Table ronde V : Avantages et risques des organismes génétiquement modifiés TABLE RONDE V : AVANTAGES ET RISQUES DES ORGANISMES GENETIQUEMENT MODIFIES EN MATIERE D'ENVIRONNEMENTen matière d'environnement

M. le Président - Comme nous avons un peu débordé, nous terminerons avec un peu de retard.

Nous abordons donc la cinquième table ronde. Son thème est naturellement de première importance, compte tenu de la montée des légitimes préoccupations en matière d'environnement dans notre société. Nous aurons d'ailleurs l'occasion ce soir d'entendre Madame Dominique Voynet, Ministre de l'Environnement et de l'Aménagement du Territoire.

Ce thème est d'autant plus important que l'agriculture n'est pas restée à l'écart des questions que la société se pose à cet égard.

Le débat sur les effets éventuels des organismes génétiquement modifiés à l'égard de l'environnement est certainement un des thèmes centraux des interrogations que nous nous posons tous. Des études ont déjà été faites, vos débats y feront sans doute allusion.

Vous allez débattre du problème des flux de gènes, thème qui n'est évidemment pas propre aux organismes génétiquement modifiés. De tout temps en effet, les plantes cultivées se sont croisées avec les mauvaises herbes voisines. Antoine Danchin disait hier que la biologie était la science et l'art de l'imprévu.

Bien entendu le problème se pose aussi avec les relations des plantes génétiquement transformées avec la faune et spécialement avec les prédateurs.

Là encore ce n'est pas une difficulté spécifique des organismes génétiquement modifiés dans la mesure où, et les agriculteurs le savent bien, les prédateurs finissent tôt ou tard par s'adapter aux produits destinés à les combattre. Nous aurons donc à traiter des problèmes de résistance.

Avec les risques concernant la santé, cette menace est certainement une de celles qui a le plus grand retentissement parmi le public et, dans le débat, c'est sans doute le problème de l'environnement qui est le plus posé.

Il convient donc de traiter ce problème avec le plus grand sérieux car il faudra naturellement éviter autant que faire ce peut, que les qualités de ces plantes, qualités au sens du transfert d'un gène, ne se transfèrent à leur environnement, ce qui poserait par la suite des problèmes redoutables aux agriculteurs.

Nous aborderons le problème de toutes les plantes, les problèmes ne sont pas identiques suivant les plantes et vous nous l'expliquerez. Vous nous expliquerez que si des croisements sont possibles avec des adventices sauvages, nous ne sommes pas dans la même situation que s'il n'y a pas de croisements interspécifiques.

Certains cherchent même des gènes de stérilité ce qui aurait un avantage en matière d'environnement, mais des désavantages en matière de ce que nous disions hier, c'est-à-dire des désavantages économiques de liaison entre celui qui fabrique la semence et celui qui la cultive.

Les problèmes d'environnement se posent également dans la dimension transfert vers les pays du sud où nous pourrions là aussi avoir des problèmes plus importants que ceux que nous avons dans nos propres pays, où les mêmes systèmes de vigilances n'existent pas forcément et ne sont pas forcément non plus mis en place.

Nous abordons donc là un problème très important et pour en débattre, j'ai à partir de ma gauche, c'est-à-dire de votre droite :

- Monsieur Mark Tepfer du laboratoire de biologie cellulaire de l'INRA de Versailles,

- Monsieur Bernard Convent, directeur général de PGS, du Groupe Agrevo,

- Monsieur Arnaud Apoteker, chargé de mission à Greenpeace France,

- Monsieur Pierre-Henri Gouyon, professeur de biologie à l'université de Paris XI,

- Monsieur Philippe Tillous-Borde, directeur général de la Fédération des oléoprotéagineux,

- Monsieur Michel Vincent de la Confédération générale des planteurs de betteraves.

Vous avez à la fois des producteurs, des associations de protection de l'environnement, des chercheurs et des industriels autour de cette table pour débattre comme dans les autres cas de manière animée, mais en respectant en même temps les règles du jeu qui sont fixées.

Qui souhaite commencer ?

Monsieur Bernard Convent, directeur général de PGS.

M. Convent - Permettez-moi tout d'abord, Monsieur le Président, de vous remercier de m'avoir invité à participer à cette table ronde et de me permettre ainsi d'appuyer votre démarche pour améliorer la transparence et l'information au sujet des OGM. Ce sont d'ailleurs également les objectifs de notre Groupe Agrevo-PGS.

En préambule, je voudrais partager avec vous mon adhésion aux propos tenus hier soir par le Ministre de l'Agriculture lorsqu'il disait que l'application des biotechnologies à l'agriculture s'inscrivait dans le prolongement de l'activité de l'amélioration des plantes qui a débuté avec l'activité agricole elle-même il y a plusieurs milliers d'années.

Aussi je propose que nous parlions dorénavant d'organismes génétiquement améliorés car si la modification ne s'accompagne pas d'un réel bénéfice pour la société et l'environnement, il n'y a pas lieu de développer de tels organismes.

Néanmoins je pense également et je suis particulièrement à l'aise car le caractère contradictoire du débat auquel vous nous invitez m'autorise à vous le dire, je suis consterné également par les propos du même Monsieur Le Pensec lorsqu'il nous disait hier soir, d'une façon relativement arrêtée, de ne pas considérer les améliorations au niveau de l'utilisation des herbicides, la problématique du désherbage et éventuellement les améliorations de rendement, comme étant un bienfait des apports des biotechnologies.

Or précisément, ces deux points ainsi que la résistance aux maladies et l'amélioration de la qualité des produits ont toujours fait l'objet de l'amélioration des plantes, de la sélection des plantes. Pour exemple je peux citer ce qui s'est passé avec le blé.

Il n'y a pas si longtemps, une soixantaine d'années, les sélectionneurs essayaient de trouver du blé poussant d'une façon très haute pour dominer les mauvaises herbes, seul moyen pour avoir une récolte.

Parallèlement, avec la venue des herbicides, les sélectionneurs se sont mis à cultiver du blé très court, non plus pour dominer les mauvaises herbes, mais pour améliorer les rendements, c'est-à-dire l'indice de récolte, la conversion de la biomasse, pour en retirer davantage de grains que de paille.

D'autre part, le phénomène de l'étude de la tolérance aux herbicides n'est pas d'hier puisqu'elle a également été pratiquée pour le blé. Aujourd'hui la plupart des blés sont tolérants aux herbicides issus de la famille des urae substituae , ce qui n'était pas le cas il y a vingt ans.

Les méthodes utilisées, c'est-à-dire des méthodes traditionnelles, ont déjà abordé les problèmes dont nous allons discuter maintenant dans le cadre des OGM.

Je puis dire que si nous n'avions pas ou que si nous avions découragé les sélectionneurs à cette époque d'améliorer le blé, il aurait fallu en France, aujourd'hui, trois fois plus de cultures de terres arables pour produire la même quantité de blé.

Ceci voudrait dire que nous devrions procéder à une déforestation de la plupart des forêts restant en France ce qui n'est pas sans conséquences pour l'environnement.

Dissocier la productivité de l'environnement ou des bienfaits pour l'environnement me semble être un point sur lequel je voudrais prendre la parole.

Venons-en au sujet de notre table ronde qui s'intéresse davantage aux avantages et désavantages des OGM. Jusqu'à présent nous avons plutôt parlé des risques que des avantages et je voudrais en noter quelques-uns.

Je reprends l'exemple de la maîtrise et de la façon raisonnée de pouvoir désherber nos cultures.

Mettre à la disposition des agriculteurs des herbicides respectueux de l'environnement, de post-émergence, qui n'ont peu ou pas d'effets résiduels, permet à l'agriculteur de gérer sa flore adventice et de ne traiter qu'en cas de nécessité, lorsqu'un seuil de nuisibilité est atteint.

Cela permet, pensons-nous, de diminuer jusqu'à 30 % les intrants en matière d'herbicide pour ces cultures. C'est un autre bienfait qui peut également être considérable pour l'environnement.

De même en ce qui concerne les cultures tolérantes ou résistantes à certains insectes ravageurs, nous assistons à un véritable progrès en matière de lutte raisonnée puisque, cette fois-ci, l'agriculteur ne touche que les insectes qui viennent se nourrir de sa culture et uniquement ceux-là.

Ceci permet également de diminuer l'application des insecticides qui, fatalement, alors qu'ils sont tous autorisés et acceptés parce que les risques pour l'environnement sont moindres par rapport aux bénéfices qu'ils peuvent procurer pour la société et l'environnement, sont néanmoins moins ciblés que ces approches de transgénoses avec des toxines éventuellement comme celles de Bt.

En ce qui concerne les facteurs d'amélioration de rendement, je voudrais citer un exemple concernant l'hybridation. Nous pouvons penser et je crois que Monsieur le Ministre de la Santé parlait du phénomène du maïs lui-même par rapport au maïs sauvage.

Si nous n'avions pas aujourd'hui le maïs hybride, il faudrait également trois ou quatre fois les surfaces disponibles de terre arable pour produire la même quantité de maïs.

Pour le colza c'est la même chose. Aujourd'hui le colza hybride permet des productions plus importantes et la possibilité existe de réduire de 20 % les surfaces arables nécessaires pour produire la même quantité ou de produire plus de colza avec les mêmes emblavements.

Lorsqu'on sait que les huiles de colza sont particulièrement intéressantes et bénéfiques pour la santé même par rapport aux autres huiles, on a affaire à des bénéfices qui doivent également être considérés dans le débat.

Enfin je voudrais dire qu'Agrevo est également conscient des différents risques qui accompagnent éventuellement ces nouvelles technologies.

Agrevo est tout à fait déterminer à travailler de concert avec l'INRA et les instituts scientifiques, en tenant informé le public et en formant la profession et les agriculteurs à manier ces nouvelles technologies. C'est pour cela que nous sommes heureux d'être ici parmi vous.

M. le Président - Merci beaucoup. Qui souhaite intervenir en second ?

M. Vincent - Je représente ici 40 000 agriculteurs concernés par la culture de la betterave, aussi bien sous forme de racine que de semence.

Avant tout, je voudrais rappeler que la France est aujourd'hui le huitième producteur mondial de sucre, de saccharose, le premier producteur mondial et le premier exportateur mondial de sucre de betterave.

Il est bon de dire que cela contribue à un solde positif qui dépasse régulièrement 5 milliards de francs pour notre balance commerciale.

L'alcool ayant pour origine la betterave représente également les deux tiers de l'alcool agricole produit en France.

Le niveau de cette performance est dû à une maîtrise de plus en plus poussée de la technique. On peut dire que depuis vingt ans, et c'est reconnu, l'augmentation des rendements est de 2 % par an.

On peut dire aussi que la culture betteravière maîtrise parfaitement les applications de produits phytosanitaires, que cette efficacité technique a apporté une diminution spectaculaire des intrants puisque, aujourd'hui, on produit davantage de sucre avec 30 % de moins d'azote qu'il y a vingt ans.

C'est donc de très longue date que les planteurs français de betteraves ont pris conscience que la gestion des objectifs devait également prendre en compte les exigences des citoyens pour le respect de l'environnement et ses aspirations pour une agriculture durable.

Pour cette raison les planteurs de betteraves sont ouverts aux variétés génétiquement modifiées du moment qu'elles leur apportent des retombées positives d'abord en matière d'amélioration végétale et ensuite en matière de gestion du désherbage, domaine technique très important.

