2. L'absence de réformes d'envergure

Dans son rapport préparatoire au présent débat, le gouvernement reconnaît la nécessité de la mise en place de réformes : « La maîtrise des dépenses d'assurance maladie et des dépenses consacrées à la famille est nécessaire. La mise en place d'une régulation de l'offre de soins et le développement de la prévention devraient permettre de concilier maîtrise des dépenses d'assurance maladie et meilleure qualité des soins pour les Français. Comme le montre l'expérience de nos partenaires européens qui nous ont précédés dans cette démarche, notamment les pays scandinaves, cette décélération est compatible avec un progrès continu de la qualité du système de santé et avec une extension de la couverture maladie. Une meilleure efficacité exige cependant des réformes de structure et rend indispensable la mise en place de mécanismes de régulation efficaces tels que le respect d'une enveloppe globale de dépenses de médecine ambulatoire ».

Si le gouvernement a le mérite de dresser un diagnostic éclairant des besoins de notre système de santé et de s'en référer aux réformes mises en oeuvre chez nos voisins scandinaves, force est de constater que les résultats de sa politique de santé ne sont en rien à la hauteur des ambitions affichées.

Cette année, les critiques à l'encontre du fonctionnement de notre système de santé ont été particulièrement nombreuses et vives. C'est ainsi notamment, que dans une note publiée le 9 mai dernier, la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) dresse un bilan très critique et avance des propositions.

Les insuffisances de l'architecture du système sont clairement identifiées : l'objectif de dépenses annuel voté par le Parlement souffre d'une absence de vision sanitaire, les remboursements des médicaments se caractérisent par leur incohérence, il n'existe pas de réelle coordination des soins entre la ville et l'hôpital, et entre professionnels de santé, enfin la qualité des soins n'est pas garantie. S'agissant des relations conventionnelles entre les caisses et les professionnels de santé, le bilan de la CNAM précise que le vote annuel de l'ONDAM par le Parlement a sans doute servi de révélateur aux carences en matière de définition d'une politique de santé publique et de priorités sanitaires, mais qu'il faudrait aussi éclairer le débat d'une perspective pluriannuelle sous forme de loi d'orientation sanitaire. La variation des tarifs des actes médicaux est en outre considérée comme un mode de régulation des dépenses inadapté et inopérant à l'efficacité économique illusoire.

Enfin, il semble que la finalité du système - le service rendu au malade - ait été perdue de vue tout comme la transparence sur les activités de soins et la mesure de leur qualité.

Les insuffisances de la politique du médicament

La « crise » que rencontre aujourd'hui le médicament est, à cet égard, symptomatique des faiblesses du système de santé dans son ensemble. En effet, d'après le président de la CNAM, l'assurance maladie rembourse des spécialités à des prix différents pour un service médical rendu identique et continue à rembourser des médicaments pour un service médical rendu insuffisant. En outre, la part des médicaments chers (plus de 100 francs de prix public) parmi les produits remboursés par la sécurité sociale s'est accrue en 2000, atteignant 44 % de l'ensemble des montants prescrits, contre 38 % en 1999.

Au total, les dépenses de médicament ont augmenté de 10,7 % entre 1999 et 2000. La croissance des remboursements tient aussi à l'impact de l'accroissement des quantités de médicaments prescrits. En 2000, les régimes d'assurance maladie ont remboursé plus de 2,5 milliards d'unités acquises dans les 23.000 pharmacies d'officine. En montant remboursé, la dépense s'est élevée à environ 95 milliards de francs, dont 65 milliards pour le régime général.

La ministre de l'emploi et de la solidarité a annoncé la mise en place d'un « plan médicament » au cours de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale le 7 juin 2001. Ce plan devrait s'appuyer sur le rapport définitif de la commission de transparence qui a recensé dans la pharmacopée française remboursée, 835 médicaments dont le service médical rendu est insuffisant. Des baisses de prix ou des diminutions de prise en charge sont les voies privilégiées par le gouvernement, laissant de côté l'option des « déremboursements secs ». L'objectif de ce plan est de parvenir à des économies de l'ordre de 4 à 5 milliards de francs en année pleine. Ce plan s'articule autour de trois axes : agir sur le bon usage du médicament, relancer le développement des médicaments génériques, renforcer l'efficacité de la régulation, appuyée sur une politique du médicament à l'hôpital et à l'échelle européenne.

