B. 2000 : UN LEGER INFLÉCHISSEMENT SOUS LA CONTRAINTE ET SANS PERSPECTIVE

1. Un léger infléchissement de la politique du gouvernement

Comme le souligne l'INSEE les impôts perçus par les administrations ont augmenté moins vite en 2000 qu'en 1999 : ils ont augmenté de 2,9 % en 2000 après 5,4 % en 1999, malgré le dynamisme de la plupart des revenus et la croissance de la consommation sur laquelle sont en partie assis certains impôts. Les cotisations sociales ont augmenté de 3,4 % après une hausse de 5,1 % en 1999.

Dans son rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2000 la Cour des comptes confirme cette évolution et souligne que « le ralentissement de la progression des recettes est sensible ». Pour expliquer ce ralentissement, la Cour des comptes cite l'éventail de mesures fiscales prises par le gouvernement : « l'effet de la baisse du taux de la TVA à 5,5 % sur les travaux d'entretien intervenue à l'automne 1999, la baisse du taux normal de TVA de 20,6 % à 19,6 % d'avril 2000, le tarif de la TIPP sur le fioul domestique a baissé de 30 % et le mécanisme de stabilisation de la fiscalité pétrolière est entré en vigueur au 1 er octobre 2000. Quant à l'IR, les deux premières tranches ont baissé d'un point ».

Le problème est évidemment le caractère hétéroclite de ce que le gouvernement a voulu présenter comme un « paquet fiscal ».

2. Un programme d'allégements d'impôts en trompe l'oeil

A l'occasion de l'examen de la loi de finances pour 2001, le gouvernement a annoncé un plan de réductions d'impôts de 120 milliards de francs sur la période 2001-2003, en prédisant « des gains de revenu de grande ampleur pour les ménages comme pour les entreprises ».

Votre rapporteur général avait regretté la faible cohérence du programme fiscal gouvernemental et l'avait opposé, tant sur le fond que sur la forme, au programme allemand de réduction des impôts mis en place par le gouvernement social-démocrate de M. Gerhard Schroëder.

Votre commission avait fait procéder à une évaluation des mesures fiscales présentées dans le collectif budgétaire : cette évaluation montrait que les mesures fiscales ne concernaient que les ménages et contribuaient au soutien de la demande. Pourtant le contexte était déjà celui d'une bonne tenue de la demande intérieure, alors que des doutes subsistaient sur l'aptitude de l'économie française à accroître ses capacités de production et, en conséquence, à soutenir une croissance soutenue sans saturation de l'offre et sans risque inflationniste. Depuis, les récents indicateurs économiques montrent une diminution de l'investissement des entreprises, une réduction de leur stocks et les indicateurs de l'inflation à la hausse qui confirment cette analyse.

Les mesures fiscales décidées par le gouvernement depuis juillet 2000

Les allégements d'impôts inscrits dans la loi de finances rectificative pour 2000 étaient essentiellement au nombre de trois :

- une réduction de la taxe d'habitation pour un coût de 11 milliards de francs ;

- un allégement de l'impôt sur le revenu à hauteur de 11 milliards de francs (diminution d'un point de chacun des deux premiers taux d'imposition) ;

- la baisse d'un point du taux normal de la TVA pour 18,45 milliards de francs en 2000.

Les principales mesures fiscales de la loi de finances pour 2001 étaient les suivantes :

- l'impôt sur le revenu , avec un allégement de 23,4 milliards de francs en 2001 (28,7 milliards de francs compte tenu de l'indexation du barème) ;

- l'impôt sur les sociétés avec un dispositif d'imposition au taux réduit de 15 % ou 25 % pour les petites entreprises, pour un coût de 2,3 milliards de francs en 2001, une suppression sur trois ans de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés et l'aménagement de régimes fiscaux particuliers ;

- la fiscalité agricole , avec une série de mesures (déduction pour investissement dans les coopératives, abattement sur les bénéfices en faveur des jeunes agriculteurs, imputation des déficits agricoles sur le revenu global...) ;

- la fiscalité pétrolière : la loi de finances comprenait une baisse de la TIPP sur le fioul domestique pour un coût de 3,5 milliards de francs, et une série de mesures dont l'impact budgétaire est incertain : un nouveau dispositif de TIPP « stabilisatrice » ou « flottante » permettant normalement de restituer aux consommateurs les surplus de TVA consécutifs à la hausse des prix des carburants lorsque la hausse du « Brent daté » est supérieure à 10 %, un gel du plan d'augmentation de la TIPP sur le gazole, des mesures de remboursements de la TIPP aux transporteurs routiers (pour un coût de 1,6 milliard de francs) et une contribution exceptionnelle des grandes entreprises pétrolières (+ 5 milliards de francs);

- la vignette automobile : la loi de finances pour 2001 comportait une exonération de vignette pour les voitures particulières pour un coût de 12,5 milliards de francs ;

- un nouveau dispositif fiscal en faveur de l'investissement outre-mer qui « n'entraîne pas de coût pour les finances publiques et est destiné à contribuer de manière plus efficace au développement de l'économie et de l'emploi outre-mer » selon les termes mêmes du gouvernement.

Cette liste des mesures fiscales prises depuis juillet 2000 montre que le gouvernement a choisi le « saupoudrage » plutôt que la réforme.

De fait, le tableau contenu dans le rapport du gouvernement pour le présent débat d'orientation budgétaire, montre bien l'hésitation du gouvernement sur les arbitrages fiscaux à réaliser, avec la liste - non exhaustive - de tous les impôts concernés par des baisses et celle des objectifs poursuivis.