Le désherbage se fait d'ailleurs par voie chimique dans tous les pays du monde où l'on cultive de la betterave.

Les planteurs attendent du désherbage quelque chose :

- de plus efficace avec un spectre élargi,

- de plus simple, moins de matière active et moins de traitement,

- de moins phytotoxique, c'est évident, ce qui, entre autres, permet d'espérer un meilleur rendement même si ce n'est pas la finalité,

- indiscutablement de plus respectueux de l'environnement.

Il apparaît clairement aussi que cet aspect du désherbage n'est que la première pierre d'un chemin qui nous amènera à des variétés capables de résister à des maladies, à des stress, à la montée en graine, à la salinité des sols, etc. Ce sont également d'autres manières de diminuer les apports de produits phytosanitaires.

Le gouvernement a exprimé sa préoccupation à l'égard des risques courus du fait du passage d'un transgène vers des plantes interfertiles. Cela fait non seulement l'objet de l'attention des planteurs, mais également de l'Institut technique de la Betterave.

On doit dire ici dans le cadre de notre table ronde que l'expérience accumulée, et notamment les expérimentations déjà conduites depuis 1995 sur des plates-formes inter-instituts, démontrent que les conséquences de ce passage sont facilement maîtrisables par le biais de pratiques culturales bien identifiées.

A l'appui de cette certitude, des propositions techniques ont déjà été faites pour un suivi de biovigilance efficace. Ceci permettrait, au cas où des dérives apparaîtraient, de modifier voire d'en arrêter la culture.

Par ailleurs l'organisation actuelle de la filière, son cadre réglementaire et, je tiens à le dire, avec la contribution active et appréciée des pouvoirs publics, son encadrement sur le terrain, nous permettent d'assurer un développement raisonné et sûr de la nouvelle technologie liée aux OGM.

Sommes-nous favorables aux variétés génétiquement modifiées ? Pas à n'importe quel prix. Encore faut-il préserver non pas l'environnement, mais les environnements.

L'environnement économique est en effet un aspect non directement biologique, mais aussi vital. En matière d'économie aussi, à ne pas défendre son territoire, un pays est vite envahi.

Si le consommateur français venait à se détourner du saccharose issue de betteraves génétiquement modifiées en faveur du sucre de canne ou de n'importe quel autre édulcorant, la perte du potentiel français serait irréversible aussi bien en termes agricoles qu'en termes industriels.

Les planteurs de betteraves ne s'engagent donc à cultiver des variétés génétiquement modifiées que s'ils ont l'accord des industriels et lorsque ce risque sera suffisamment maîtrisé vis-à-vis du consommateur sachant qu'il n'y a rigoureusement scientifiquement aucune différence entre le saccharose issu d'une betterave transgénique et celui produit par une betterave traditionnelle.

Ceci pose d'ailleurs le problème de l'étiquetage auquel nous nous opposons puisqu'il n'y a pas de différence.

En conclusion, sous réserve que cette technologie soit positive pour la filière, compte tenu des engagements déjà pris par les producteurs de racines aussi bien que par les producteurs de semences, en prenant en compte la mise en place d'un système de biovigilance efficace, sous réserve de l'acceptation des OGM par le consommateur et du non étiquetage, nous disons oui aux variétés génétiquement modifiées.

M. le Président - Merci. Monsieur Gouyon va donner l'avis des chercheurs sur ce point.

M. Gouyon - Je ne pense pas pouvoir donner l'avis des chercheurs, mais celui d'un petit groupe de personnes auquel j'appartiens. Je pense que l'avis des chercheurs diffère beaucoup comme dans toute classe de la société.

Etant donné les deux exposés précédents, je voudrais vous dire qu'en tant que chercheurs nous avons commencé à travailler sur ces questions il y a une dizaine d'années. Nous nous sommes rendu compte qu'il y avait clairement des avantages et des inconvénients.

En tant que laboratoire d'écologie du CNRS, nous allions chercher à voir quels étaient les risques pour l'environnement de la culture de ces OGM et essayer de travailler éventuellement avec les industriels. Nous avons d'ailleurs eu un programme commun européen avec PGS. Il y a donc une certaine concertation.

Les risques qui ont pu être identifiés vis-à-vis de l'environnement sont extrêmement multiples, divers et difficiles à généraliser.

Evidemment il y a des problèmes concernant la santé publique comme les résistances aux antibiotiques qui, actuellement, font quelque chose comme 10 000 morts par an en France et certaines personnes pensent qu'il serait bon de décider qu'on ne joue plus avec les antibiotiques.

Ce n'est certainement pas le fait qu'un maïs porte un gène de résistance à un antibiotique qui créera un problème majeur. Il y a bien plus grave dans le fait qu'on met des antibiotiques dans la nourriture du bétail en quantités effroyables et j'espère que cela s'arrêtera progressivement.

On pourrait dire qu'on ne joue plus avec les antibiotiques et, alors qu'il suffisait d'attendre un tout petit peu plus, il est regrettable que les sociétés aient créé un maïs avec une résistance aux antibiotiques car quelques années après, elles auraient pu faire autrement.

C'est un type de question qui peut se poser, je n'en discuterai pas davantage.

Pour l'environnement agricole lui-même, nous pouvons dire que, pour le moment, les firmes qui font des plantes transgéniques mettent les mêmes gènes de résistance dans la plupart des plantes. De ce fait nous ne voyons pas très bien comment elles sont en train de réfléchir à la manière dont l'agriculteur gérera ses assolements dans la suite des opérations. Là aussi je ne veux pas discuter davantage.

En plus vous avez ces quelques résistances qui existent actuellement sur le marché par le biais des croisements entre plantes cultivées.

On parle beaucoup des croisements entre plantes cultivées et plantes sauvages, mais les croisements entre plantes cultivées vont fabriquer des plantes avec des résistances multiples qui seront de plus en plus difficiles à gérer dans les champs.

Lorsque vous vous promenez au bord des routes, vous voyez du colza partout car le colza se ressème tout seul ce qui n'est pas le cas du maïs. Un colza résistant en même temps à de nombreux herbicides, peut devenir un problème réel dans les champs.

Ceci dit, au voisinage des champs il y a aussi des mauvaises herbes. Dans un premier temps nous pensions que les transferts de gènes seraient extrêmement rares et nous nous sommes rendu compte que cela arrivait pour le colza et que des mauvaises herbes recevaient des gènes de colza. Si jamais ce sont des gènes de résistance à un herbicide, cela risque de rendre ce dernier inopérant.

Pour d'autres plantes comme la betterave, c'est pire que tout. Dans les zones de production de semences, on a pu montrer que pratiquement les betteraves mauvaises herbes qu'on trouvait dans les champs de betteraves plutôt dans le nord de la France, qui venaient des semences produites dans le sud de la France, ces mauvaises herbes étaient en fait les filles des betteraves cultivées pour faire de la semence dans le sud.

C'est quelque chose que tout le monde savait plus ou moins, mais maintenant que cela a vraiment été montré par des méthodes de marquage moléculaire, on s'est rendu compte qu'il y avait là un problème. On ne peut pas espérer mettre un gène de résistance à un herbicide dans une plante cultivée sans le retrouver très rapidement dans les plantes sauvages.

Il faut savoir qu'une graine de betterave sauvage peut quand même durer plus d'une dizaine d'années dans le sol. Si jamais des betteraves sauvages deviennent résistantes à des herbicides majeurs, cela veut dire que dans les champs où elles seront, il sera difficile de s'en débarrasser pour la culture de betteraves.

Je passe sur ces problèmes d'herbicides, mais j'y reviendrai un tout petit peu tout à l'heure.

Le dernier point pour l'environnement porte sur le fait que lorsqu'on fait des résistances à des insectes, on ne sait pas comment on perturbera l'entomofaune, c'est-à-dire la faune des insectes existant autour de ces champs et en particulier les insectes qui, naturellement, étaient des agents de contrôle des insectes contre lesquels on veut lutter.

Cela posera-t-il des problèmes ? Je pense que cela nécessite des recherches.

Ces recherches sont lancées maintenant pour le maïs actuellement accepté à la commercialisation. Il sera très intéressant de voir ce qui se passera pour estimer les risques que nous courons. Il est clair que comme malheureusement beaucoup de ces risques sont à long terme, nous serons obligés sans doute d'attendre assez longtemps pour voir l'effet de ces cultures.

En ce qui concerne l'environnement agricole, pourquoi tout ceci peut poser des problèmes graves ?

Cela a déjà été dit, il y a effectivement des risques économiques divers.

Le risque économique de se faire distancer par les voisins est ennuyeux, de ce point de vue il est normal de dire qu'il faut défendre les OGM. Si les autres pays développent des OGM et pas nous, qu'y perdrons-nous ?

D'un autre côté, il est vrai que le fait de développer les OGM comme cela se passe actuellement contribue, dans le domaine agricole, à la centralisation du pouvoir de décision de quelques grosses firmes.

En conséquence on aimerait être sûr que ces quelques grosses firmes obéissent à une logique qui soit une logique d'agriculture durable. Et c'est ce qu'on ne voit pas tellement dans la manière dont elles nous répondent lorsque nous leur parlons de gestion des assolements par exemple.

Le dernier point, pour l'environnement en général, est qu'il faut savoir qu'il n'existe que deux herbicides totaux à l'heure actuelle pour lesquels on ne connaît pas de résistance naturelle des plantes.

Le jour où nous aurons transféré ces gènes de résistance dans des plantes cultivées, ces herbicides ne seront plus des herbicides totaux puisqu'il y aura des résistances et ce sera vrai peut-être à moyen terme pour les plantes sauvages apparentées, colza ou betteraves.

Je voudrais juste vous dire un mot sur le fait qu'il existe des problèmes auxquels nous ne pensons pas trop actuellement. Il s'agit du fait que les espèces sauvages apparentées vont recevoir des gènes de ces plantes.

C'est vrai pour les gènes de résistances aux insectes et cela risque de faire que la plante sauvage sera franchement avantagée puisqu'elle résistera aussi aux insectes à l'extérieur, donc qu'elle modifiera ce qui se passe à l'extérieur.

C'est vrai encore plus et ce sera peut-être encore pire pour les plantes sauvages qui sont très précieuses. Je conclurai là-dessus et je voudrais vous dire que je trouve ce problème très difficile à résoudre.

Les maïs viennent d'un ancêtre, le téosinte, plante qui pousse en Amérique Centrale.

Cette plante constitue une sorte de patrimoine pour l'humanité puisqu'elle contient la réserve de diversité génétique de l'espèce du maïs. On s'en sert actuellement pour essayer de réintroduire de la diversité dans le maïs. Si jamais on perdait cette espèce, ce serait très grave.

Evidemment, ce n'est pas en cultivant du maïs en France qu'on risque de faire du mal à l'espèce téosinte en Amérique centrale.

Mais si nous produisons un maïs qui a certaines particularités, comment éviterons-nous qu'il soit cultivé au Mexique ?

Pouvons-nous dire à un pays du sud que nous lui prenons sa plante, c'est-à-dire le maïs qui vient de chez lui, des ressources génétiques qui viennent du téosinte, nous améliorons tout ceci, faisons un peu de transgénèse, quelque chose qui marche très bien, mais il ne faut surtout pas qu'ils le cultivent chez eux ?

Là nous tombons sur un problème de politique internationale tout à fait hors de mes compétences. Si jamais nos activités nous amenaient à perdre le téosinte, je pense que ce serait très grave.

