Audition de M. Alain CADIOU, Directeur général de la DGCCRF,
M. François MONGIN, Chef de service, et de M. KEARNEY

(31 janvier 2001)

M. Gérard Dériot, Président - Merci Monsieur Cadiou d'avoir accepté de répondre à notre invitation et de venir témoigner devant la Commission d'enquête du Sénat sur l'utilisation des farines animales.

Le président rappelle le protocole de publicité des travaux de la commission d'enquête et fait prêter serment à MM. Cadiou, Mongin et Kearney.

M. le Président - Monsieur le Directeur, je vous laisse la parole pour que vous nous parliez de ce problème vu à partir du service que vous dirigez.

M. Alain Cadiou - Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, des crises ont entamé la confiance des citoyens dans la sécurité alimentaire. Depuis plus de 10 ans, la Douane est partie prenante aux côtés d'autres administrations de la prévention contre l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB.

Nommé depuis le 6 décembre dernier à la tête de l'administration des Douanes, j'ai donc eu à m'occuper, dès les premières heures, de cette question. C'est pourquoi je suis particulièrement heureux de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de vous exposer le rôle de la Douane dans la gestion de cette crise.

Le rôle de l'administration que je dirige n'est pas de donner un avis scientifique sur la dangerosité de tel ou tel produit mais de contrôler, et le cas échéant de s'opposer, à l'entrée en France de produits pour lesquels existent des indices d'une telle dangerosité.

En ce qui concerne plus particulièrement les farines animales, je me limiterai à trois séries d'observations.

Tout d'abord, la Douane est l'un des éléments du contrôle de la chaîne alimentaire. J'aborderai ensuite le rôle spécifique de la Douane qui s'oppose à l'entrée sur le territoire, à la sortie et la circulation des farines interdites. Enfin, je vous parlerai du rôle de la Douane qui doit également établir des statistiques d'importations et d'exportations.

I - La Douane est l'un des éléments du contrôle de la chaîne alimentaire

La chaîne alimentaire européenne apparaît comme une résultante du mouvement d'industrialisation de l'agroalimentaire de l'après-guerre et du modèle d'agriculture intensive.

Elle comporte deux types de conséquences au regard de l'application du principe de précaution et de la coordination entre les services de l'Etat.

La précaution est un principe qui guide l'action administrative en matière de sécurité alimentaire.

Le principe de précaution signifie qu'aussi longtemps qu'un doute subsiste quant à l'innocuité d'un produit, celui-ci ne doit pas être commercialisé ou importé. La mise en oeuvre de ce principe suppose en premier lieu une évaluation du risque, qui est aujourd'hui essentiellement le rôle de l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA).

Elle signifie, en second lieu, une gestion du risque qui est le rôle principal des administrations chargées du contrôle.

Elle implique, en dernier lieu, une information des citoyens sur la nature des risques.

L'exemple des farines carnées illustre cette application du principe de précaution, puisque les mesures restrictives ont évolué avec l'avancée des connaissances scientifiques. Des mesures ont en effet été prises d'abord par les autorités françaises puis par la Commission Européenne pour faire face au risque que l'ESB semblait représenter pour la santé animale puis humaine. Je me limiterai à rappeler quelques dates importantes pour la Douane :

- Depuis 1965, les farines animales pouvaient rentrer en France dans les conditions de droit commun.

- En 1989, la France a interdit, en août, l'importation des farines de viande du Royaume-Uni et, en décembre, des farines irlandaises.

- En 1993, l'interdiction d'importation des farines de République d'Irlande, (Eire), a été levée.

- En 1994, la Commission a interdit les exportations de farines de ruminants originaires du Royaume-Uni et fabriquées avant le 1er janvier 1995.

- Depuis mars 1996, un embargo national et communautaire est entré en vigueur sur les produits bovins britanniques et les farines et d'os de mammifères.

- En novembre 2000, la France interdit l'ensemble des farines animales dans l'alimentation des animaux, à l'exception des farines de poissons pour les seuls poissons. L'Union Européenne a pris, en décembre, une mesure d'interdiction dont le périmètre est moins large. Ainsi, les farines de poissons ne sont pas prohibées dans l'alimentation des animaux terrestres.

A coté de ce principe de précaution, la Douane intervient en coopération avec d'autres administrations pour le contrôle de la chaîne alimentaire.

La Douane n'est pas le seul service en charge de la sécurité alimentaire en France. D'autres intervenants ont eu, ou auront, l'occasion de préciser le rôle en la matière de la Direction Générale de l'Alimentation (DGAL) ou de la DGCCRF.

En effet, quand on parle de chaîne alimentaire cela signifie plusieurs choses.

En premier lieu, le contrôle ne peut se focaliser sur le seul produit mais doit également s'intéresser au processus de production et de fabrication (abattoirs, ateliers de découpe, de transformation, etc.) ou de commercialisation (restauration, grandes et moyennes surfaces, etc. ).

En second lieu, la traçabilité des produits revêt une importance particulière. Cette notion signifie qu'en contrepartie d'un processus de chaîne alimentaire, les produits doivent pouvoir être précisément localisés et leur origine et leur destination doivent être identifiées.

En troisième lieu, la coopération est primordiale entre les différentes administrations chargées du contrôle de la chaîne alimentaire.

La Douane, pour sa part, s'intéresse aux opérations d'importation ou d'exportation de produits bruts ou finis, qui se situent le plus souvent en amont ou en aval du processus de production ou de transformation sur le territoire national. Elle s'appuie cependant sur les informations ou l'expertise technique de la DGCCRF ou de la DGAL. Elle s'appuie également sur une coopération internationale bien développée.

La coopération au niveau national est un élément essentiel du contrôle de la chaîne alimentaire.

Un véritable réseau de veille et d'alerte a su se mettre en place au niveau central. Des groupes de pilotage se réunissent régulièrement au sein du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, comme au niveau interministériel, afin d'échanger les informations sur les contrôles et de prendre les décisions qui s'imposent.

Un protocole d'accord « ESB » lie la Douane à la DGCCRF et vise notamment à favoriser les échanges d'informations, sous forme de fiches de liaison, sur les fraudes décelées lors des contrôles. Il prévoit également des opérations conjointes. Depuis la signature de ce protocole, le dispositif a permis d'échanger 441 fiches de liaison et de mener 12 actions conjointes. Ce protocole a été étendu et révisé en mars dernier pour tenir compte de l'expérience des dernières crises (dioxines belges et Coca-cola). Un protocole analogue a été proposé par la Douane à la DGAL.

Cette coopération est relayée au niveau local. Ainsi, lorsque, lors d'un contrôle immédiat, un doute apparaît sur la nature des marchandises ou l'authenticité des documents présentés, les services douaniers peuvent solliciter l'avis des agents des Services Vétérinaires dépendant de la DGAL ou de la DGCCRF.

Une coopération internationale est également mise en oeuvre, notamment par le biais du réseau des attachés douaniers français à l'étranger et de l'Assistance Administrative Mutuelle Internationale (AAMI).

Cette coopération est essentielle pour s'assurer de l'origine (Royaume-Uni, République d'Irlande, etc.), voire de la nature exacte (farines de ruminants, de volailles, de plumes, etc.) des produits soumis à restriction ou à interdiction.

De même, la France travaille avec l'Office Européen de Lutte Anti-Fraude (OLAF) sur les fraudes. Une messagerie électronique européenne permet aux Douanes des différents Etats membres d'échanger leurs informations en matière de fraude. Concernant les farines, aucune filière de fraude n'a été mise en évidence dans aucun Etat membre.

II - Le rôle spécifique de la Douane consiste à s'opposer à l'entrée sur le territoire, à leur sortie et à la circulation des farines interdites.

La Douane est le pivot d'un dispositif de contrôle qu'elle anime avec des méthodes et des moyens adaptés en coopération avec d'autres administrations nationales, communautaires ou étrangères.

