Audition de Mme Catherine GESLAIN-LANÉELLE,
Directeur général de l'alimentation,
et de M. Rémi TOUSSAIN, Directeur des politiques économique et internationale du ministère de l'agriculture

(17 janvier 2001)

M. Gérard Dériot, Président - Mes chers collègues, nous auditionnons Mme Catherine Geslain-Lanéelle, directeur général de l'alimentation, et M. Rémi Toussain, directeur des politiques économique et internationale du ministère de l'agriculture.

Vous êtes accompagnés, madame et monsieur, de personnes que vous voudrez bien me présenter dès maintenant.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Je suis accompagnée de Paul Merlin, sous-directeur à la sous direction de la santé et de la protection animale, à la Direction générale de l'alimentation, et de Bénédicte Herbinet, chef du bureau de la pharmacie vétérinaire et de l'alimentation animale dans cette même sous-direction, à la DGAL.

M. le Président - Merci. Vous savez que vous êtes auditionnés dans le cadre d'une commission d'enquête parlementaire, une commission d'enquête du Sénat, et qu'à ce titre, je me dois de vous rappeler les directives et de vous demander de prêter serment.

Je demanderai à toutes les personnes de prêter serment afin que, si elles ont à intervenir les unes et les autres au cours de notre audition, elles sachent qu'elles le font également sous serment.

Le président rappelle le protocole de publicité des travaux de la commission d'enquête et fait prêter serment à Mme Geslain-Lanéelle, M. Toussain, Mme  Herbinet et M. Merlin.

M. le Président - Je vous remercie. Dans un premier temps, si vous le permettez, Mme Geslain-Lanéelle et M. Toussain, je vais vous demander de nous expliquer assez brièvement la façon dont vous voyez les choses, à votre niveau, par rapport à ce problème des farines animales, à leur utilisation et à leurs conséquences sur le plan de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), qui s'est développée aujourd'hui, en particulier dans notre pays.

Je vous passe tout d'abord la parole, madame.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Merci, monsieur le Président. Je vous suggère de faire une intervention liminaire en deux parties.

Dans une première partie, qui concerne la définition des farines animales, Rémi Toussain, dont la direction a en charge ces aspects, se propose de présenter les enjeux économiques et nutritionnels de leur utilisation en alimentation animale.

Dans une deuxième partie, je pourrai vous présenter l'évolution de la réglementation liée à l'utilisation de ces farines animales depuis 1989 jusqu'à ce jour.

M. le Président - Nous connaissons déjà la réglementation. Par conséquent, si vous le voulez bien, il serait bon que vous contractiez les choses au maximum. Vous pourriez être plus concernée par le débat qui interviendra ensuite.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Très bien. Si vous ne souhaitez pas d'intervention liminaire, je répondrai avec plaisir à vos questions.

M. le Président - Je dis cela par rapport à la réglementation. En effet, nous la connaissons et nous supposons que c'est celle que vous avez été chargée de faire respecter.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Absolument.

M. le Président - Donc nous procéderons ainsi. Cela dit, nous sommes tout à fait d'accord sur la première intervention liminaire.

M. Rémi Toussain - Comme le disait Catherine Geslain à l'instant, je vais vous dire quelques mots sur ce que sont les farines animales, leur intérêt nutritionnel et économique et les possibilités de substitution. J'avais prévu également --je le ferai si vous le souhaitez--de compléter cet exposé par les possibilités de substitution sur le plan communautaire et les démarches qui ont été entreprises à cet égard, mais je ne sais pas si cela entre également dans le champ de vos préoccupations.

Je commencerai par les farines animales.

Le mot recouvre une gamme assez large de fabrications, mais on peut dire que tous ces produits ont comme point commun d'être issus de la cuisson des coproduits des industries des viandes et que cela intègre les farines de poisson.

Pour la commodité de mon exposé sur la partie économique, je parlerai d'une manière générale de farines animales lorsque cela englobera farines de viande et farines de poisson ou, spécifiquement, de l'un ou l'autre terme lorsqu'il y aura lieu de s'y référer.

Globalement, sur 6 millions de tonnes de coproduits des différentes filières animales, les chiffres des farines sont les suivants.

Nous consommons en France, exclusivement dans l'alimentation du bétail, environ 590 000 tonnes de farines et de graisses auxquelles il y a lieu d'ajouter 60 000 tonnes destinées à l'exportation, toujours pour l'alimentation du bétail, ce qui fait un total, en termes de production, de 650 000 tonnes.

Il faut y ajouter 25 000 tonnes de graisses destinées aux entreprises non alimentaires et 200 000 tonnes de farines qui sont utilisées dans l'alimentation d'animaux domestiques (le pet food). Enfin, le service public de l'équarrissage regroupe maintenant 175 000 tonnes de farines et de graisses.

Autrement dit, on a chaque année, en France, un peu plus d'un million de tonnes de production de farines et graisses animales et, avant les interdictions auxquelles je ferai référence ensuite et qui sont intervenues à la fin de l'année dernière, 850 000 tonnes entraient dans le circuit de l'alimentation du bétail ou des animaux domestiques, y compris dans la partie destinée à l'exportation.

J'en viens à l'intérêt nutritionnel et économique de ces farines.

Je rappellerai très brièvement que les fabricants d'aliments du bétail recherchent toutes sortes de matières premières mais que l'on peut les répartir entre, d'une part, les matières riches en énergie, qui sont, grossièrement, les céréales et les produits dérivés et, d'autre part, les matières riches en protéines, dont font partie les oléagineux, les protéagineux et, naturellement les farines animales.

L'équilibre alimentaire communautaire amène, de manière assez originale par rapport au reste du monde, à faire un gros appel au tourteaux d'oléagineux et, surtout, aux tourteaux de soja --j'y reviendrai-- en termes d'importations.

L'utilisation des farines animales dans l'alimentation du bétail est assez ancienne puisqu'elle remonte au siècle dernier. Sur le plan nutritionnel, leur intérêt est leur richesse élevée en protéines, sachant qu'elles sont bien équilibrées en acides aminés essentiels, et elles sont en même temps une source de phosphore et de calcium très digestibles, ce qui en constitue un élément utile.

Les graisses animales, elles, constituent une source d'énergie complémentaire des céréales.

Enfin, sur le plan économique, on observe sur la longue période que le cours des farines animales est en corrélation très étroite avec le prix des tourteaux de soja.

Quelle était la place des farines dans l'alimentation animale avant la suspension du 14 novembre dernier ?

Les quantités de farines de viande et de poisson, c'est-à-dire les farines animales, consommées par le bétail ont représenté en France de l'ordre de 500 000 tonnes en 1999. A l'intérieur de cet ensemble, les farines de viande elles-mêmes sont essentiellement produites et consommées en France, la part des échanges étant très faible. En revanche, pour ce qui est des farines de poisson, nous importons quasiment les quatre cinquièmes de nos besoins.

Ces farines animales représentent environ 2 %, en moyenne et en tonnage, de l'ensemble des matières premières qui sont incorporées dans l'alimentation du bétail, les céréales et produits dérivés représentant environ 45 à 50 % et les tourteaux de soja de l'ordre de 20 à 25 %.

Cela étant, ce taux d'incorporation des farines animales est variable selon les destinations. Pour faire simple et introduire les conséquences de l'interdiction que je présenterai rapidement tout à l'heure, je peux dire que, pour les volailles, il est assez élevé, puisqu'il représente trois à 4 %, encore que ce chiffre moyen masque une forte différenciation. Par exemple, les volailles sous label n'en utilisent pas, voire très peu, alors que les poulets qui sont destinés à l'exportation en incorporent de 7 à 10 %.

Pour les porcins, en revanche, l'incorporation est relativement faible : de l'ordre de 1 à 1,5 %.

Au niveau communautaire, on retrouve en gros cette distribution, mais je ne vais pas vous importuner avec des chiffres, sauf si cela vous paraît utile.

Un deuxième élément est intéressant : la place non pas en tonnage mais en bilan protéique. Sur le plan de la fourniture en protéines dans l'alimentation animale, les farines animales représentent 7 à 7,5 % de l'apport en protéines total, les autres besoins étant couverts à hauteur de 55 % par les tourteaux de soja, 12 % par les pois protéagineux et 6 % par les tourteaux de colza.

On retrouve, là encore, à peu près les mêmes chiffres sur le plan communautaire. Je rappelle simplement, parce que ce sujet n'est pas indifférent pour la suite, que le taux d'auto-approvisionnement communautaire en matière de protéines n'était que de 30 % à la fin de l'année dernière, avant la suspension de l'utilisation des farines animales.

Pour mémoire, je vous signale que le déficit protéique de l'Union européenne, c'est-à-dire le chiffre complémentaire, était de 85 % en 1974,qu'il a été amélioré en 1990,époque à laquelle il n'était plus que de 63 %, à la suite des politiques de soutien aux oléoprotéagineux, et qu'il est redescendu à 70 % du fait, pour faire simple, d'une hausse de la demande par le développement des productions hors-sol et, en revanche, en raison de son encadrement, par une stabilité de la production communautaire de ces matières.

Voulez-vous que je décrive très rapidement le secteur de l'alimentation animale, d'une part, et le secteur de la production, d'autre part ?

M. le Président - Volontiers. C'est important.

M. Rémi Toussain - Cela donne un cadrage.

La production française d'aliments du bétail, en 1999,s'est élevée à moins de 23 millions de tonnes d'aliments et ces chiffres ont pratiquement triplé en une vingtaine d'années. La croissance a donc été très forte. Ce chiffre global se répartit de la façon suivante :

- 9 à 10 millions de tonnes pour les volailles, qui est le premier poste,

- 7 millions de tonnes pour les porcins,

- 4 millions de tonnes pour les bovins.

Ce secteur représente environ 350 entreprises avec, depuis une vingtaine d'années, une tendance constante à la concentration. Sachez que 8 % des entreprises représentent aujourd'hui 50 % de la production dans ce secteur, qui comprend 12 000 salariés et 5 % du chiffre d'affaires total du secteur agro-alimentaire. Il fait 40 milliards de francs de chiffre d'affaires.

Ce secteur est caractérisé par une forte importance de la part relative, d'une part, de la matière première et, d'autre part, des frais de personnel.