J'ai juste essayé de vous montrer la diversité des problèmes que peut se poser un laboratoire de recherche écologique sur ces questions et maintenant je préfère participer à la discussion que de continuer.

M. le Président - La parole est à M. Apoteker.

M. Apoteker - Merci, Monsieur le Président. De nombreuses choses que je voulais dire ont déjà été évoquées.

Je voudrais dire mon opposition à ce qu'a dit mon voisin de PGS. Pour ma part la transgénèse, le génie génétique sont des techniques radicalement différentes de tous les procédés d'amélioration des plantes depuis que l'agriculture existe.

Il est vrai que le but, l'amélioration des plantes, est quelque chose d'ancien, mais cette technique est radicalement nouvelle. Le fait de prendre des gènes de n'importe quelle espèce pour les introduire dans une plante est extrêmement différent de tous les croisements que nous avons pu faire jusqu'à maintenant.

C'est différent tout simplement parce que nous nous affranchissons de la barrière entre espèces qui est le résultat de quatre milliards d'années d'évolution de la vie sur la planète.

Nous créons ainsi de nouveaux organismes vivant que la nature n'aurait jamais pu créer qui n'ont pas de passé évolutif, de prédateurs naturels et dont le comportement dans les écosystèmes est largement inconnu.

C'est donc une technologie complexe et très nouvelle qui pose des risques inédits. La seule analogie que nous pouvons voir avec des phénomènes déjà documentés viendrait, à mon sens, de l'introduction intentionnelle ou accidentelle d'espèces exotiques dans des écosystèmes.

Dans bien des cas ces introductions se sont soldées par ces catastrophes écologiques, par la disparition de nombreuses espèces endémiques ou tout au moins par des dommages économiques considérables.

Je donne juste un exemple. Des cténophores qui sont des micro-organismes marins, ont été introduits dans la Mer Noire en 1982 par les eaux de ballast d'un navire venant de l'Atlantique. Cette espèce est devenue aujourd'hui l'espèce dominante en Mer Noire et représente 95 % de la biomasse.

A mon sens également, les expériences faites, les disséminations d'OGM en plein champ à titre expérimental ne nous donnent qu'une image inadéquate de ce qui se pourrait se passer dans l'environnement.

D'une part ces disséminations sont extrêmement contrôlées puisque nous voulons essayer d'évaluer les effets qu'elles auront et c'est tout à fait à l'opposé de ce qui va se passer ou se passera lors des disséminations commerciales.

D'autre part l'effet de taille est tout à fait primordial concernant les conséquences écologiques des introductions que nous pouvons réaliser.

Il est évident que si des populations d'insectes, de ravageurs ou de butineurs peuvent éviter de consommer des plantes qui seraient toxiques pour elles sur des petites surfaces, elles ne le peuvent pas sur des hectares ou des centaines d'hectares.

Même ces disséminations expérimentales nous ont montré quelques problèmes écologiques qui pourraient se produire - certains ont déjà été évoqués - et qui pourraient nous inciter à la prudence avant de nous lancer tête baissée dans l'aventure de la transgénèse commerciale.

Il n'est pas possible de faire en cinq minutes le tour des risques écologiques liés aux OGM car ils dépendent de la plante transformée, du transgène qui y est introduit et de l'écosystème dans lequel cette plante sera introduite.

Ceci dit, les études réalisées au cas par cas car nous ne pouvons pas généraliser ces problèmes, ne tiennent pas compte du fait que les effets écologiques d'une plante transgénique dépendront aussi des introductions précédentes. C'est ce qu'on a un peu expliqué avec la résistance aux herbicides.

Eviter les résistances croisées à des herbicides totaux nécessite lorsque nous évaluons une plante résistante à un herbicide total, de savoir ce qui a été fait auparavant. Cela posera effectivement des problèmes de gestion du territoire agricole assez complexes.

En général, et vous l'avez mentionné, Monsieur le Président, nous pensons aux problèmes des flux de gènes. A priori cela paraît être la caractéristique principale des plantes transgéniques.

Ces flux de gènes représentent ce que nous pourrions appeler une pollution génétique qui, à la différence de la pollution chimique ou radioactive que nous avons déjà malheureusement connue depuis un certain nombre d'années, est totalement irréversible.

C'est ce point qui me paraît particulièrement important dans l'application du principe de précaution : c'est l'irréversibilité de la pollution génétique.

Les plantes transgéniques, les organismes génétiquement manipulés sont des organismes vivants qui se reproduisent, se multiplient et deviennent néfastes. Si le gène est effectivement transféré à des espèces apparentées, il n'est plus possible de le rapporter au laboratoire.

A l'heure actuelle les conséquences en chaîne de ce flux de gènes sur les écosystèmes sont extrêmement mal évaluées et je crois que c'est pour cette raison qu'il ne faut pas disséminer aujourd'hui sur de grands espaces.

L'exemple américain avec des millions d'hectares déjà semés n'est pas un bon exemple pour parler de l'absence de dangers ou de conséquences écologiques graves car ces conséquences écologiques se produisent sur des dizaines, voire des vingtaines ou trentaines d'années alors que l'application commerciale des OGM aux Etats-Unis ne date que de trois à quatre ans.

Nous pouvons parler également des problèmes en chaîne qui ne sont pas liés aux flux de gènes, mais simplement à la pratique agricole qui sera transformée par les plantes résistant aux herbicides ou celles résistant aux insectes qui représentent la grande majorité aujourd'hui des plantes transgéniques.

Nous y reviendrons peut-être dans le débat, mais il est vrai que si une plante Bt résistant aux insectes transmet son gène à des espèces apparentées, non seulement ces espèces pourront devenir invasives comme cela a été mentionné, mais cela accélérera très fortement la résistance des insectes.

Je crois que je vais m'arrêter là, mais je pourrais continuer...

M. le Président - Il y a huit minutes de moyenne pour les quatre premiers.

M. Apoteker - Je vais m'arrêter là, merci.

M. Tepfer - Je vous parlerai de plantes transgéniques résistantes aux maladies virales et des risques éventuels qui peuvent leur être associés.

Nous travaillons sur ce sujet au laboratoire. Depuis environ douze ans nous étudions différentes stratégies de création de gènes de résistance aux virus et depuis un peu moins longtemps nous étudions des risques potentiels.

L'intitulé de cette table ronde comportant aussi un volet avantages, je vais également en parler.

Lorsque nous parlons de résistance aux virus, nous parlons de plusieurs sortes d'avantages dont certains que nous négligeons un peu.

Il est clair qu'il existe des cas où un des avantages très importants est ce que nous a dit hier le Ministre, c'est-à-dire une augmentation du rendement de certaines cultures.

Même si en Europe nous sommes dans une situation de large suffisance de production agronomique, ce n'est pas forcément le cas au niveau mondial. Il ne faut pas oublier qu'il existe des maladies virales chez le manioc et d'autres espèces très importantes dans les pays en voie de développement avec des augmentations de population à prévoir dans les décennies à venir.

Cela fait que nous ne pouvons pas négliger l'outil transgénique pour apporter, si nécessaire, des augmentations de rendement au niveau mondial.

Par ailleurs en ce qui concerne les intérêts commerciaux des semenciers français, si la France veut continuer à jouer un rôle dans les semences au niveau international, nous ne pouvons pas négliger les outils et les questions de rendement.

Il y a aussi des phénomènes de qualité. Des maladies virales peuvent affecter la qualité des produits, ce qui est un problème tout à fait réel en Europe.

Un autre point souvent soulevé est que nous utilisons des pesticides pour éliminer les vecteurs de virose chez les plantes. Si nous pouvions créer des plantes résistantes, cela permettrait de diminuer l'utilisation de certains pesticides particulièrement nocifs.

Je reviendrai à la fin de mon exposé sur cette question précise.

Lorsque nous parlons de plantes transgéniques résistant aux maladies virales, nous parlons essentiellement de plantes qui expriment un segment de génome viral. Le plus souvent ce sont des gènes qui codent pour la protéine de la coque virale, la protéine de capside et c'est quelque chose de très important.

Il faut dire aussi que les gènes de résistance capside sont très efficaces. Nous avons pu créer dans différents laboratoires partout dans le monde de très nombreux gènes de résistance aux maladies virales qui marchent très bien. L'avenir potentiel de ces résistances est très important.

Quels sont les risques que nous évoquons lorsque nous parlons des gènes viraux dans les plantes, les gènes de résistance aux maladies virales ?

Celui qui semble poser le plus de problème est le potentiel de recombinaison et je vais développer un peu ce point précis.

La question est toute simple. Puisque la plante transgénique résistante exprime un segment de génome viral, lorsqu'elle est infectée par un virus, peut-il y avoir, à partir du transgène, échange d'informations génétiques des gènes qui seraient introduits, dont le virus infectant ?

Nous intégrerions des informations génétiques dans un génome viral ce qui permettrait éventuellement la création de nouveaux virus.

Cette question est tout à fait intéressante et, en tant que tel, le phénomène a pu être démontré en laboratoire.

Sans entrer dans les détails, pour les chercheurs actuellement, la question réellement importante aujourd'hui n'est pas tant de savoir si la combinaison peut avoir lieu dans les plantes transgéniques, mais quel pourrait être son impact.

En fait la recombinaison entre génomes viraux est un phénomène naturel, les plantes sont très souvent infectées par plusieurs virus en même temps. Toutes les études des évolutions des génomes viraux qui se font actuellement, montrent que la recombinaison est un phénomène extrêmement fréquent.

Les virus dont nous connaissons la séquence génomique sont quasiment toujours plus ou moins recombinés, dérivés d'autres génomes viraux plus ou moins apparentés.

La question est donc de savoir si les recombinaisons qui peuvent avoir lieu dans une plante transgénique se font à une fréquence différente de ce qui existe déjà dans la nature ou si elles peuvent être de nature différente. C'est là que la question doit réellement se situer.

Pour terminer je voudrais juste donner un exemple qui peut nous concerner tous. Lorsque nous parlons de risques, dès que nous admettons qu'il peut y avoir un risque, la tendance chez certains est de pousser des hauts cris et de dire que s'il y a des risques ils n'en veulent pas.

Il faut citer quelques exemples concernant la France et pour lesquels les Français ne réagiraient pas forcément de cette manière. Un des exemples les plus parlants est celui d'une maladie très grave de la vigne causée par un virus.

Ce virus est actuellement contrôlé essentiellement par l'utilisation d'un hématicide qui tue le vecteur, c'est-à-dire un petit ver dans le sol des vignes. Cet hématicide est très toxique et il est prévu de ne plus s'en servir dans quelques années, je crois que c'est déjà décidé au niveau européen.

D'une certaine façon pour les vignes françaises, nous avons le choix entre trois possibilités :

- nous continuons à utiliser l'hématicide qui est toxique et risque de contaminer les nappes phréatiques,

- nous utilisons des vignes transgéniques qui résistent au virus en question, c'est en cours de développement dans quelques laboratoires,

- nous acceptons d'arrêter l'utilisation du pesticide et nous ne voulons pas de vignes transgéniques.

En fait il faut assumer les conséquences de notre choix, quelles sont-elles ?

D'une part une perte de quantité de production de raisins très importante, mais également une perte de qualité qui est plus ou moins catastrophique. Les vins produits à partir de vigne atteinte par ce virus ne sont pas bons.

Je crois que même pour le Français moyen, le choix entre ces différentes possibilités est très compliqué et je vous laisse voter à l'heure du déjeuner pour l'une de ces trois possibilités.