Toutefois, une différence majeure existe entre les produits communautaires et les produits tiers. En effet, le marché unique, depuis 1993, ne permet pas de contrôles systématiques aux frontières intérieures.

Les moyens de contrôle ont beaucoup évolué avec l'avènement du marché unique.

Jusqu'au 1er janvier 1993, les contrôles douaniers étaient systématiques aux frontières nationales, y compris sur les produits communautaires. Ils s'ajoutaient aux contrôles vétérinaires préalables sur ces produits.

La mise en place du marché unique, en 1993, a entraîné la suppression des formalités de dédouanement dans le cadre des échanges intra-communautaires. Il en est résulté, d'une part, la disparition des contrôles vétérinaires et douaniers systématiques aux frontières, remplacés par des contrôles ponctuels sur l'ensemble du territoire et, d'autre part, une modification du régime de collecte des statistiques du commerce extérieur.

Cette différence entre ce qui est communautaire et ce qui ne l'est pas a des conséquences sur l'applicabilité du Code des Douanes national.

Le Code des Douanes national s'applique directement en ce qui concerne les produits en provenance de pays tiers.

Le Code des Douanes national offre des pouvoirs adaptés à la nature des contrôles de flux transfrontaliers : droit de visite des marchandises, droit d'injonction d'arrêt au conducteur et d'immobilisation des moyens de transport, droit de communication des certificats sanitaires et de tout document commercial, droit de saisie, etc. et tout un arsenal de sanctions assez sévères.

Concernant les produits communautaires, le Code des Douanes ne s'appliquait pratiquement plus depuis 1993 (article 2 bis du Code des Douanes), jusqu'à la création récente de l'article 38-5 du Code des Douanes intervenue par la loi 2001-06 du 4 janvier 2001.

Toutefois, malgré cette diminution de pouvoirs, il pouvait être fait application de certaines dispositions de ce code dans des cas très restreints.

Ainsi, le code rural habilite les agents des Douanes à effectuer certains contrôles sur les animaux vivants et les produits carnés accompagnés d'un document vétérinaire obligatoire ; c'est le cas des viandes qui doivent être accompagnées d'une attestation indiquant qu'elles ne contiennent pas de matériaux à risques spécifiés.

Le code rural habilite les agents des Douanes à appliquer les pouvoirs prévus par le Code des Douanes afin d'effectuer des contrôles documentaires et une simple inspection visuelle des marchandises mentionnées au code rural. Les agents peuvent, en outre, consigner les marchandises par application de l'article 322 bis du Code des Douanes dans l'attente d'une inspection vétérinaire.

Des contrôles de produits alimentaires sont également possibles sur le marché national. En cas de danger grave et immédiat pour la sécurité et la santé des consommateurs, il est fait application par la Douane du Code de la Consommation. Il convient toutefois de relever que ce dernier offre des moyens de contrôle plus restreints que le Code des Douanes. Ainsi, les contrôles ne peuvent être opérés que de jour.

Pour optimiser l'utilisation des pouvoirs douaniers dans les échanges intra-communautaires, un article 38-5 nouveau du Code des Douanes a été introduit sous forme d'un amendement gouvernemental, lors de la première lecture par le Sénat, de la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de santé des animaux, publiée le 5 janvier 2001.

Ce nouvel article permet aux agents des Douanes de retrouver les moyens d'action plus complets, sur le fondement du Code des Douanes national, à l'égard de marchandises désignées par arrêté qui font l'objet de mesures de restrictions communautaires ou nationales dans les échanges intra-communautaires, conformément à ce qui se passait avant 1993.

Le dispositif douanier de contrôle repose sur un triple niveau de contrôle.

La Douane peut mobiliser 10 000 agents (sur les 19 000 douaniers) dont à peu près 1 700 ou 1 800 pour les Directions concernées par les frontières du Nord et de l'Est, où s'effectue la majeure partie des introductions et des importations.

J'ai demandé des précisions au Directeur compétent, afin de me rendre compte de l'ampleur de la tâche. En 2000, 1,3 million de camions sont arrivés de Grande-Bretagne, soit à Calais par le tunnel, soit à Boulogne ou à Calais par les ferries.

La sécurité alimentaire est tout d'abord prise en compte dans l'activité quotidienne de 3 000 douaniers chargés du dédouanement des produits de pays tiers. A l'occasion de ces formalités, abolies en 1993 concernant les produits communautaires, les douaniers s'assurent notamment de l'origine des marchandises déclarées et du fait que les contrôles sanitaires ont été opérés, y compris concernant les farines animales qui peuvent être importées de pays tiers.

Pour les produits communautaires, les formalités préalables de dédouanement ont été remplacées par le dépôt d'une déclaration d'échange de biens (DEB), un document à vocation statistique. Nous en distribuerons un exemplaire. Cette dernière est un document que doivent remplir chaque mois les entreprises, récapitulant l'ensemble des opérations de livraisons et d'acquisitions communautaires auxquelles elles ont procédé.

Indépendamment de ces formalités documentaires, des contrôles physiques sont organisés. Concernant les produits communautaires, il ne s'agit pas de contrôler tous les véhicules, ce qui irait à l'encontre du principe de libre circulation des marchandises, mais de mettre en place un système de contrôle qui respecte les principes d'efficacité, de dissuasion et de proportionnalité.

De ce fait, les contrôles reposent sur une analyse du risque et sur un ciblage. Le ciblage, pour les douaniers, consiste à focaliser les contrôles sur les moyens de transport qui, en raison de leur origine, de leur provenance, de leur itinéraire ou de leurs caractéristiques propres (par exemple camion frigorifique), sont les plus susceptibles de transporter des marchandises litigieuses.

Pour résumer, la Douane exerce un triple niveau de contrôle qui se présente ainsi :

- Des contrôles immédiats sont opérés aux frontières de la France avec des pays tiers. Ils permettent, notamment, de procéder aux contrôles de dédouanement que je viens d'évoquer. Il convient de rappeler que les laboratoires des Douanes procèdent chaque année à environ 12 000 analyses de produits agro-alimentaires.

En outre, bien que les règles du marché intérieur ne prévoient pas de contrôles douaniers systématiques à la frontière entre Etats membres, de tels contrôles sont cependant mis en place en cas de crise, notamment quand un embargo est décidé par les autorités politiques nationales.

- D'autres contrôles peuvent être effectués à la circulation en tout point du territoire, notamment par les 6 500 agents les plus concernés des services de surveillance.

Ce sont ainsi près d'un million de contrôles qui ont été menés sur les moyens de transport depuis 1996 en vue de contrôler le respect de l'embargo sur le boeuf britannique.

- Des contrôles a posteriori sont menés dans les entreprises en vue de s'assurer que des produits interdits n'ont pas été introduits d'autres Etats membres ou importés de pays tiers.

Il peut, par exemple, s'agir des contrôles des déclarations d'échanges de biens ou d'enquêtes des services de la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières (DNRED).

En 1999, 52 428 contrôles de DEB ont été réalisés par l'ensemble des services douaniers. 11 485 de ces contrôles correspondent aux contrôles dits de 2ème niveau, c'est-à-dire qu'ils ont été menés dans des entreprises. Ces contrôles sont systématiques concernant l'ensemble des produits bovins concernés par l'ESB.

Corrélativement, de lourdes sanctions peuvent être infligées :

- quand une marchandise communautaire litigieuse est découverte par le service des Douanes, elle est consignée, dans l'attente de l'avis des Services vétérinaires ou des services locaux de la DGCCRF. Cette consignation peut, après 10 jours, être prolongée, suite à la saisie du Procureur de la République, pour une durée totale de 21 jours. Dans le cadre de l'ESB, depuis mars 1996, 213 consignations douanières ont donné lieu à 125 refoulements décidés par les Services Vétérinaires, 13 destructions et 12 consignations sous la responsabilité des Services Vétérinaires. Sur l'ensemble de ces consignations, 64 dénonciations aux Procureurs de la République ont été effectuées sur la base de l'article 40 du Code de Procédure pénale.