Le deuxième secteur concerné par notre sujet est celui de l'industrie des aliments pour les animaux familiers et domestiques, le pet food, qui est également en progression constante et qui a encore probablement devant lui des marges de progrès considérables si l'on considère les évolutions respectives des parcs animaliers en Europe et dans d'autres pays, notamment aux Etats-Unis.

C'est un secteur extrêmement concentré, avec des opérateurs multinationaux, qui valorise 1 200 000 tonnes de produits agricoles et, comme je le disais tout à l'heure, 200 000 tonnes de nos farines animales.

Voilà ce que je peux dire pour le cadrage général.

J'en viens à quelques mots sur les conséquences nutritionnelles et économiques de la suspension décidée le 14 novembre dernier, dont je rappelle qu'elle a concerné l'utilisation en alimentation animale de toutes les farines animales et de certaine graisses à l'exception des farines de poisson destinées aux poissons.

Je commencerai par les possibilités de substitution à ces produits. Tous les experts semblent converger, mêmes si les chiffres divergent, sur les effets suivants.

Tout d'abord, il sera nécessaire d'utiliser de façon accrue des tourteaux de soja, de maïs, d'huile végétale et de graisse oléagineuse et d'effectuer un apport en phosphates que, malheureusement, on ne trouve pas dans des proportions aussi assimilables dans les produits de substitution.

Parallèlement, on aura probablement une baisse des utilisations de céréales et de pois.

Sur le volet purement protéique, deux équivalences sont possibles --j'y reviendrai-- sur les actions à conduire au niveau national et communautaire. Il s'agit de regarder, très grossièrement, à quoi correspondrait, en augmentation de protéagineux ou d'oléagineux, en France ou dans l'ensemble communautaire, la suppression des protéines apportées par les farines animales en France ou dans l'ensemble de la communauté

En France, on aurait, au choix, 250 000 hectares de pois, soit 60 % d'augmentation par rapport à la surface actuelle, ou 1 400 000 hectares de colza, soit 40 % de la surface actuelle.

Sur le plan européen, les chiffres équivalents sont 1,8 millions d'hectares supplémentaires de pois (il s'agit là d'un triplement de la superficie communautaire de pois actuellement cultivée, ce qui montre que la France est le plus grand producteur communautaire de pois) ou, à quantité équivalente, trois millions d'hectares de colza ou, dans une moindre mesure, de tournesol, ce qui correspondrait à un doublement de la superficie actuelle en Europe.

Voilà ce qui se passerait si on devait effectuer un remplacement intégral par une augmentation de notre production indigène.

La même équivalence par importation de tourteaux de soja représenterait, en gros, une hausse de 15 % des importations et je vais vous donner également des chiffres arrondis pour la France et pour Europe.

Il faudrait compter 500 000 à 600 000 tonnes pour la France, qui s'ajouteraient aux 4,5 millions de tonnes que nous importons déjà annuellement. Quant à l'Europe, on aurait trois à 4 millions de tonnes sur les 28 à 30 millions de tonnes que l'Europe importe annuellement.

Du même coup, notre déficit protéique, dont je rappelle qu'il était remonté à 70 %, passerait, en gros, à 75 %.

Au-delà de ces effets mécaniques et quantitatifs, quelques effets sur le plan nutritionnel nécessiteraient une certaine adaptation des ratios en matière de phosphore, mais je ne vais pas vous ennuyer avec ces éléments. Simplement, il faut savoir que tout cela comporte un aspect qualitatif.

Quelles sont les implications économiques pour les opérateurs ? Il est probable qu'il y aura un effet haussier, comme tous les experts le disent (même s'ils se trompent forcément puisqu'ils ont de grandes divergences sur la quantification de cet impact), sur le cours des matières premières de substitution.

En France, tout de suite après l'annonce de la suspension, on a observé une envolée des cours du tourteau de soja, qui est passé de 140 ou 150 F du quintal à 180 F, mais il est retombé, depuis, à 165 F environ. La fermeté du dollar a également joué. En tout cas, il y aura un effet en ce sens, ce qui peut être d'ailleurs l'un des éléments positifs pour stimuler une production autonome indépendamment de toute intervention en termes de soutien.

Voilà ce que je peux dire sur les effets généraux.

Cela aura aussi des effets spécifiques selon les secteurs.

Le secteur de la volaille, qui est très utilisateur de farines animales, notamment les poulets de chair un peu basiques destinés à l'exportation, qui sont très dépendants, pourrait voir ses prix de revient mécaniquement augmenter de 4 à 5 %. Comme il s'agit d'un marché à l'export extrêmement concurrentiel, les difficultés économiques seront particulières sur ce type de produit.

Pour la filière porcine, on estime l'augmentation de 0,5 à 1 %, sachant que, par ailleurs, compte tenu de la situation du marché de la viande bovine, les difficultés économiques ne seront pas considérables.

Quant au pet food, compte tenu de la valeur ajoutée de ce secteur, il n'y aura pas d'effet économique.

Si vous le voulez bien, j'en viens à ma troisième et dernière partie qui concerne les possibilités de substitution sur le plan des protéines indigènes.

Je ne reprendrai pas les chiffres que j'ai indiqués tout à l'heure. Si on veut éviter une augmentation du tourteau de soja, la question est de savoir comment faire pour accroître notre production.

On peut évidemment imaginer quelques actions nationales --certaines sont en place--, mais elles ne peuvent avoir qu'une portée limitée et, juridiquement, s'agissant de soutien du marché, nous avons un cadre communautaire et international évidemment très prégnant.

Je rappellerai très rapidement que le soutien aux productions oléo-protéagineuses en Europe a été mis en place en 1966 sous la forme d'une aide variable en fonction des cours mondiaux et non pas, comme pour les céréales, sous la forme d'un soutien par le biais d'un prix d'intervention, parce qu'il avait été convenu au Dillon Round, au niveau international, qu'il n'y aurait pas de droit de douane à l'importation de ces produits particuliers en Europe. On ne pouvait donc pas imaginer un dispositif d'intervention avec une absence de préférence communautaire.

Cela étant, ce dispositif a formidablement bien fonctionné de 1966 à 1972 puisque, pour donner les chiffres généraux, on est passé d'un demi million de tonnes de production d'oléoprotéagineux en 1966 à un peu plus de 12 millions de tonnes de graines en 1992.

Cependant, cela n'a pas laissé --chacun s'en souvient-- les Américains indifférents puisqu'ils voyaient leurs propres débouchés diminuer. En 1988, ils ont déposé une plainte devant le GATT, à l'époque, sur le fameux « panel soja », qui a amené l'Union européenne à revoir une première fois son dispositif en 1992-1993. Une nouvelle plainte a été déposée à la suite de cette première modification par les Etats-Unis et on peut imaginer que cette nouvelle plainte aurait pu aboutir si elle n'avait pas été interrompue dans ses effets potentiels par l'accord de Marrakech, le dernier accord de l'OMC, qui a repris un accord spécifique passé d'abord entre l'Europe et les États-Unis, l'accord de Blair House, et qui est important pour l'encadrement de notre production d'oléagineux. Je vais rapidement en dire un mot.

Cet accord a consacré une limite économique à la production d'oléagineux de 5 482 000 hectares après élargissement. Il est intéressant de noter que c'est calculé en hectares et non pas en production, ce qui laisse une possibilité d'augmenter les rendements. Malgré tout, c'est une première contrainte.

De même, l'obligation du gel de terres ne peut descendre en dessous de 10 %, contrairement à ce qu'il est possible de faire pour les céréales, avec un dispositif de sanctions qui s'avère rapidement dissuasif, lorsqu'il se répète, pour la production communautaire.

Au-delà de cela, l'autre « échappatoire », qui était la possibilité de développer, sur jachère ou même en dehors celle-ci, des productions non alimentaires à usage de biocarburants et donc de développer des sous-produits des tourteaux a été limité dans ce même accord repris dans l'accord de Marrakech, de sorte qu'on ne peut pas dépasser un million de tonnes d'équivalents de tourteaux de soja par an.

Voilà le cadre international et communautaire qui constitue une première difficulté pour les oléagineux.

La deuxième difficulté, c'est l'Agenda 2000. Pour essayer d'échapper à la contrainte de Blair House, la contrainte de l'OMC, la Commission a proposé, moyennant quelques ajustements --et cela a finalement été décidé par le Conseil--, d'aligner progressivement, en trois ans, la dernière étape étant pour 2002-2003, les aides spécifiques aux oléagineux sur les aides aux céréales, espérant ainsi qu'en supprimant la spécificité du soutien aux oléagineux, cette opération rendrait caduc, ce qui est probable, l'accord de Blair House.

Cependant, si cette diminution des aides a juridiquement l'effet que je viens d'indiquer, elle a malheureusement, sur le plan économique, des effets que l'on peut craindre et qui ne sont pas contredits par la première année d'expérimentation de l'opération Agenda 2000. En effet, on a une réduction des superficies de l'ordre de 10 %, dans la communauté comme en France, et je ne parle pas des tonnages parce qu'il y a aussi une baisse climatique des rendements. Je pourrai vous donner des chiffres détaillés si vous le souhaitez.

Par conséquent, cette deuxième disposition interne à la communauté est un élément à prendre en compte.

Après avoir rappelé ce cadre, je mentionnerai les initiatives qui ont pu être prises au niveau national et au niveau communautaire pour essayer de remédier à cette situation.

Au niveau national, ces initiatives sont les suivantes :

- un ensemble de mesures en faveur du soja de qualité,

- des mesures agri-environnementales cofinancées par Bruxelles en faveur du tournesol,

- la mise en place d'un programme de recherche et développement en faveur des protéagineux (qui ne sont pas, eux, soumis à l'accord de Blair House),

- l'augmentation des capacités du diester, avec un programme de l'ordre de 450 millions de francs qui est significatif, même s'il est en soi limité ;

Au niveau communautaire, la France a pris un certain nombre d'initiatives, dont les plus récentes sont les suivantes :

- en juin 1999, un mémorandum français sur l'utilisation des farines animales a mis l'accent sur la nécessité de trouver des éléments de substitution ;

- au début de la présidence française, la délégation française a remis une deuxième note sur le soutien aux oléoprotéagineux ;

- les conseils de la fin de l'année, y compris le Conseil européen, font nettement référence à la nécessité, pour la Commission, de reconsidérer le sujet et de faire, le cas échéant, des propositions appropriées ;

Dans le cadre que je viens d'indiquer, les possibilités d'action au niveau communautaire se heurtent également à la problématique budgétaire puisque les ressources consacrées au soutien de marché à cause de la maladie de la vache folle risquent d'épuiser le budget. La première difficulté est donc de nature budgétaire.