Il faut souligner ici le relatif échec du développement des médicaments génériques . Un an et demi après l'instauration du droit de substitution pour les pharmaciens, le secteur des génériques ne s'est développé que faiblement (ce type de médicaments ne représente, selon la CNAMTS, que 2 % des médicaments remboursés).

Comme l'année précédente, le constat de votre rapporteur en matière de finances sociales est sévère, et cela d'autant plus que les soldes s'améliorent.

En effet, que signifient des soldes excédentaires (ceux des administrations de sécurité sociale notamment n'ont jamais été aussi élevés) si, parallèlement, les prélèvements sociaux continuent de croître, si les dépenses ne sont pas maîtrisées, si les réformes structurelles ne sont pas mises en place et si lesdits excédents sont captés par l'Etat pour financer les largesses de sa politique sociale ?

Le solde prend une importance relative dans la mesure où il ne peut en aucun cas apparaître comme le fruit d'une politique saine et volontaire mais plutôt comme le reflet d'une croissance économique vigoureuse et de recettes dynamiques. En aucune façon, il ne reflète, malheureusement, l'existence d'une vraie politique de maintien de la dépense sociale.

examen en commission

Au cours d'une séance tenue le mardi 12 juin 2001 sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général , sur le débat d'orientation budgétaire pour 2002 .

M. Philippe Marini, rapporteur général , a d'abord présenté les quatre éléments qui fondaient selon lui l'actuelle « désorientation budgétaire » du Gouvernement : la montée des aléas sur les prévisions de croissance, de réelles difficultés à tenir l'objectif de maîtrise des dépenses publiques, la fragilité des recettes fiscales, et la réduction compromise du déficit budgétaire pour 2002. Il a rappelé que l'hypothèse de croissance sur laquelle le Gouvernement avait bâti la loi de finances pour 2001 était comprise dans une fourchette de 3 à 3,6 % qu'elle avait été révisée à la baisse au mois de mars à 2,7 %, et qu'elle le serait sans doute une nouvelle fois en juin ou juillet, à 2,4 %.

Ainsi le scénario économique du Gouvernement, qui suppose un redémarrage de la croissance, est loin d'être vérifié. La norme de progression des dépenses de l'Etat a été fixée à 0,5 % en volume pour 2002, ce qui ne paraît guère crédible au vu des dépenses engendrées par les dernières négociations salariales dans la fonction publique ainsi que du plan de consolidation des emplois-jeunes, qui « saturent » déjà cette norme de progression, dont la valeur est donc purement optique. Enfin, M. Philippe Marini a rappelé que le déficit public structurel ne devrait diminuer que de 0,2 point de produit intérieur brut (PIB) entre 1999 et 2002.

Le rapporteur général a rappelé que la période 1998-2000 avait été marquée par une forte croissance, mais qu'un ralentissement significatif de l'activité était perceptible depuis le dernier trimestre. Ainsi, en rythme annualisé, la croissance au premier trimestre 2001 ne s'établit qu'à 2 %, la conjoncture mondiale étant en partie à l'origine de cette situation. Il a considéré que ce ralentissement devenait préoccupant. D'une part, le ralentissement de l'économie américaine est plus brutal que prévu, et il est également net dans la zone euro. D'autre part, l'affaiblissement de la demande intérieure résulte non seulement de la faible croissance de l'investissement des entreprises au cours du premier trimestre de cette année, mais également des incertitudes relatives au niveau de la consommation des ménages.