Ainsi, s'il apparaît que la marchandise était prohibée, elle peut être réexportée ou détruite, selon les cas de la nature de la marchandise, sur décision des services sanitaires ou de l'autorité judiciaire ;

- pour les marchandises de fraude originaires des pays tiers, des sanctions douanières sur la base de l'article 414 du Code des Douanes (jusqu'à trois ans de prison et amende jusqu'à deux fois l'objet de la fraude) peuvent être infligées.

C'est donc tout ce qui concerne le rôle spécifique de la Douane au niveau de l'opposition à l'entrée, à la circulation et à la sortie de certaines marchandises.

III - Le rôle de la Douane pour l'établissement des statistiques d'importation et d'exportation.

De ce point de vue, les chiffres, notamment ceux relatifs aux importations de farines carnées, appellent plusieurs précisions.

Il convient en premier lieu d'apporter des précisions méthodologiques.

Ces précisions contribueront à éclairer votre commission sur les causes des différences entre les chiffres fournis par les divers interlocuteurs de la mission d'information de l'Assemblée Nationale de 1996-1997.

Avant 1993, chaque importation de produits originaires des autres Etats membres était traitée comme celle des pays tiers et donnait lieu au dépôt d'une déclaration en douane soumise à des contrôles douaniers systématiques, ainsi que je viens de le rappeler. Les statistiques reposaient donc sur l'exploitation de la totalité de ces déclarations.

Depuis le 1er janvier 1993, le système statistique entre Etats membres de la communauté, reposant sur la déclaration d'échanges de biens (DEB), déposé mensuellement, impose certaines limites qui sont au nombre de 6.

Aucun seuil communautaire n'est fixé en valeur pour le dépôt obligatoire des DEB et les obligations de déclaration dans les différents Etats membres peuvent être fixées à des niveaux différents. En France, les seuils permettent de couvrir 99 % des échanges. Ainsi, quand les acquisitions intra-communautaires sont inférieures, au cours d'une année, à 650 000 F elles ne sont pas soumises à déclaration. Entre 650 000 F et 1,5 MF, elle donne lieu au dépôt par le redevable d'une déclaration statistique simplifiée qui ne fait pas obligatoirement apparaître l'origine du produit et sa quantité. Ces seuils sont notablement inférieurs à ceux utilisés par la plupart des autres Etats membres.

La nomenclature combinée tarifaire européenne à 8 chiffres (NC8), qui désigne le produit sur ces déclarations, reprend seulement, dans de nombreux cas, les produits par grande famille. La notion de farines animales, carnées, de viandes et d'os, correspond ainsi à deux codes particuliers :

- Le code 02 10 90 90 comprend les « farines en poudres comestibles de viandes ou d'abats ». Ces farines peuvent être indifféremment issues des espèces bovines, porcines, ovines, etc. Elles ne sont pas destinées à l'alimentation animale.

- Le code 23 01 10 00 comprend les « farines, poudres et agglomérés sous formes de pellets de viandes ou d'abats ». Cette position tarifaire relève du chapitre 23 de la nomenclature européenne consacré aux résidus et déchets des industries alimentaires et aliments préparés pour animaux. C'est la position la plus spécifique pour les farines animales, sans qu'elle permette d'identifier s'il s'agit de viande bovine, ovine, caprine ou de volaille, y compris les plumes.

La France a demandé à diverses reprises une extension à 10 chiffres de la nomenclature tarifaire pour distinguer la nature des farines et cela n'a jamais été accepté par la Commission Européenne. De nouvelles démarches en ce sens seront effectuées lors des prochaines réunions avec la Commission Européenne et l'office statistique communautaire, Eurostat.

Le code géographique du Royaume-Uni (006) ne distingue pas la Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord pour laquelle les mesures d'embargo sont distinctes.

Les déclarations d'échanges de biens mensuelles, basées sur les déclarations des opérateurs, sont, par définition, plus susceptibles d'erreurs de leur part que les déclarations en douane qui étaient autrefois établies systématiquement par des professionnels du dédouanement. M. Galland, alors secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, y faisait d'ailleurs référence dans sa note de juillet 1996. Dans le cadre de la crise de l'ESB, les services douaniers ont donc procédé à plusieurs campagnes de vérification des DEB.

Dans le prolongement des contrôles sur les acquisitions de farines animales et de bovins vivants de janvier 1993 à mars 1996, qui avaient permis de contrôler 98 % des tonnages introduits, des contrôles DEB sont régulièrement effectués sur l'ensemble des produits couverts par l'embargo.

Par ailleurs, certaines campagnes de vérification ont été l'occasion d'actions communes avec la DGCCRF à travers lesquelles la Douane a réalisé des études de flux en vue de permettre à cette Direction de recenser les stocks de farines. Ces opérations se sont achevées fin janvier 1999, sans qu'aucune fraude n'ait été décelée.

Ces vérifications peuvent nécessiter des demandes d'Assistance Administrative Mutuelle Internationale (AAMI) du ministère de l'Agriculture et de la Pêche auprès des autorités compétentes, par exemple celles du Royaume-Uni.

La règle retenue en matière de publication des statistiques peut également expliquer les différentes statistiques.

Les statistiques françaises indiquent l'origine des produits, tandis que les statistiques communautaires consolidées indiquent la provenance, ce qui peut induire des différences, notamment en cas de commerce triangulaire.

Par exemple, une viande danoise introduite en Allemagne pour être transformée avant d'être introduite en France, est reprise en origine danoise dans les statistiques françaises mais en origine allemande dans les statistiques communautaires.

Les statistiques rendent compte avec peine des évolutions de la réglementation relative à l'embargo sur les produits britanniques.

Si l'introduction de farines de viande bovine était interdite depuis 1989, des autorisations vétérinaires ont pu être accordées par les services du ministère de l'Agriculture et de la Pêche, pour leur introduction en France à condition qu'elles ne soient pas destinées à des usines fabriquant des aliments pour ruminants. Jusqu'en 1993 et l'ouverture du marché unique, ces autorisations devaient se trouver à l'appui de la déclaration en douane.

En juillet 1994, la Commission a interdit les farines de ruminants originaires du Royaume-Uni fabriquées avant cette date ainsi que celles produites jusqu'à la fin de l'année, date à laquelle ont été mises en oeuvre des normes de traitement.

L'importation de farines de volailles ou celles destinées à l'alimentation des animaux domestiques est autorisée. Or, la nomenclature statistique européenne ne distingue pas si les farines animales sont destinées, comme je l'indiquais précédemment, à l'alimentation des ruminants (interdites d'importation depuis 1989) ou des non-ruminants, ni les différents types de ces farines.

Les données statistiques appellent quelques commentaires complémentaires.

La consommation de farines animales dans l'alimentation des animaux s'élève, selon les experts, à environ 400 000 tonnes par an. Les importations, entre 1990 et 1997, selon les années, ont représenté entre 5 % (en 1992) et 19 % (en 1995).

Entre 1988 et 1997, la France a importé ou introduit 416 908 tonnes de farines relevant du code 23 01 10 00 précité.

Les Etats membres de l'Union Européenne, y compris la Suède, la Finlande et l'Autriche, qui ont adhéré à l'Union Européenne en 1995, étaient les principaux fournisseurs de la France.

Les introductions/importations de farines du code 23 01 10 00 se sont ainsi élevées, entre 1988 et 1997, à 385 246 tonnes.