Pour les oléagineux, nous avons une marge au moins jusqu'à la future renégociation, même si ce commentaire est un peu théorique, c'est-à-dire une possibilité de remonter les aides pour autant que, là aussi, on puisse faire marche arrière par rapport à l'Agenda 2000 sans excéder les quelque 5 millions d'hectares dont j'ai parlé.

Pour les protéagineux, les possibilités, sous réserve des contraintes budgétaires, peuvent être théoriquement mobilisées à beaucoup plus court terme. En effet, nous ne sommes pas liés au cadre de Blair House et de l'OMC. Il reste un tout petit risque que l'affaire ne soit pas tout à fait conforme aux règles de l'OMC en raison d'une clause qui a été souscrite quant à la non-augmentation des soutiens, mais je pense que ce risque est voisin de zéro. En tout cas, j'estime qu'il mériterait d'être couru.

Il reste, en théorie, la possibilité de relever les aides aux fourrages déshydratés ainsi que les quantités consacrées à ces productions.

Enfin --cela peut être à la fois un effort national et communautaire--, l'amélioration de la teneur en protéines de nos blés, y compris des blés fourragers, peut être un élément constitutif d'un redressement de la situation.

Voilà, monsieur le Président, les quelques éléments économiques que je voulais porter à votre connaissance.

M. le Président - Merci. Voulez-vous nous faire un bref exposé, madame, ou passe-t-on directement aux questions ?

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Vous m'avez indiqué qu'il était inutile que je rappelle le détail de l'évolution de la réglementation. Puisque vous m'en offrez l'occasion, j'appellerai donc votre attention sur le fait que cette réglementation a évolué depuis 1989 à la lumière des connaissances scientifiques et qu'en particulier, il me paraissait important de rappeler une série d'événements qui ont contribué à cette évolution.

En effet, en ce qui concerne l'évolution de la réglementation, on peut retenir trois principales étapes.

La première période se situe entre 1989 et 1993. En effet, à la fin des années 80, l'ESB était une maladie considérée comme exclusivement animale et donc non susceptible d'être transmise à l'homme car les connaissances scientifiques, à cette époque, n'étaient pas suffisantes : les premiers éléments scientifiques qui ont montré que cette maladie pouvait éventuellement être transmise à d'autres animaux concernent le chat, au premier semestre de l'année 1990.

Par ailleurs, dans un premier temps, ce problème a été spécifique au Royaume-Uni et à l'Irlande et c'est ce qui a conduit les autorités françaises, à cette époque, à prendre des mesures à l'égard de ces pays.

Les premiers éléments concernant le mode de transmission au cheptel par l'intermédiaire des farines animales datent de cette période. Il y avait des doutes à cette époque, ce qui a conduit les autorités françaises, dès 1990, à interdire l'utilisation de ces farines animales dans l'alimentation des bovins, dans un premier temps, puis de l'ensemble des ruminants, dans un deuxième temps, ce qui a été repris au niveau communautaire.

Ensuite, au cours de la période de 1993 à 1996, des travaux communautaires ont été réalisés, notamment sur les conditions de traitement et le tri des déchets.

J'attire votre attention sur un élément particulier parce que cela a conduit à modifier la situation pour les services de contrôle : l'entrée en vigueur du marché unique et le fait qu'il n'y avait plus de contrôle systématique à l'entrée sur le territoire français des produits importés des autres États-membres et, en particulier, des farines animales ou des aliments destinés au bétail.

On peut donc considérer qu'à cette période, à partir du 1er janvier 1993, les contrôles ont pu être allégés par rapport à ces importations en provenance d'autres pays de l'Union européenne.

La dernière période, qui est importante et que je ferai remonter à 1996, a commencé par l'annonce par le gouvernement britannique de la possible transmission de cette maladie à l'homme, qui a conduit les autorités françaises puis, plus tard, les autorités communautaires, d'une part, à gérer ce dossier et à prendre des réglementations comme si cette maladie était susceptible de se transmettre à l'homme, avec des décisions très importantes portant notamment sur le retrait de ce que l'on appelle "les matériels à risques spécifiés de la chaîne alimentaire", aussi bien humaine qu'animale, c'est-à-dire de tous les tissus susceptibles d'être contaminants et de transmettre la maladie de l'ESB ; d'autre part, à mettre en oeuvre un certain nombre de mesures relatives, au-delà du tri des matériels, au traitement à appliquer à ces farines afin d'inactiver les éventuels prions qui pourraient se trouver encore dans ces produits.

Voilà ce que je voulais rappeler très rapidement pour vous montrer que la lecture de l'évolution réglementaire se fait aussi à la lumière de l'évolution des connaissances scientifiques.

La Direction générale de l'alimentation, qui est chargée de veiller au contrôle de la qualité et de la sécurité de l'alimentation, est chargée d'une partie des contrôles de l'utilisation d'un certain nombre de déchets animaux dans l'alimentation animale et partage cette compétence avec la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et, pour ce qui concerne aussi les importations, avec la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI).

Ces compétences ont d'ailleurs évolué au fil des ans. En revanche, il y a toujours eu une coopération importante entre les services de la Direction générale de l'alimentation, c'est-à-dire les services vétérinaires départementaux, et les services de la DGCCRF soit pour que nous menions des actions conjointes, soit pour répartir nos moyens sur le terrain afin d'éviter les doublons dans les contrôles qui sont faits aussi bien dans les élevages que dans les équarrissages, les usines de fabrication de farines animales ou dans les usines de fabrication d'aliments pour le bétail.

Si vous le souhaitez, j'ai un certain nombre d'informations sur les résultats qui ont été obtenus concernant ces différents points au cours de l'année précédente, pour ne prendre que cet exemple, et qui reprennent les constats que l'on a pu faire tout au long de la filière.

Voilà ce que je voulais indiquer à titre liminaire avant que vous nous posiez des questions.

M. le Président - Je vous remercie, madame. Nous allons passer à la partie questions. Je donne pour cela la parole à M. Bizet, rapporteur de la commission, pour qu'il pose les premières questions.

M. Jean Bizet, rapporteur - Merci, monsieur le Président. J'ai une première série de quatre questions.

Première question : êtes-vous en possession des rapports d'enquête de la Brigade nationale d'enquêtes vétérinaires et, si oui, pouvez-vous les communiquer à notre commission d'enquête ?

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - J'ai en effet des documents qui me viennent de la Brigade d'enquête vétérinaire et sanitaire, qui est un service de la Direction générale de l'alimentation. J'ai également avec moi les rapports qui ont été faits par cette brigade sur les enquêtes qui sont réalisées à chaque fois que nous avons détecté un cas d'ESB dans un troupeau. Dans ce cas, vous savez que nous faisons ce qui s'appelle une enquête alimentaire, c'est-à-dire que nous remontons le cours des trois années précédentes et regardons tous les aliments et toutes les pratiques d'élevage qui ont été mis en oeuvre dans cet élevage pour voir si nous arrivons à identifier précisément le fait qu'il a pu y avoir des farines animales ou des aliments qui n'étaient pas destinés à ce troupeau.

J'ai donc un certain nombre d'éléments avec moi que, bien évidemment, je peux vous communiquer.

M. le Rapporteur - Sur ce point précis --et je parle sous l'autorité du président et de mes collègues--, lors d'une récente visite sur le terrain, notamment dans les Côtes d'Armor, nous avons pu auditionner trois entreprises de fabrication d'aliments du bétail et nous avons été assez surpris, compte tenu du nombre d'animaux contaminés dans ce département, de constater qu'aucun des trois principaux fabricants de ce département ne se dit « responsable » et qu'aucun des animaux incriminés n'aurait consommé d'aliments provenant de ces trois producteurs d'aliments du bétail.

Avez-vous quelques informations à nous donner sur le département des Côtes d'Armor, puisque c'est le premier département français touché au regard du nombre d'animaux contaminés ?

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - J'ai avec moi le rapport annuel qui est fait par la Brigade pour les années 1997 et 1998. Pour l'année 1998, ce rapport avait été rendu public, c'est-à-dire qu'il avait été mis en ligne sur le site Internet du ministère de l'agriculture et de la pêche. Le rapport 1999, que j'ai entre les mains, n'a pas été rendu public mais il peut vous être remis. Cependant, je ne suis pas en mesure de vous indiquer tout de suite s'il fait référence aux éléments que vous évoquez en ce qui concerne les Côtes d'Armor.

M. le Rapporteur - La commission va les éplucher avec attention.

J'en viens à ma deuxième question : disposez-vous de statistiques précises sur l'importation des farines animales non seulement d'Angleterre mais également d'autres pays tiers comme la Belgique, les Pays-Bas ou l'Irlande et, au-delà des farines, sur les abats et les carcasses ?

Lors des précédentes auditions, nous avons également pu noter que l'importation des abats, en 1994-1995, a subi une certaine inflation et qu'en ce qui concerne précisément les carcasses, on sait que la traçabilité proprement dite, notamment en matière de restauration collective ou en foyer, laisserait à désirer. Avez-vous des chiffres précis sur ces niveaux d'importation en farine, abats et carcasses ?

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Pour ma part, je n'ai pas ce type d'information puisqu'il s'agit d'une compétence de la Direction générale des douanes et des droits indirects, qui est chargée de ce travail de statistiques.

M. le Rapporteur - Elles ne vous sont pas transmises ?

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - J'en ai connaissance, mais cela ne relève pas de la compétence de ma direction générale.

En revanche, pour répondre à votre question, puisque vous souhaitez savoir si ces chiffres ont été portés à notre connaissance et s'ils ont pu être éventuellement utilisés, notamment dans le cadre d'une évaluation des risques d'exposition de la population française ou de notre cheptel à la maladie, je peux vous dire que ces données ont pu être utilisées notamment par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments lorsqu'elle a travaillé sur la possible exposition de la population française à des produits bovins importés en provenance du Royaume-Uni.