En matière d'évolution des prélèvements obligatoires, M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que les années 1997 à 1999 constituaient une parfaite illustration du « théorème de Dominique Strauss-Kahn », consistant en une baisse des impôts et une augmentation corrélative des prélèvements obligatoires. Il apparaît ainsi que le taux des prélèvements obligatoires après les mesures nouvelles introduites par le Gouvernement est supérieur au taux des prélèvements obligatoires spontané. L'objectif du Gouvernement pour les années 2000 à 2002 consiste à revenir au taux de prélèvements obligatoires constaté en 1997, ce qui semble difficile à réaliser en raison des nombreuses incertitudes pesant actuellement sur la croissance. Ainsi, le « plan Fabius » de baisse des impôts est dilué sur l'ensemble de la palette fiscale et poursuit une multitude d'objectifs concomitants, la réduction des inégalités sociales, le soutien de l'investissement, la promotion du pouvoir d'achat et l'emploi. Il a considéré qu'un tel « saupoudrage fiscal » ne pouvait être efficace. Il a ajouté que le « plan Fabius » poursuivait des ambitions modestes en terme de réduction du poids des recettes publiques dans le PIB par rapport à l'ensemble des autres pays de la zone euro, en particulier au regard du programme fiscal allemand, puisqu'il est très coûteux (120 milliards de francs) guère efficace et moins ambitieux que ce qui peut être observé dans les pays étrangers. Au cours des deux dernières années, les engagements du Gouvernement en la matière n'ont du reste pas été respectés. En 1999, les recettes fiscales ont ainsi progressé de 30 milliards de francs, par rapport à la prévision initiale soit une hausse du taux des prélèvements obligatoires de 0,3 point, puis de 38 milliards de francs en 2000 (+ 0,4 point). Il est donc probable que le taux de prélèvements obligatoires affiché en 2001, soit 44,8 % du PIB, ne sera pas non plus respecté, a conclu le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a ensuite présenté l'évolution des dépenses. Il a constaté, reprenant les travaux de la Cour des comptes, que les engagements du Gouvernement n'avaient été tenus, ni en 1998, ni en 1999. Pour 2000, la norme de progression des dépenses aurait été respectée, bien que la Cour des comptes ait formulé dans son rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances pour 2000 d'importantes critiques et réserves d'ordre méthodologique. Il convient par ailleurs de noter que les programmes pluriannuels de finances publiques successifs fixent des objectifs de moins en moins ambitieux en matière de maîtrise des dépenses publiques. Ces derniers sont toujours largement supérieurs au niveau qu'ils ont atteint dans la quasi totalité des pays de l'OCDE. Ainsi, l'Italie, qui avait un niveau de dépenses publiques supérieur à celui de la France au début des années 1990, présente désormais des résultats meilleurs que ceux de la France, tandis que plusieurs pays convergent vers une zone où les dépenses sont d'un niveau comparable, créant ainsi un espace de compétitivité. Le rapporteur général a souligné le caractère relativement inquiétant de l'évolution des dépenses publiques dans notre pays en raison, en particulier, de l'impact des dépenses de fonction publique, dont la progression par rapport à l'ensemble du budget général est de 1,8 point depuis 1997. Plus généralement, la progression annuelle du budget de l'Etat résulte quasi-essentiellement de la hausse et de l'inertie des dépenses de fonction publique et de charge de la dette, si bien que le Gouvernement ne dispose plus de marge de manoeuvre budgétaire autre que le recours à des redéploiements de crédits.

Présentant ensuite l'évolution de la dette, M. Philippe Marini, rapporteur général , a rappelé que le besoin de financement de l'Etat - principal agrégat comptable retenu par le traité de Maastricht - avait progressé entre 1999 et 2000, alors que le déficit budgétaire diminuait sur la même période. Il a insisté sur le fait que la réduction des déficits publics résultait à hauteur des deux tiers de la bonne tenue de la conjoncture, le solde conjoncturel s'améliorant beaucoup plus substantiellement que le solde structurel. Il convient d'en déduire que cette amélioration est passagère et qu'elle ne résulte pas des efforts d'adaptation de l'Etat ou de réformes structurelles. Enfin, il a noté qu'en 2001, l'Etat demeurait la seule collectivité publique déficitaire.