Les approvisionnements se sont diversifiés au cours de la période : le Danemark, 12 500 tonnes en 1990, et la Belgique, 8 000 tonnes en 1990, étaient les principaux fournisseurs au début des années 1990. Ils ont été supplantés par l'Italie (16 500 tonnes en 1997) et la République d'Irlande (8 000 tonnes en 1997).

La République d'Irlande a largement bénéficié de la levée de l'embargo qui pesait sur ses exportations de farines de ruminants entre décembre 1989 et mars 1993 puisque ses exportations sont passées de 5 000 tonnes en 1993 à 20 000 tonnes en 1994 puis 35 000 en 1995.

Par ailleurs, la part du Royaume-Uni dans la consommation nationale de farine s'est effondrée à partir de 1989.

Concernant les abats, puisque la question a été évoquée dans les documents qui m'ont été transmis, la production française est de l'ordre de 400 000 tonnes par an. Les abats bovins et porcins représentent chacun environ la moitié de cette production.

La France importe environ 60 000 tonnes par an mais ce tonnage a diminué dans les années récentes. Les fournisseurs sont essentiellement les Etats membres : Pays-Bas (11 000 tonnes), Allemagne (8 000 tonnes), Irlande, Espagne et Belgique. La part du Royaume-Uni s'est effondrée en passant de 7 700 tonnes en 1995 à zéro aujourd'hui.

Voilà en quoi consiste le rôle de la Douane dans le dispositif de sécurité alimentaire en France.

M. le Président - Monsieur le Directeur je vous remercie. Je pense qu'une telle présentation était utile pour que l'on sache bien comment fonctionne les Douanes et quelles sont les limites dans les possibilités de contrôle.

M. Jean Bizet, rapporteur - J'ai essentiellement, dans un premier temps, deux types de questions.

Je suis ennuyé de vous poser cette question car vous avez pris le temps d'expliquer les mouvements, les modifications ou les explications, au travers de la notion de seuil de la détermination des codes, comme quoi l'explication des quantités et des statistiques n'a rien de mystérieux.

Toutefois, à la lecture d'un quotidien daté du 16 janvier 2001, il est possible de relever des discordances entre des statistiques douanières françaises, concernant l'importation de farines animales en provenance de Belgique, et les statistiques douanières belges relatives à l'exportation de ces mêmes farines en direction de la France.

Tout débute en 1993 : au-dessous d'un seuil de 650 000 F il n'y avait pas de déclaration et entre 650 000 F et 1,5 MF il existait une déclaration simplifiée. Il me semble que tout concourt à compliquer la situation, ce qui est assez troublant.

J'aimerais donc que vous puissiez, malgré tout, nous expliquer une telle discordance.

Le deuxième point concerne les abats car j'ai tendance à regarder davantage en direction des abats que des farines animales. Or, vous dites qu'il n'y a plus d'importations d'abats en provenance du Royaume-Uni.

S'agissant des statistiques par périodes décennales, entre 1978 et 1987, la France a importé du Royaume-Uni 3 185 tonnes, ce qui était minime. Par contre, entre 1988 et 1996, nous sommes passés à 47 890 tonnes : c'est donc multiplié par plus de 10 sur une période de seulement 9 ans. J'aimerais que vous puissiez nous parler de cela.

Par ailleurs, au sein de la notion d'abats, compte tenu du fait qu'il s'agit de « matériaux à risques spécifiés », pourriez-vous établir un distinguo entre les abats « autorisés » et ceux qui ne le sont pas. Cette question nous préoccupe beaucoup puisque le Professeur Pascal a affirmé qu'à partir d'août 1992 les abats n'étaient plus utilisés dans la fabrication des petits pots pour bébés. Le Directeur général de la DGCCRF nous a effectivement confirmé les difficultés administratives qu'il a pu rencontrer pour mettre en place cet embargo et cette harmonisation au niveau européen.

Je vous prie de m'excuser de reposer cette question sur les farines, mais cette notion de code et de seuil, qui est peut-être facile à comprendre sur le papier, trouble malgré tout la perception que l'on peut avoir de ces tonnages.

M. Alain Cadiou - Au niveau de la méthode, depuis 1993 (je l'ai dit plusieurs fois mais cela paraît essentiel), la déclaration d'échanges de biens, qui est effectuée au-dessus de ce seuil depuis le 1er janvier, concerne essentiellement des statistiques. Elle est effectuée tous les mois par les entreprises, alors que la marchandise a déjà circulé.

Aujourd'hui, nous n'avons pas d'autre instrument, mais il faut reconnaître que cette déclaration n'était pas prévue pour cela. C'est un vrai problème. S'agissant du seuil, on peut regretter son niveau mais il est bien plus faible que dans les autres pays européens ; ceci n'est pas une excuse, bien au contraire.

Il existe un problème de circulation des marchandises et on a tendance à laisser circuler certains produits plus facilement entre la Belgique et la France. Au niveau de ce qui s'est fait avec la Belgique je passe la parole à M. Kearney.

M. Kearney - Concernant les différences entre les statistiques françaises et belges, il s'agit effectivement d'une question évoquée souvent, ainsi que pour l'Irlande. Il existe deux sources de divergences principales. La première est la différence de seuil puisque la France a l'un des seuils de statistiques les plus bas de l'Union Européenne : il s'établit à 650 000 F alors qu'il était plus faible auparavant avec 250 000 F. Ce seuil de 250 000 F était trois fois inférieur à celui de la Belgique qui est de 680 000 F.

Les échanges transfrontaliers peuvent être importants avec la Belgique et tous ces échanges, entre 250 000 F et 680 000 F, étaient pris en compte dans les statistiques françaises mais pas dans les statistiques belges.

Concernant la deuxième source de différences, comme le Directeur général l'a indiqué, les informations françaises tracent l'origine des produits alors que les statistiques belges (et communautaires) tracent la provenance.

La Belgique est passée, au milieu des années 1900, de statistiques traçant l'origine à des statistiques traçant la provenance. En matière de farines qui tracent l'origine, les farines que nous comptabilisons comme étant belges sont, a priori, des farines belges, mais ce n'est pas forcément le cas dans les statistiques belges .

Ce sont deux explications des différences entre les statistiques françaises et belges. Cela n'exclut pas les fraudes à l'origine mais aucune n'a été découverte dans aucun Etat membre concernant les farines.

M. le Rapporteur - Nous prenons note de cette information. La sémantique est un art merveilleux, et la nuance entre les mots « origine » et « provenance » est terriblement intéressante et habile. Sans dévoiler les diverses recommandations du rapport, il faudra avoir une harmonisation en termes de dénomination.

M. le Président - La différence pourrait-elle être de 30 000 tonnes ?

M. Kearney - Sur plusieurs années, c'est possible.

M. le Président - Cela correspond.

M. Kearney - Il faudrait que la France reconstitue des statistiques sur les farines sur l'ensemble des Etats membres pour avoir une vision communautaire des statistiques tenues, en origine et en provenance, et obtenir une confirmation.

Il est plus intéressant pour nous, en termes de lutte contre la fraude, de connaître l'origine des farines, pour s'assurer qu'elles ne sont pas britanniques, plutôt que de savoir d'où elles viennent.

Sur les abats, nous vous remettrons les statistiques sur la consommation. Six codes statistiques concernent les abats et ils ont été regroupés dans les statistiques préparées pour la Commission. Nous pourrons donner des statistiques plus détaillées en indiquant ce qui est abats de type matériaux à risques spécifiés ce les autres abats bovins.

Certains Etats membres sont les principaux fournisseurs de la France et le Royaume-Uni a eu une place importante, sans être dominante, parmi eux. Il était généralement le cinquième fournisseur, et non pas le premier comme c'était le cas pour les viandes fraîches, mais cette barre s'est effondrée à partir de 1995.