M. le Président - Très bien, nous verrons cette question avec le vin tout à l'heure.

Monsieur Tillous-Borde, de la Fédération des oléoprotéagineux, est le dernier intervenant.

M. Tillous-Borde - Merci, Monsieur le Président, de m'avoir invité à cette table ronde.

Bien entendu, en tant que représentant des producteurs d'oléagineux et de protéagineux, c'est la conscience du producteur qui est interrogée, mais bien entendu aussi par rapport au citoyen qui l'entoure.

Par rapport à ce qui a été dit, le producteur de protéagineux est quand même dans une situation un peu particulière en Europe puisque c'est le seul grand secteur déficitaire : nous importons pratiquement 80 % de nos besoins en protéines végétales.

Sur les 50 millions de tonnes d'importation de produits agricoles, une bonne trentaine de millions proviennent des sojas ou autres produits venant des Amériques du Nord ou du Sud.

Compte tenu de ce contexte économique c'est un problème particulièrement important qui nous est posé aujourd'hui.

Par rapport au débat posé, le producteur n'a jamais été fermé à l'innovation, mais a toujours eu une attitude mesurée par rapport à elle.

Aujourd'hui il réfléchit à ce qu'on lui propose à la fois par rapport au problème économique, au problème de la qualité des produits qu'il serait capable de produire et bien entendu par rapport au problème de la pollution. Il est souvent la cible et il doit voir ce que cela peut apporter par rapport au problème de pollution.

J'ai trois remarques à faire.

Nous avons évoqué le problème de la dissémination et, effectivement pour certaines espèces, je crois qu'il ne faut pas nier les flux de gènes. Cela existe, c'est un phénomène naturel, heureusement, c'est ce qui fait un peu la richesse de notre patrimoine génétique. Mais ce n'est pas quelque chose de spécifique aux OGM. Qu'il y ait gènes ou transgènes, le problème est le même.

Sur ce plan, je pense qu'il ne faut pas avoir une attitude généralisée, mais une attitude au cas par cas. Ce n'est pas la même chose de parler d'OGM, comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, Monsieur le Président, de deuxième génération qui sont amenés à améliorer la qualité des produits, par exemple modifier le spectre d'acides gras de certains oléagineux qui répondront ainsi mieux aux besoins alimentaires.

S'il y a effectivement dissémination, ce n'est pas une contrainte en soi. D'ailleurs nous avons déjà été amenés dans le passé à traiter ce genre de problèmes, lorsque, dans les années 80, il a fallu réduire les colzas riches en acide gras érucique pour diverses raisons et que nous sommes passés à des colzas dits "double zéro".

Nous avons su faire, nous avons fait et cela n'a posé ni de problèmes d'éthiques ni de problèmes majeurs par rapport à l'environnement.

Nous avons parlé du problème de résistance aux herbicides. Je dirais qu'effectivement, dans les conditions extrêmement particulières de forçage, l'INRA a montré qu'il pouvait y avoir un transfert de pollen vers des plantes, des composites mâles stériles. Ce sont des conditions très particulières, il ne faut pas le nier.

Nous nous apercevons aussi que, dans les champs, dans des expérimentations qui existent aujourd'hui, il n'y a pas la pression génétique, il n'y a pas, pour l'instant, de transfert apparent de ces points.

De toute façon que cela se produise ou non, le problème - et cela a été souligné par plusieurs intervenants - est un problème de gestion agronomique de la sole. Le problème est de savoir si nous n'agissons pas inutilement lorsque nous utilisions des semences de ce type.

Normalement cela part d'un bon sentiment, il s'agit d'utiliser moins de pesticides. Nous reviendrions un peu à la case de départ si ceci était démontré et nous serions obligés de réutiliser ce qu'on appelle des pesticides spécifiques au cas où des repousses ou des adventices auraient reçu cette résistance.

Il y a un problème de gestion plutôt de patrimoine agricole, donc de soles. C'est un cas à traiter sans doute à part, pour lequel il faut sans doute approfondir les connaissances et qui n'est pas non plus grave en soi.

Le problème des insectes qui est un autre cas a déjà été envisagé, je ne reviendrai pas dessus.

Une réflexion que nous pouvons aussi avoir, est de savoir ce que nous pouvons apporter à l'environnement. Cela peut aussi lui apporter de bonnes choses.

Lorsque nous prenons en compte les nouvelles plantes qui, par exemple, maîtriseraient mieux l'assimilation de l'azote nitrique du sol et permettraient ainsi de mettre moins d'engrais ou encore permettraient à la plante de l'absorber au bon moment, nous voyons bien que c'est un élément favorable dans la maîtrise de l'environnement. Nous ne pouvons donc pas nier ce que cela peut apporter.

Il en est de même lorsque je parlais de qualité de produits tout à l'heure. Nous envisageons, et c'est pour demain, des produits oléagineux à spectre d'acides aminés également modifiés. Ces produits permettraient d'avoir une nutrition plus adaptée aux besoins des animaux, c'est-à-dire produisant moins d'excréments.

C'est peut-être aussi une manière intelligente de traiter les problèmes de l'environnement. Il ne faut pas nier ceux-ci mais les considérer.

Vous voyez plusieurs aspects entre la dissémination et l'apport à l'environnement. Je pense que c'est un problème assez important.

Une troisième réflexion que je ferai pour conclure est que c'est un problème mondial.

Ces problèmes ne se posent pas uniquement au niveau de l'Hexagone. S'il y a des disséminations en France, elles existent en Pologne, au Canada, dans des zones équivalentes de production.

Nous avons dit aussi : commerce international, le produit bouge, c'est une responsabilité de l'ensemble des scientifiques. Je pense qu'à ce sujet nous devons vaincre nos peurs, faire confiance aux scientifiques.

Il y a encore énormément de travail à faire, mais attention, nous étions le pays vraisemblablement le plus riche en patrimoine génétique dans le monde. Il ne faudrait pas qu'en laissant faire les autres, nous perdions notre valeur et que notre agriculture en pâtisse.

M. le Président - Nous voyons qu'en matière d'environnement vous avez des opinions tranchées. Ce n'est pas du tout comme dans le débat sur les consommateurs tout à l'heure qui était pourtant animé.

Certains d'entre vous disent que finalement les OGM apporteront des risques très forts en matière d'environnement. Il faut que le principe de précaution s'applique, il faut le moratoire, il faut étudier parce que nous n'avons pas suffisamment de recul même avec des expérimentations en champs ouverts.

D'autres disent que tout ceci est réglé, il s'agit de techniques culturales, ce ne sont pas des problèmes d'environnement. Nous avions les problèmes d'environnement, nous les avons dans les conditions classiques de culture, nous avons donc déjà ces problèmes et nous les avons déjà gérés ce qui n'est pas toujours vrai ou ce qui n'a pas toujours été fait de la même manière.

Je caricature pour bien montrer et pour que vous puissiez répondre à certaines questions.

Première question : effectivement Monsieur Tepfer donne un bon exemple qui est celui des herbicides et des pesticides qui existent actuellement.

Nous pouvons le regretter, nous avons modifié les législations européennes avec les taux d'atrazine et de cimazine, cela contamine les nappes phréatiques, l'eau, plusieurs problèmes se posent.

D'ailleurs au niveau des peurs psychologiques, je vous donne le sondage réalisé sur le consommateur européen car je n'ai pas celui sur le consommateur français. Ce qui vient en deuxième position dans les peurs, ce sont les résidus de pesticides, 79 % des consommateurs en ont peur pour en moyenne contre 44 % pour le génie génétique aujourd'hui.

Cela peut évoluer car de nombreuses personnes ne savent pas ce que c'est. Je vous l'ai déjà dit hier et je vous ai donné des exemples.

Est-ce aujourd'hui une alternative plutôt meilleure ? Vous avez parlé de la vigne, avec des gestions qui seront difficiles. Cela peut-il venir en remplacement des pesticides ou des herbicides ?

Il y a des problèmes, Monsieur Gouyon et Monsieur Tepfer l'indiquaient, les industriels un peu moins, mais il y a des problèmes bien ciblés, bien identifiés.

Finalement devons-nous nous poser cette question ainsi ?

Au contraire, devons-nous nous dire que nous avons les pesticides et les herbicides, et que nous les avons acceptés parce que nous avons admis en fin de compte que l'agriculture devait être compétitive. Nous admettons cela, mais n'admettrons-nous rien de plus, rien de nouveau ?

Je voudrais que vous répondiez d'abord à cette question.

M. Gouyon - Je voudrais vous dire qu'en ce qui concerne tous ces produits qui sont plus ou moins indésirables dans l'environnement, tous ces pesticides, je pense qu'il s'agit de molécules dont nous avons besoin, dont nous nous servons. Certaines sont toxiques et nous aimerions les remplacer par des moins toxiques.

Il faut savoir que lorsqu'une mauvaise herbe commence à se montrer résistante à un herbicide, les agriculteurs ne l'abandonnent pas, ils commencent par augmenter les doses et si cela ne marche pas, ils le mélangent avec d'autres.

En fin de compte le fait que des plantes, des mauvaises herbes ou des cultures indésirables dans le champ en question deviennent résistantes à un herbicide, amène effectivement une augmentation générale de la pollution par ces pesticides.

Cela dit, je ne suis pas du tout pour l'interdiction des OGM, mais je trouve que nous devrions réellement raisonner sur la façon dont nous devons les utiliser.

A l'heure actuelle, je comprends très bien que pour des raisons économiques les industriels soient pressés de sortir des produits et de prendre pied sur le marché. Je pense que c'est une difficulté et que si nous les empêchions totalement de le faire, cela pourrait nous coûter cher.

D'un autre côté cependant, nous avons un peu l'impression qu'à l'heure actuelle, les produits proposés au niveau OGM, sont presque des prototypes. On essaye de nous faire prendre les vieux Bréguet pour des avions de ligne modernes et là, il y a quand même une précaution supplémentaire à prendre.

Ce n'est donc pas un principe de précaution absolue, mais il s'agit juste de demander d'attendre que nous sortions des produits un peu plus élaborés. Nous sommes tous capables de dire ce que nous aimerions qu'un maïs ou un colza fasse par rapport à ce qu'ils font actuellement et nous savons que c'est faisable.

A quel moment est-ce que cela sera acceptable ? C'est là que la question se pose.

M. le Président - Une question complémentaire, Monsieur Gouyon. Il y a plusieurs produits actuellement dans les "tuyaux" à Bruxelles.

Vous seriez dans les commissions d'accréditation, accepteriez-vous tous ces produits ? Ce sont surtout des maïs, mais il y a un colza. Diriez-vous au contraire qu'il est nécessaire de faire des études complémentaires ?

M. Gouyon - Je vous avoue très sincèrement que dans l'état actuel des choses, je ne suis pas très favorable au fait que nous mettions des résistances aux deux herbicides précieux (Basta et Roundup) dans le colza. Là, je peux vous répondre assez facilement.

Concernant les nouveaux maïs qui sortent, ceux-ci n'ont plus la résistance aux antibiotiques, c'est déjà un progrès. En revanche nous pouvons regretter qu'ils produisent de façon constitutive la toxine du bacillus thuringiensis qui tue les insectes et ceci constamment.

Les producteurs, les grandes entreprises industrielles sont en train de chercher à faire des productions inductibles. Pour moi l'OGM propre sera celui qui n'exprimera la toxine que lorsque nous le lui demanderons.