Les statistiques ne relèvent pas de la compétence de ma direction générale. En revanche, lorsqu'on procède à des évaluations du risque, on peut avoir à prendre connaissance de données statistiques et à les prendre en compte, bien évidemment.

Je peux indiquer aussi que, s'agissant des matériels à risques spécifiés, sur lesquels la France a été l'un des premiers pays, dans l'Union européenne, à adopter une liste à la suite de l'annonce par le gouvernement britannique de cette possible transmission à l'homme, toutes les mesures que nous avons prises s'appliquaient à la fois à notre propre production nationale et aux importations. Cela veut dire que nous n'avons pas importé du Royaume-Uni ou d'autres pays de l'Union européenne, depuis 1996, des produits qui auraient été exclus de la chaîne alimentaire en France. Je pense en particulier à la cervelle, à la moelle épinière et à d'autres matériels à risques spécifiés. A chaque fois, nous avons pris une réglementation qui s'appliquait à notre production nationale ainsi qu'aux produits importés en provenance d'autres pays de l'Union européenne.

M. le Rapporteur - J'en viens à ma troisième question : pourquoi les farines animales n'ont-elles pas été interdites plus tôt compte tenu des risques de contamination croisée qui, eux, avaient été mis en lumière assez tôt ? Pourquoi a-t-on remis en vigueur les trois critères de fabrication des farine (la température, la pression et la durée) alors que, précisément, elles ont été à nouveau obligatoires en 1996 --je le dis de mémoire-- que l'interdiction des farines animales sur l'alimentation bovine datait de 1990 et que l'on a su assez rapidement que, compte tenu du mode de fabrication des farines pour les différentes filières, il y avait des contaminations croisées assez faciles ?

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - D'une part, pour ce qui concerne ce que vous appelez les contaminations croisées, il existe toujours des risques. Il reste que, lors des contrôles que nous réalisons et des enquêtes qui ont pu être faites par la Brigade, on peut mettre en évidence certaines contaminations qui peuvent avoir lieu soit au moment du transport, soit, le cas échéant, chez l'éleveur, lorsque celui-ci dispose à la fois d'un atelier bovin et d'uns atelier porcin, pour ne prendre que cet exemple.

En tout cas, les données qui résultent des contrôles que nous avons effectués ne révèlent pas de contaminations croisées massives. Il a pu exister ce type de difficulté et nous avons pu parfois le mettre en évidence, mais cela n'a pas représenté, à ma connaissance, des volumes considérables.

L'autre partie de ma réponse concerne le traitement qui devait être appliqué à ces farines animales et qui visait à inactiver, une fois que l'on avait procédé au tri (puisqu'il convient d'abord de trier et d'éviter que n'entrent dans la chaîne alimentaire, y compris pour les animaux, des matériels à risques spécifiés ou toute autre matière contaminante), et à traiter ces farines. Cela s'est fait, en France --vous avez raison de le dire--, sur la base d'une décision nationale puis d'une décision communautaire. Par conséquent, il y avait là un double verrou.

En fait, ce verrou était triple avec

- le tri des déchets, en évitant de faire entrer dans la chaîne alimentaire, y compris animale, des matériels susceptibles d'être contaminants,

- la question du traitement visant à inactiver les éventuels tissus qui auraient pu encore contenir du prion,

- le contrôle de destination qui est lié à l'interdiction de l'utilisation de ces farines dans l'alimentation des animaux.

Sur la contamination croisée, comme je vous l'ai dit, à ma connaissance, il n'y avait pas de mise en évidence de contaminations massives, sachant que, par ailleurs, d'autres précautions ont été prises : le tri et le traitement.

M. le Rapporteur - Je me permets de vous interrompre. Entre 1990 et 1996, il s'est écoulé six ans pour retirer, dans un premier temps, les matériaux à risques spécifiés, effectivement, mais aussi pour remettre en vigueur les 133 degrés, les trois bars et les 20 minutes. Ce qui nous soucie, c'est qu'il a fallu six années pour réagir, entre 1990 et 1996.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Les connaissances que nous avions sur les procédés d'inactivation du prion et le fait que ces farines animales étaient bien à l'origine de la contamination des cheptels ne sont pas celles que nous avons aujourd'hui. Comme je l'ai indiqué en préambule, à la fin des années 80 et au début des années 90, nous avions des connaissances bien modestes par rapport à celles que nous avons aujourd'hui, qui sont encore des connaissances modestes par rapport à celles que nous aurons probablement demain.

Il est clair que, dès 1990, nous avons interdit l'utilisation de ces farines chez les bovins. Cela a été une mesure importante qui, précisément, visait à éviter la transmission possible de la maladie aux bovins, qui ne s'est jamais manifestée dans les autres espèces, les porcs ou les volailles.

En 1994, nous avons étendu cela --et ce fut aussi une décision communautaire-- à l'ensemble des ruminants et ce n'est qu'en 1996, lorsque l'ampleur du problème est devenue beaucoup plus importante et qu'il y a eu ces annonces du gouvernement britannique, que nous avons eu des recommandations du Comité Dormont. Elles consistaient à instaurer différents verrous de sécurité pour renforcer notre dispositif de protection à la fois de la santé des animaux mais aussi, et surtout, de la protection du consommateur, avec des mesures visant au tri, au traitement et au contrôle de la destination.

Voilà la manière dont la réglementation a évolué sur ce sujet.

M. le Président - Vous nous avez dit tout à l'heure que vous aviez les rapports de la Brigade d'enquête vétérinaire sur 1998 et non pas ceux de 1999 ni de 2000. Cela nous étonne beaucoup, parce que c'est quand même un sujet extrêmement important. Si vous n'avez pas le résultat des enquêtes de la Brigade nationale, cela me paraît curieux.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Cela dépend des résultats dont on parle. S'il s'agit des enquêtes épidémiologiques, ce que j'ai appelé les enquêtes alimentaires faites par la Brigade, j'ai le rapport jusqu'en 1999 mais je n'ai pas les éléments pour 2000. Je précise que ce sont des enquêtes très lourdes.

M. le Président - Vous avez donc ceux de 1999 et vous pourrez nous les communiquer.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Absolument. Je m'y suis engagée et cela ne me pose aucun problème.

En revanche, nous avons des résultats de contrôles effectués par nos services déconcentrés aux différentes étapes de la filière, c'est-à-dire de l'éleveur jusqu'au fabricant de farines animales pour détecter d'éventuelles non-conformités liées soit à des contaminations croisées, soit à des insuffisances dans le traitement de ces farines animales.

M. le Président - Donc vous nous les fournirez tout à l'heure.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Oui. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'anonymiserai ces éléments. Lorsque des constats de non-conformité ont été faits, j'en ferai une présentation statistique et donc anonyme.

M. le Président - Vous savez que la commission d'enquête a droit à tous les renseignements et qu'elle a besoin des noms. Il ne faut rien anonymiser. Nous vous les demandons tels quels. C'est dans notre mission et c'est notre rôle. Sinon, comment voulez-vous que nous procédions ? Nous ne pouvons pas faire un rapport évanescent.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Ce que je vous donne n'est pas évanescent mais extrêmement précis.

M. le Président - Donc vous laisserez les noms.

M. le Rapporteur - J'ai une dernière question : comment imaginez-vous rendre plus transparente, à la fois pour les éleveurs et les consommateurs, l'alimentation animale ? Je me doute que vous avez, au niveau de la DGAL, une idée bien précise sur la question et je voudrais donc connaître la position du ministère sur ce point.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Nous avons déjà conduit un certain nombre d'actions au cours des dernières années et nous avons beaucoup travaillé avec ce secteur en lien avec la maladie de la vache folle, mais aussi sur d'autres dossiers, pour augmenter la transparence et améliorer les pratiques professionnelles.

Je n'ai pas évoqué ce point puisque vous n'avez pas souhaité que je détaille la réglementation, mais nous avons élaboré un certain nombre de guides en étroite concertation entre mes services et les professionnels sur l'utilisation des matières premières en alimentation animale et sur la manière d'éviter les contaminations croisées en identifiant les postes dans lesquels il y avait des risques et donc en veillant à faire des recommandations aux professionnels dans ce sens.

Par ailleurs, comme vous le savez, des travaux communautaires ont été faits sur l'étiquetage et ils visent à compléter les mentions d'étiquetage afin de permettre aux éleveurs d'avoir une meilleure connaissance des matières qui ont été utilisées pour la fabrication des aliments qu'ils donnent à leurs animaux. Une position commune a récemment été adoptée sur ce sujet et elle va permettre de franchir une nouvelle étape dans l'amélioration de la transparence de cette filière.

M. le Rapporteur - C'est tout ce qui concerne ce qu'on appelle le livre blanc au niveau communautaire, si ma mémoire est bonne. La position du ministère français est-elle bien claire, justement, sur ce qu'on appelle la liste positive ? En effet, la Commission préconise plutôt la liste positive alors qu'au niveau du Conseil, on n'a pas tout à fait la même approche. Le ministère français est-il pour la liste positive ? Cela m'apparaîtrait beaucoup plus sain et beaucoup plus transparent en la matière.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Vous faites référence à une liste positive de matières premières que l'industrie serait autorisée à incorporer dans l'alimentation animale ?

M. le Rapporteur - Il s'agit d'une liste exhaustive de matières premières, sans autres ingrédients, alors que, de mémoire, le Conseil était plutôt favorable à une liste négative en disant  : "il est interdit d'utiliser telle ou telle chose". Il me semble que, tous les jours, cette liste négative peut être mis en défaut alors qu'une liste positive est plus coercitive, certes, mais beaucoup plus claire.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - La position que la France a défendue jusque là a consisté à dire que, sans rejeter fondamentalement l'idée d'une liste positive, ce n'était pas forcément la panacée et la solution à tous les problèmes. Certaines difficultés que nous avons rencontrées et qui sont liées à des contaminations dans l'alimentation animale montrent que, parfois, ces difficultés n'auraient pas du tout trouvé de réponse dans une liste positive puisque, par exemple, certains additifs qui nous ont posé des problèmes étaient autorisés. Ce n'est donc pas une réponse absolue.