M. le Rapporteur - A partir de novembre 1989, l'Angleterre a interdit l'utilisation des abats, et de 1988 jusqu'à 1996, soit en moins de 10 ans, nous avons importé du Royaume-Uni 47 890 tonnes alors que dans la décennie précédente nous n'avions importé que 3 185 tonnes. C'est très choquant. Pourriez-vous nous fournir des détails suivant les différents classements d'abats ?

M. Kearney - Cette évolution a été constatée avec beaucoup d'autres Etats membres. C'est l'effet de la construction du marché unique, l'européanisation des échanges, qui a pris de l'ampleur au cours des années 1980 dans des proportions fortes avec d'autres Etats membres. Concernant le Royaume-Uni, il est vrai que cette situation est perturbante, a posteriori, compte tenu des développements de l'encéphalopathie spongiforme bovine.

S'agissant de la décomposition de ces 47 890 tonnes en fonction des différents types d'abats, je ne dispose pas de ces renseignements aujourd'hui mais il me sera possible de vous les remettre dans les prochaines semaines.

Nous rencontrerons une difficulté quelque peu analogue à celle des farines mais toutefois moindre. En effet, certains abats sont identifiés, notamment la langue et le foie, en termes de statistiques individualisées ; en revanche, pour d'autres abats spécifiés la difficulté est six fois moindre que pour les farines puisque nous passons d'une position spécifique à six positions. Nous pourrons vous les donner. Je sélectionne, au fur et à mesure des questions posées, certains éléments à vous remettre, notamment les statistiques sur l'importation des abats entre 1988 et 1999.

M. Michel Souplet - Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention l'exposé de Monsieur le Directeur général. Je voudrais m'inquiéter de deux aspects évoqués.

Il est évident que la politique commune se met en place et que l'harmonisation des législations nationales est loin de suivre le rythme dû aux divers élargissements. En 1993, la suppression des douanes était normale puisqu'elle était inscrite dans les textes. La France a conservé une protection douanière extra-communautaire de Dunkerque à la frontière italienne mais, dans le même temps, les autres pays n'ont pas fait les mêmes efforts.

Entre les services des Douanes françaises et les services de vos homologues, des 12 ou 15 pays qui sont maintenant dans la Communauté, les rapports sont-ils bons et la fiabilité de leur politique est-elle suffisante ou devrait-elle se rapprocher de la nôtre ?

Par ailleurs, vous indiquez que vous ne pouvez pas effectuer de contrôle de nuit avec le Code de la Consommation. Quand des camions rentrent sur le territoire durant la nuit, êtes-vous obligés d'attendre 6 heures du matin pour les contrôler ou pouvez-vous les arrêter ? Il est inquiétant de penser que l'on ne peut pas agir pendant 12 heures.

Si vous ne pouvez pas les arrêter, alors que vous avez un doute sur leur origine, pouvez-vous les suivre jusqu'à l'endroit où ils vont décharger, afin d'effectuer les contrôles au lever du jour ?

M. Alain Cadiou - La France a gardé un dispositif qui, à bien des égards, est plus important que celui d'autres pays. Toutefois, la coopération fonctionne bien surtout sur des schémas de ce type.

Le douanier est une personne qui veut agir et est dans l'action. Pour lui, il est plus simple de faire un contrôle systématique à la frontière (comme il le faisait avant de manière quasi exhaustive) ou de disposer de l'article que vient de voter le Parlement (l'article 38-5) permettant de faire des contrôles systématiques ou d'avoir des listes de marchandises prohibées.

Cela n'a pas été le cas et vous l'avez reconnu Monsieur le sénateur : en 1993, c'était l'ouverture du grand marché et la règle était de laisser circuler.

Concernant les contrôles de nuit, je laisserai la parole à M. Kearney. Les douaniers, quand ils ont les moyens d'agir avec le Code des Douanes national, et non pas le Code de la Consommation, travaillent de nuit.

Sur 19 000 douaniers, 9 000 douaniers dits de surveillance (les douaniers en tenue) ont une obligation de service 24/24 heures. Tout dépend de ce qu'on leur demande de faire et des moyens dont ils disposent.

M. François Mongin - Je crois, Monsieur le Sénateur, qu'il est important d'intégrer la modification du mode d'action des Douanes européennes depuis 1993. Même si la France a conservé un dispositif douanier important, le mode d'intervention des Douanes françaises a changé. Nous avons aujourd'hui forcément moins de monde sur les frontières intra-communautaires -c'est la logique du marché unique- qu'avant 1993.

De ce fait, la logique des contrôles mis en oeuvre a changé. Là où les contrôles étaient systématiques, sur les produits de type bovins, en liaison étroite avec les Services Vétérinaires, nous faisons maintenant des contrôles inopinés à l'intérieur du territoire (c'est une pratique nouvelle) sur la base de ciblages, repérages ou d'identification de véhicules suspects. Les modes de contrôle ont forcément changé, et ce qui était systématique ne l'est plus par obligation communautaire.

Pour répondre à votre deuxième question, sur la base du Code de la Consommation les agents des Douanes ne sont pas habilités à intervenir pendant la nuit. En revanche, quand ils interviennent sur la base du Code Rural, et plus particulièrement de l'article L. 236, pour les contrôles de produits animaux, ils sont habilités à intervenir la nuit et, en cas de doute, à procéder à une consignation jusqu'au verdict des autorités vétérinaires ou de la DGCCRF.

Je voudrais vous rassurer sur ce point. La Douane ne s'arrête pas de vérifier les camions de viande bovine pendant la nuit. Bien au contraire une grande partie de ses contrôles, en particulier sur la frontière nord-est de la France, qui est l'un des axes majeurs de circulation, s'opère dans cette période.

M. Jean-François Humbert - J'avoue que depuis de très nombreuses années j'ai beaucoup de difficultés à maintenir un effort de concentration et d'attention suffisant pour ne pas revenir sur un certain nombre d'éléments qui ont sans doute déjà été dits.

Vous avez évoqué à plusieurs reprises le fait que depuis 1993, date de la mise en oeuvre du marché unique, il existe des difficultés supplémentaires pour que les agents des Douanes puissent effectuer correctement leur travail.

Par ailleurs, à la question de notre Rapporteur concernant les différences entre les statistiques belges et françaises, vous dites que l'on parle d'origine et de provenance et qu'il vous est possible de nous fournir des éléments statistiques.

Ma question peut sembler naïve : sur quelles bases êtes-vous en mesure de préparer et remettre, dans un délai de quelques jours ou quelques semaines, ces fameuses statistiques ? Je souhaite savoir sur quoi vous travaillez pour les établir entre Etats membres de l'Union Européenne.

M. François Mongin - Les statistiques que nous établissons sont consolidées à partir de ces fameuses déclarations d'échanges de biens mises en place en 1993. Elles sont exhaustivement dépouillées par nos centres de traitement informatique. Nos publications statistiques mensuelles du commerce extérieur de la France sont établies à partir de ces déclarations, telles qu'elles sont remplies par les entreprises qui y sont assujetties de manière simplifiée entre 650 000 F et 1,5 MF d'introduction annuelle.

L'absence de fourniture de cette déclaration est sanctionnée par une amende, certes faible, prévue par le Code des Douanes.

M. Jean-François Humbert - Ces DEB existent-elles sous une forme quelconque en Allemagne, en Belgique, en Angleterre ou au Danemark ?

M. François Mongin - Les pays européens, sur la base de la réglementation dite « intra stat » de 1992, sont dotés d'un système leur permettant de poursuivre la mesure de leur flux de commerce intra-communautaire. La difficulté fondamentale est que ces systèmes ne sont pas harmonisés.