Faut-il attendre que cela existe pour accepter ce genre de maïs ou pas ? Je ne pense pas avoir les compétences pour vous dire s'il faut accepter ou non ce maïs, je ne connais pas les éléments économiques réels en jeu.

Je peux dire que si cela ne coûte pas trop cher au plan économique, je préférerais que nous attendions des produits un peu plus élaborés.

M. le Président - Un industriel veut-il donner un avis sur les mêmes questions ?

M. Convent - Il est indéniable que des progrès se feront. Nous l'avons également dit hier lorsque nous avons présenté la discussion sur l'étude du génome et de toutes les connaissances qui pourront être développées à ce moment-là.

En revanche, ne pas considérer aujourd'hui les produits qui sont disponibles sur la liste autorisée à Bruxelles et dans d'autres pays pour faire davantage progresser les connaissances de cette nouvelle approche qui pourra donner beaucoup d'avantages ultérieurement, serait retarder considérablement cette nouvelle progression.

En effet l'utilisation de ces plantes tolérantes aux herbicides permet d'étudier très pratiquement les conséquences de la gestion et les conséquences sur les croisements qui pourraient éventuellement exister entre cultures.

Ce serait vraiment retarder, je crois, le progrès.

Maintenant en ce qui concerne l'introduction de ces plantes tolérantes, nous sommes tout à fait d'accord de la faire d'une façon encadrée, de les mettre en place avec les systèmes de biovigilance nécessaires et ensuite d'apprendre et de continuer à chercher les meilleures solutions.

M. le Président - En complément de ceci, finalement il y a quand même dix ans que c'est en champ et trente commissions ont donné des avis positifs.

Il y a dix ans que vous faites de la recherche sur ce sujet. Il est vrai que le chercheur a toujours tendance - et je l'étais - à demander l'étude de ces sujets de recherche car ce sont des crédits qui arrivent. Je connais ceci et c'est fort légitime.

Cela dit, cela fait dix ans qu'il y a de la recherche. J'ai entendu Monsieur Apoteker dire qu'il y a d'énormes dangers pour les écosystèmes. Finalement, n'avons-nous aucune expérience au bout de ces dix ans ce qui voudrait dire que nous n'en avons pas eu du tout ?

Avons-nous déjà une expérience sur ces dix ans ? Pouvons-nous dire que des problèmes d'écosystèmes se sont déjà posés ?

Pouvez-vous dire aujourd'hui que des vrais problèmes se sont posés ? Dans l'affirmative lesquels ?

Monsieur Gouyon d'abord, puis Monsieur Apoteker et éventuellement une autre personne.

M. Gouyon - Je voudrais vous rassurer tout de suite pour ce qui concerne la recherche.

Malheureusement ces questions n'étant pas du tout reconnues comme majeures par les organismes de recherche, nous ne recevons à peu près rien lorsque nous travaillons sur ces sujets.

M. le Président - Nous le dirons au ministre, M. Allègre, ce soir.

M. Gouyon - Il est assez difficile de caser des étudiants qui ont été formés sur ce genre de sujet. Je voudrais que vous le sachiez, à l'heure actuelle nous sommes obligés de les faire se reconvertir dans d'autres domaines pour qu'ils trouvent du travail.

C'est plutôt de l'altruisme de travailler sur de tels sujets dans les laboratoires de recherche.

M. le Président - Hier les ministres ont tous dit qu'ils allaient le faire.

M. Gouyon - Cela fait des années qu'ils le disent. A part cela, depuis dix ans que nous travaillons sur ces questions, qu'avons-nous pu faire ?

Nous avons pu essayer de regarder des choses qui ressemblaient à des OGM sans en être, par exemple des résistances à des herbicides qui n'étaient pas OGM et voir comment elles se répandaient.

C'est très curieux, mais actuellement il est vrai que nous ne sommes pas capables de prédire la manière dont se répandra une résistance.

Sur une petite plante, le son, est apparue la résistance à l'atrazine en Champagne. Cette résistance est descendue toute la vallée du Rhône et a envahi les vignobles du sud de la France. C'est le même gène qui s'est transmis ainsi. Or il n'est jamais monté de chaque côté de la vallée du Rhône et surtout il n'est jamais parti ni vers le nord, ni vers l'est, ni vers l'ouest à partir de son point de départ en Champagne.

A l'heure actuelle, nous sommes incapables de comprendre pourquoi cela s'est fait ainsi. Nous sommes en train de travailler là-dessus.

M. le Président - Ceci veut dire que pour l'atrazine, pesticide que nous n'avons pas hésité à utiliser, nous avons vu une résistance non-OGM et là nous le traitons en technique culturale.

M. Gouyon - Tout à fait. Cela veut dire que nous avons augmenté les doses, fait des cocktails. L'atrazine n'était pas un herbicide total dès le départ car certaines plantes y résistent naturellement, c'est la différence avec les deux herbicides Basta et Roundup.

M. le Président - Pour que ce soit clair pour tous, y compris pour le Parlement lorsque nous aurons cette question à poser, cela veut dire que les OGM ne posent pas de problème nouveau par rapport à l'utilisation des pesticides ou des herbicides.

M. Gouyon - Si parce qu'ils s'attaquent à deux herbicides pour lesquels il n'y avait pas de résistance avant.

M. le Président - Excepté les totaux.

M. Gouyon - Oui, mais pour le moment il n'y a que ceux-là.

M. le Président - Je pose la question sur tous les herbicides.

M. Gouyon - Excepté les totaux. Si nous reprenions un gène qui existe déjà et que nous le mettions dans une plante, cela ne poserait pas le même problème.

Evidemment nous n'avons pas pu voir de problèmes avec les OGM dans la mesure où, jusqu'à maintenant, ils n'étaient pas disséminés, mais nous avons vu des problèmes qui y ressemblaient et qui se sont effectivement posés.

Nous pouvons dire que comme les choses se produisent naturellement, ce n'est pas très grave si nous les induisons par notre activité. D'un autre côté cependant comme de nombreuses catastrophes s'induisent naturellement, nous n'avons pas envie d'en augmenter la proportion par notre activité.

Même si des phénomènes de diffusion de résistance à des herbicides se produisent naturellement, ce n'est pas une raison pour faire exprès qu'il y en ait encore plus. Au contraire, par notre activité, nous devrions essayer de faire en sorte que cela arrive le moins souvent possible.

M. Apoteker - Je voudrais rebondir sur ce que vous avez dit.

Vous avez mentionné ces dix ans de recherche. Encore une fois, dix ans pour ce qui est des effets sur les écosystèmes, c'est extrêmement peu. Si nous voyions en dix ans des effets extrêmement grave sur un écosystème, il faudrait immédiatement tout arrêter.

En ce qui concerne les introductions d'espèces exotiques, nous avons commencé à voir les effets au bout de quinze, vingt ans.

Cela ne paraît donc pas significatif et je dirai qu'à l'inverse, nous n'avons pas vu de gros problèmes écologiques, mais qu'au fur et à mesure de la recherche, nous voyons une somme de petits problèmes inquiétants qui n'étaient pas forcément soupçonnés au départ.

Nous avons parlé par exemple des disséminations de gènes chez le colza, nous avons vu les différents articles qui parlaient de la distance de dissémination.

Initialement nous pensions que cette distance était extrêmement faible, voire inexistante, puis nous avons parlé de 80 m autour des parcelles, après de 500 m. Maintenant nous voyons des croisements qui ont lieu à 2,5 km autour de parcelles expérimentales.

Je crois que nous avons suffisamment d'éléments et si aucun n'est absolument catastrophique aujourd'hui, ils devraient quand même nous inciter à la prudence.

Je voudrais aussi répondre très rapidement au problème des alternatives.

Aujourd'hui nous nous rendons compte que la pollution par les insecticides et les herbicides est un problème extrêmement important, que ce soit au niveau des nappes phréatiques, des sols ou même à celui des résidus de pesticides dans les plantes.

Je crois que l'alternative ne se résume pas uniquement à : "biotechnologie ou utilisation de pesticides".

D'une part les augmentations de résistance aussi bien des insectes que des mauvaises herbes à des herbicides montrent que cette alternative n'est au mieux que provisoire et non à long terme.

D'autre part, et cela a déjà été souligné, nous voulons essayer de nous orienter - ce sera un des thèmes de la loi d'orientation agricole - vers une agriculture plus durable. Les ressources considérables mises dans la recherche sur les OGM pourraient être utilement orientées vers des alternatives qui iraient davantage dans le sens d'une agriculture durable.

Je pense entre autres à la lutte biologique. A cet égard, concernant l'exemple du maïs Bt qui vient juste d'être autorisé en France, vous avez sans doute tous vu que nous avons parlé récemment de la lutte biologique avec le trichogramme qui donne peut-être des résultats un peu moins bons que les OGM, mais encore une fois la pyrale du maïs n'est responsable que de la perte de 7 % des récoltes, soit un différentiel assez faible.

A mon avis, nous pourrions essayer de développer utilement des alternatives de lutte biologique aux alternatives biotechnologiques.

M. le Président - J'ai une question pour les industriels qui va dans le sens de ce qui vient d'être dit.

Aujourd'hui nous sommes dans un débat sur des gènes de résistance à des herbicides totaux et je crois qu'un vrai problème vient d'être posé par plusieurs intervenants.

Vous indiquez qu'il est finalement très important de développer les OGM parce que nous sommes dépendants économiquement d'importations de soja dont les acides aminés sont indispensables. Dans l'alimentation du bétail il faut de la lysine et de la méthionine, c'est-à-dire qu'il faut trouver des plantes qui ont des taux importants en lysine et en méthionine.

Pourquoi dans les programmes de recherche n'avez-vous pas commencé à fabriquer des plantes riches en lysine ou en méthionine voire même, puisque vous parliez de gestion des assolements tout à l'heure, à fabriquer du pois dans les gestions d'assolement de manière traditionnelle et du pois où ces composants auraient été augmentés ?

C'est un peu comme les problèmes nutritionnels abordés dans la table ronde précédemment. Pourquoi n'avons-nous pas pris les bons produits ?

Sans doute ce sont les produits les plus rentables qui ont été commercialisés en premier, cela dépendant d'ailleurs pour qui... ?

M. Tillous-Borde - Ce sont les plus faciles.

M. le Président - Les plus faciles et pas forcément les meilleurs produits ?

M. Tillous-Borde - C'est plutôt à Monsieur Convent de répondre car il est un spécialiste en la matière.

C'est sans doute effectivement parce qu'il était plus facile, au départ, de faire de la transgénèse sur la résistance à des herbicides - le marché était probablement également plus important - que simplement répondre à des problèmes de modifications technologiques ou qualitatives de la plante.

Encore une fois, je voudrais revenir sur le fait que, pour l'instant à ce stade et en vraie grandeur, cette dissémination - vous avez parlé tout à l'heure du colza et du colza ravenelle - n'a pas été démontrée alors qu'elle est étudiée.

Je ne nie cependant pas qu'il y a forcément des flux de gènes dans la nature, il serait ridicule de dire l'inverse.

Bien évidement pour l'agriculteur, tout ce débat existe dans la mesure où cela peut lui apporter quelque chose. Si nous ne lui démontrons pas que cela lui apporte quelque chose et que cela apporte également une qualité du produit aux consommateurs, je ne vois pas pourquoi il utiliserait ces produits. Ce n'est pas un stakhanoviste de l'utilisation des produits OGM.

