M. Michel Charasse

LES OBSERVATIONS SUR LE COMPTE

- L a justification au premier euro des prévisions de recettes sur les trois programmes demeure insuffisante. Celle des dépenses est inégale, et évasive s'agissant du programme 852 « Prêts à des Etats étrangers pour consolidation de dettes envers la France », les prévisions d'accord en Club de Paris ayant une incidence diplomatique. Les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial apportent un complément insuffisant. De fait, les prévisions de décaissements de prêts sur le programme 852 sont largement tributaires des incertitudes entourant la situation politique de la Côte d'Ivoire ou de la République démocratique du Congo (RDC).

- Les prêts de la Réserve pays émergents (programme 851) contribuent formellement à l'APD, les 18 pays éligibles étant inscrits sur la liste du CAD, mais leurs caractéristiques (aide liée en faveur de pays à revenu intermédiaire) en font un instrument qui ne répond pas aux priorités de l'aide et en particulier des OMD.

- La pertinence de l'indicateur du programme 851 (prêts de la Réserve pays émergents) doit être relativisée, tant en raison de ses résultats erratiques et de l'aléa inhérent à ces prêts que de la base relativement restreinte de calcul. La cible de 65 % de protocoles de prêts signés et imputés, initialement fixée pour 2009, a été décalée à 2012, et les résultats ont culminé à 80 % en 2006. En outre, l'indicateur du programme 852 ne constitue que la reprise d'un objectif international relatif à une initiative PPTE en fin de cycle, et n'informe guère le citoyen sur la plus-value réellement apportée par la France dans ce dispositif , pas plus que sur l'impact de celui-ci sur le développement des pays considérés.

- L'initiative PPTE, complétée par l'Initiative d'annulation de la dette multilatérale (IADM), a un coût élevé pour les bailleurs. Elle n'est pas une panacée et ses résultats, bien que tangibles, peuvent être hypothéqués par un réendettement excessif des pays bénéficiaires, en particulier auprès de pays émergents qui ne participent pas à l'initiative (Chine) et sont susceptibles d'octroyer de nouveaux prêts à des conditions onéreuses. Il importe donc de se montrer très vigilant sur le maintien de la soutenabilité de l'endettement.

- Les trois-quarts du montant prévisionnel d'annulations de créances portées par la Coface pour 2008 concernent trois pays (Egypte, Irak et RDC). Votre rapporteur spécial s'interroge néanmoins sur l'imputation en APD d'annulations de créances sur la Pologne (25,6 millions d'euros), et constate que les prévisions transmises par le MINEFE (951 millions d'euros en 2008) diffèrent de celles inscrites dans le DPT (655 millions d'euros).

- Le nouvel instrument de l'AFD qu'est le prêt très concessionnel contracyclique (PTCC), qui s'inscrit dans la nouvelle doctrine de l'Agence sur la reprise des prêts aux pays « post PPTE » et exerce un impact sur les crédits du programme 853, est bien conçu et répond à une approche prudente. La faculté de suspension du versement des annuités en cas de détérioration réelle de la solvabilité doit néanmoins être suffisamment encadrée.

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA MISSION

A. TROIS PROGRAMMES QUI ONT SUCCÉDÉ À D'ANCIENS COMPTES SPÉCIAUX DU TRÉSOR

La compte de concours financiers « Prêts à des Etats étrangers » est doté de crédits évaluatifs en application de l'article 24 de la LOLF, et composé de trois sections présentées sous forme de programmes :

- le programme 851 « Prêts à des Etats étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructure » ;

- le programme 852 « Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France », qui représente près de 90 % des crédits de paiement de la mission ;

- et le programme 853 « Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des Etats étrangers ».

Les dotations sur ces trois programmes permettent l'octroi de prêts à des Etats étrangers directement - s'agissant de la Réserve pays émergents (RPE) sur le programme 851 ou des prêts accordés en application d'accords de consolidation sur le programme 852 - ou indirectement pour le programme 853, au travers du financement de l'activité de prêts très concessionnels de l'AFD et de la couverture du risque pays sur les contreparties non souveraines.

Le responsable de ces trois programmes est le directeur général du Trésor et de la Politique économique (DGTPE) du MINEFE, qui assure la présidence et le secrétariat du Club de Paris et qui négocie pour la France les accords bilatéraux de traitement de la dette.

Conformément à sa nature, cette mission ne comporte que des dépenses d'opérations financières relevant du titre 7. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2007, les AE et les CP font plus que doubler.