Les seuils qui ont été évoqués préalablement sont une cause majeure de discordance des statistiques. Dans la préparation de l'audition par votre Commission, nous évoquions, de manière anecdotique, que la France apparaît dans nos statistiques comme un très gros exportateur de bateaux vers la Belgique alors que les statistiques belges ne mentionnent aucune importation de bateaux. En réalité, les bateaux sont achetés par des particuliers qui ne sont soumis à aucune obligation de déclaration d'échanges de biens. Dans nos statistiques nous trouvons des quantités importantes de bateaux qui nous permettent de considérer que des entreprises de ce secteur ont un commerce florissant avec la Belgique. Or, en Belgique les bateaux disparaissent des statistiques.

Ce problème de seuil se rencontre avec la Belgique et l'Angleterre (dont le seuil est 4 fois plus élevé que le nôtre). Par ailleurs, les PAYS-BAS en sont réduits à estimer près de 20 % de leurs échanges intra-communautaires car leurs déclarations d'échanges de biens ne leur permettent pas de les retracer.

Sans vouloir s'abriter derrière des arguties techniques, il est vrai que cette distorsion dans la réglementation des seuils et des modalités d'élaboration des DEB est une gêne à la cohérence de l'ensemble.

M. Jean-François Humbert - Lors d'auditions précédentes j'ai eu l'impression qu'il a pu exister (après l'interdiction) des transits de farines animales par l'Irlande, le Danemark, et la Belgique.

Le fait de travailler les uns avec les autres, avec vos homologues des autres Etats membres de l'Union Européenne, peut-il être d'une quelconque utilité pour tenter de reconstituer ce chemin ?

M. Kearney - Sur ce sujet, il n'est pas possible de déduire une fraude en examinant les divergences de statistiques. S'agissant du passage par l'Irlande, ce pays est intéressé à ne pas laisser passer de farines britanniques sur son territoire ; en raison d'un tel embargo sur les farines britanniques, le risque théorique est faible.

Nous n'avons pas pu constater, ni en France ni dans l'ensemble des Etats membres, alors que nous sommes en liaison avec l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF), de fraude sur les farines britanniques.

Le Directeur général parlait d'analyse de risques. Le gain espéré par la fraude sur les farines, alors que les variations de prix sont très faibles et pas toujours en faveur des farines britanniques, n'est pas à la mesure du risque encouru. Ce sont des éléments de bon sens douanier.

M. Jean-François Humbert - Il existait une interdiction totale en Angleterre et leur problème était peut-être d'assurer l'écoulement de la production de ces farines.

M. Kearney - Il était plus facile pour des Britanniques de percevoir les indemnités du Gouvernement ou d'exporter vers des pays tiers.

Concernant les farines britanniques, nous n'avons pas pu constater de fraude, ou de circuit de fraude, apportant une explication de ces divergences de statistiques, d'année en année, sur les importations par les pays cités.

M. Jean-François Humbert - Pouvez-vous nous parler du protocole d'accord qui a été signé avec la DGCCRF ? En termes de contenu et d'action commune, j'aimerais savoir s'il existe des rapports ou des synthèses de réunions qui auraient pu avoir lieu, ainsi que des préconisations ou des recommandations qui auraient pu résulter de votre travail avec cette autre Direction qui, je crois, dépend du même ministère que la Direction des Douanes.

M. Kearney - Sur la coopération avec la DGCCRF, nous avons deux protocoles. L'un, opérationnel, concerne spécifiquement l'ESB et prévoit des mesures d'échanges d'informations et d'actions communes sur les importateurs de farines.

Par ailleurs, nous avons élargi ce protocole ESB lors de la crise des dioxines belges et de Coca-Cola en intervenant durant l'été 1999. Sur la base de cet élargissement, nous avons conclu un protocole élargi à l'ensemble des crises sanitaires, qu'elles soient alimentaires ou non, pour pouvoir échanger et être informés systématiquement sur tous les risques sanitaires qui pèsent en Europe. Cela se pratique notamment par la diffusion de messages d'information européens sur les risques sanitaires : dès que des « crevettes parfumées au choléra » rentrent en Espagne nous sommes informés afin de pouvoir prendre des mesures de contrôle aux frontières.

Nous avons désigné des correspondants uniques dans chacune des deux Directions pour pouvoir faciliter la coopération. Nous faisons des échanges d'instructions et nous pouvons recourir, en cas de besoin, au laboratoire de la DGCCRF, ce qui est utile pour l'analyse des farines. Par ailleurs, nous disposons d'un programme de formation commune qui se déroule en une session de deux jours pour former les gestionnaires des crises sanitaires. Une telle session se déroule d'ailleurs demain à Dijon avec un suivi au cours de l'année par une série de formations.

Si vous le souhaitez, nous pourrons communiquer à la Commission les deux protocoles d'accord entre les Douanes et la DGCCRF.

M. le Président - Ce sera mis au dossier.

M. Jean-François Humbert - Nous avons entendu parler d'un deuxième protocole qui serait regroupé en un seul.

Je note que vous n'avez pas indiqué ce que vous faisiez ensemble. Il est question de farines animales dans notre pays et en Europe. Existe-t-il des actions communes de recherche, ici ou là, une fois les frontières franchies ? Je crois que le rôle de chacun consiste à essayer de trouver, s'il y a eu fraude, où sont passées les dites farines et par qui elles ont été utilisées.

M. François Mongin - La collaboration ne se résume pas à des échanges tels que des débats ou un protocole écrit. Nos services d'enquête, la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières et l'homologue de la DGCCRF, sont en relation quotidienne sur les sujets communs de fraude.

Il nous arrive très fréquemment d'échanger des renseignements. Par exemple, quand la Douane a lancé des campagnes de vérification des déclarations d'échanges de biens (qui sont le seul moyen, dans la nomenclature statistique évoquée, de déterminer l'origine des farines), dès que nous avions des soupçons d'irrégularités sur la destination des produits en cause, nous saisissions nos collègues de la DGCCRF.

A ce titre, nous avons échangé avec eux des fiches de liaison et, concrètement, diligenté quelques enquêtes communes. Je pense que M. Kearney peut vous donner quelques chiffres.

M. Kearney - Parmi les actions communes, l'une d'elles a été décidée en mai 1998 pour les farines afin de réaliser un recensement et des contrôles des stocks en cours. Cette opération de contrôle de grande envergure a duré environ 6 mois (entre mai 1998 et janvier 1999) et a permis d'échanger 50 fiches d'information et de mettre en oeuvre 5 contrôles conjoints entre les Douanes et la DGCCRF.

Sur ces bases, 95 contrôles ont été effectués par la DGCCRF à partir des données transmises par la Douane.

Sur la deuxième moitié de 1998, une opération similaire a commencé. Elle a donné lieu à des contrôles sur les viandes bovines en 1999 et 2000.

Depuis la signature du protocole, en mars 2000, nous avons échangé 441 fiches de liaison (des fiches d'informations sur des risques de fraudes ou des données statistiques concernant les entreprises) essentiellement dans le sens Douanes vers DGCCRF puisque nous disposons des statistiques du commerce extérieur. Cela a permis de mener 12 actions communes depuis mars 2000 dans le cadre de l'ESB.

M. Jean-François Humbert - Ces fiches constituent-elles un document confidentiel ?

M. le Président - Pas pour la Commission. A ce titre, je suppose que vous disposez de certains documents et je vous demanderai très officiellement de nous remettre la totalité de ce qui peut nous permettre de tout connaître.

M. Jean-François Humbert - Y a-t-il eu, à votre connaissance, sur le territoire français, des lacto-remplaceurs ou des laits de remplacement d'origine communautaire ou d'origine plus ou moins déterminée, à savoir venant de pays tiers ?

M. Kearney - Monsieur le sénateur, il me serait bien difficile de vous répondre. Nous pourrons statistiquement savoir si des entrées de ce type ont eu lieu.

Mon premier sentiment est qu'il s'agit plus d'importations intra-communautaires que de produits en provenance de pays tiers. L'analogie avec les farines indique qu'il s'agit à 90 % de produits communautaires. Toutefois, pour répondre précisément à votre question, nous ferons une vérification sur ce point.