Par ailleurs vous parlez de rotation, en l'occurrence, si nous parlons d'oléagineux, ce sont des têtes d'assolement.

J'ai bien souligné tout à l'heure que la résistance aux herbicides n'est pas un problème de dissémination à travers la totalité de notre écosystème, mais vraiment beaucoup plus un problème agronomique de culture de la plante.

Dans la rotation, nous passons après à une céréale. Ce n'est plus le même produit de traitement, nous réutilisons un produit spécifique. Il n'y a donc pas de grand danger en soi. Au niveau agricole, nous sommes vraisemblablement capables de maîtriser les choses.

Encore une fois, y a-t-il bien intérêt, est-ce bien démontré ? Là c'est aussi aux conseillers scientifiques de bien nous apporter les preuves.

En revanche, permettez-moi d'insister sur le fait que lorsque nous parlons d'amélioration de la qualité des graines comme je l'ai mentionné tout à l'heure, il serait vraiment effectivement monstrueux de fermer cette possibilité dans la mesure où cela répondrait à un besoin pour l'ensemble de notre population et à une meilleure efficacité de l'utilisation des produits transformés.

De toute façon, il faut faire attention au fait que ces produits viennent librement de l'extérieur. Que ce soit en termes d'utilisation alimentaire ou en termes du problème de cette table ronde qui est plus environnement, le produit rentre librement par le commerce.

C'est donc bien un problème de conscience mondiale et pas uniquement un problème de conscience hexagonale.

M. le Président - Les problèmes d'environnement ne sont pas forcément les mêmes dans un pays que dans un autre, il faut donc les traiter différemment.

M. Tillous-Borde - Ils sont très voisins. Au Canada ce n'est pas forcément la même adventice, mais le phénomène existe de la même manière. En Pologne c'en est encore une autre.

M. le Président - Monsieur Convent, il faut essayer d'avancer car les points de vue sont diamétralement opposés.

M. Convent - Je voudrais revenir un peu sur ce que mon voisin a dit il y a quelques instants.

Il dit que nous n'avons pas d'expérience et que lorsque les expériences sont courtes, par exemple une dizaine d'années, ce n'est peut-être pas suffisant en milieu d'environnement.

En revanche, il faut quand même convenir que les augmentations spectaculaires des surfaces de colza qui ont eu lieu en France ne datent pas d'il y a cent ans, mais d'il y a vingt, trente ans.

S'il y avait eu un flux de gènes très important par rapport aux herbes sauvages (ravenelle, cinapis ardensis , etc.), nous aurions pu constater des effets autrement importants vu la pression de pollen qui existe. Le pollen voyage à 3 km car il est transféré par les abeilles qui butinent dans un rayon de 3 km.

Cela dit, je pense qu'il faut intégrer les expériences ultérieures que nous avons eues dans le domaine. Peu importe si ce gène est présent par une technique d'amélioration ou une technique de génie biomoléculaire.

Lorsque l'INRA introduit une résistance à une maladie dans le colza, s'il y avait des risques de flux importants de gènes, nous conférerions théoriquement un avantage de sélection aux ravenelles et autres mauvaises herbes.

Tous ces éléments peuvent être intégrés dans l'expérience que nous avons acquise. Je vous rappelle que PGS est une société issue de l'université de Gand qui est un exemple de ce que, demain, nous devrions davantage créer en France, cela a été dit à la table ronde sur le génome, pour pouvoir progresser, maîtriser les connaissances et les appliquer.

Il y a dix ans, les connaissances permettant de connaître le métabolisme complexe de la production de certaines huiles ou autres éléments organoleptiques dont nous avons parlé ce matin, n'étaient pas disponibles de la façon dont elles le deviennent maintenant. Il a donc fallu commencer avec des choses traçables également pour les expériences, les sélections, etc.

Le marqueur est un outil remarquablement utilisé dans ce domaine et qui a fait énormément progresser la science dans le domaine de la biogénétique.

M. le Président - Quand avez-vous planté de manière expérimentale votre premier colza en Europe ?

M. Convent - A l'époque j'étais responsable de recherche pour la division agrochimique de Roussel Uclaf et nous avons fait, Roussel Uclaf et l'INRA, les premiers essais en 1987 ou 1986.

M. le Président - Il y a onze ans.

M. Tepfer - J'ai un point de vue un peu intermédiaire. Je pense que les dix années d'expérimentation avec les plantes transgéniques nous ont permis d'avancer énormément dans notre compréhension du flux de gènes chez certaines espèces, le colza et notamment la betterave.

Je pense que c'est loin d'être négligeable et il ne faut pas non plus perdre de vue que si nous admettons qu'il peut y avoir des flux de gènes, même si des preuves formelles sur la rapidité de ces flux ne sont pas encore disponibles, la question importante porte sur les conséquences.

C'est ce qu'il faut tenter d'examiner au plus près car dans le cas des résistances aux herbicides, les conséquences potentielles sont l'existence de mauvaises herbes résistant aux seuls herbicides totaux qui existent. Nous savons à peu près comment le gérer, nous pouvons imaginer certaines choses.

Lorsqu'il s'agit de transgènes qui peuvent conférer des avantages sélectifs d'ordre biologique, que ce soit une résistance à un pathogène, au froid ou encore à la sécheresse, il faut à nouveau se poser la question des conséquences.

Cela ne veut pas dire que les conséquences sont toujours néfastes. Par exemple pour le foma, les parents sauvages du colza sont-ils déjà résistants ou y sont-ils sensibles ?

Je ne sais pas car ce n'est pas mon domaine d'expertise personnel. Si les parents sauvages sont déjà résistants, le transfert n'aura aucun impact écologique.

Il faut donc vraiment examiner chaque exemple au cas par cas car les conséquences ne sont pas du tout semblables.

M. le Président - Monsieur Vincent, vous avez été fortement mis en cause tout à l'heure sur la betterave par Monsieur Gouyon et vous n'avez pas répondu.

Qu'avez-vous à répondre à Monsieur Gouyon qui dit que c'est au niveau de la betterave qu'il peut y avoir le plus de problème ?

Ce n'est pas exactement ce qu'on m'a dit lors des auditions. Un certain nombre de chercheurs ont énormément relativisé le risque chez les betteraves sauvages. Je souhaiterais que nous puissions avoir ce débat et que vous répondiez à Monsieur Gouyon.

M. Vincent - Il y a plusieurs risques pour différents types de population de betteraves, il y a la betterave racine cultivée dans le tiers nord de la France.

Les populations en danger sont de deux natures.

La première est la betta vulgaris subspecies maritima . C'est la betterave botanique qui pousse sur une bande de quelques mètres le long du littoral. Cela concerne le littoral allant de la frontière belge à la plaine de Caen puisqu'on ne cultive pas de betteraves au-delà du Calvados.

Les autres populations concernées sont les populations de betteraves adventices que nous trouvons dans les champs de betteraves racines. Ce sont des dérivés amenés par les betteraves cultivées, introduites par l'homme depuis qu'il cultive de la betterave dans ces régions. Elles n'appartiennent donc pas à la flore naturelle des régions où nous cultivons des betteraves racines.

Premier point : détruire ces betteraves adventices par le système de betteraves résistantes est une manière d'atteindre notre but consistant à dépolluer la flore naturelle de ces betteraves adventices. C'est le premier cas de figure.

Supposons que ces betteraves adventices qui sont des parasites, acquièrent le caractère de résistance. A ce moment-là nous retombons dans le cas de figure actuel. Les betteraves qui, aujourd'hui sont adventices, sont par définition résistantes au désherbage puisque nous n'arrivons pas à les éliminer par les méthodes classiques.

En l'occurrence en matière de betterave racine, en culture industrielle, ce type de pollution ou la mesure du risque lié à ce type d'environnement artificiellement créé par l'homme est insignifiant.

Revenons à la betta maritima qui pousse sur les quelques mètres de littoral. Je dis bien quelques mètres car je pense que d'un point de vue botanique, cela ne va pas plus loin même si cette betterave peut vivre dix ans. Ce n'est pas une plante annuelle ou bisannuelle, mais une plante pérenne.

Les observations et les études faites n'ont jamais aujourd'hui mis en évidence une rétroversion de la part de la betterave cultivée vers la population de betterave sauvage ; cela n'a jamais été mis en évidence.

Deuxième point : si cela devait être le cas avec le caractère de résistance, ce caractère serait conféré à une betta maritima qui n'en a pas besoin et que de toute façon nous ne combattons ni d'une manière ni d'une autre puisque c'est une plante sauvage qui n'a pas besoin d'être désherbée.

Cette plante est naturelle, elle fait partie du paysage et en l'occurrence, elle n'est menacée ni par le gène que nous lui apportons ni par les façons culturales l'entourant.

Supposons néanmoins - et je conçois votre trouble en qualité de spécialiste et de botaniste - que nous ayons apporté un gène nouveau, que nous ayons modifié la betta maritima , que nous lui ayons apporté un gène de résistance au glyphosate ou à quelque chose d'autre, sans vouloir vous provoquer, je vous demande : et alors ?

Ce gène en question ne pénalise pas la plante, il représente même un coût biologique pour la plante, il ne lui apporte ni une quelconque supériorité sur le reste de sa population ni une faiblesse par rapport à celle-ci. Il apporte un coût biologique qui, en l'occurrence, étant inutile, ne se perpétuera pas d'une manière apte à modifier les équilibres biodynamiques.

M. le Président - Monsieur Gouyon en réponse, j'ai quelques autres questions après.

M. Gouyon - Il y a plusieurs points.

En premier vous nous dites : depuis dix ans que savez-vous ? On nous dit que depuis dix ans nous n'avons rien vu, il ne se passe rien. Depuis le temps que nous cultivons du colza "double zéro", cela n'a rien changé dans les populations adventices.

Mais nous n'en savons rien, l'étude des populations adventices n'a pas été faite !

Lorsque je vous disais qu'il n'y avait pas de moyens pour la recherche, comprenez bien que trois petites équipes travaillent là-dessus en France depuis dix ans. Il y en avait une quatrième à Lille qui a abandonné faute de moyens.

Ce sont des groupes de deux, trois personnes isolées dans un laboratoire. Mon laboratoire compte cent personnes, il y en a deux qui travaillent sur cette question : un chercheur et un étudiant.

Aussi ne croyez pas qu'en dix ans nous avons pu accumuler des sommes fantastiques de résultats avec des effectifs pareils ! Cela n'a rien à voir avec le nombre de personnes qui travaillent à la production de plantes transgéniques.

Le résultat est que très récemment, avec le CETIOM entre autres, un nouveau laboratoire de mathématiques de l'INRA commence à étudier ces questions et nous avons commencé à essayer de regarder ce qui se passait pour le colza et les adventices.

Nous ne savons tellement rien que cela prendra du temps avant de savoir quelque chose : il faut repérer les populations adventices, aller les chercher, voir si nous pouvons trouver des traces de gènes des populations cultivées dedans.

Il faut regarder les colzas sur les bords des routes et se demander d'où ils viennent. Personne ne sait d'où viennent les colzas qui ne sont pas dans les champs. Personne ne sait s'ils sont directement issus des graines de culture de l'année d'avant ou s'ils arrivent à se maintenir tout seuls dans la nature, nous n'en savons rien.

Nous ne savons presque rien sur toutes ces questions et vu nos effectifs, nous commencerons peut-être à avoir des réponses dans dix ans, mais n'espérez pas que nous en ayons dans six mois, ce n'est pas possible !