Nous avons plutôt plaidé pour un dispositif qui visait à une bonne surveillance des opérateurs avec la mise en place d'un agrément systématique des opérateurs et des contrôles réguliers afin de s'assurer des matières premières qui sont utilisées, sachant que, par ailleurs --vous avez raison de le dire--, il est important qu'à chaque fois que nous avons connaissance du fait que telle ou telle matière première est susceptible de présenter un risque pour la santé des animaux et pour la santé humaine, on puisse interdire l'utilisation de ces matières premières dans l'alimentation des animaux. C'est ce que nous avons fait au fil des ans.

M. le Président - Très bien. Je donne la parole à M. Blanc.

M. Paul Blanc - Monsieur le Président, je souhaite poser quelques questions qui complètent ce qui vient d'être dit.

La première concerne ce que l'on appelle la traçabilité. Pour chaque cas d'ESB qui a été répertorié, le ministère est-il capable, aujourd'hui, de déterminer quels étaient le ou les fournisseurs de l'éleveur ?

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - C'est ce que j'indiquais tout à l'heure sur les enquêtes alimentaires.

M. Paul Blanc - Allez-vous jusqu'à voir cela pour chaque cas ?

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Chaque cas détecté, dans le cadre de ce que nous appelons notre système d'épidémio-surveillance, fait l'objet d'une enquête alimentaire beaucoup plus large avec un certain nombre de vérifications au cours des trois années. Ces enquêtes sont systématiques et, bien évidemment, nous arrivons à identifier, au cours des années précédentes, les opérateurs de l'alimentation animale qui ont pu livrer des aliments à cette exploitation.

Cela dit, pour aller plus loin dans la réponse à votre question, nous n'arrivons pas systématiquement à mettre en relation directe le fait qu'il soit apparu un cas d'ESB avec la consommation d'un aliment pour animaux. Ce sont des enquêtes extrêmement compliquées mais nous arrivons parfois à déceler que des aliments qui n'étaient pas destinés aux bovins ont pu leur être donnés, ce qui ne veut pas forcément dire que les aliments en question étaient contaminants, comme je l'ai indiqué tout à l'heure.

M. Paul Blanc - Je parle des fournisseurs.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Nous les identifions lorsque nous retrouvons les documents, mais l'obligation est très récente, pour l'éleveur, de conserver suffisamment longtemps un certain nombre de documents pour que nous puissions identifier l'ensemble des fournisseurs d'aliments pour animaux.

Maintenant, les éleveurs doivent conserver ces documents pendant une période de cinq ans, ce qui va faciliter notre travail.

M. Paul Blanc - En poussant l'enquête plus loin, êtes-vous arrivée à déterminer, pour ces aliments qui ont été donnés et qui auraient pu être contaminants, quel était l'impact des farines en provenance d'Angleterre ? Peut-on aller jusque là ?

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Il faudrait que je vérifie cela à nouveau dans les rapports antérieurs à l'année 1997 (en effet, n'ayant pris mes responsabilités qu'au mois d'août de l'année dernière, je n'ai pas pris connaissance --vous m'en excuserez-- des rapports antérieurs à l'année 1997), sur une période qui aurait pu concerner des cas liés à des importations de farines britanniques. Je ne peux donc pas répondre aujourd'hui à cette question.

M. le Président - Mais vous pourrez nous faire parvenir une réponse.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Je vous ferai parvenir une réponse sur ce point particulier, bien évidemment.

M. Georges Gruillot - Votre enquête, en fait, ne remonte qu'à trois ans.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Il existait des rapports annuels de la Brigade. Je veux simplement dire que les rapports que j'ai avec moi et ceux dont j'ai pris connaissance sont postérieurs à 1997.

M. Georges Gruillot - A combien d'annéeS remonte l'enquête sur l'alimentation des étables où il y a eu des cas d'ESB ? Vous avez parlé de trois ans tout à l'heure.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Les enquêtes que nous menons à chaque fois que nous détectons un cas d'ESB nous permettent de remonter aussi loin que nous le souhaitons et, en particulier, jusqu'à la date de naissance de l'animal. Pour des enquêtes que nous avons réalisées en 1995, cela peut être des animaux qui sont nés en 1990, voire avant, puisque les animaux sont en moyenne âgés de cinq ans.

Les rapports que j'ai, moi, ne datent que de 1997, mais cela ne signifie pas qu'il n'y a pas eu des recherches auparavant sur des animaux nés bien antérieurement.

M. Georges Gruillot - Pour le cas que l'on a trouvé hier matin, vous pourrez remonter éventuellement à 1994 ou 1995 ?

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Oui, bien sûr.

M. Georges Gruillot - Quand on le peut, en fait.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Absolument. Lorsque nous disposons encore des documents et quand nous les retrouvons, nous les prenons bien évidemment en compte. Nous ne nous interdisons pas de remonter aussi loin que possible.

M. Paul Blanc - Une note de service de la DGAL du 11 septembre 1998 a prescrit des contrôles vétérinaires systématiques dans les unités de fabrication des aliments composés en vue de la recherche de contaminations croisées. Avez-vous le bilan de ces contrôles et, à la limite, ne pensez-vous pas qu'on aurait pu le prévoir plus tôt, puisque l'interdiction des farines pour les bovins date de juillet 1990 ?

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Je n'ai pas à ma disposition les résultats de cette enquête.

M. le Président - Si vous voulez que votre collaboratrice s'exprime, elle peut le faire, bien sûr, puisque je lui ai fait prêter serment. Je comprends bien que vous ne pouvez pas avoir tout en tête. Il est donc tout à fait logique et normal que votre collaboratrice, si elle le souhaite, s'exprime directement.

Mme Bénédicte Herbinet - En ce qui concerne les contrôles effectués chez les fabricants d'aliments composés, une note de service conjointe entre la DGAL et la DGCCRF, qui avait été faite en 1996 à la suite d'une note précédente de 1990, prévoyait que ce contrôle relevait principalement des compétences de la DGCCRF. Par conséquent, les actions que nous avons faites nous-mêmes venaient en plus pour aider les DSV, qui se posaient des questions par rapport à ces problèmes de contamination et qui nous avaient sollicités pour savoir quelle conduite ils pouvaient tenir s'ils cherchaient à évaluer les possibilités de contamination des aliments pour ruminants par des farines animales, notamment chez les fabricants.

Il est clair que, puisque leur mission principale était plutôt de contrôler la mise en place des nouvelles règles en termes de déchets et de traitement des produits animaux, ils se sont rendus en priorité chez les équarrisseurs et je ne pense pas que l'on puisse considérer que tous les départements ont eu les moyens de faire une visite systématique. Ceux qui ont pu le faire nous ont fait remonter les éventuels problèmes qu'ils ont pu constater.

Nous avons donc récupéré des informations plutôt d'ordre qualitatif que quantitatif.

M. Paul Blanc - En clair, si j'ai bien compris, une note du 11 septembre 1998 a prescrit un certain nombre de contrôles mais elle n'a pas pu être appliquée dans tous les départements du fait d'une insuffisance de moyens.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Non pas du fait d'une insuffisance de moyens mais parce que les DSV ont mobilisé l'essentiel de leurs moyens sur ce qui relevait de leurs compétences premières et que cette action était en fait une action complémentaire de celle de la DGCCRF et visait à répondre à des sollicitations de certains départements.

Il est possible que certains départements aient apporté des réponses à cette sollicitation, mais on peut dire que, probablement, tous les départements n'ont pas répondu à cette sollicitation.

M. Paul Blanc - Il semble qu'il y ait effectivement beaucoup de notes de service et de circulaires. Pourriez-vous communiquer à la commission l'ensemble des notes de service ou circulaires éditées depuis 1988 à votre initiative concernant l'ESB ?

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Vous voulez l'ensemble des notes de service entre 1988 et 2000 ?

M. Paul Blanc - Oui.

M. le Président - On vous laisse le temps de les réunir. Nous savons bien que vous ne les avez pas sous le bras ni sous le coude. Vous comprendrez que, pour notre commission d'enquête, qui travaille jusqu'au mois de mai, il se pose des questions importantes et primordiales telles que celle qui vient d'être posée. En effet, c'est justement à partir du calendrier que nous essayons de comprendre comment les choses se sont passées et pourquoi elles se sont passées ainsi.

Cela n'accuse personne, et surtout pas vous, puisque vous n'étiez pas en poste.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Ce n'est pas du tout le problème.

M. le Président - En revanche, toutes ces notes qui ont pu être diffusées au fur et à mesure de l'évolution sont très importantes. Comme vous le disiez tout à l'heure, il est vrai qu'il est plus facile de juger aujourd'hui avec les connaissances que l'on a par rapport à des décisions qui étaient à prendre dix ou quinze ans auparavant. Nous comprenons parfaitement que ce n'est pas du tout la même chose, mais il s'agit justement de voir l'évolution. C'est ce que vous demande notre collègue Blanc et c'est extrêmement important.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Vous souhaitez donc avoir l'ensemble des notes de service relatives à tout ce qui a trait aux farines animales entre 1988 et aujourd'hui ?

M. Paul Blanc - C'est bien cela.

M. Jean-François Humbert - Avec l'autorisation de notre collègue Blanc, je souhaiterais compléter la demande par la production, depuis 1990 jusqu'en 1999, des fameux rapports dont vous nous avez dit être en possession en dehors de l'année 2000, ce qui est somme toute logique, puisque nos sommes au début de l'année 2001.

Avez-vous, dans vos services --et je pense que la réponse sera positive--, l'ensemble des rapports annuels auxquels nous avons fait allusion à plusieurs reprises et qui pourraient être un complément d'information très important pour la commission d'enquête ?

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Tout à fait. J'ai le sentiment de m'être déjà engagée à les transmettre.

M. Jean-François Humbert - On ne comprend pas toujours la première fois. Donc pardonnez-nous de vous poser plusieurs fois les mêmes questions.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Je vous en prie.

M. Paul Blanc - Je poursuis mes questions. Votre direction avait-elle envisagé, parmi les mesures à prendre, l'interdiction totale des farines avant le 25 octobre 2000 ?