Montant et évolution des AE et CP demandés pour 2008

(en millions d'euros)

Programme

AE 2007

AE 2008

Evolution 2007/2008

CP 2007

CP 2008

Evolution 2007/2008

Part des CP de la mission en 2008

851 - Prêts à des Etats étrangers, de la RPE, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructures

300

350

16,7 %

150

120

- 20 %

5,8 %

852 - Prêts à des Etats étrangers pour consolidation de dettes envers la France

731,25

1.822,3

149,2 %

731,25

1.822,3

149,2 %

%

853 - Prêts à l'AFD en vue de favoriser le développement économique et social dans des Etats étrangers

163

269

65 %

115,2

124

7,6 %

6 %

Total

1.194,25

2.441,3

104,4 %

996,45

2.066,3

107,4 %

100 %

Source : projet annuel de performances sur les comptes spéciaux annexé au projet de loi de finances pour 2008

En tant que compte de concours financiers, il est structuré en dépenses et recettes (essentiellement des remboursements du capital des prêts consentis), dont la nature et les justifications sont détaillées infra pour chaque programme. Le compte devrait être fortement déficitaire en 2008 , de plus d'un milliard d'euros, en raison de la forte hausse des opérations de refinancement de prêts du programme 852 :

Equilibre du compte « Prêts à des Etats étrangers » pour 2008

(en millions d'euros)

Section

Recettes

Crédits

Solde

Section 1 - Prêts à des Etats étrangers, de la RPE, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructures

457

120

337

Section 2 - Prêts à des Etats étrangers pour consolidation de dettes envers la France

533,78

1.822,3

-1.288,6

Section 3 - Prêts à l'AFD en vue de favoriser le développement économique et social dans des Etats étrangers

68,3

124

-55,7

Total

1.059,08

2.066,3

-1.007,22

Source : projet annuel de performances sur les comptes spéciaux annexé au projet de loi de finances pour 2008

B. UN COMPTE DANS LE PÉRIMÈTRE DE L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT

1. La comptabilisation des annulations en APD

Ce compte concourt à l'aide publique au développement (APD) de la France et est donc intégrée dans le document de politique transversale « Politique française en faveur du développement » (cf. supra ).

Rappelons que les annulations de dettes ne sont pas intégralement comptabilisées dans l'APD . Seule l'annulation de créances civiles consenties à des conditions commerciales peut donner lieu à déclaration en APD, ce qui exclut donc toutes les dépenses militaires. Lorsqu'une annulation concerne un prêt initialement consenti aux conditions de l'APD, le montant de l'annulation n'est pas totalement intégré à l'effort d'aide. En effet, le principal du prêt (issu du principal et des intérêts de l'ancien prêt) a déjà été déclaré en APD au moment de son déboursement ; son annulation ne s'impute donc pas en APD pour éviter une double comptabilisation, et seule la part en intérêts ressortit à l'APD .

De même, les annulations de dette comptabilisées en APD ne se traduisent que pour une part minoritaire par une dépense budgétaire . La comptabilisation des annulations repose sur la valeur nominale de la créance originelle , plutôt que sur sa valeur de marché, car elle est perçue comme correspondant à l'impact réel en termes de développement de l'annulation de dette pour le pays débiteur et au coût pour le créancier.

2. L'impact très variable des prêts

L'impact sur l'APD des cinq catégories de prêts (RPE, prêts pour refinancement de dettes, prêts de « premier guichet » et prêts d'aide à l'ajustement structurel de l'AFD, facilités du FMI) octroyés par la France est également très variable, selon les flux nets de remboursements, et très différent de l'imputation budgétaire. L'impact en APD de ces prêts pourrait ainsi devenir fortement positif en 2008 après avoir été faible en 2007 , selon un écart de près de 620 millions d'euros.

Récapitulatif de l'impact des prêts sur les dépenses budgétaires et sur la comptabilisation en APD en 2007 et 2008

(en millions d'euros)

Missions

Programmes

Objet

LFI 2007

Estimation de l'impact APD

PLF 2008

Estimation de l'impact APD

Prêts à des Etats étrangers

851 - Prêts à des Etats étrangers de la RPE

Réalisation de projets d'infrastructures

150

-362

120

-340

852 - Prêts de consolidation de dettes envers la France

Refinancements de dettes d'Etats étrangers

731

22

1.822

1.389

853 - Prêts à l'AFD en vue de favoriser le développement

- Adossement des prêts PPTE

- Couverture du risque commercial sur les prêts non souverains

115

444

124

-346

Aide publique au développement

110 - Aide économique et financière au développement

Crédits de bonification AFD pour les Etats étrangers et l'outre-mer

50

50,4

FRPC du FMI

18,1

N.D.

13,7

N.D.

Prêts d'aide à l'ajustement structurel de l'AFD (hors missions)

-

-80

-

-60

Total (hors FRPC)

1.064,1

24

2.130,1

643

Source : document de politique transversale « Politique française en faveur du développement »