Qu'on ne dise pas que les cultures de colza n'ont rien fait sur les mauvaises herbes ! Comme personne n'a jamais regardé ce problème, nous ne connaissons pas la réponse.

M. le Président - Cela a-t-il posé des problèmes ?

M. Gouyon - Je n'en sais rien. Nous ne voyons pas comment le fait que la ravenelle devienne "double zéro" pourrait poser des problèmes.

M. le Président - C'est davantage sélectif.

M. Gouyon - Effectivement comme le fait de ne plus produire d'acide érucique pour une ravenelle ne changerait rien, nous ne le verrions pas et cela ne poserait pas de problèmes.

En revanche le fait de devenir résistante à un herbicide conférerait un avantage dans les champs à cette mauvaise herbe où là nous verrions le gène se répandre très vite.

Il suffit de l'arrivée d'un gène de résistance qui marche bien dans une mauvaise herbe pour que ce gène se répande à une vitesse extraordinaire. La première année vous n'avez qu'une seule plante qui résiste, elle fait des graines et l'année d'après ce sont toutes les autres.

M. le Président - Cela se voit vite quand même.

M. Gouyon - Les résistances aux herbicides se voient vite.

M. le Président - Cela peut se combattre.

M. Gouyon - Non. Ce sont des problèmes que nous avons eus avec l'atrazine, il y a des taches de résistance aux atrazines dans toute une série de mauvaises herbes.

Une fois que les graines existent, les mauvaises herbes sont des plantes vraiment bien fabriquées par la sélection naturelle agissant dans le milieu agricole, pour savoir résister à tout ce que nous savons leur faire. Elles ont des graines qui tiennent longtemps dans le sol, qui se disséminent bien. Nous ne les éliminerons pas, et une fois que nous le voyons, c'est trop tard !

Si l'agriculteur avait l'intelligence de dire que comme cette plante est résistante, il faut qu'il la désherbe à la main, ce serait parfait. Mais nous ne pouvons pas lui demander de passer son temps à arracher toutes les plantes qui sont là malgré le désherbage et qui ne sont pas nécessairement résistantes.

M. le Président - Il faut mettre en place la biovigilance, les ministres l'ont indiqué et vous avez parlé de la gestion des OGM demain.

Comment voyez-vous cela Monsieur Gouyon ?

M. Gouyon - Je répondrai d'abord sur la betterave.

Je suis tout à fait d'accord avec betta maritima des bords de la Manche, ce n'est pas elle qui nous pose problème pour le moment. En revanche, que se passe-t-il ?

On nous dit qu'on va mettre une résistance aux herbicides dans les betteraves cultivées et que de cette manière on se débarrassera des betteraves sauvages puisque c'est essentiellement d'elles qu'il s'agit.

Evidemment, comme les betteraves cultivées et les betteraves sauvages dans le sud de la France s'hybrident - il n'y a des betta maritima qu'au bord de la Manche, mais il y a de très nombreuses betteraves sauvages près des champs de production de semences dans le sud-ouest - cela veut dire que des graines qui sont des hybrides entre betteraves cultivées et sauvages et qui se comportent comme des betteraves sauvages, vont aller dans les champs et être semées dans les champs du nord de la France.

Que se passera-t-il ? Ces mauvaises herbes, donc betteraves, seront instantanément résistantes à l'herbicide, cela prendra au maximum deux ou trois ans.

On nous répond que ce n'est pas grave, qu'on sera revenu à la situation d'avant où on ne savait déjà pas les désherber. Il ne faut pas exagérer. D'accord nous ne saurons toujours pas les désherber, mais en plus elles seront résistantes à nos herbicides précieux.

Si dans quelque temps nous trouvions un moyen de rendre les plantes cultivées résistantes à l'herbicide avec en plus quelque chose qui empêche que cela passe à la mauvaise herbe, ce sera perdu. Nous aurons beau avoir trouvé ce moyen, comme les mauvaises herbes seront déjà résistantes, nous ne pourrons plus le faire.

Je trouve que c'est quand même une drôle de mentalité de dire que ce n'est pas très grave, le gène de résistance traînera, nous aurons gagné pendant deux ans et cela nous suffira à être rentable. Je trouve que là c'est un manque de responsabilité sur le long terme.

M. le Président - Je pense que c'est un point important.

Si jamais dans tous les cas c'est ce qui se passe au Canada ou dans d'autres pays même pas européen, par les semences n'arriverons-nous pas à la même situation ?

M. Gouyon - Si jamais nous importons des semences où il y a eu des hybridations... Je vous avoue que je n'ai pas étudié la question.

Y a-t-il des betteraves sauvages qui s'hybrident avec des betteraves cultivées au Canada ? J'avoue que je n'en sais rien et je ne peux pas vous répondre.

M. le Président - D'une manière générale même si nous mettons en place un système de protection au niveau de l'environnement, si jamais il n'y a pas le même système de protection au niveau mondial, nous aurons des risques de contamination par les semences.

M. Gouyon - Il y a des risques indéniables. Cela étant, comme le disait Arnaud Apoteker, c'est déjà arrivé et cela a donné des catastrophes.

Il faut quand même que vous sachiez qu'il n'y a plus un seul oiseau originel des îles Hawaii, ils ont tous été éliminés par les introductions que nous avons pu faire, etc. Je ne vous parle même pas des lapins et de la myxomatose en Australie.

Bien sûr de telles catastrophes ont déjà eu lieu et la question est de savoir comment minimiser les risques que cela se produise avec nos nouvelles technologies.

Vous m'aviez demandé : quel type de gestion ?

J'ai l'impression qu'à l'heure actuelle nous avons demandé à des personnes extrêmement compétentes dans un domaine de prendre progressivement des décisions de plus en plus larges.

La Commission de Génie Biomoléculaire a réalisé des études extrêmement utiles et progressivement elle s'est trouvée débordée par la masse de toutes les questions auxquelles elle devait répondre.

Je pense qu'aucune commission à elle toute seule, ne pourra peser complètement le pour et le contre dans ces débats. Il serait sain que des personnes travaillent sur les risques, que d'autres travaillent sur les avantages économiques, etc. et qu'un débat politique ait lieu après à partir de ces évaluations.

Ceci me rendrait un peu confiance. Si jamais des techniciens, dont je fais partie, devaient donner des avis à eux tout seuls, je n'aurais pas confiance dans leurs avis.

M. le Président - C'est une bonne suggestion qui a déjà été indiquée hier dans le cadre de la Commission réglementaire et je crois que c'est effectivement une très bonne suggestion.

Monsieur Vincent, voulez-vous la parole ?

M. Vincent - Je souhaite répliquer à Monsieur Gouyon.

M. le Président - Vous dites qu'il ne faut pas étiqueter...

M. Vincent - Ne vous méprenez pas, ne portez pas de jugement sur ce que je vous dis !

En réponse à Monsieur Gouyon, je voudrais insister sur le fait que cette notion d'hybridation dans les champs de production de semences dans le sud-ouest est un problème que nous prétendons maîtriser. Je m'explique.

Plusieurs personnes ici dans cette salle savent de quoi je parle puisqu'elles ont visité, participé, étudié, écrit, réfléchi sur les techniques de production de semences hybrides dans le sud-ouest.

Sachant que la betterave est une plante anémophile, c'est-à-dire à pollen baladeur et à fécondation croisée, il y a une certaine vulnérabilité pour que des flux de gènes s'échappent. Cette vulnérabilité est plus qu'un danger, c'est une réalité, il y a un risque, le risque existe.

Quelle est la taille du risque ? L'enjeu de notre réunion est de connaître la taille du risque par rapport à l'environnement.

Risque il y a, oui, je le reconnais. Maintenant en matière de production de semences hybrides, en utilisant la stérilité mâle, des diploïdes, des triploïdes, des tétraploïdes, nous arrivons à maîtriser la pureté variétale des hybrides produits à moins de un pour mille d'impuretés.

A l'échelle de Darwin, il est sûr que c'est gigantesque. Maintenant reste à savoir quel est l'ordre, mais c'est un autre débat que nous pourrons aborder.

Quel est le coefficient que nous donnons à ces priorités dans notre débat de société ?

Nous maîtrisons parfaitement les isolements puisqu'il y a :

- 300 m d'isolement entre deux parcelles différentes,

- 600 m d'isolement entre deux parcelles qui utilisent un pollinisateur différent,

- 1 000 m d'isolement entre des parcelles qui utilisent des betteraves d'origine différentes.

Il y a une réglementation officielle, une interprofession qui gère, observe, surveille et sanctionne la production. 3 000 planteurs vivent cela en interprofession.

Je peux vous dire pour l'avoir vécu que nous organisons des battues non pas avec un fusil, mais avec une binette où nous ratissons les fossés, les cimetières, les cours de gendarmerie - je tiens à le dire, ce n'est pas une plaisanterie - de manière à éliminer tout type de betterave qui pourrait potentiellement émettre du pollen.

Par ailleurs si un incident ou une observation venait à être formulée, l'agriculteur en danger, menacé par sa faute ou pas, est mis en demeure de retourner sa culture. Et cela se fait et je l'ai vécu.

C'est sérieux, même s'il y a un risque que je reconnais, ce n'est pas du bricolage !

Je voudrais dire également que dans cet accord, ce travail que nous faisons avec le service officiel de contrôle, nous en sommes même arrivé à faire adopter une loi qui contraigne, dans la gestion des jachères, les agriculteurs responsables d'un champ en jachère de la propreté de leur champ pendant la jachère. Si nous trouvons la présence de betterave de quelque nature que ce soit dans leur jachère, la prime de jachère leur est supprimée.

Ceci veut dire qu'il y a une prise en charge. Nous ne pouvons pas aller jusqu'au bout, mais j'ai un cahier des charges extrêmement sévère - je l'ai ici à votre disposition - pour vous démontrer que toutes les précautions sont prises pour éviter qu'il n'y ait des transferts de gènes vers les populations indésirées.

La population de betta maritima concernée qui pousse dans la région est déjà sur le littoral à plusieurs dizaines de kilomètres.

M. le Président - Nous en avons déjà assez parlé sauf si vous avez quelque chose de nouveau à dire, mais il y a d'autres questions.

M. Vincent - Je conclus. Le risque est là, je ne le nie pas, je suis d'accord avec vous. Je ne veux pas faire preuve d'irresponsabilité en disant que j'accepte ce risque.

Ceci dit, en termes de débat de société il faut savoir quel est le coefficient de priorité que nous donnons aux différents paramètres qui attirent notre attention.

M. Roqueplo - Je voudrais relever ce point car cela me paraît très important dans le débat.

Cela prouve que l'introduction de végétaux génétiquement modifiés oblige à une surveillance jusque et y compris des jachères, d'où ma question.

Avec la généralisation des végétaux génétiquement modifiés, ne faudra-t-il pas avoir un double cadastre dont un tiendra en permanence les modes de culture chaque année ?

Cela veut dire que nous aurons un système de contrôle, une sorte de doublure de la culture dans tous les chefs-lieux de cantons pour savoir que la parcelle A et autre qui est à 1 km ont un risque ou non... C'est vertigineux !

M. Vincent - Cela se fait déjà pour les semences, ce n'est pas l'OGM en soi.

M. le Président - Ces distances sont édictées par des arrêtés préfectoraux. Cela se fait donc déjà sans aucune référence aux OGM.

M. Tepfer - Nous avons énormément parlé de betterave et de colza, mais ce sont deux espèces parmi X qui ont été transmises à différents laboratoires, qui sont en cours de mise sur le marché dans différents pays.