M. le Président - Tu veux dire avant le 14 novembre 2000 ?

M. Paul Blanc - Je le demande avant le 25 octobre 2000 car c'est plus pointu. Est-ce que c'était dans les tuyaux ? Est-ce que vous y pensiez ?

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Il est difficile de vous répondre. Je peux vous dire que, pour ma part, j'y avais songé mais que je ne suis là que depuis le mois d'août 2000. Je peux indiquer aussi qu'il me semble, pour avoir eu l'occasion de tomber dessus, que quelques notes de réflexion internes à l'administration avaient pu envisager en effet cette solution.

M. le Président - Ce sont ces notes qui nous intéressent aussi.

M. Paul Blanc - Je voudrais compléter. Ce que vous dites là me paraît très important. Comme le dit le président, lorsque ces mesures ont été envisagées, n'y a--t-il pas eu quelques pressions de la part des industriels qui, eux, n'en voyaient pas la nécessité ?

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Pas à ma connaissance. Je tiens à vous rappeler aussi qu'en 1999, le ministre de l'agriculture a transmis à la Commission européenne un mémorandum sur cette question dans laquelle il recommandait l'interdiction des farines animales.

M. Paul Blanc - Si je ne me trompe pas, le ministre avait également parlé d'une éventuelle catastrophe écologique si l'on supprimait totalement ces farines.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Il l'avait fait parce que, à l'époque, c'était l'appréciation que l'on avait. Après avoir travaillé sur cette question et approfondi la réflexion, certaines difficultés qui paraissaient insurmontables ont pu être levées. C'est une mesure qui n'était pas simple à mettre en oeuvre. La preuve en est qu'il a fallu mobiliser des moyens importants, comme vous le savez.

La Mission interministérielle pour l'élimination des farines est mobilisée et les conditions de stockage ne sont pas simples. Comme vous le savez, beaucoup de nos concitoyens ne souhaitent pas les avoir au proximité de chez eux.

M. le Président - Nous allons voir le préfet Proust après vous.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Il pourra donc vous exposer tout cela. Tous ces éléments devaient être pris en compte dans la réflexion que les pouvoirs publics conduisaient sur ce sujet de l'interdiction des farines animales, sachant que, sur le plan sanitaire, beaucoup de mesures avaient déjà été prises pour en assurer un usage très restreint sur le tri, les traitements, etc.

Il ne s'agissait donc pas, a priori, de matériels ou de produits hautement dangereux.

M. Paul Blanc - Ma dernière question s'adresse plutôt à M Toussain, qui nous a parlé de farines de poisson : est-ce que, dans les farines de poisson, on peut utiliser de la viande et des os de bovins ?

M. Rémi Toussain - Je vous communiquerai la réponse par écrit car je ne le sais pas.

M. le Président - Je passe donc la parole à M. Humbert.

M. Jean-François Humbert - Pour me faire pardonner, madame, d'avoir osé poser la même question pour la deuxième fois, je vous en poserai une autre. Quels sont les types de rapports, en dehors de ceux que nous avons évoqués deux fois, qui sont en possession de vos services et, si d'autres rapports existent, êtes-vous en mesure et avez-vous la volonté de les communiquer, pour ceux qui existeraient depuis au moins 1990 ?

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - La réponse est oui, mais vous faites allusion à des rapports qui font état de quel type de données et d'informations ?

M. Jean-François Humbert - Je parle de rapports qui pourraient par exemple parler de la maladie de la vache folle et du lien entre cette maladie et les farines animales, d'un ensemble de rapports qui pourrait être en votre possession sur le sujet qui nous préoccupe. Sur le reste, bien évidemment, nous n'avons pas l'intention de savoir tout ce qui se passe chez vous. Ce n'est pas l'objet de cette commission d'enquête.

Vos services ont-ils entre les mains d'autres rapports que le rapport annuel que vous avez évoqué ? C'est une question tout à fait naïve. Il n'y a pas d'arrière-pensée de ma part ; j'essaie de savoir, tout simplement.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - La difficulté, c'est que vous comprendrez qu'entre 1988 et 2000, on a une masse de documents très importante qui ont concerné ces sujets. A ma connaissance, il n'y a pas eu de rapports spécifiques sur ce sujet.

Dans la salle . - Ce sont les notes de service.

M. Jean-François Humbert - Au-delà des notes de service et de ce fameux rapport annuel, une autre partie de votre administration produit-elle chaque année un rapport sur cette inquiétante question et non pas sur tous les sujets, bien évidemment ? Notre souci, comme le président vous l'a rappelé, est d'essayer de comprendre. Plus nous aurons d'éléments émanant de ceux qui suivent cela au quotidien depuis 1990, vous et d'autres, plus nous serons à même d'essayer de comprendre.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Je peux vous transmettre en effet la totalité des notes de services qui ont été faites sur les farines animales ainsi que tous les rapports de la Brigade qui contiennent des enquêtes alimentaires. Je peux aussi, si vous le souhaitez, vous transmettre une note de synthèse qui rappelle la manière dont les pouvoirs publics ont procédé...

M. le Président - Nous aimerions autant les notes de service, c'est-à-dire les notes directes, plutôt qu'une note de synthèse que vous feriez, non pas par suspicion, bien au contraire, mais pour mieux comprendre comment les choses se sont passées. En effet, quand on visite un certain nombre de fabricants d'aliments du bétail, ils disent pour la plupart que, bien avant la décision de 1990 visant à interdire les farines animales pour l'alimentation des bovins, ils avaient supprimé l'addition de farines animales dans ces aliments.

A partir du moment où des professionnels disent --et on a tout lieu de les croire-- qu'ils ont d'eux-mêmes supprimé certains produits alors que la réglementation ne les incitait pas à le faire, comment se fait-il que la décision officielle ait été prise beaucoup plus tard ? Cela veut dire que tout le monde était au courant ou que tout le monde savait quelque chose dans les années 1987, 1988 ou 1989 alors que la décision n'a été prise qu'en 1990.

Il doit donc bien y avoir des notes de service qui parlent de cela puisque nous l'avons entendu sur le terrain. Vous comprenez pourquoi nous aurions besoin de comprendre, sachant que nous ne pouvons le faire que par ce qui s'est passé à travers des organismes et des services tels que le vôtre.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Il y a un malentendu sur ce qu'on entend par « notes de service ». Je pensais à des ordres de service, c'est-à-dire à des instructions envoyées à nos services déconcentrés alors que vous faites référence, vous, à des documents qui, par exemple, ont permis l'élaboration de la décision relative soit à l'importation, soit à l'interdiction des farines.

Je peux en effet retrouver ces documents. Ce sont des notes internes à l'administration ou des comptes-rendus de réunions que je peux vous transmettre, y compris l'avis qui avait été formulé par la Commission interministérielle et interprofessionnelle de l'alimentation animale, qui avait recommandé aux pouvoirs publics d'interdire l'utilisation des farines dans l'alimentation des ruminants et qui a débouché sur l'arrêté de 1990.

Je peux vous transmettre tous ces éléments, bien sûr.

M. le Président - On peut supposer aussi qu'il peut y avoir des lettres ou des notes d'un DSV de tel département qui, lui aussi, écrivait pour faire remonter ce qu'il observait sur le terrain. C'est cela qui nous intéresse.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Je vous rappelle que le premier cas de vache folle, en France, date de 1991.

M. le Président - Le premier cas officiel, en effet, mais il a pu y avoir des observations. Je suppose que des DSV départementaux ont pu avoir des observations qu'ils ont fait remonter au niveau du service que vous dirigez. C'est cela que nous avons besoin de savoir.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Je n'en ai pas connaissance.

M. le Président - Vous nous avez dit que vous n'étiez là que depuis le mois d'août 2000.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - C'est vrai, mais on a déjà porté à ma connaissance un certain nombre d'éléments puisque, sur cette question des farines animales, vous n'ignorez pas que des instructions judiciaires sont en cours. J'ai donc été amenée à répondre, notamment au juge d'Epinal, sur cette question et j'ai pris connaissance d'un certain nombre de documents. Je peux donc vous transmettre les documents auxquels j'ai fait référence.

M. le Président - Je passe la parole à Michel Souplet.

M. Michel Souplet - Ma question sera d'un ordre tout à fait différent et elle s'adresse plutôt à M. Toussain. Nous avons écouté tout à l'heure avec beaucoup d'intérêt les chiffres qu'il nous a proposés. Je me mets à la place des éleveurs qui sont inquiets et découragés. J'ai déjà dit il y a quelques mois qu'il y aura probablement plus de morts par suicide chez les éleveurs dans un an qu'il n'y aura eu de victimes de la vache folle. C'est malheureux mais ce n'est pas notre fait.

Aujourd'hui, nous aimerions avoir plus d'éléments sur les productions de substitution. Si j'ai bien compris votre exposé de tout à l'heure, monsieur Toussain, il faudrait que l'on puisse, en France, faire 250 000 hectares de pois protéagineux en plus ou bien du colza dans des conditions plus importantes en surface. Or, compte tenu des surfaces mises en jachère actuellement, il ne devrait pas être trop difficile de faire 240 000 hectares de plus.

Quant aux oléagineux, on est coincé par les accords de Blair House. Cependant, les accords de Blair House étant liés à des surfaces, est-on capable, sur le plan de la recherche, de sortir très rapidement des variétés nouvelles en oléagineux qui ne seraient plus des oléagineux à vocation alimentaire directe pour l'homme mais qui pourraient servir dans les apports de farines de complément ? Ce serait vraiment intéressant parce qu'on ne peut pas jouer sur les surfaces mais sur les rendements.

En revanche, pour les protéagineux, sachant que nous ne sommes pas liés par les surfaces, il ne me paraît pas impossible de produire 240 000 hectares. Malheureusement, les prix actuels des pois protéagineux n'encouragent pas les agriculteurs à en produire. Peut-on envisager des mesures qui permettent de faire très vite 250 000 hectares de production en plus ?

M. Rémi Toussain - Sur le plan purement quantitatif et mécanique, vous avez tout à fait raison concernant le pois. Il y a eu une désaffection à l'égard de cette production en raison de la diminution des soutiens communautaires, mais aussi pour un certain nombre d'autres raisons.

