », même si cela n'apparaît ni dans le bleu, ni dans le projet de loi de finances. Une mise à contribution du fonds à hauteur de 60 millions d'euros serait envisagée, passant par un élargissement de ses capacités d'intervention et la mise en place d'un fonds de concours. Votre rapporteur spécial souhaite obtenir des éclaircissements de la part du gouvernement sur la situation budgétaire exacte de ce fonds et sur les changements envisagés. Elle tient à souligner la nécessité de prendre en compte les engagements du fonds à l'avenir, afin de ne pas alourdir à terme les prélèvements obligatoires.
Les ressources du Fonds de prévention des risques naturels majeurs Le fonds de prévention des risques naturels majeurs est financé par un prélèvement fixé par arrêté, dans la limite de 4 % (le taux en vigueur est aujourd'hui de 2 %), sur le produit des primes ou cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles, prévues à l'article L.125-2 du code des assurances. Le montant des primes et cotisations additionnelles est lui-même fixé à 12 % du montant des cotisations. Sur la base d'un taux de prélèvement fixé à 2 %, les ressources du fonds s'élèvent à environ 25 millions d'euros par an. D'après les éléments communiqués à votre rapporteur spécial, les réserves du fonds s'élèveraient à une centaine de millions d'euros. |
5. Une voie étroite : paiement des dettes ou lancement d'opérations nouvelles ?
Les auditions des responsables de programme auxquelles a procédé votre rapporteur spécial et l'analyse des crédits des différents programmes montrent que la mission « écologie et développement durable » est confrontée à un équilibre difficile entre le paiement des dettes et le lancement d'opérations nouvelles. Ce point fait l'objet de développements dans les parties consacrées à chaque programme.
De ce point de vue, le budget 2006 témoigne de la contrainte qui pèse sur le budget de l'Etat et laisse augurer de choix difficiles en gestion.
6. L'architecture budgétaire et la mise en oeuvre de la LOLF
La partition de la mission en trois programmes n'a pas évolué depuis la maquette présentée en juin 2004. En particulier, la politique de l'eau est répartie entre les deux programmes de politiques : « prévention des risques naturels et lutte contre les pollutions » et « gestion des milieux et biodiversité ».
Les auditions auxquelles a procédé votre rapporteur spécial ont fait apparaître que les responsables de programme avaient tendance à raisonner toujours comme directeurs d'une administration centrale, et ainsi à séparer les actions relevant de la direction de l'eau de celles relevant de leur propre direction. Ceci conduit à s'interroger sur la manière de conduire l'exécution des programmes : envisagerait-on de ne pas faire jouer la fongibilité au sein des programmes entre les actions relevant de la direction de l'eau et celles relevant des autres directions ?
L'absence de programme « eau » au sein de la mission « écologie et développement durable » ne doit pas conduire à un jeu de renvoi des responsabilités administratives. De ce point de vue, votre rapporteur spécial estime qu'une réorganisation de la direction de l'eau en fonction des programmes définis actuellement devrait être étudiée.