M. Paul Blanc - Vous avez parlé de cette coopération entre les différents services de Bercy, notamment les Douanes et la DGCCRF. Il semble que le Rapport Villain indique qu'elle a été tardive puisqu'elle daterait seulement de 1996 et qu'il y aurait peu de rapports avec les Services Vétérinaires.

Permettez-moi de vous tester : êtes-vous informé de ce qui s'est passé dans les Hautes-Alpes où les Services Vétérinaires ont saisi le Parquet de GAP à la suite de la découverte d'importantes quantités d'aliments pour bovins contenant des farines animales importées d'Italie ?

M. Kearney - Concernant la coopération avec la DGCCRF, le Rapport Villain a été communiqué à votre Commission afin que vous puissiez en juger par vous-mêmes. Certains points positifs y sont mentionnés, notamment le fait que l'interdiction d'importation des farines avait été respectée et que la Douane s'est mobilisée dès 1989 sur l'interdiction des farines.

Ce rapport relève que la collaboration avec la DGCCRF n'a commencé qu'en 1996, mais cela semble naturel puisque la crise de l'ESB date de cette année-là.

Des protocoles ont permis d'améliorer le fonctionnement mais la collaboration naturelle de la Douane se faisait plutôt avec les Services Vétérinaires qui effectuaient (et effectuent toujours) des contrôles systématiques et préalables sur les produits importés, ce qui était le cas entre 1989 et 1993.

Sur la période de 1993 à 1996, nous étions dans une situation où il n'y avait pas d'embargo sur les produits bovins britanniques. Il existait une prohibition sur les farines mais cela ne nécessitait pas une coopération particulière avec la DGCCRF puisqu'il s'agissait de missions classiques de contrôle de prohibition.

Des mesures ont été prises à la suite de la publication du rapport et elles ont donné lieu aux mesures de coopération décrites qui n'ont pas permis de déceler de fraude particulière. Nous avons constaté des irrégularités, comme des erreurs de remplissage de déclarations d'échanges de biens, mais pas de mouvements particuliers de fraude.

Nous collaborons avec des résultats qui ne sont pas déterminants pour montrer une fraude.

Concernant les Hautes-Alpes, une coopération entre la Direction Générale de l'Alimentation et la DGCCRF a permis d'identifier un certain nombre de fraudes sur des farines animales et des aliments pour animaux. L'enquête est en cours et nous n'avons pas d'élément particulier sur la suite puisque, s'agissant des stocks détenus sur le territoire français, cette affaire est gérée conjointement par la DGCCRF et la DGAL, sans l'intervention de la Douane à ce niveau.

M. Paul Blanc - Vous avez parlé de l'élaboration des DEB et des erreurs qui pouvaient se produire. Il me semble qu'une erreur matérielle est passible d'une amende.

M. Alain Cadiou - Oui.

M. Paul Blanc - Pouvez-vous préciser le montant de cette amende et le nombre d'infractions relevées entre 1993 et 2000 ?

M. François Mongin - Concernant les amendes, l'article L. 467 s'applique ; il prévoit que le défaut de production, dans les délais, de la déclaration d'échanges de biens donne lieu à l'application d'une amende de 5 000 F. A défaut de production de la déclaration dans les 30 jours suivant la mise en demeure, l'amende est portée à 10 000 F.

M. Paul Blanc - Quel est le nombre d'infractions relevées ?

M. François Mongin - Je ne peux pas vous répondre immédiatement mais je rechercherai ce renseignement.

M. Paul Blanc - Surveillez-vous les courtiers qui importaient des farines animales ?

On nous a indiqué que les farines animales arrivaient par bateaux et étaient destinées à des fabricants d'aliments mais également à des courtiers. Il est relativement facile de contrôler les fabricants d'aliments mais est-ce le cas pour les courtiers ?

M. Kearney - Oui, puisque par définition nous contrôlons l'ensemble des opérateurs du commerce extérieur qui remplissent les DEB, ainsi que ceux qui n'en remplissent pas afin de nous assurer qu'ils n'en remplissent pas à raison.

En revanche, s'agissant des courtiers, en matière de statistiques il peut s'agir de courtiers français qui importent des produits. Cela a constitué un problème de divergences de statistiques entre les DEB remplies par les opérateurs sur la base des factures et les importations réelles en fonction de l'origine. Il s'agissait notamment des farines irlandaises vendues par des courtiers britanniques : elles apparaissaient comme britanniques dans certaines statistiques et dans les DEB remplies par les importateurs français, mais il s'agissait en fait de farines irlandaises. Des courtiers britanniques qui ne pouvaient plus vendre les farines de leur pays ont décidé de vendre des farines irlandaises ; de ce fait, ils continuaient à approvisionner leurs clients français avec des farines d'autres pays. C'est un deuxième aspect de la question concernant les courtiers.

M. Paul Blanc - Au-delà de tous les chiffres qui nous ont été remis, selon vous y a-t-il eu des fraudes ?

M. Kearney - Sur les farines nous n'avons pas pu déceler de fraudes, ou du moins pas de fraudes de nature importante, au-delà de quelques erreurs de déclaration. Toutefois, cela ne signifie pas qu'elles n'existaient pas. A notre sens, il n'y en avait pas car il n'existait pas de logique économique et nous n'avons pas pu déceler de telles fraudes.

Quand le Directeur général a mentionné le nombre de camions contrôlés, il faut rapprocher deux chiffres : 1,3 million de camions en provenance du Royaume-Uni par an et un million de contrôles réalisés 1996 sur les camions britanniques. Cela signifie qu'un camion britannique sur cinq est contrôlé par la Douane sur le territoire national.

M. Paul Blanc - J'en déduis qu'il n'est plus rentable d'acheter des farines animales britanniques. C'est ce que l'on peut constater en Principauté d'Andorre avec les cigarettes.

Dans l'élaboration des DEB, avez-vous connaissance de vente à la France, notamment dans les régions frontalières du département des Pyrénées-Orientales, d'aliment pour bétail en provenance d'Espagne ? Si vous ne pouvez pas répondre aujourd'hui à cette question, je souhaiterais que vous le fassiez dans les 15 prochains jours.

M. Kearney - J'ai noté la question.

M. Jean-François Humbert - Vous avez indiqué à plusieurs reprises l'absence d'intérêt économique à l'importation des farines britanniques. Concernant les cigarettes (évoquées par M. Blanc) ou d'autres produits interdits en France, vos agents sur le terrain les trouvent à la suite de renseignements qui leurs sont donnés.

La valeur marchande des farines était-elle si peu importante qu'aucune information n'a été transmise, par exemple par un concurrent malheureux de tel ou tel fabricant français ou étranger ?

M. Kearney - Sur ces aspects, il faut rappeler que le prix d'un kilo de farines animales se situe à 1 F ou 1,40 F selon le type. Le différentiel entre Etats membres est assez réduit. Par ailleurs, il ne s'agit pas de produits fortement taxés comme l'alcool ou les cigarettes pour lesquels il existe, dans les autres Etats membres, des circuits de fraude bien organisés, ce qui est l'occasion de saisir des conteneurs entiers ou des camions de cigarettes de contrebande.

Si on postulait sur un système de fraude intervenant sur une grande échelle, il serait plus intéressant pour une organisation mafieuse de s'intéresser aux cigarettes plutôt qu'aux farines. Il s'agit de volumes qui n'ont aucun point commun.

Sur des informations qui auraient pu être données à la Douane, je ne peux pas certifier qu'aucune information n'a été procurée sur les 10 dernières années. Toutefois, à ma connaissance aucun renseignement de ce type n'a permis de découvrir un circuit de fraude particulier.