La principale solution va dans le sens d'un meilleur soutien communautaire, et on peut imaginer par ailleurs --mais c'est une spéculation-- que la substitution par des matières végétales va renchérir le coût des matières végétales, comme cela a été déjà observé, et que le marché lui-même soit aussi un élément de soutien supplémentaire. Il faut la combinaison des deux.

Cela ne se heurte pas, s'agissant du pois, à des manques de superficie ni à l'obstacle de Blair House. J'ai dit qu'il y avait une petite hésitation sur la possibilité de revenir à un soutien plus élevé parce qu'il a été également convenu à l'OMC --ce sont les fameuses « boîtes bleues »-- que l'on ne pouvait pas augmenter les soutiens pour un produit. Cela dit, sans entrer trop avant sur ce sujet que nous avons bien étudié, l'affaire est tellement floue que l'on doit pouvoir passer outre cette difficulté.

Il reste donc deux obstacles à surmonter qui vont de pair : une proposition de la Commission mettant elle-même en avant les difficultés budgétaires communautaires pour ne pas le faire tout de suite.

C'est la raison pour laquelle, comme je l'ai rappelé tout à l'heure peut-être trop rapidement, la délégation française insiste énormément sur l'urgence de ce point, et je précise que, dans les conclusions du Conseil, ce n'est pas par hasard qu'il est fait mention de ces éléments. Nous continuerons à le faire.

J'ajoute, toujours pour le pois, que, dès à présent, au niveau national, un soutien à la recherche de 25 MF va être mis en oeuvre dès cette année pour améliorer ses qualités diététiques. Il comporte en effet un certain nombre d'obstacles nutritionnels et de problèmes de résistance aux maladies que l'on va essayer de lever par un programme triennal de recherche spécifique, en complément de ce qu'il faut obtenir à Bruxelles et/ou du fait du marché.

Voilà ce que je peux dire pour le pois.

Pour ce qui est des oléagineux, on retrouve bien sûr les contraintes budgétaires que j'ai indiquées, mais on est surtout devant la difficulté que tant que perdure l'accord de Blair House, qui est lui-même lié à l'accord de l'OMC, ce qui en fait une affaire lourde, soit on en sort par une évolution de la réglementation -c'était l'idée de la Commission-- vers l'aide unique (mais on voit les effets pénalisant qu'elle aurait sur les surfaces), soit on recrée une aide spécifique, c'est-à-dire qu'en réalité, on revient sur l'Agenda 2000 afin de remonter les aides, auquel cas on retombe complètement dans Blair House, c'est-à-dire dans les contraintes de surfaces.

Effectivement, il serait alors possible de jouer sur l'amélioration des rendements et de saturer pleinement la production destinée à l'éthanol, ce qui a comme effet induit la production de tourteaux. Bref, dans ce cadre, il s'agirait d'essayer d'exploiter pleinement, ce qui donne un peu de marge, même si on ne le ferait pas autant que les chiffres que j'ai indiqués tout à l'heure.

Je n'oublie pas non plus les fourrages déshydratés qui peuvent être également un élément de complément.

Voilà ce que je peux vous répondre, monsieur le Sénateur.

M. Gérard Miquel - Ma question sera très courte. Elle concerne le système de contrôle que nous avons en France. Je sais qu'il est parmi l'un des meilleurs au niveau européen, mais ne pourrions-nous pas l'améliorer en lui donnant plus d'efficacité et en regroupant ou en faisant collaborer plus étroitement les services vétérinaires, la DCCRF et les Directions départementales de l'action sanitaire et sociale ?

Nos commerçants, nos boulangers et nos bouchers sont contrôlés par ces trois services et, dans la même semaine, ils peuvent voir arriver trois contrôleurs des services de l'Etat. Je trouve qu'il y a là une perte d'efficacité et que, probablement, nous aurions intérêt à réorganiser tout cela pour être plus performants.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Sur ces questions de farines animales, comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises, la Direction générale de l'alimentation et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont en effet compétentes, ainsi que leurs services extérieurs.

Comme je vous l'ai indiqué aussi, nous collaborons et des plans d'action conjoints sont mis en oeuvre précisément pour éviter ces doublons. En effet, les moyens de l'Etat ne nous permettent pas de visiter deux fois le même établissement pour les mêmes sujets. Nos actions sont donc complémentaires et, comme vous le verrez dans les notes de service que je vous transmettrai, certains de ces documents sont des notes de service conjointes de la DGAL et de la DGCCRF et il y a une répartition précise des tâches des contrôleurs, certains étant affectés à des tâches liées plutôt au contrôle documentaire et d'autres plutôt au contrôle physique. C'est la première réponse que je ferai sur ce point spécifique des farines animales.

D'une manière plus générale, en matière de sécurité des aliments, les services de l'Etat coordonnent leur action de différentes manières. Nous avons tout d'abord des plans de surveillance et de contrôle que nous coordonnons et sur lesquels nous nous mettons d'accord. Nous avons des réunions régulières et, chaque année, nous adoptons des programmes de contrôle et de surveillance coordonnés. Nous venons, par exemple, de valider ensemble les programmes concernant l'année 2001.

Au niveau déconcentré, nous avons aussi des pôles de sécurité des aliments qui sont mis en place sous l'autorité des préfets et qui voient collaborer le directeur des services vétérinaires, le DDCCRF et le DDASS de telle sorte que l'action des services sur le terrain soit aussi concertée que nous le souhaitons.

Voilà la réponse que je peux vous faire. Nous sommes en collaboration et il y a suffisamment de travail pour tout le monde.

M. François Marc - Bien entendu, madame, j'ai bien compris vos arguments lorsque vous dites que c'est en fonction des informations scientifiques disponibles que l'administration a pris ses dispositions. Quand on peut comparer ce qui a été fait en France et dans les autres pays européens, on a le sentiment que nous n'étions pas à la traîne par rapport aux dispositions à prendre. La plupart des entreprises nous disent d'ailleurs qu'elles ont appliqué la réglementation, si bien que nous pouvons avoir un petit sentiment de frustration --je rejoins ce qu'a dit notre rapporteur tout à l'heure-- quand nous entendons les entreprises.

Pour autant, une entreprise nous a dit la semaine dernière : « dès 1989, nous avons eu des doutes. Nous avons importé deux bateaux de farines irlandaises et, du fait des doutes et interrogations que nous avions, nous avons cessé immédiatement toutes ces importations, et nous n'avons pas pratiqué, depuis, ce genre d'approvisionnement, même si cela nous a coûté plus cher ».

A mon sens, c'est l'élément important. D'autres ont continué à importer et ont pu, de ce fait, bénéficier de marchandises à bas prix et mettre en oeuvre des politiques agressives en matière de tarifs, ce qui explique que nous ayons aujourd'hui un certain nombre d'éleveurs qui ont fait du « zapping » pendant les dernières années du fait des guerres des prix en matière d'aliments du bétail.

Si j'ai bien compris, certaines bêtes qui ont été testées positives avaient même eu des aliments venant de plusieurs fournisseurs.

Ma question est donc la suivante : disposez-vous d'informations précises sur les politiques agressives de prix des entreprises durant les années passées en ce qui concerne les aliments du bétail ? Il est clair qu'à cet égard, il y a une suspicion à l'égard de ceux qui auraient eu ces politiques agressives de prix. Ceux qui ont été honnêtes n'ont pas changé leurs prix alors que l'on peut imaginer que les autres, même s'ils étaient en accord avec la réglementation, n'ont pas suivi tous les principes de précaution nécessaires.

En ce qui concerne les éleveurs, pouvez-vous nous confirmer que, sur un certain nombre de cas positifs, des éleveurs avaient plusieurs fournisseurs d'aliments concernés dans l'enquête qui a été menée ? Avez-vous des informations sur ces points précis et sur la stratégie de prix des entreprises ?

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Sur la politique de prix, nous avons eu connaissance (c'est en tout cas ce que reflètent les quelques documents que je mettrai en votre possession), au moment où les décisions ont été prises, du fait que le prix des farines importées du Royaume-Uni avait considérablement baissé, après quoi, de manière plus générale, le prix de ces farines animales a connu une évolution. Nous en avons eu connaissance, effectivement, mais, s'agissant du prix des farines animales en France, ce n'était pas un élément à prendre nécessairement en compte dans le cadre d'une politique sanitaire.

Il s'agissait de faire une évaluation du risque et de prendre en compte les données scientifiques qui permettaient de savoir s'il y avait ou non un risque à utiliser ces farines et donc, ensuite, s'il fallait les interdire ou non.

C'est ce qui a été fait en France relativement tôt, même si on peut toujours en discuter, sur la base d'un avis qui a été rendu, si j'ai bonne mémoire, en juin 1990, sachant que l'arrêté date de juillet 1990. Voilà l'élément que je peux porter à votre connaissance en vous apportant les pièces que j'ai eues moi-même à disposition sur cette question.

J'en profite, si vous le permettez, monsieur le Président, pour dire que je n'ai pas répondu à la totalité de M. Bizet tout à l'heure concernant le traitement. Il a en effet indiqué que la France avait attendu 1996 pour mettre en place un traitement efficace des farines et je voudrais donc apporter un complément d'information sur ce point.

Un traitement visant à inactiver un certain nombre d'agents dans l'alimentation des animaux avait été déjà imposé par un arrêté en 1991. Il ne concernait pas forcément le prion parce qu'on ne connaissait pas les traitements permettant l'inactivation de cet agent non conventionnel. Cet arrêté a été complété, dès 1994, pour prendre en compte, précisément, cette question du risque lié à l'ESB.

Ensuite, nous avons été amenés à nous mettre en conformité avec la réglementation communautaire, sachant que, comme vous le savez, dès 1996, la France a beaucoup plaidé au niveau européen pour que, certes, on travaille sur cette question du traitement, et donc que l'on renforce les exigences sur le traitement, mais que l'on prenne aussi en compte cette exigence qui nous avait été recommandée par le Comité Dormont et qui concernait le tri sélectif des matières premières entrant dans l'information.

Le traitement est une bonne chose, mais il n'est pas suffisant. Il fallait aussi écarter de la chaîne alimentaire un certain nombre de tissus susceptibles d'être contaminants.