La question de flux de gènes en Europe, par exemple pour le maïs, les tomates, les melons, n'est pas un problème.

S'il existe en Europe deux ou trois ou quatre espèces cultivées pour lesquelles les questions de flux de gènes se posent, comment allons-nous le gérer ?

Mais pour les autres espèces, n'oubliez pas que les OGM existent là aussi et qu'ils seront proposés très rapidement à la mise sur le marché.

M. le Président - J'ai une autre question. Nous avons beaucoup parlé d'un sujet ce qui est bien puisque nous avons été jusqu'au fond sans que les points de vue ne se rapprochent.

Ma question porte sur les virus. Vous avez indiqué les avantages en termes d'insertion de gènes de capsides virales, vous avez parlé de certains risques.

Pendant mes auditions un certain nombre de personnes ont dit que nous jouions avec le feu en insérant des gènes de capside virale dans certaines plantes car il pouvait y avoir un certain nombre de risques de transcapsidation. A un moment donné, en insérant des gènes viraux, par des mutations, nous pourrions avoir certains types de modifications.

Je ne suis pas virologue, j'aimerais que vous nous indiquiez si, oui ou non, il y a un risque effectif en matière virale.

M. Tepfer - La question est assez vaste, je n'entrerai pas dans les détails.

Concernant l'hétéro-capsidation, les risques potentiels associés à ce phénomène que nous connaissons, veulent dire que la protéine de capside synthétisée à partir du transgène peut être impliquée dans des particules virales de l'autre virus qui a infecté la plante en question ; cela peut avoir quelques conséquences.

Ce qui a été déjà été fait dans certains laboratoires, a été de modifier les gènes capsides pour éliminer les potentiels néfastes dus à l'hétéro-capsidation.

Cela permet de vous signaler qu'un des éléments du travail qui est réalisé actuellement, est de diminuer les risques potentiels. C'est un exemple où la question de transmission de virus éventuellement possible via l'hétéro-capsidation est quelque chose, à mon avis, en cours de résolution.

Pour ce qui est des problèmes dont nous discutons depuis dix ans concernant les gènes viraux, il est clair que le plus important et le plus difficile est le problème du potentiel de la recombinaison.

Aujourd'hui je crois que nous avons très peu de moyens. Je ne veux pas aussi aller trop loin dans le sens de Pierre-Henri Gouyon, mais les possibilités de recherche en ce qui concerne l'étude de la recombinaison chez les plantes transgéniques sont infimes par rapport à la nature du problème.

Nous avons néanmoins pu voir que nous avons pu créer des recombinants en laboratoire. Une des questions importantes est de savoir si nous pouvons ou non créer des virus recombinants pires que les souches parentales.

M. Fauquet - Je peux vous donner quelques informations complémentaires. Je suis également virologue pour les plantes et je travaille avec des virus qui sont dans les pays tropicaux, les géminivirus.

Nous venons de découvrir dans la dernière année que, dans la nature et ce n'est pas une question d'organismes génétiquement modifiés, ces géminivirus recombinent constamment dans les plantes entre des espèces de virus carrément différentes.

Nous l'avons découvert car, dans le monde, il y a un certain nombre d'endroits où il y a émergence de nouvelles maladies causant des dégâts dramatiques au coton, au manioc, aux tomates, etc.

Comme Mark Tepfer l'a dit, c'est un phénomène tout à fait naturel qui existe déjà. Il y a déjà des conséquences essentiellement dues à l'homme qui transfère des virus, des insectes, des plantes du fait de tous les échanges commerciaux qui existent et sont déjà en place.

Cela rejoint aussi ce que disait Monsieur Gouyon tout à l'heure, dans de nombreux cas, nous ne connaissons pas ou méconnaissons ce qui existe déjà dans la nature.

L'existence des OGM nous permettra en partie de développer un certain nombre d'études qui nous montreront que ces phénomènes tout à fait naturels, qui ont déjà eu de nombreuses conséquences de par l'impact de l'homme, de la civilisation de l'homme, de son développement et de son commerce, sont déjà en place.

A mon avis, en ce qui concerne ces virus-là, le fait d'avoir un gène supplémentaire ne changera pas la situation par rapport à ce qui existe déjà.

M. Tepfer - Je voudrais juste abonder dans le sens de Claude Fauquet. Il est nécessaire que nous approfondissions nos connaissances fondamentales sur les virus des plantes.

Concernant la recombinaison par exemple, il y a deux ou trois ans nous croyions qu'un des groupes les plus importants, les petits virus, ne présentaient pratiquement jamais de recombinants naturels.

Lorsque nous avons disposé de suffisamment de données de séquences, il est apparu qu'au contraire, nous n'avions pas vu les recombinants car ils recombinaient tellement fréquemment que les génomes étaient composés de tout petits morceaux de différents éléments d'origine.

Ce sont des fréquences que nous ne pouvons pas quantifier donc si la recombinaison a lieu dans la nature entre virus, elle aura certainement lieu dans les plantes transgéniques, c'est clair.

La question qui se pose est celle des conséquences. Là aussi je pense qu'il faut avoir davantage de données avant de pouvoir se prononcer entièrement.

Pour répondre un peu à une question sous-jacente, que faut-il faire aujourd'hui ?

Il faut faire de la recherche, pour moi c'est clair et nous nous y employons un peu dans la mesure de nos moyens. Je pense aussi qu'il faut évaluer au cas par cas les avantages et inconvénients potentiels de tel ou tel type de gènes et résistances, son origine, la manière dont cela fonctionne et ce qui se passe si nous ne nous en servons pas.

Je pense qu'il faut faire ce genre d'analyse très générale pour savoir si nous devons assumer les risques. Ceux-ci ne seront jamais nuls, il n'existe aucun cas de risque zéro ni dans la nature ni dans la technologie.

Quel est le bon équilibre entre le fait d'assumer certains risques et le fait d'envisager certaines pertes au niveau agronomique ?

M. le Président - Je vais maintenant poser une question un peu ennuyeuse. Je l'ai posée en privé à Monsieur Apoteker et je vais la poser en public car nous avons posé toutes les questions. Nous l'avons eue en privé, mais il est important de la poser en public.

Les Etats-Unis sont le pays qui développe le plus les plantes transgéniques avec 16 millions d'hectares en 1998. Finalement Greenpeace est une organisation internationale, or Greenpeace fait des actions spectaculaires en Europe, notamment en France et je crois que nous avons discuté de manière très positive avec Monsieur Apoteker, mais je suis obligé de poser la question.

Pourquoi n'y a-t-il pas d'action de votre organisation aux Etats-Unis et pourquoi y en a-t-il en Europe ?

Nous avons quand même un peu l'impression vu d'ici, et cela m'a été dit dix fois dans les auditions, que finalement il y a une focalisation sur l'Europe où il n'y a pas de culture alors qu'aux endroits où il y a des cultures, pratiquement aucune action n'est menée par les mêmes organisations.

M. Apoteker - Je vous remercie de me poser la question et je suis très content qu'elle me soit posée en public.

Je crois qu'il y a une question d'échos médiatiques de ce que nous faisons en Europe ou ailleurs.

En réalité nous avons également fait des actions spectaculaires aux Etats-Unis sur le problème des plantes transgéniques, nous les avons même faites avant de les faire en Europe, en particulier sur des champs de soja transgénique résistant au Roundup.

Nous avons également mené des actions sur les barges qui descendaient le Mississippi depuis la compagnie Monsanto.

L'autre chose qu'il faut bien préciser est que c'est beaucoup plus difficile et nous l'avons vu dans les autres tables rondes.

Je crois qu'il y a une question culturelle aux Etats-Unis, dans la vision du progrès technologique et dans l'alimentation faisant que le public américain est beaucoup moins réceptif pour l'instant aux dangers que nous essayons de lui faire voir.

M. le Président - C'est un retour sur investissement.

M. Apoteker - C'est cela. Je veux quand même signaler qu'un de nos espoirs est que cette opposition des consommateurs et d'un grand nombre de citoyens en Europe, aura un effet aux Etats-Unis.

Si les exportateurs américains se rendent compte qu'ici nous n'en voulons pas, s'ils réalisent que les consommateurs européens et français en particulier ne veulent pas de ces produits, peut-être qu'ils se poseront aussi des questions sur le type d'alimentation qu'ils consomment.

M. le Président - Merci, Monsieur Apoteker, vous m'aviez fait la même réponse et il était bien que tout le monde l'entende.

Monsieur Gouyon, une dernière question. Tout à l'heure vous avez parlé du maïs du Mexique en donnant l'exemple de ce que Bernard Kouchner disait hier soir. Il disait qu'il était aussi petit que la phalange de son petit doigt et qu'il était maintenant devenu gros comme son appendicum, son avant-bras, et il a joint le geste à la parole.

Vous avez dit que c'était grave car s'il y avait un maïs transgénique nous ne pourrions pas l'interdire au Mexique et s'il venait à être cultivé là-bas, il pourrait transférer un certain nombre de gènes. C'est déjà la même chose au niveau des maïs hybrides tels que cultivés aujourd'hui.

C'est une question à laquelle, à mon avis, vous n'avez pas répondu de façon suffisamment claire car j'ai toujours des interrogations après ce débat. Pour certaines c'est plus clair alors que pour d'autres j'en ai toujours car nous n'avons sans doute pas assez étudié le problème de l'environnement.

Vous avez sans doute raison, nous le dirons à Monsieur Allègre ce soir et je défendrai les chercheurs et notamment ceux dans le domaine de l'environnement.

Finalement ne dramatisons-nous pas les questions de flux de gènes avec les plantes transgéniques alors que c'est un phénomène qui a toujours existé et que nous n'avons pas suffisamment étudié ?

M. Gouyon - Je vais commencer par dire que cela dépend du couple gène/plante.

Je pense que si effectivement un gène améliorait la teneur en huile d'une plante, etc., il y a assez peu de risques qu'il aille faire des dégâts dans les populations naturelles.

Si jamais j'ai parlé de risques et que nous nous sommes concentrés sur la betterave, le colza, les gènes de résistance aux herbicides, c'est que là il y a un problème facile à identifier. Je pense qu'il existe de nombreux couples transgènes/plantes qui ne poseront pas de problèmes.

Pour ce qui concerne le maïs, j'ai voulu donner des exemples très larges au début sans les développer pour ne pas dépasser les huit minutes tacitement accordées, la plupart des gènes que nous mettons dans le maïs à l'heure actuelle, ne mettront pas le téosinte en danger.

En revanche, et c'est encore pire que tout car c'est pour des raisons que je trouve très bonnes, certaines personnes essayent de développer des gènes de résistance asexués chez le maïs appelés l'apomixie.

Si nous réussissions à faire marcher ce gène dans un maïs diploïde ce qui n'est pas le cas actuellement, personnellement j'ai des inquiétudes sur le fait que ce gène puisse se transmette au téosinte, le conduise à perdre totalement sa reproduction sexuée et à terme à s'éteindre.

Ceci est valable pour un gène particulier. La plupart des gènes que nous pouvons mettre dans le maïs ne poseront pas de problèmes au téosinte, mais pour celui-là je serais extrêmement inquiet si jamais il était cultivé dans les zones mexicaines ou d'Amérique Centrale.

M. le Président - Merci beaucoup, je crois que nous allons nous arrêter là. Merci à vous tous d'être venus ce matin.

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