RÉPONSE GÉNÉRALE DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

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A. OBSERVATIONS GENERALES

Nombreuses sont les observations présentées par le rapporteur spécial de la Commission des Finances de la Haute Assemblée qui se situent au coeur des préoccupations du Département depuis l'entrée en vigueur de la réforme touchant au dispositif de notre coopération et de la DGCID en particulier. Les trois pays du Maghreb constituent pour cette Direction générale, depuis l'adoption par le CICID des Programmes de travail pour le Maghreb, une zone test de la rénovation de notre coopération et, plus largement, de nos relations dans les domaines culturel et scientifique et du développement technologique, social et humain.

a) La " culture de projet "

La mise en place dans les pays du Maghreb d'une culture de projet repose certes, au niveau central, sur le succès " du greffon coopération " sur la " culture DG ". Ceci est aujourd'hui acquis. La preuve en est que deux projets FSP ont été approuvés par le Comité de projets de décembre 2000 (l'un pour le Maroc et l'autre pour la Tunisie) et que pas moins de quinze projets sont en cours de préparation. Il convient de souligner la mobilisation de la DGCID dans toutes ses composantes pour assurer le succès de cette phase de lancement.

Mais la coopération exige aussi que cette culture soit partagée par nos partenaires et que, pas plus que nos postes, ils ne soient arc-boutés sur une coopération culturelle, scientifique et technique passéiste. Souvent dans l'incapacité de concevoir un autre type de relation, ils peinent à mettre en oeuvre les mécanismes de réflexion, de conception et de réalisation de véritables projets de coopération. Ces difficultés, l'Agence française de développement les a rencontrées dans les premières années de son installation à Rabat, à Tunis ou à Alger (et elles ne sont pas, loin s'en faut, toutes résolues), tout comme les a éprouvées la Commission européenne avec les programmes MEDA (voir ci-dessous). C'est cette " culture à deux " qui est en train de se mettre en place, et comme il est naturel, d'abord dans les secteurs de forte " connivence intellectuelle " que sont les formations et les structures institutionnelles.

b) La dispersion de nos actions nuit à leur visibilité

Le passage, au cours des années 90, d'une coopération de substitution à une " coopération sur projets " n'avait pas pour objectif premier de délaisser les secteurs de coopération dans lesquels il était par nature difficile d'envisager de véritables projets et qui relèvent de l'expertise-conseil. C'est ce qui explique qu'au Maghreb, la France soit présente dans l'ensemble des secteurs. Ce rôle s'exerce principalement là où les cadres francophones, formés par la France, mettent en place les structures publiques ou parapubliques du développement national. Que ces actions soient baptisées, à tort ou à raison, " projets " est secondaire. L'essentiel est que soient constituées, par une présence et une aide actives de la France, les structures de décision favorisant le développement économique et social, fût-ce parfois au prix d'une bonne visibilité. Il est d'ailleurs opportun de rappeler que plus la France est amenée à exercer cette expertise-conseil à l'intérieur et parfois au coeur même des institutions nationales (le domaine de l'Etat de droit, la Justice, l'Intérieur, mais aussi les systèmes législatifs et réglementaires, les formations, les modes de gestion publique (concession, gestion déléguée), les systèmes de santé publique ou de protection sociale, etc), plus il lui est demandé implicitement d'être discrète.

C'est donc naturellement qu'il appartient à l'AFD, avec les moyens qui sont les siens, de réaliser sur le terrain les grandes opérations physiques, dont le succès et la pérennité sont liés à la présence de cadres compétents formés au travers des actions de la DGCID. Cette complémentarité est de plus en plus forte et on en trouve des exemples d'abondance en Tunisie (formation professionnelle, développement urbain décentralisé) et au Maroc. De nouveaux domaines s'ouvrent pour le futur : l'eau et l'assainissement (Algérie), l'environnement durable (Tunisie), le développement rural (Tunisie), l'aménagement du territoire (Maroc).

c) Les nouveaux enjeux

La lutte contre la pauvreté, l'appui à l'Etat de droit, l'appui à la société civile, la démocratie, constituent évidemment des références aux actions de la DGCID. Mais il va de soi que la définition d'actions de coopération exige une démarche commune qui, du fait même que ses enjeux se situent au coeur des structures sociales, politique, mentales, des pays du Maghreb, n'est pas facile à construire.

Il n'est que de constater les échecs répétés de la Banque mondiale (son rapport sur la pauvreté au Maroc n'a donné lieu à aucune suite) ou de la Commission européenne (appui aux associations en Tunisie) en la matière pour mesurer les difficultés réelles de mener à bien des projets de développement sur ces thèmes. L'objectif de la DGCID visant à apporter son appui à la création de conditions structurelles du développement (mise à niveau des entreprises et encadrement juridique des affaires (Tunisie) ou privatisation et création de PME/PMI (Algérie), appareil statistique, tribunaux de commerce (Maroc), décentralisation et rôle des collectivités locales (Tunisie), etc), constitue donc une approche graduée et mobilisatrice des acteurs du développement.

d) Maintenir et développer une relation unique

Notre relation avec les pays du Maghreb est marquée par une dimension francophone et une " cohésion intellectuelle " uniques. Que dans le domaine des formations supérieures ou de la recherche scientifique, ces pays considèrent la France comme leur partenaire essentiel (mais pas obligatoire), et qu'ils en paient le prix (les programmes sont tous cofinancés), constitue donc un enjeu qu'il ne s'agit pas d'ignorer. C'est bien à la DGCID qu'il incombe de maintenir pour l'avenir les conditions d'une relation d'exception autant que les voies de participation des élites de ces pays à la production intellectuelle et à la recherche mondiales, mais sans que, pour autant, il faille opposer cette forme d'aide au développement aux projets physiques. En tout état de cause, soyons conscients que si la France mettait un terme à ces actions de coopération, il faudrait peu de temps pour qu'une part notable des meilleurs cherchent à se former auprès d'autres pays (Etats-Unis ou Canada, qui exercent déjà une très forte attraction dans certaines disciplines scientifiques comme les mathématiques appliquées).

La question du drainage des cerveaux ou du faible retour des boursiers dans leurs pays doit donc être nuancée. Nombreux sont ceux qui, après leurs études supérieures dans les grandes écoles françaises, restent en France plusieurs années pour le démarrage de leur carrière, mais rentrent au pays pour y créer une entreprise ou participer étroitement au développement des relations économiques avec la France. Une étude réalisée à Tunis par l'Institut de recherche sur le Maghreb contemporain fournit des illustrations très instructives sur ce phénomène.

C'est pourquoi, et sans attendre le rapport du sénateur Charasse, un certain nombre de mesures concrètes pour améliorer notre coopération ont déjà été prises ou sont en cours :

- refondation intégrale de notre coopération avec l'Algérie et rénovation des procédures ;

- réorganisation du Service de coopération et d'action culturelle de Rabat ;

- enquête sur place des opérateurs français dans les financements MEDA ;

- mise en place d'un groupe de réflexion franco-marocain chargé de proposer les modalités d'une rénovation complète de notre système de coopération ;

- visite approfondie du Directeur général de la Coopération internationale et du développement (DGCID) à Tunis ;

- révision des accords de coopération franco-tunisiens ;

- évaluation des Programmes de recherche franco-marocains ;

- évaluation des actions et systèmes de formation professionnelle au Maroc.

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