Le rapporteur général a ensuite fait observer que le stock de la dette continuait d'augmenter, l'encours de la dette négociable de l'Etat s'étant accru de plus de 1.000 milliards de francs entre 1997 et 2001 : si cette dérive de l'endettement peut être constatée sous tous les gouvernements successifs, il est un fait que la bonne conjoncture observée depuis plusieurs années n'a, en rien, fait reculer le poids de la dette, a-t-il constaté. Il a expliqué que les 591,7 milliards de francs empruntés par l'Etat sur les marchés financiers en 2001 avaient été affectés de la façon suivante : 407 milliards de francs pour le remboursement des emprunts antérieurs, 170 milliards de francs pour le financement des investissements, et 13,8 milliards de francs pour le paiement des dépenses courantes. Rappelant que le Gouvernement avait indiqué vouloir réduire la dette grâce aux recettes exceptionnelles que constitue l'attribution de quatre licences Universal Mobile Telecommunications System (UMTS), soit 32,5 milliards de francs par an pour les années 2001 et 2002, dont le produit devait être affecté au fonds de réserve pour les retraites (FRR) mais aussi, à hauteur de 14 milliards de francs par an, à la caisse d'amortissement de la dette publique (CADEP), il a jugé extrêmement incertaines tant ces ressources, déjà amputées de 50 % en raison de l'attribution de deux licences sur quatre, que leur affectation. Enfin, il a noté que les déficits publics français restaient supérieurs à la moyenne de nos principaux partenaires.

M. Philippe Marini, rapporteur général , présentant ensuite la situation des collectivités territoriales, a noté que l'augmentation des concours de l'Etat aux dites collectivités entre 2000 et 2001 s'élevait à 33 milliards de francs, ainsi répartis : 80 % au titre de la compensation des exonérations fiscales, 15 % au titre des dotations de fonctionnement et d'équipement et 5 % au titre du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) et des amendes de police. Il en a déduit que les « cadeaux » fiscaux consentis aux contribuables par l'Etat avaient été, en fait, supportés par les collectivités territoriales.

S'agissant des administrations de sécurité sociale, il a relevé que la limitation des dépenses d'assurance maladie était restée un « voeu pieux », l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) ayant toujours été réalisé à un niveau supérieur aux prévisions. En fait, l'équilibre de la sécurité sociale est dû à un niveau de prélèvements sociaux toujours croissants, soit 21,4 % du PIB aujourd'hui, la contribution sociale généralisée (CSG) constituant le premier impôt payé par les Français.

M. Philipe Marini, rapporteur général , a conclu en estimant qu'il existait de graves incertitudes sur l'exécution du budget 2001 et sur le cadrage du projet de loi de finances pour 2002. La charge de la dette, en raison de la remontée des taux d'intérêt, va probablement de nouveau augmenter après la réalisation d'économies de constatation au cours des années précédentes. Le programme de lutte contre l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) devrait coûter, selon le Gouvernement, 8 milliards de francs en 2001, alors que seuls 2,2 milliards de francs sont aujourd'hui prévus, suite à l'intervention du décret d'avance du 21 mai dernier. La revalorisation des salaires dans la fonction publique va entraîner des dépenses pour l'Etat d'un montant total de 19,4 milliards de francs sur les années 2001 à 2003. Par ailleurs, outre le coût résultant de la pérennisation des emplois-jeunes, l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) va engendrer un coût annuel de 5,5 milliards de francs à partir de 2002. Ce sont donc des dépenses supplémentaires de l'ordre de 30 milliards de francs qui sont d'ores et déjà programmées pour 2002.