Pour répondre à votre deuxième question, dans la mesure où je vais vous transmettre les rapports complets, je suppose qu'il a pu y avoir, pour certains cas, plusieurs fournisseurs d'aliments. C'est possible.

M. le Rapporteur - La question de notre collègue Marc est très claire et il nous faudra malgré tout des noms, si je puis dire. Il est vrai que le raccourci intellectuel est très simple à faire. A partir du moment où un opérateur fait du dumping sur un produit, on voit bien d'où cela peut venir. Par conséquent, à mon avis, le rôle de cette commission d'enquête est de souligner un certain nombre de noms d'opérateurs.

Je souhaiterais revenir sur un point. Il y a quelque temps, nous avons auditionné le professeur Gérard Pascal, président du Comité scientifique directeur européen, qui nous a avoué que ce n'est qu'en 1992 qu'a été interdite l'incorporation de certains abats dans la fabrication de pots pour bébés, notamment de cervelle. Avez-vous eu vous-même, au niveau de la DGAL, quelques notes d'information sur ce point précis ? Je vous le demande parce que, a posteriori, on trouve qu'une information de ce type est fondamentale compte tenu du risque pour les générations qui vont suivre. Avez-vous eu des notes de service ou d'information sur ce point ?

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Je ne pourrai pas vous faire une réponse très complète sur ce point.

M. le Rapporteur - Il s'agit du mois d'août 1992. C'est très précis.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Je dirai simplement qu'au début des années 90,on n'avait pas les connaissances que l'on a aujourd'hui et qu'en effet, s'agissant de l'incorporation de certains tissus et organes, notamment la cervelle, dans l'alimentation humaine, on n'avait pas les doutes que l'on a aujourd'hui sur la possibilité de transmission de la maladie à l'homme.

M. le Rapporteur - Je le comprends bien, mais vous avez certainement dû avoir des notes émanant de ce Comité scientifique directeur ou d'autres sources vous informant de cette suppression à partir de 1992. La commission pourrait-elle obtenir ces notes ?

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Je ferai une recherche. En effet, si le Comité scientifique directeur de l'époque nous a transmis des éléments sur ce sujet, nous avons dû les garder. Je ferai donc une recherche et si je retrouve ces avis, je vous les transmettrai pour que vous puissiez établir la chronologie de ces faits.

M. Jean-Marc Pastor - Dans le prolongement de la question de mon collègue Bizet, auriez-vous également des notes par rapport au comportement de la France qui, depuis une dizaine d'années, au niveau européen, a tenté d'y voir plus clair dans ce problème ? Il faudrait que nous puissions avoir, dans les deux sens, un certain nombre d'échanges qui permettent aux uns et aux autres de clarifier l'évolution de cette interrogation. Cela existe-t-il et sous quelle forme peut-on le retrouver ?

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Vous avez raison de souligner que les travaux d'harmonisation communautaire ont été difficiles sur cette question. Les décisions communautaires importantes datent de la moitié des années 90 et, pour ne citer qu'un exemple, l'adoption d'une liste communautaire de matériels à risques spécifiés date de l'année dernière et n'est entrée en vigueur dans la plupart des Etats-membres qu'au mois d'octobre 2000 alors que notre première liste, en France, date de 1996.

En effet, il a été difficile de progresser sur ces questions au niveau communautaire, certains pays considérant que ce risque ne les concernait absolument pas. La France, à cet égard, a fait preuve d'une attitude beaucoup plus précautionneuse, si je puis dire.

M. le Président - Je vais vous poser une dernière question. Les autorités françaises ont étendu l'interdiction des farines animales anglaises aux farines irlandaises dès le 15 décembre 1989. Pour quelle raison a-t-on levé cette interdiction à partir du 17 mars 1993 et quelle a été l'évolution des importations en provenance de l'Irlande à partir de cette date ? Avez-vous connaissance de cas où les farines irlandaises se sont avérées, après enquête, être finalement des farines anglaises ?

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Je pense qu'il serait plus utile de poser la deuxième partie de votre question à la Direction générale des douanes et des droits indirects, car je vais avoir des difficultés pour y répondre.

En revanche, pour la première partie de votre question concernant la levée des mesures au début de l'année 1993 pour la République d'Irlande, je considère, compte tenu des éléments que j'ai eus à ma connaissance, que c'est probablement l'évolution du contexte européen qui a amené la France à prendre cette décision. Comme je vous l'ai indiqué, il s'agissait du marché unique et les décisions communautaires qui commençaient à être prises concernaient exclusivement le Royaume-Uni et non pas la République d'Irlande. C'est probablement ce contexte qui a conduit les autorités françaises à lever la mesure d'interdiction concernant l'Irlande.

M. le Président - En fait, qui a pris cette décision ? Si vous ne le savez pas, ce que je comprends très bien, vous chercherez la réponse et vous nous la donnerez. C'est important.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Je vérifierai. Je ne peux pas répondre à cette question aujourd'hui mais je vous apporterai la réponse par écrit.

M. le Président - M. Humbert a encore une question à vous poser.

M. Jean-François Humbert - J'ai lu dans Le Monde hier ou avant-hier un article, avec un tableau à l'appui, qui fait part de statistiques françaises comparées à des statistiques belges en matière d'importation, et j'ai lu avec stupéfaction que le delta est minime puisqu'il porte sur 22 millions de tonnes entre les statistiques belges et les statistiques françaises. Vous allez me dire qu'il faut poser la question à la Direction des douanes, mais pensez-vous que ce genre de chose soit possible et, selon vous, derrière ce type de chiffre, y a-t-il la « révélation » de quelques fraudes, en matière de transit, de ces farines interdites ?

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Je n'ai pas connaissance d'éléments qui me permettraient de répondre précisément à votre question. C'est une question, comme vous l'avez très justement dit, qu'il faut poser à la DGDDI.

M. Jean-François Humbert - A propos de la DGDDI, les mesures d'interdiction qui ont été prises n'ont de valeur que si elles sont suivies d'effet et si des contrôles sont effectués. Avez-vous eu des réunions communes pour faire un point, régulier ou non, avec les services des Douanes et, si ces réunions ont eu lieu, ont-elles fait l'objet de comptes-rendus et de rapports ? S'ils existent, ces rapports seraient-ils disponibles ?

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Vous parlez de la période antérieure à la réalisation du marché unique, au moment où les services vétérinaires et les Douanes faisaient des contrôles systématiques à l'importation de ces farines ?

M. Jean-François Humbert - Je pense aussi qu'il y a peut-être eu --je n'affirme rien-- des importations frauduleuses et que, bien que cela ne concerne pas le service de la Direction générale de l'alimentation mais celui des Douanes, vous avez peut-être été appelés à en parler entre vous pour vous tenir informés de ces difficultés.

Il ne s'agirait pas que, d'un côté, des services du ministère de l'agriculture fassent des efforts considérables pour essayer de faire prendre les bonnes mesures et que, d'un autre côté, du fait d'un cloisonnement d'un autre service important de l'Etat, celui qui est chargé de veiller au respect des interdictions sur le terrain, un manque d'information entre vous conduise à la négation des décisions prises. Vous avez sans doute eu des réunions de travail avec les Douanes et ces réunions ont dû faire au minimum l'objet de comptes-rendus. S'ils existent, je souhaiterais qu'ils puissent être transmis à la commission.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Si vous m'y autorisez, monsieur le Président, je propose que ma collaboratrice réponde à cette question.

Mme Bénédicte Herbinet - Pour un certain nombre de mesures que nous avons prises, il s'agissait d'arrêtés cosignés par le secrétariat d'Etat au budget dans lesquels la DGDDI était étroitement associée, et des réunions ont pu avoir lieu sur les projets d'arrêtés qui étaient proposés, en général, soit par la DGAL, soit par la DGCCRF, pour discuter de leur contenu et de leur champ d'application par rapport à des produits venant d'autres Etats-membres ou de pays tiers.

Pour l'arrêté du 14 novembre dernier, par exemple, nous avons eu une réunion dans le cadre du SGCI pour discuter de son champ d'application et, par la suite, la DGDDI nous a envoyé un bilan établi de façon hebdomadaire sur les contrôles qui avaient suscité des observations concernant des farines animales ou des aliments pour animaux qui pouvaient être concernés par cet arrêté.

Voilà un exemple concret des échanges que nous avons pu avoir dans le cadre de ces mesures.

M. le Président - Il y a donc eu des comptes-rendus. Nous sommes toujours dans la même démarche : nous souhaiterions les avoir au fil des années.

M. Jean-François Humbert - Le marché unique ne peut en aucun cas lever l'interdiction qui était décrétée par ailleurs. Il ne s'agit pas seulement de la période précédant le marché unique ou sa mise en oeuvre en 1993 ; il s'agit de l'ensemble de la période jusqu'à l'interdiction définitive du 14 novembre dernier.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Sachez quand même que les contrôles ne sont pas systématiques à l'importation depuis la mise en oeuvre du marché unique. Je tenais simplement à le souligner.

M. Jean-François Humbert - Ils ont quand même coincé le soigneur d'une certaine équipe à la frontière belge. Peut-être la Douane a-t-elle donc aussi, en matière de farines, quelques informations à nous donner et qu'elle a évoquées avec vous.

M. le Rapporteur - C'est tout à fait vrai, mais entre 1993 et 1996, pour reprendre simplement cette période dont le journal Le Monde fait état, la France déclare importer beaucoup plus de farines animales que la Belgique ne déclare en exporter et le delta est effectivement de 30 000 tonnes. C'est assez curieux, au-delà de la notion de libre circulation qui date de 1993. Nous voudrions donc comprendre.

Mme Catherine Geslain-Lanéelle - Nous vous donnerons tous les éléments que nous possédons sur ce point.

M. le Président - Nous avons fait le tour de la question pour ce qui vous concerne et nous vous remercions, mesdames et messieurs. Nous attendons donc les documents que nous vous avons demandés, du moins tous ceux que vous pourrez retrouver, et nous vous demandons absolument de nous les faire parvenir. Merci de votre participation à cette commission.

On me dit que si on pouvait les avoir dans le mois qui vient, disons pour le 15 février, ce serait une bonne chose parce que nous en avons besoin pour la rédaction du rapport. Merci.

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