M. François Mongin - Pour répondre précisément à la question, nous n'avons pas mis en évidence de circuit de fraude sur les farines animales. En revanche, nous avons connaissance de quelques affaires de fraude sur des circulations illicites de viande bovine. Ceci a fait l'objet de travaux de notre Direction nationale de recherches et d'enquêtes.

Il nous est possible, même si ce n'est pas l'objet de votre Commission, de vous communiquer quelques informations sur le sujet.

M. le Rapporteur - La Commission d'enquête a pour but d'essayer de clarifier les conditions d'utilisation des farines animales et leurs conséquences sur la santé humaine. Or, qui dit farines dit abats et également carcasses. Il serait donc souhaitable que vous puissiez nous fournir les informations que vous détenez sur ces mouvements frauduleux car il me semble que cela concerne également cette Commission d'enquête.

Sur ce point précis, je suis troublé par la décision du 27 juillet 1994, au niveau français, de durcir les conditions d'importation de viandes britanniques et d'exiger des viandes désossées provenant précisément d'élevages exempts d'ESB depuis au moins 6 ans.

Or, une année plus tard, une directive européenne adressée au Gouvernement anglais faisait obligation de parfaire ce système d'identification pérenne des animaux. On peut donc considérer que cette demande, invitant les Britanniques à parfaire leur système d'identification pérenne, signifie que ce moyen était loin d'être parfait.

Au niveau des Douanes, sur quelles bases avez-vous travaillé pour vérifier les mouvements d'importation de carcasses et étiez-vous satisfaits de leur traçabilité ?

M. Kearney - La traçabilité des carcasses est encore fort délicate aujourd'hui. J'aurais tendance à vous répondre qu'elle l'était davantage en 1994 et que la réglementation française et communautaire, qui a beaucoup évolué sur ces points, n'a pas été d'une aide particulière.

Concernant la manière dont les contrôles étaient effectués à l'époque, je vous demande de m'accorder un délai de réponse afin de pouvoir vérifier. J'ai le sentiment que c'était assez complexe.

M. le Rapporteur - Pourrions-nous être destinataires de ces tonnages dans ces périodes critiques et des éventuelles notes de service vous permettant de vous appuyer sur une traçabilité prouvant que ces carcasses désossées provenaient, à partir du 27 juillet 1994, de cheptels anglais exempts d'ESB ?

Une autre question est en articulation directe avec celle de notre collègue M. Humbert. Pourriez-vous nous fournir, sur une période de 10 ans, l'évolution des prix des farines animales sur le territoire européen ? Cela ne doit pas être compliqué car ce genre d'information doit être compulsé. Cela nous permettrait éventuellement de voir certains dumping.

Il semblerait que la DGDDI n'ait pas de contact particulier avec la Brigade nationale d'enquêtes vétérinaires.

M. Kearney - Il s'agit de contacts au niveau des services d'enquêtes entre la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières et la Brigade nationale d'enquêtes vétérinaires. Il existe des transmissions de statistiques sur les volumes de produits bovins, la liste des importateurs et des contacts de nature un peu informelle.

M. le Rapporteur - Ces contacts ou cette manière de travailler ensemble vous semblent-ils suffisants ?

Imaginez-vous qu'il soit pertinent d'avoir une coopération et une cohérence plus forte entre ces deux services ?

M. François Mongin - Je voudrais répondre de façon générale. Sur le plan opérationnel, nous estimons satisfaisant l'état de la coopération résultant des protocoles passés avec nos collègues de la DGCCRF. Nous avons proposé, à plusieurs reprises, à nos homologues de la DGAL, de conclure un protocole de coopération avec nous car nous pensons que c'est le bon axe pour améliorer la qualité conjointe de nos contrôles.

Cela dépasse le sujet de la Brigade nationale des enquêtes vétérinaires. D'une manière plus générale, nous souhaiterions rentrer dans un schéma opérationnel, comparable à celui de la DGCCRF, avec la Direction Générale de l'Alimentation.

Concernant la traçabilité, nous verrons ce qu'il nous est possible de vous fournir sur les importations de carcasses de bovins exempts d'ESB. Toutefois, j'ai plutôt tendance à penser que ce sujet concerne davantage nos collègues du ministère de l'Agriculture. Comme le disait le Directeur des Douanes, nous sommes une administration de contrôle ; nous ouvrons des camions pour examiner leur contenu et il est fondamentalement difficile d'apprécier si une carcasse de bovin est exempte d'ESB quand elle passe la frontière.

Aussi, quand nous avons un doute, nous faisons appel aux Services Vétérinaires car nous ne pouvons pas porter une telle appréciation. Nous ne sommes pas en capacité technique ou juridique de le faire. J'insiste beaucoup sur ce point.

M. le Rapporteur - Concernant ces mouvements frauduleux, pouvez-vous nous donner plus de précisions car c'est un élément capital ?

M. Kearney - Vous souhaitez connaître les importations de carcasses bovines du Royaume-Uni ?

M. le Rapporteur - Essentiellement ou « sans provocation », de certaines « plaques tournantes » telles que la Belgique ou l'Irlande.

M. Kearney - Sur cet aspect, il faut rappeler que le Code Rural a été modifié en 1994 pour permettre à la Douane de faire des contrôles visuels sur les produits carnés et les animaux vivants.

L'autre aspect, qui correspond à une revendication ancienne de la Douane, consiste à pouvoir disposer d'un document d'accompagnement dans les échanges intra-communautaires permettant de s'assurer d'un certificat sanitaire ou d'une facture. Je ne sais pas si à l'époque c'était le cas pour la circulation de ces carcasses

En l'absence de certificats sanitaires, les contrôles douaniers sont plus difficiles dans les échanges intra-communautaires. Il convient aussi de considérer cet aspect.

M. le Rapporteur - Pour parfaire ma question, à qui et à quoi étaient destinées ces carcasses : s'agissait-il de fabrication de farines animales ou d'alimentation humaine directement ?

S'il s'agissait de fabrication de farines animales, avaient-elles fait l'objet d'un traitement spécifique pour enlever les matériaux à risques spécifiés au regard de la législation française de l'époque ?

M. Kearney - Sur la destination des carcasses, le ministère de l'Agriculture ou la DGCCRF pourraient mieux vous répondre que moi. D'après les discussions que nous avions eues sur ce sujet avec la DGCCRF, les carcasses de viande étaient plus destinées à l'alimentation humaine qu'à la fabrication de farines animales, sans que l'on puisse donner sur la destination exacte des informations sur le nombre de carcasses ou le tonnage de carcasses introduites importées du Royaume-Uni. Nous n'avons pas traité le dossier.

M. le Rapporteur - Vous avez constaté et ensuite vous avez confié ce dossier à la DGCCRF et au ministère de l'Agriculture ?

M. Kearney - Le dossier n'est pas confié ; il s'agit d'une répartition des compétences prévue par les textes. Nous pratiquons des contrôles à la circulation sur des camions et dès que les animaux rentrent dans un processus de fabrication ou de commercialisation il s'agit, selon les cas, de la DGCCRF ou de la DGAL, car c'est destiné à l'alimentation humaine ou animale.

M. le Rapporteur - De quelle époque datent ces mouvements ?

M. Kearney - Les mouvements de carcasses ont continué jusqu'en mars 1996, avec une augmentation ou une diminution selon les années. C'étaient des animaux abattus et exportés en France.

Nous pourrons vous donner des chiffres sur les introductions de ces carcasses de viande en provenance du Royaume-Uni et d'autres états limitrophes.

M. le Président - Je vous remercie de bien vouloir nous fournir les documents qui vous ont été demandés car ils sont très importants pour nous. Je vous remercie pour votre participation et je pense que nous vous recontacterons pour vous demander certaines précisions sur des informations que nous découvrons.

Mes chers collègues, Mesdames et Messieurs, merci de nous accompagner dans cette démarche qui est parfois bien longue.

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