M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis des loi de financement de la sécurité sociale , a ensuite présenté la situation des finances sociales. Il a indiqué que, pour la deuxième année consécutive, les comptes de la sécurité sociale présentaient des résultats apparemment vertueux, mais que, comme l'année précédente, force était de constater que ces apparences étaient, pour une large part, factices. Un fragile excédent du régime général masquant des disparités croissantes entre branches et, une fois encore, l'impossible maîtrise des dépenses de santé ; un excédent « historique » des comptes des administrations de sécurité sociale n'en rendant que plus flagrante leur déconnexion avec l'évolution des comptes de l'Etat et risquant d'être « réquisitionné » pour assurer le financement des dépenses sociales décidées par le gouvernement : telle est la réalité des comptes sociaux aujourd'hui.

Puis il a présenté les résultats comptables du régime général de la sécurité sociale, rendus très tardivement publics par la commission des comptes de la sécurité sociale. Après son retour à l'équilibre comptable en 1999, le régime général de la sécurité sociale présente un solde excédentaire de 5,2 milliards de francs en 2000. Cette situation excédentaire explique notamment la capacité de financement dégagée cette année par les administrations de sécurité sociale qui s'élève à 54,6 milliards de francs. En outre, cette amélioration des comptes sociaux est, avant tout, le résultat de facteurs éminemment conjoncturels : le retour de la croissance couplé à l'amélioration du marché du travail.

Il a cependant souligné la diversité de la situation de chacune des branches :

- la branche maladie reste largement déficitaire avec - 6,1 milliards de francs en 2000 et une prévision de - 3,6 milliards de francs en 2001. Les dépenses maladie du champ de l'ONDAM se sont élevées à 675,3 milliards de francs en 2000, soit une augmentation de 5,5 % par rapport à 1999. Le dépassement de l'objectif initial (658,3 milliards de francs) atteint 17 milliards de francs ;

- la branche accidents du travail affiche un excédent de 2,4 milliards de francs en 2000 et une prévision d'excédent de 3,2 milliards de francs en 2001, malgré les charges supplémentaires qui lui incombent en 2001 au titre de l'indemnisation des victimes de l'amiante ;

- la branche vieillesse bénéficie pour la deuxième année consécutive d'un résultat excédentaire : + 1 milliard de francs en 2000 et une prévision de + 2 milliards de francs en 2001. Pourtant il faut noter un net recul de cet excédent entre 1999 et 2000 puisqu'en 1999, en effet, la branche vieillesse affichait un excédent de 3,7 milliards de francs ;

- la branche famille bénéficie d'un solde positif de 7,9 milliards de francs en 2000 et d'une prévision d'excédent de 6,3 milliards de francs en 2001. Ce chiffre ne tient cependant pas compte du coût des mesures annoncées lors de la conférence sur la famille réunie le 11 juin 2001 et notamment de la création d'un « congé de paternité » qui devrait cependant être financé par les excédents de la branche famille.

Le rapporteur pour avis a précisé que, du côté des recettes, les prélèvements obligatoires en faveur des régimes sociaux constituaient la première source de prélèvements avec 21,4 % du PIB en 2000, en augmentation de 6,7 % par rapport à 1999. La tendance à la hausse continue des prélèvements sociaux depuis 1997 se poursuit donc. Ils seront ainsi passés en quatre ans de 20,5 % à 21,4 % du PIB, soit une augmentation « record » de près de 1 point de PIB. Cette année encore, la volonté du gouvernement de diminuer les prélèvements obligatoires ne s'appliquera pas aux prélèvements sociaux, révélant l'absence de réelle maîtrise des finances sociales, appelées le plus souvent à jouer le rôle de béquille pour le « canard boiteux » des finances publiques qu'est l'Etat.