Le programme fiscal du gouvernement

Réduction des inégalités/distorsions

Soutien du pouvoir d'achat

Soutien de l'emploi

Soutien de l'investissement

TVA

x

X

x

IR

x

X

IS

x

Prime pour l'emploi

x

X

x

TP

x

x

TH

x

X

x

DMTO

x

x

x

Vignette

X

Source : rapport du gouvernement pour le DOB 2002

Dans des domaines plus précis, les hésitations du gouvernement sont manifestes . Il est possible de citer la fiscalité écologique comme emblème de l'improvisation fiscale du gouvernement.

La fiscalité écologique : un exemple d'incohérence fiscale

La fiscalité écologique apparaît comme étant :

- un dispositif anti-constitutionnel : l'extension de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) aux consommations intermédiaires d'énergie des entreprises a été censurée par le Conseil constitutionnel en décembre 2000 (décision n° 2000-441 DC du 28 décembre 2000) ; le gouvernement avait pourtant été alerté sur les graves défauts juridiques de son dispositif par un avis du Conseil d'Etat. Votre commission avait souligné lors du débat au Sénat que cette nouvelle taxation était « dangereuse au plan économique », « incertaine au plan environnemental » et « vulnérable au plan juridique » ;

- un dispositif non appliqué : le gouvernement a également mis en place en octobre 2000, un dispositif très complexe de modulation des tarifs de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) (article 12 de la loi n° 2000-1352 du 30 décembre 2000 de finances pour 2001) ; afin de rendre les effets de ce mécanisme plus visibles, le gouvernement avait alors instauré un « bonus » temporaire ; or, la loi prévoit que le ministre chargé du budget prend un arrêté supprimant ce bonus de TIPP dès que certaines conditions sont réunies ; celles-ci le sont depuis le 21 mai 2001 et l'arrêté prévu n'est pas intervenu pour autant : le gouvernement n'a pas souhaité appliquer le texte qu'il avait lui-même demandé au Parlement de voter afin de ne pas aboutir à augmenter les tarifs de la TIPP. Cette non-application de la loi fiscale conduit à des pertes de recettes « volontaires » pour l'Etat ;

- une politique incohérente : en 1998 le gouvernement a présenté un plan sur sept ans de réduction de l'écart de taxation entre le gazole et l'essence afin de rapprocher la situation française de l'écart moyen européen. Cet engagement ainsi que le Programme national de lutte contre l'effet de serre sont en contradiction avec diverses mesures prises par le gouvernement :

- « pause » dans la rattrapage en 2001 ;

- modulation de la TIPP ;

- instauration d'un dispositif de remboursement de la TIPP aux transporteurs routiers pour maintenir la paix sociale et implicitement compenser aux routiers le surcoût des 35 heures dans ce secteur (modifié quatre fois en deux ans).

Enfin, l'examen des programmes fiscaux des autres pays européens montre que ceux-ci sont souvent plus simples et ciblés que le programme français

Principales initiatives de politique budgétaire pour 2000 et 2001
dans un certain nombre de pays

Le coût des trains de mesures énumérés ci-après est estimé par l'OCDE
aux alentours de ½ point du PIB ou plus

Allemagne

2001

Réforme de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés incluant de nouvelles réductions des taux statutaires de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et des sociétés et une augmentation de la déduction fiscale de base. Elargissement de l'assiette fiscale.

France

2000

Réduction du taux de TVA d'un point ; réduction du taux de TVA pour les travaux d'amélioration de logements ; réductions des taux de l'impôt sur le revenu ; suppression d'une majoration de l'impôt sur les sociétés ; réduction des impôts fonciers. Ces mesures sont partiellement compensées par des augmentations de cotisations sociales prélevées sur les bénéfices et des taxes générales sur les activités polluantes.

2001

Réduction de l'impôt sur le revenu des personnes physiques ; réduction des cotisations de sécurité sociale pour les bas salaires ; réduction des taxes sur les produits pétroliers. Revalorisation des avantages sociaux et des retraites, créations d'emplois par les pouvoirs publics.

Italie

2001

Réduction d'impôts principalement pour les titulaires de faibles revenus ; réduction des cotisations de sécurité sociale ; réduction de l'impôt sur les sociétés. Augmentation des dépenses d'infrastructure et de transferts sociaux.

Royaume-Uni

2000-01

Réduction du taux de base de l'impôt sur le revenu ; abaissement des impôts pour les petites et moyennes entreprises ; réduction des cotisations au régime d'assurance national. Les allégements seront partiellement compensés par l'introduction d'un nouveau prélèvement dénommée « changement climatique » et une augmentation des droits sur le tabac. Augmentation des dépenses consacrées à la santé publique. Elargissement de l'assiette fiscale et renforcement de la discipline fiscale.

Canada

2000-01

Indexation complète du régime d'imposition sur le revenu ; réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés.

Belgique

2000

Accélération de la réduction pluriannuelle des cotisations de sécurité sociale.

Finlande

2000-01

Réduction de l'impôt sur le revenu et des cotisations de sécurité sociale.

Irlande

2000

Réduction de l'impôt sur les revenus du travail ; avancées en faveur de l'application de taux unifiés d'imposition pour les secteurs liés aux échanges et ceux non liés aux échanges. Augmentation des dépenses générales d'infrastructure (1% du PIB).

2001

Poursuite de la réforme fiscale. Augmentation des dépenses générales d'infrastructures (1 % du PIB).

Pays-Bas

2001

Réduction des taux d'imposition et augmentation des crédits d'impôts au titre des revenus du travail. Ces mesures seront partiellement compensées par une réduction des possibilités de déductions d'impôts, une augmentation des taxes environnementales et des taux de TVA et un relèvement des impôts sur les revenus imputés de la fortune.

Suède

2000-01

Réduction de l'impôt sur le revenu.

Source : OCDE

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