M. Jacques Oudin a souligné à quel point le financement de la plupart des mesures sociales décidées par le gouvernement était incertain et devait souvent faire intervenir la sécurité sociale pour en assurer la pérennité. Il a notamment cité le cas du financement des 35 heures. La ministre de l'emploi et de la solidarité l'a confirmé jeudi dernier : l'excédent du régime général de la sécurité sociale devra, en partie, contribuer à financer le surcoût des 35 heures estimé par la commission des comptes de la sécurité sociale à 12,5 milliards de francs en 2000. Il a également évoqué l'allocation personnalisée d'autonomie : outre que ses modalités de financement constituent une entorse aux droits de contrôle du Parlement sur les prélèvements sociaux, le détournement au profit du fonds de financement de l'APA d'une partie de la CSG affectée au fonds de solidarité vieillesse (FSV) prive le fonds de réserve des retraites de ces « excédents » du FSV, pourtant censés en constituer la première source d'alimentation. Il a pourtant rappelé que, afin de financer les 35 heures, le gouvernement avait déjà supprimé l'affectation des droits sur les alcools au FSV (11,5 milliards de francs en 2001) et diminué une première fois la fraction de la CSG affectée à ce dernier (7,5 milliards de francs en 2001). Les recettes de ce fonds sont ainsi amputées annuellement de plus de 24 milliards de francs. Le risque est que les perspectives de financement de l'APA au-delà de 2003 rendent les régimes de retraite et le FSV premiers contributeurs du financement de l'allocation.

Dans la continuité de l'inquiétude qu'il avait exprimée l'an passé à l'occasion du débat d'orientation budgétaire, le rapporteur pour avis a dénoncé la non-anticipation par le gouvernement du choc financier des retraites. Alors que le conseil d'orientation des retraites, créé en juin 2000, a récemment rendu publiques ses premières projections, le gouvernement ne semble pas prendre conscience de l'effort financier qu'il reste à accomplir pour assurer l'équilibre du régime des retraites même dans un contexte conjoncturel favorable. Au contraire, il ponctionne un hypothétique fonds de réserve des retraites (FRR), ce dernier n'ayant en effet toujours pas d'existence réelle. Il a rappelé que le FRR devait être doté de 1.000 milliards de francs d'ici à 2020, selon le plan annoncé par le Premier ministre en mars 2000, ce qui suppose des recettes annuelles moyennes de l'ordre de 30 à 35 milliards de francs. Or, pour l'année 2000, le FRR accuse déjà un retard de 15 milliards de francs, avec seulement 20 milliards de francs accumulés. En 2001, ce retard va s'aggraver puisqu'au lieu des 55 milliards de francs prévus dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le FRR ne devrait bénéficier que d'une dotation de 40 milliards de francs.

M. Jacques Oudin a ensuite exprimé son inquiétude devant le déficit persistant du régime d'assurance maladie expliquant que le dépassement de l'ONDAM (17 milliards de francs) portait entièrement sur les soins de ville, en grande partie par la très forte croissance des remboursements de médicaments (+ 11,1 % pour la CNAM).

Il a précisé que l'hypothèse retenue par la commission des comptes de la sécurité sociale dans le compte pour 2001 consistait en un dépassement de l'ONDAM de 9 milliards de francs, correspondant à une augmentation de 3,9 % par rapport aux dépenses de l'année 2000, ce qui supposait malgré tout un ralentissement sensible. Cette hypothèse a paru difficile à tenir à M. Jacques Oudin compte tenu des niveaux déjà atteints par la consommation médicale en début d'année. Il a conclu que les dépenses maladie continuaient leur inexorable augmentation, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) voté chaque année par le Parlement perdant désormais toute signification. Il a ajouté que le « plan médicament » mis en place par la ministre de l'emploi et de la solidarité, devant aboutir à des économies en année pleine de 4 à 5 milliards de francs, intervenait bien tardivement. Il aurait surtout dû s'accompagner, selon lui, d'autres réformes d'envergure toujours repoussées : la restructuration hospitalière et la résorption des inégalités régionales, le désengorgement des caisses de sécurité sociale, l'évaluation médicale ou encore la place donnée à la prévention et à la santé publique.

M. Alain Lambert, président , s'est souvenu que le Gouvernement avait souvent laissé entendre qu'il « décidait » de la croissance et a estimé que, dans ces conditions, celui-ci pourrait sûrement éviter le ralentissement qui se profile. Revenant sur l'accroissement de 1.000 milliards de francs de l'encours de dette négociable depuis 1997, il a considéré que la dérive des dépenses constatée depuis cette date serait financée par les générations futures. Il a jugé que, en matière de dette, le vote du Parlement sur la variation de celle-ci, proposé dans le cadre de la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, permettrait de responsabiliser la représentation nationale. Il s'est demandé si l'augmentation des dépenses publiques ne devrait pas être mesurée en valeur absolue plutôt qu'en pourcentage du produit intérieur brut.

M. Maurice Blin s'est interrogé sur les conséquences de la conjoncture allemande sur le taux de croissance de l'économie européenne. Il a jugé que l'Allemagne n'avait pas tiré profit de la reprise des dernières années en raison de choix de politique économique proches de ceux du gouvernement français, en particulier en matière de réduction du temps de travail. Il a évoqué l'investissement public en se demandant si sa réduction n'était pas liée à la nécessité de financer l'augmentation des dépenses de fonctionnement.

M. François Trucy a souhaité avoir une comparaison du ratio dette/PIB de la France avec celui des autres pays de l'Union européenne.

Mme Marie-Claude Beaudeau s'est déclarée en accord avec les objectifs du Gouvernement consistant à atteindre un taux de croissance de 3 %, à revenir au plein emploi et à réorienter le partage des fruits de la croissance au profit des salariés. Mais elle a constaté que la politique du Gouvernement, qui ne prend pas en compte la nécessité de soutenir la demande en revalorisant les salaires et le salaire minimum, aboutissait à un ralentissement de la baisse du chômage. Elle s'est déclarée opposée au pacte de stabilité européen, qu'elle n'a pas jugé compatible avec un projet social.

Mme Marie-Claude Beaudeau a également estimé que la norme de progression des dépenses publiques retenue par le gouvernement ne permettait pas de satisfaire les besoins, notamment en matière de lutte contre les exclusions. Elle a rappelé que la croissance enregistrée depuis 1997 n'aurait pas été aussi bonne si le Gouvernement, dès son élection, n'avait pas choisi de soutenir la consommation des ménages plus modestes. Elle a observé que le programme de baisse des impôts et des dépenses sociales mis en oeuvre en Allemagne s'accompagnait d'une augmentation du taux de chômage. Elle a ajouté que la qualité des services publics français expliquait l'attractivité de notre territoire pour les investisseurs étrangers, et s'est déclarée opposée à une réduction des effectifs de la fonction publique.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a considéré que le rôle d'un gouvernement dans le soutien de la croissance était de créer les conditions, en particulier législatives et réglementaires, propices à l'activité économique. Il a observé que, en l'absence d'intervention gouvernementale depuis 1997, le taux de prélèvement obligatoire serait inférieur à son niveau d'aujourd'hui et que la dépense publique progresserait moins vite.

Le rapporteur général est convenu avec le Président Lambert que le précédent ministre de l'économie et des finances avait coutume de « s'attribuer » le niveau du taux de croissance. Il s'est demandé s'il s'attribuerait aussi volontiers son ralentissement actuel.

Il a relevé que l'Etat n'avait pas encore atteint le seuil permettant de faire reculer la part de la dette dans le PIB. S'agissant de la dette des administrations publiques, il a observé que la France restait dans une situation avantageuse par rapport à un grand nombre de ses partenaires, mais qu'elle était le pays qui réalisait le moins d'effort en matière de réduction de cette dette.

Le rapporteur général a estimé que l'investissement public, en matière d'infrastructures de transport en particulier, constituait un outil indispensable pour améliorer la compétitivité de l'économie nationale. Evoquant la conjoncture en Allemagne, il a mis en avant les difficultés posées par le processus d'unification de ce pays, qui ne constitue plus une source d'impulsion mais de lourdeur. Il a estimé que les baisses d'impôts décidées en Allemagne n'avaient pas encore produit leurs effets et a qualifié de contra-cyclique la politique fiscale du gouvernement allemand.

A l'issue de ce débat, la commission a donné acte au rapporteur général de sa communication et a décidé d'autoriser la publication de ses conclusions sous forme d'un rapport d'information.

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